Encéphalopathie hépatique : physiopathologie, diagnostic et prise en charge

POST'U 2025

Hépatologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la physiopathologie, les facteurs favorisants et savoir comment prévenir l’encéphalopathie hépatique
  • Savoir mener l’enquête diagnostique
  • Connaître les enjeux pronostiques
  • Connaître les options thérapeutiques et les modalités de surveillance

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Les 5 points forts

  1. Les signes fortement évocateurs d’encéphalopathie hépatique (EH) clinique (ralentissement psychomoteur, désorientation temporo-spatiale, astérixis et inversion du cycle nycthéméral) doivent être recherchés chez tous les patients atteints de cirrhose.
  2. Le dépistage de l’EH minime à l’aide du test de dénomination des animaux doit être systématique chez tous les patients atteints de cirrhose.
  3. Après élimination des diagnostics différentiels, le traitement de l’EH clinique comporte la gestion de tous les facteurs précipitants éventuels et la prescription de médicaments hypo-ammoniémiants.
  4. La prophylaxie primaire de l’EH repose sur la prévention des facteurs précipitants, la recherche et le traitement par lactulose de l’EH minime et l’administration systématique de lactulose après hémorragie digestive.
  5. Le lactulose est le traitement de première intention de la prévention secondaire de l’EH. Un traitement par rifaximine, en association ou seul en cas d’intolérance au lactulose, doit être proposé après 2 épisodes d’EH clinique.

Vidéo

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LIENS D’INTÉRÊT

Oratrice pour Gore, Abbvie

MOTS-CLÉS

Cirrhose ; ammoniaque ; facteurs précipitants

ABRÉVIATIONS

AFEF : association française pour L’étude du foie
CFF : Critical Flicker Frequency
EEG : électro-encéphalogramme
EH : encéphalopathie hépatique
EHM : encéphalopathie hépatique minime
IRM : imagerie par résonance magnétique
PHES : Psychometric Hepatic Encephalopathy Score
TIPS : transjugular intrahepatic portosystemic shunt
TH : transplantation hépatique

Introduction

Définition, épidémiologie, histoire naturelle et pronostic

L’encéphalopathie hépatique (EH) correspond à l’ensemble des troubles neurologiques ou neuropsychiatriques causés par une maladie du foie et/ou par des shunts porto-systémiques (1). La prévalence de l’EH clinique est d’environ 30 à 50 % chez les patients atteints de cirrhose, son incidence de 20 %. Dans sa forme infra clinique, appelée EH minime (EHM), la prévalence est beaucoup plus difficile à estimer, et semble assez dépendante de la fonction hépatique (2) : elle varie de moins de 25 % chez les patients ayant une cirrhose Child-Pugh A à plus de 50 % chez les patients ayant une cirrhose Child-Pugh C. Elle pourrait constituer le principal élément prédictif du développement ultérieur d’une EH clinique (3). Le recours de plus en plus important au TIPS (transjugular intrahepatic portosystemic shunt) dans la prise en charge de l’hémorragie digestive sur hypertension portale ou au cours de l’ascite pourrait être à l’origine d’une augmentation de la prévalence de l’EH (1, 4).

L’EH clinique est associée à un pronostic plus péjoratif que les autres modes de décompensations de la cirrhose : en effet, la survie à 1 an est de 42 % et à 3 ans de 23 % après un épisode d’EH (5). L’EHM, quant à elle, est associée à une altération de la qualité de vie, à un plus fort taux de chutes, d’accidents de la voie publique, etc. Elle est également associée à un plus fort risque de développement ultérieur d’EH clinique et une survie altérée (3). Ainsi, il semblerait logique de dépister l’EHM dans toute la population de patients atteints de cirrhose, afin de la traiter et diminuer la probabilité de développer ultérieurement une EH clinique.

Le diagnostic de l’EH, et à plus forte raison de l’EHM ne fait pas consensus. Les mécanismes physiopathologiques sont par ailleurs encore mal élucidés.

Des recommandations françaises et européennes ont été récemment publiées (1, 6). Dans cette mise au point, nous décrirons la physiopathologie de l’EH, les modalités diagnostiques, puis de prise en charge. Nous insisterons sur les diagnostics différentiels à évoquer, et dans quelles circonstances. Enfin, nous décrirons l’évolution connue à ce jour de l’EH après transplantation hépatique (TH), chez des patients qui sont candidats à une TH pour EH ou pour une autre raison (indication de TH avec EH).

Physiopathologie

La physiopathologie de l’EH est complexe et non élucidée à ce jour (figure 1). Il est admis que le métabolisme de l’ammoniaque joue un rôle central : il existe une altération de la détoxification hépatique de l’ammoniaque en raison d’un fonctionnement pathologique du cycle de l’urée. D’autre part, la détoxication de l’ammoniaque peut se faire en périphérie, grâce notamment à la glutamine synthétase musculaire. Celle-ci est déficiente en cas de sarcopénie, fréquente au cours de la cirrhose. L’ammoniaque s’accumule, et pourrait tenir un rôle neurotoxique direct au niveau cérébral ou encore jouer un rôle via la synthèse astrocytaire de la glutamine. D’autres facteurs ont été impliqués : il est admis, voire indispensable pour certains auteurs, que l’inflammation joue un rôle primordial dans la physiopathologie de l’EH (7, 8). En effet, l’EH ne serait déclenchée par une hyperammoniémie provoquée que de façon contemporaine à des phénomènes inflammatoires mais pas après leur résolution. Des altérations de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique liées à une déficience de certains transporteurs (9-11), une dysbiose, une accumulation d’autres substances ressemblant aux benzodiazépines, ont également été décrites.

Figure 1 : Physiopathologie de l’EH

D’après Rudler, Clinics in Liver Disease 2020 – La dysbiose du microbiote intestinal et l’augmentation de la production intestinale d’ammoniac par les entérocytes entraînent une hyperammoniémie, une augmentation des acides biliaires secondaires (1) et une augmentation des marqueurs inflammatoires (lipopolysaccharide, IL-6, TNF-alpha) dans la veine porte (a). L’insuffisance hépatique responsable d’une diminution de la fonction
du cycle de l’urée et la présence d’un shunt portosystémique aggraveront l’hyperammoniémie (2), l’inflammation systémique (avec une augmentation des taux d’IL-6, d’IL-17, de TNF-alpha et une diminution de l’expression de HLA-DR et T- lymphocytes) (b) mais aussi dans plusieurs autres substances qui ne peuvent plus être métabolisées par le foie. L’ammoniac peut être métabolisé dans les cellules musculaires en glutamine via la glutamine synthétase, mais a pour effet secondaire de diminuer les niveaux de BCAA. L’ammoniac et la plupart des marqueurs inflammatoires traversent la barrière hémato-encéphalique (3) et peuvent ainsi être métabolisés en glutamine via la glutamine synthétase dans le cytosol des astrocytes. Le pouvoir osmotique de la glutamine est compensé par l’extrusion d’autres composés osmotiques (myoinositol et taurine) en dehors des astrocytes. Alors que la présence d’une inflammation systémique est clairement établie dans l’EH, l’existence et le schéma de la neuro-inflammation sont moins bien compris (c). L’activation microgliale est incriminée, qui pourrait être associée à d’autres mécanismes physiopathologiques. Prises ensemble, l’augmentation des niveaux de glutamine associée à la neuro-inflammation entraîne à la fois une augmentation des tonus glutamatergiques et GABAergiques qui expliquent les symptômes neurologiques (4). Plusieurs substances s’accumulent dans le système nerveux central : acides aminés aromatiques, mercaptans, manganèse, composés de type benzodiazépine ou médicaments (3). Certains sont dus à une altération du métabolisme hépatique (mercaptans, manganèse) tandis que d’autres sont dus à un déséquilibre anormal du transport à travers la barrière hémato-encéphalique (acides aminés aromatiques) ou à une modulation de la pompe d’efflux des transporteurs ABC associée à une altération du métabolisme hépatique.

Dans le cas particulier de la pose d’un TIPS, la physiopathologie de l’EH est encore moins claire, car moins étudiée. Le shunt crée une hyperammoniémie en raison du court-circuit du cycle de l’urée. Les phénomènes ischémiques du shunt y participent également ; enfin, des modifications de l’activité de la glutaminase dans le cerveau, l’intestin et le rein de rats après shunt porto cave chirurgical ont été décrites (12).

Diagnostic de l’encéphalopathie hépatique

L’EH peut se présenter sous une forme clinique, chez des patients qui vont présenter un examen clinique anormal. Elle peut également se présenter sous forme infraclinique, au cours de laquelle il n’existe pas d’anomalie de l’examen clinique standard. Cette forme s’appelle l’EH minime (EHM) et ne peut être détectée qu’à l’aide de tests neurocognitifs. L’EH ayant un pronostic défavorable, il convient de la rechercher de façon systématique chez tous les patients atteints de cirrhose. Les recommandations françaises préconisent également de dépister l’EHM chez tous les patients (6).

Classifications de l’EH

Plusieurs classifications de l’EH existent. La première fait référence à la physiopathologie : l’EH de type A correspond à l’EH qui survient au cours des hépatites aiguës ; l’EH de type B à celle qui survient chez des patients porteurs de shunts porto-systémiques ; l’EH de type C à celle qui survient au cours de la cirrhose. On ne traitera que de l’EH de type C au cours de cette mise au point. La principale classification clinique est celle de West Haven. Elle permet de distinguer 5 grades, de 0 à 4. Les grades 0 et 1 correspondent à l’absence d’EH clinique, l’EH clinique des grades 2 à 4. Le grade 0 correspond à l’absence d’EH, le grade 1 à l’EHM. Enfin, en fonction de l’évolution de l’EH dans le temps, on distingue l’EH épisodique, au cours de laquelle un épisode résolutif est survenu, l’EH récidivante, définie par au moins 3 épisodes en 6 mois, et l’EH persistante, au cours de laquelle il n’y a pas de résolution complète des symptômes. Les différentes classifications sont résumées dans la figure 2.

Diagnostic clinique de l’EH clinique

La présentation de l’EH clinique est extrêmement variable. Les symptômes les plus fréquents sont l’asterixis, le ralentissement psychomoteur, et la confusion, qui ne sont pas pathognomoniques de l’EH clinique. En effet, ces signes peuvent survenir au cours d’autres encéphalopathies d’origine métabolique (insuffisance rénale avec hyperurémie, hypercapnie, encéphalopathie septique, médicamenteuse). D’autres symptômes, tels que la léthargie, le syndrome extra-pyramidal, les crises convulsives ou le coma sont rencontrés moins souvent (13). L’inversion du cycle nycthéméral peut être associée à d’autres signes d’EH clinique mais, isolée, ne doit pas être considérée comme telle ; on la retrouve dans l’EHM.

Les manifestations de l’EH varient au cours du temps, ce qui peut rendre le diagnostic difficile chez un patient donné. Le diagnostic est avant tout clinique, dans un contexte évocateur, c’est-à-dire chez un patient atteint de cirrhose. Pour autant, tout signe neurologique survenant chez un patient atteint de cirrhose ne doit pas être considéré comme une EH, et il faut savoir éliminer un certain nombre de diagnostics différentiels (cf. infra). De ce fait, des examens complémentaires peuvent aider au diagnostic : le dosage de l’ammoniémie, l’électro-encéphalogramme (EEG) et l’imagerie cérébrale (6).

Figure 2 : Classifications de l’EH (A : physiopathologique, B : échelle de West-Haven, C : Selon l’évolution)

D’après Thabut, FMC 2020

Diagnostic clinique de l’EH minime

L’EHM se définit par un examen clinique neurologique normal, bien que celui-ci ne soit pas standardisé, et la présence d’anomalies détectées uniquement aux tests neuropsychologiques. Bien qu’il n’existe pas de critères diagnostiques stricts, le bilan neuropsychologique reste l’examen de référence pour le diagnostic de l’EH minime. Au cours de l’EH de grade 1, on peut retrouver des anomalies discrètes, comme un ralentissement psychomoteur, une inversion du cycle nycthéméral, des difficultés à effectuer des calculs simples, ou bien des troubles comme de l’anxiété ou une euphorie. Les principales fonctions cognitives atteintes en cas d’EH minime sont l’attention, les fonctions exécutives – en particulier la flexibilité mentale et l’inhibition, les fonctions visuo-spatiales, la mémoire de travail et la vitesse de traitement de l’information. Ce profil particulier distingue ces malades de patients présentant d’autres troubles neurocognitifs, maladies neurodégénératives ou vasculaires. Une façon simple de dépister ces anomalies est d’interroger en premier lieu le patient ou son entourage, afin de détecter des difficultés éventuellement rencontrées par le patient dans sa vie de tous les jours : oublis, difficultés de concentration notamment dans la gestion des papiers, ou dans la lecture, etc.

En raison d’un accès difficile à un bilan neuropsychologique complet pour les patients ayant une maladie du foie, un ensemble de tests neuropsychologiques adaptés au profil particulier de l’EH minime a été proposé. Le score psychométrique d’encéphalopathie hépatique [Psychometric Hepatic Encephalopathy score (PHES)] est le plus répandu. Il évalue la vitesse psychomotrice et la coordination visuo-spatiale. Il rassemble 5 tests : le Digit Symbol Test, le Line Tracing Test, le Number Connexion Test (NCT)-A, le NCT-B, et le Serial Dotting test. Le PHES, validé en français, est de réalisation longue (30 à 45 minutes), ce qui en limite son utilisation en pratique courante. D’autres tests explorant les fonctions cognitives exécutives comme le Continuous Reaction Time (CRT), l’Inhibitory Control Test (ICT), le SCAN Test, et le test de Stroop peuvent également être utilisés. Parmi eux, le test de Stroop est probablement le plus prometteur car automatisable sur smartphone et tablette. De manière encore plus pragmatique, les recommandations françaises ont proposé d’utiliser le test d’énumération de noms d’animaux en raison de sa facilité de mise en œuvre et sa brièveté en pratique clinique courante (6). Il consiste à demander au patient de nommer le plus grand nombre possible d’animaux en une minute. Dans la publication princeps, un nombre inférieur à 20 permettrait de distinguer avec 78 % de spécificité et 64 % de sensibilité les patients ayant une EH minime (14). Le test n’est pas spécifique de l’EHM et doit être utilisé en dépistage. Une cohorte française, financée par la SNFGE, va bientôt colliger des données de patients ayant un test de dénomination des animaux pathologique.

Diagnostic paraclinique de l’EH

Comme cité précédemment, le diagnostic d’EH est avant tout clinique. Cependant, un certain nombre d’examens complémentaires peuvent aider au diagnostic : le dosage de l’ammoniémie, l’électro-encéphalogramme (EEG) et l’imagerie cérébrale (6). De façon simple, l’ammoniémie et l’EEG viennent étayer le diagnostic d’EH, et l’imagerie élimine des diagnostics différentiels.

Dosage de l’ammoniémie

Étant donné le rôle central de l’hyperammoniémie dans la physiopathologie de l’EH, toutes les recommandations préconisent de remettre le diagnostic d’EH en question lorsque l’ammoniémie est normale. À l’inverse, une hyperammoniémie peut être retrouvée sans qu’il y ait d’EH. Plus récemment, des études ont montré qu’il existait une valeur pronostique de l’ammoniémie chez des patients atteints de cirrhose et ce en l’absence d’EH (15). L’AFEF et l’EASL recommandent donc le dosage de l’ammoniémie en cas de suspicion d’EH, car sa normalité devrait remettre en question le diagnostic d’EH et faire évoquer des diagnostics différentiels (1, 6).

L’Électroencéphalogramme

L’EEG, au cours de l’EH, montre typiquement un tracé ralenti avec des ondes lentes triphasiques (1, 14, 15), mais qui n’est pas spécifique de l’EH et que l’on peut retrouver au cours d’autres encéphalopathie métaboliques (respiratoire, insuffisance rénale, infection, médicament). Ainsi, l’EEG permet d’étayer le diagnostic d’EH, et parfois d’éliminer des diagnostics différentiels tels que l’état de mal épileptique infra clinique (16).

L’imagerie cérébrale

Enfin, l’imagerie cérébrale en coupe, scanner ou au mieux IRM cérébrale, permet d’éliminer des diagnostics différentiels. En effet, la fréquence des hémorragies cérébrales est plus élevée chez des patients atteints de cirrhose que dans la population générale (17), diagnostic qui peut être posé facilement sur un scanner cérébral sans injection de produit de contraste. À l’IRM cérébrale, on peut retrouver des hypersignaux T1 des noyaux gris centraux, non spécifiques. Des techniques plus sophistiquées telles que la spectro-IRM permettent d’étayer le diagnostic d’EH : en effet, il existe, en relation avec l’hyperammoniémie périphérique, une élévation du pic glutamate glutamine, en faveur d’une EH (18). La spectroIRM n’est cependant pas recommandée en routine.

Diagnostic différentiel de l’EH clinique

De façon pragmatique, un diagnostic différentiel doit être évoqué lorsque la clinique n’est pas typique, lorsqu’il n’existe pas d’hyperammoniémie, et si l’EEG ne retrouve pas d’ondes lentes triphasiques. Le tableau 1 résume l’ensemble des diagnostics différentiels à évoquer dans de telles circonstances. On s’aidera des éléments suivants afin de préciser le diagnostic : anamnèse, examen clinique complet, biologie de routine (ionogramme, créatininémie, CRP, NFS, TP, calcémie, ammoniémie), EEG, imagerie cérébrale en coupes. La figure 3 propose une démarche diagnostique en cas de suspicion d’EH clinique.

Diagnostic différentiel de l’EH minime

Tableau 1 : Diagnostics différentiels de l’EH clinique

Diagnostic différentiel Circonstances Signes neurologiques et confirmation diagnostique Commentaires
EH clinique Épilepsie, état de mal Parfois lié à un sevrage en alcool ou à l’arrêt de certains médicaments, à des lésions cérébrales Crises convulsives

Parfois coma ; si non convulsivant, faire EEG

Causes métaboliques
Encéphalopathie médicamenteuse Traitement par plusieurs médicaments

Infection par le VIH

Dosage du médicament dans le sang Possible même en l’absence de médicament neuro toxique
Autres causes métaboliques (urémique ou hypercapnique ou septique hypo- ou hypernatrémie) Insuffisance respiratoire, rénale, infection, deshydratation Tests biologiques (urée, gaz du sang, syndrome inflammatoire biologique),

Même tracé à l’EEG que l’EH (ondes lentes triphasiques)

Sevrage en alcool Parfois lié à une hospitalisation Contexte clinique

Tremblements, sueurs, hallucinations, crises convulsives

Traitement par benzodiazépines
Sevrage en benzodiazépines Parfois lié à une hospitalisation Contexte clinique Crises convulsives Toxiques urinaires utiles
Encéphalopathie carentielle (Gayet- Wernicke-Korsakoff, déficit en acide folique, en vitamine B12 ou PP) Dénutrition sévère, consommation d’alcool, maladie auto-immune, maladie hématologique ou chirurgie bariatrique, hyperémésis gravidarum Anomalie oculomotrices, nystagmus, amnésie, fausses reconnaissances, delirium, fièvre, paresthésies

Dosage vitamines Ammoniémie normale

Aggravation progressive le plus souvent, mais début aigu possible
Myélinolyse centro ou extra pontine Fluctuations rapides de la natrémie Tétraparésie et/ou paralysie faciale

Hypersignal FLAIR à l’IRM cérébrale (pontine ou extra-pontine, le cas échéant)

Lésions cérébrales focales
Hématome sous dural ou extra dural Chute avec traumatisme crânien Hyperdensité à la TDM cérébrale sans IV
Thrombophlébite cérébrale Thrombophilie Obstruction d’une veine cérébrale au scanner cérébral avec IV ou à l’IRM
Accident vasculaire ischémique ou hémorragique Facteurs de risque cardiovasculaires, IRM cérébrale
Divers
Leuco-encéphalopathie réversible postérieure Immunosuppression, HTA, insuffisance rénale Delirium, céphalées, crises convulsives, cécité corticale

Œdème de la substance blanche (localisation occipitale postérieure et lobes pariétaux) à l’iRM cérébrale

Encéphalite auto-immune ou paranéoplasique Contexte clinique néoplasique ou auto immun Delirium, crises convulsives, dyskinésies de la face et de la bouche

Méningite lymphocytaire

Auto- anticorps spécifiques (anti-NMDA-R, anti-LGI-1, anti-Caspr-2, anti-Hu)

Anomalies innées du métabolisme de l’urée Contexte familial Ammoniémie très élevée Chromatographie des acides aminés

Dosage des acides organiques urinaires ???

Ammoniémie très élevée

Discordances avec des anomalies frustres du bilan hépatique

De nombreuses pathologies peuvent mimer une EHM, en particulier des troubles psychiatriques (dépression, anxiété), des effets indésirables des médicaments (inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), médicaments sédatifs), des pathologies neurodégénératives d’origine vasculaire ou non. Un diagnostic différentiel de l’EHM doit être évoqué devant les éléments suivants : un trouble important de l’orientation temporo spatiale, des difficultés praxiques, une évolution progressive vers l’aggravation. Dans de telles circonstances, un bilan neuropsychologique complet doit être réalisé, ainsi qu’un examen neurologique et des examens complémentaires. Le tableau 2 résume l’ensemble des diagnostics différentiels de l’EHM. Il est important de souligner qu’il n’existe pas de gold standard pour le diagnostic d’EHM. Une méthodologie a été récemment publiée par notre groupe, mettant en exergue qu’une évaluation multimodale grâce à un examen clinique par un neurologue et un hépatologue, un bilan neuropsychologique complet, une biologie standard, un EEG et une IRM cérébrale avec spectro-IRM permettent probablement de mieux poser le diagnostic d’EHM, mais également de chercher d’autres diagnostics de troubles neuro cognitifs, seuls ou associés à l’EHM. Ainsi, dans ce travail, le diagnostic d’EHM est retenu dans 75 % des cas, alors qu’un autre diagnostic est évoqué dans 78 % des cas (19). En outre, le diagnostic d’EHM posé par un comité d’adjudication permettait de prédire la survenue d’événements hépatiques mieux que le PHES. Bien entendu, il est difficile d’imaginer que cette méthodologie soit systématiquement exportée, mais la validité du modèle semble solide et pourrait être reproduite.

Figure 3 : Démarche diagnostique en cas de suspicion d’EH clinique

EH, encéphalopathie hépatique ; EEG, électroencéphalogramme ; TDM : tomodensitométrie ; IRM, imagerie par résonance magnétique.

Une démarche diagnostique en cas de suspicion d’EHM est proposée figure 4. En cas de suspicion d’EHM, un traitement d’épreuve de l’EHM par lactulose peut aussi être proposé : une amélioration de la plainte neuro cognitive ou des anomalies détectées sur les tests serait un argument fort en faveur de l’EHM.

Prise en charge de l’EH clinique

La prise en charge de l’EH clinique repose sur les principes suivants : 1) l’exclusion d’un diagnostic différentiel (cf. supra), 2) l’évaluation de la sévérité de l’EH selon la classification de West-Haven, afin de déterminer si le patient doit être hospitalisé, et, le cas échéant, dans quel type de structure, 3) la recherche systématique de facteurs précipitants et leur traitement, 4) un traitement empirique par hypoammoniémiant, et 5) la prévention de la récidive. Elle est résumée dans la figure 5.

Recherche systématique et traitement de tous les facteurs précipitants

Différents facteurs précipitants sont reconnus : l’hémorragie digestive, l’infection, l’insuffisance rénale, les troubles ioniques, la constipation, et l’utilisation de médicaments sédatifs. Il est important de noter que plusieurs facteurs précipitants peuvent coexister chez un même patient, et que la coexistence de plusieurs facteurs est associée à un pronostic plus sombre (20).

Hémorragie digestive

L’EH est fréquemment provoquée par une hémorragie digestive, probablement par le biais d’une translocation bactérienne accrue. Elle est de mauvais pronostic (21).

Infection

Les patients atteints de cirrhose sont plus susceptibles que la population générale de développer des infections. Pour certains auteurs, l’inflammation systémique est même indispensable au développement de l’EH (7, 8). La prévention des infections fait partie intégrante de la prévention de l’EH, sa recherche systématique et son traitement de la prise en charge thérapeutique.

Hyponatrémie

L’hyponatrémie< 130 mol/L est associée à un surrisque d’EH (22), et il existe par ailleurs une corrélation entre la sévérité de l’hyponatrémie et de l’EH. Même si les recommandations de EASL pour la prise en charge de l’ascite préconisent d’arrêter les diurétiques si la natrémie est< 125 mmol/L, d’un point de vue neurologique, il semble raisonnable de recommander de maintenir une natrémie> 130 mmol/L chez tous les patients atteints de cirrhose.

Constipation

Les patients atteints de cirrhose souffrent souvent de constipation, en raison de la présence d’ascite, de l’alitement prolongée et d’une dysautonomie. L’EH au cours de la constipation est probablement liée à une pullulation bactérienne augmentée. Il est à noter que la constipation comme facteur précipitant de l’EH est très fréquente dans les études menées en Asie, et qu’elle est rare dans les études menées en Europe ou aux États-Unis. Une définition de la constipation n’est en effet pas consensuelle dans ces différents travaux.

Tableau 2 : Diagnostics différentiels de l’EHM

Diagnostic différentiel Circonstances Signes cliniques Examens paracliniques
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Troubles neurocognitifs

 

Encéphalopathie carencielle (Gayet- Wernicke, Syndrome de Korsakoff, carence en vitamines B9, B12 ou PP)

Dénutrition Alcool

Chirurgie bariatrique Hémopathie

Pathologie auto-immune Hyperémésis

Absence de fluctuation des troubles

Anomalies oculomotrices Nystagmus

Fausses reconnaissances Paresthésies

 

 

Ammoniémie normale

Dosages vitaminiques spécifiques

 

Démence vasculaire

Âge

Cirrhose dysmétabolique

Ammoniémie normale

Leucopathie vasculaire (IRM)

 

Démence liée à l’alcool

 

Terrain d’alcoolisme chronique

 

Absence de fluctuation des troubles

Ammoniémie normale

Atrophie cérébrale (cérébelleuse) à l’imagerie

Maladie neurodégénérative (maladie d’Alzheimer ou démence fronto- temporale)  

 

Antécédents familiaux

 

 

Aggravation progressive

Ammoniémie normale

Biomarqueurs (ponction lombaire)

Atrophie cérébrale (hippocampe) à l’imagerie

Endocrinopathie (Hashimoto, Addison) (rare)  

Thyroïdite

Terrain auto-immun

Réponse rapide aux corticoïdes en cas d’encéphalopathie de Hashimoto Ammoniémie normale

Dosage endocrinologique (TSH, T4, cortisol)

Troubles psychiatriques Dépression Terrain Diagnostic d’élimination Ammoniémie normale
 

 

 

Toxiques

 

Iatrogène (opiacés, benzodiazépines)

 

Ordonnances antérieures

Ammoniémie normale

Dosages toxiques sanguins et urinaires

 

Alcool

Consommation d’alcool connue

Contexte de sevrage

Zoopsies Hypertension artérielle Sueurs  

Ammoniémie normale

Syndrome d’apnée

du sommeil et autres troubles du sommeil

 

Obésité

Syndrome métabolique

Céphalées

Siestes durant la journée Hypercapnie

 

Ammoniémie normale

Polysomnographie

Médicaments

Plusieurs études rétrospectives ont suggéré un lien entre l’utilisation des IPP et l’EH (23). Les IPP provoquent des altérations du microbiote intestinal. L’élimination de la barrière acide gastrique peut faciliter la dysbiose, conduisant à une prolifération bactérienne. Une autre hypothèse repose sur une interaction médicamenteuse avec la barrière hémato-encéphalique (24). Dans une série prospective récente portant sur plus de 300 patients, l’utilisation d’IPP a été associée à une EHM, une EH clinique et à une mortalité accrue chez les patients atteints de cirrhose (25). Il semble donc opportun d’évaluer régulièrement la balance bénéfice risque dans de telles situations. Les mêmes résultats sont observés avec l’utilisation de médicaments sédatifs tels que les benzodiazépines ; plusieurs études rétrospectives suggèrent un lien entre l’EH et les benzodiazépines (26), qui doivent être considérées comme des facteurs déclenchants. De tels médicaments ne devraient donc pas être prescrits aux patients atteints de cirrhose, sauf en cas de delirium tremens ou de crises convulsives, situations dans lesquelles l’efficacité des benzodiazépines a été clairement démontrée (27).

Traitement empirique par un hypoammoniémiant

Le lactulose et le lactitol sont des disaccharides non absorbables qui réduisent la production/absorption intestinale d’ammoniac par différents mécanismes (28) : 1) un effet laxatif, entraînant une diminution globale du temps de transit ; 2) une réduction du pH intraluminal, conduisant à une formation accrue de NH4+ à partir de NH3, le NH4+ n’étant pas absorbé ; et 3) une diminution des bactéries produisant de l’ammoniac. Leur utilisation est ancienne, et sûre. Cependant, le principal frein à leur utilisation reste une tolérance moyenne en raison de la survenue de diarrhée et de flatulences qui limitent souvent une bonne compliance.

Une méta-analyse incluant 31 essais contrôlés randomisés (ECR) (29) a montré que le lactulose améliorait la résolution des épisodes d’EH (RR=0,62, IC à 95 % : 0,39-0,99), ainsi que la survie (RR=0,49, 95 % IC : 0,23-1,05) par rapport au placebo/absence d’intervention.

Le polyéthylène glycol (PEG) est un laxatif osmotique qui augmente l’excrétion d’ammoniac. Le PEG a été étudié dans 2 ECR seul (30) ou en association avec le lactulose (31). Le PEG était associé à une amélioration de l’EH à 24 heures, à une résolution plus rapide ou à une plus grande amélioration de l’EH par rapport au placebo à 24 heures, et à une durée d’hospitalisation plus courte par rapport au lactulose seul. Néanmoins, ces ECR ont été menés sur une petite série de patients avec un suivi court.

Figure 4 : Démarche diagnostique en cas de suspicion d’EH minime

EHM, encéphalopathie hépatique minime ; PHES, psychometric hepatic encephalopathy score ; CFF, EEG, électroencéphalogramme, IRM, imagerie par résonance magnétique.

 

Figure 5 : Prise en charge thérapeutique de l’EH clinique

EHM, encéphalopathie hépatique ; USI, unité de soins intensifs ; IPP, inhibiteurs de la pompe à protons.

 

Rifaximine

La rifaximine est un antibiotique à large spectre, non absorbable, qui réduirait la production d’ammoniac en éliminant les bactéries du côlon productrices d’ammoniac. Dans une méta-analyse récente (32) comparant la rifaximine et un placebo ou le lactulose, la rifaximine améliorait la probabilité de résolution de l’EH (RR=1,34, IC à 95 % : 1,11-1,62) et la survie (RR= 0,64, IC à 95 % : 0,43-0,94). Il convient de noter que cette méta-analyse incluait des études publiées il y a plus de 15 ans portant sur moins de 65 patients. Il n’est donc pas indiqué actuellement de traiter un épisode d’EH clinique avec la rifaximine seule. Plus récemment, un ECR (33) a démontré l’efficacité de la rifaximine en association avec le lactulose par rapport au lactulose seul dans les EH de grades 2 à 4. La combinaison a montré une probabilité plus élevée d’atteindre la résolution de l’EH, une durée d’hospitalisation plus courte et une amélioration de la survie par rapport au lactulose seul. Cependant, l’utilisation de la rifaximine dans le traitement de l’EH doit être confirmée.

Flumazénil

Le flumazénil est un antagoniste spécifique des récepteurs GABA. Son efficacité a été suggérée dans plusieurs ECR et 2 méta-analyses (34, 35). Il existe dans la physiopathologie de l’EH une sécrétion de substances qui ressemblent aux benzodiazépines, ce qui explique l’efficacité du flumazénil. Dans la première méta-analyse, le flumazénil était associé à une amélioration significative de l’EH et des anomalies électroencéphalographiques, et dans la seconde méta-analyse, le flumazénil améliorait significativement la résolution de l’EH sans amélioration de la survie.

Les épurateurs de l’ammoniaque

Les épurateurs de l’ammoniaque comprennent le benzoate de sodium, le phénylbutyrate de sodium, le phénylbutyrate de glycérol et le phénylacétate d’ornithine, et sont indiqués dans les déficits enzymatiques du cycle de l’urée. Les données préliminaires suggèrent qu’ils pourraient être efficaces dans l’EH (36) ; le phénylbutyrate de sodium s’est avéré efficace chez les patients atteints d’EH hospitalisés en soins intensifs en termes d’amélioration clinique et de réduction de l’ammoniémie (36). L’ornithine phénylacétate stimule l’activité de la glutamine synthétase dans les organes périphériques. Un ECR de phase IIb a comparé l’ornithine phénylacétate à un placebo dans l’EH et a suggéré une amélioration clinique chez les patients atteints d’hyperammoniémie, bien que le critère d’évaluation principal concernant tous les patients n’ait pas été atteint (37). Une étude de phase III sera menée prochainement chez des patients présentant une hyperammoniémie.

Prévention de la récidive d’EH clinique (prévention secondaire)

La prévention de l’EH clinique repose sur les disaccharides non absorbables en première intention, le lactulose ou le lactitol, recommandé par toutes les sociétés savantes (1, 6). En effet, 2 essais ont montré que le lactulose diminuait significativement le risque de récidive de l’EH (HR=0.44, IC 95% [0.31-0.64]) (38, 39).

La rifaximine fait également partie de l’arsenal thérapeutique : un essai incluant 299 patients, contrôlé vs. placebo, a en effet montré, chez des patients ayant déjà présenté 2 épisodes d’EH clinique résolutifs, que la rifaximine diminuait significativement (plus de 50 %) le risque de 3e récidive. Dans ce travail, 90 % des patients étaient sous lactulose. Il est donc recommandé de prescrire la rifaximine en prophylaxie chez des patients ayant déjà présenté 2 épisodes d’EH, en association avec le lactulose, ou seule en cas d’intolérance (40).

Prévention primaire de l’EH clinique

La prévention primaire de l’EH repose sur la prévention de facteurs de risque. Ainsi, le dépistage de l’EHM et son traitement font partie intégrante de la prévention de l’EH. De plus, il convient d’éviter de prescrire chez ces patients des médicaments associés à un plus fort risque d’EH (IPP, benzodiazépines). Enfin, une prophylaxie primaire systématique doit être mise en place au cours de l’hémorragie digestive : en effet, dans cette situation clinique, le lactulose permet de diminuer la probabilité de développer une EH. Ces éléments sont résumés figure 3.

Traitement de l’EHM

Le traitement de l’EHM doit être systématique car il permet de diminuer l’incidence de l’EH clinique. Les disaccharides non absorbables doivent être utilisés en première intention, dont l’efficacité a été montrée dans 3 méta-analyses : ils améliorent les fonctions cognitives par rapport au placebo (41-43). L’intérêt de la rifaximine a été évaluée dans différents essais randomisés : elle améliore la conduite automobile, la qualité de vie et les performances cognitives par rapport au placebo, avec une bonne tolérance (44). L’AMM de la rifaximine n’a pas été obtenue dans cette indication, mais il semble raisonnable de proposer ce traitement en l’absence d’alternative thérapeutique.

Autres traitements de l’EH

Dans la prise en charge non médicamenteuses de l’EH, on peut citer 2 éléments simples à mettre en œuvre : la lutte contre la sarcopénie, et l’éducation thérapeutique. En effet, la sarcopénie est fréquente chez les patients atteints de cirrhose et de nombreux travaux montrent que ces patients sont plus à risque de développer une EH. Cela tient au fait qu’une partie de la détoxification de l’ammoniaque est faite par de la glutamine synthétase musculaire, dont le fonctionnement est altéré en cas de sarcopénie. À l’heure actuelle, aucun travail n’a mis en évidence le fait que la correction de la sarcopénie permettait de d’améliorer une EH ou de diminuer le risque de récidive. Ainsi, au cours de l’EH, les recommandations nutritionnelles sont les mêmes que celles qui sont émises au cours de la cirrhose (45) : apports journaliers de 35-40 kcal/kg/jour et 1,2 à 1,5 g/kg/jour de protéines, associés à une activité physique.

Concernant l’éducation thérapeutique, aucun travail n’a fait la preuve de son efficacité à ce jour, mais il semble logique de proposer ce genre de programme à des patients ayant une pathologie lourde, et ce, en présence de l’aidant accompagnant.

Situations particulières

EH et TIPS

L’incidence de l’EH après pose de TIPS peut varier entre 35 et 50 %, et dépend de l’indication du TIPS. Elle est plus élevée après TIPS de sauvetage ou TIPS pré-emptif.

En situation élective (TIPS pour ascite ou en prophylaxie secondaire de l’hémorragie digestive)

Des outils permettant de pronostiquer la survenue de l’EH manquent encore, même si des facteurs de risque d’EH après TIPS électifs ont été bien décrits : un âge élevé, une insuffisance hépatique avancée, l’antécédent d’EH, l’EHM, la sarcopénie, l’hyponatrémie, l’insuffisance rénale, et le gradient de pression bas après pose de TIPS sont significativement associés à un plus fort risque d’EH après TIPS. Par ailleurs, dans toutes les séries publiées, l’EH au moment de la pose du TIPS était considérée comme une contre-indication absolue. L’EH clinique doit donc être recherchée le jour de la pose d’un TIPS, et pour l’annuler le cas échéant.

De façon plus générale, le TIPS améliore la survie et la survenue d’une décompensation ultérieure, et de fait, la balance bénéfice/risque mérite d’être étudiée au cas par cas, en fonction des différents facteurs de risque d’EH après TIPS. Le mieux est probablement de mettre en place une réunion pluridisciplinaire, au cours de laquelle toutes les options thérapeutiques seront discutées (TIPS, TH, etc.) chez les candidats à la pose d’un TIPS.

La prophylaxie de l’EH avant TIPS est maintenant recommandée par toutes les sociétés savantes. En effet, un essai randomisé contrôlé incluant 174 patients a montré que le traitement par rifaximine, administré 15 jours avant la pose du TIPS et poursuivi 6 mois après permettait de diminuer de moitié la probabilité de développer une EH, par rapport au placebo (46).

En situation urgente : TIPS de sauvetage ou TIPS pré-emptif

Dans la situation clinique précise de l’hémorragie digestive nécessitant un traitement pas pose de TIPS, soit en situation de sauvetage ou pré-emptive, l’EH est souvent favorisée par l’hémorragie elle-même. Le risque d’EH, et en particulier les facteurs de risque d’EH après pose de TIPS urgent ont été beaucoup moins bien décrits qu’en situation élective. Pour un TIPS de sauvetage, il est classique de considérer que le TIPS est une urgence absolue et qu’il n’existe pas de contre-indication vis à vis du risque d’EH post TIPS. Dans la situation précise des patients à haut risque de récidive, il a été montré que l’EH était un facteur de mauvais pronostic et que la pose d’un TIPS préemptif améliorait le pronostic et n’augmentait pas le risque d’EH (47). Ainsi, en situation urgente, l’EH clinique ne doit jamais être considérée comme une contre-indication à la pose d’un TIPS.

EH et transplantation hépatique

Les enjeux de l’EH en cas de transplantation hépatique (TH) reposent sur plusieurs aspects, en ayant en tête que s’il est décidé de greffer un patient atteint d’EH, le postulat selon lequel l’EH régresse après TH est admis que la TH soit réalisée chez un patient avec EH ou que la raison de la TH soit une EH réfractaire.

Dans la perspective de la TH, il est primordial d’éliminer les diagnostics différentiels, en particulier un trouble neuro-dégénératif dont il est illusoire de penser qu’il régressera après la TH. Ceci est encore plus vrai lorsqu’il est décidé de greffer un patient pour la seule indication d’EH réfractaire. Dans ces situations, il est important de réaliser le bilan para clinique qui permettra d’éliminer les diagnostics différentiels évoqués dans cette mise au point.

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