Entéro-IRM et vidéo-capsule dans les MICI : tout savoir en 1h15 !
POST'U 2025
MICI
Objectifs pédagogiques
- Connaître leur place et leur complémentarité
- Connaître les modalités de préparation et de réalisation
- Connaître les critères de qualité attendus du compte-rendu
- Connaître les éléments essentiels d’interprétation : anatomie normale, lésions élémentaires de la maladie de Crohn grêlique
Les 5 points forts
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Les lésions du grêle dans la maladie de Crohn (MC) sont difficiles à diagnostiquer et à risque de complications sténosantes ou perforantes.
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L’entéro-IRM et la capsule sont deux examens performants pour détecter et évaluer les lésions sur le grêle.
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L’entéro-IRM et la capsule sont complémentaires et donnent des renseignements différents.
- L’entéro-IRM permet de visualiser les complications de la MC et l’extension en longueur de l’atteinte.
- La capsule permet de détecter les lésions muqueuses proximales et de définir des objectifs de cicatrisation muqueuse.
Vidéo
Lien d’intérêt
Arnaud BOURREILLE déclare avoir des liens d’intérêt avec AbbVie, AlorIS pharma, BMS, BioMadvanced, Celltrion, Ferring, Galapagos, Gilead, MSD, Mauna Kea Technologies, Medtronic, OSE Immunotherapeutics, Janssen, Pfizer, Roche, Takeda, Tillotts, Valneva, Vifor pharma
Mots-clés
Maladie de Crohn ; entéro-IRM ; vidéo-capsule endoscopique
Abréviations
VCE : vidéo-capsule endoscopique MC : maladie de Crohn
IRM : imagerie par raisonnance magnétique AINS : anti-inflammatoire non stéroïdiens PEG : poly-ethylène glycol
Introduction
La video-capsule endoscopique (VCE) est utilisée depuis de nombreuses années par les gastro-entérologues pour l’exploration de l’intestin grêle et plus récemment du côlon dans de nombreuses indications. Elle a l’avantage d’être non invasive, simple d’utilisation et acceptable par les patients. Elle permet la visualisation des lésions superficielles de la muqueuse intestinale et de ce fait, a une place privilégiée dans la prise en charge des patients atteints de maladie de Crohn (MC). Elle a démontré son utilité dans plusieurs situations (suspicion de MC, évaluation des objectifs de cicatrisation, prédiction de la rechute clinique, dépistage de la récidive post-opératoire) chez l’adulte et chez l’enfant.
Tout comme la VCE, l’entéro-IRM est une technique non invasive permettant d’examiner l’ensemble de l’intestin grêle, tout en évitant l’exposition aux rayonnements ionisants, contrairement au scanner. Cette méthode nécessite une préparation préalable afin de garantir une bonne distension de l’intestin grêle, essentielle pour une analyse optimale des parois digestives. Bien qu’elle ne permette pas d’évaluer les atteintes muqueuses superficielles, elle fournit des informations complémentaires à celles de la VCE, notamment sur les atteintes en profondeur de la paroi intestinale (transmurales) ainsi que sur les manifestations extra-pariétales.
Suspicion de maladie de Crohn
Il est recommandé de réaliser une VCE du grêle en cas de suspicion de MC non confirmée par une iléo-coloscopie (1).
L’alternative est de réaliser un examen radiologique en coupe, IRM ou tomodensitométrie avec entérographie (entéro-IRM ou entéro-Scanner) ; la VCE a un rendement diagnostique supérieur pour dépister les lésions du grêle proximal et un rendement identique à l’entéro-IRM pour détecter
les lésions plus distales. Le risque de rétention capsulaire dans cette indication ne justifie pas la réalisation d’un examen radiologique systématique préalable à la réalisation de la VCE (2). Le rendement diagnostique de la VCE dépend de l’existence ou non d’anomalie(s) biologique(s) évocatrices de pathologie organique (anémie, carence martiale, augmentation de la protéine C-réactive, de la calprotectine fécale). Il n’existe pas de description claire et validée permettant d’affirmer un diagnostic de certitude de MC en capsule endoscopique. On considère que la présence d’au moins trois ulcérations sur le grêle chez des patients ne consommant pas d’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), ayant des symptômes évocateurs et un terrain compatible est fortement évocatrice d’une MC (3).
En cas de symptômes cliniques obstructifs, l’imagerie en coupe (scanner, IRM) pourra être effectuée de préférence à la VCE.
Outre la recherche de sténoses, l’entéro-IRM peut révéler des anomalies évocatrices de la maladie de Crohn (atteintes inflammatoires segmentaires, des fistules ou des abcès). Toutefois, ces anomalies ne sont pas spécifiques et peuvent également être observées dans d’autres pathologies, notamment infectieuses ou tumorales. Leur interprétation doit donc être réalisée en étroite corrélation avec le contexte clinico-biologique, les résultats de la VCE et de l’endoscopie. Par ailleurs, un examen IRM normal n’exclut pas le diagnostic.
Suivi des patients
Les objectifs thérapeutiques ont été modifiés et incluent des objectifs cliniques, biologiques, et endoscopiques. Les objectifs n’incluent pas encore d’objectifs radiologiques de cicatrisation transmurale ou de cicatrisation histologique mais ces paramètres sont susceptibles d’être pris en compte dans un avenir proche.
La VCE n’est pas stricto sensu reconnue comme un outil endoscopique de surveillance rapprochée contrairement à l’ileo-coloscopie. Plusieurs études ont démontré que la persistance de lésions proximales muqueuses étaient un facteur indépendamment associé à un risque élevé de récidive de la maladie. Il a été également démontré qu’il était possible d’évaluer la réponse endoscopique en capsule chez les patients traités par biothérapie et d’évaluer avec précision la réponse ou la rémission endoscopique (4). L’ensemble de ces données confirment que la VCE est un outil performant pour évaluer l’atteinte du grêle, guider la stratégie thérapeutique et monitorer les objectifs de cicatrisation muqueuse chez les patients atteints de MC.
Plusieurs études suggèrent que l’obtention d’une cicatrisation transmurale visible en entéro-IRM a un impact supérieur à la cicatrisation endoscopique sur le court évolutif de la MC. Cependant, les critères définissant la cicatrisation transmurale en IRM ne sont pas formellement établis et varient selon les études. Ces critères incluent généralement une épaisseur de la paroi digestive inférieure ou égale à 3 mm, une amélioration globale des images, ou encore la normalisation de scores d’activité IRM tels que le score MaRIA (<7), le score MaRIA simplifié (≤1) ou le score de Clermont (<8,4) (5).
La cicatrisation transmurale évaluée par IRM est associée à un risque réduit de progression vers un phénotype sténosant ou pénétrant, ainsi qu’à une diminution des taux d’hospitalisation et de chirurgie à long terme. Par ailleurs, les patients présentant une cicatrisation simultanée IRM et endoscopique ont les taux les plus faibles de progression phénotypique (1,2 %), avec une différence statistiquement significative par rapport à la rémission radiologique isolée à l’IRM (10,9 %, p=0,019), la rémission endoscopique isolée (19,6 %, p≤0,001), et l’absence de rémission (46,3 %, p≤0,001) (6).
L’imagerie en coupe est recommandée en cas d’aggravation clinique, de signes d’obstruction ou de suspicion de complications. Dans le cadre de la maladie sténosante, l’IRM joue un rôle clé en évaluant la longueur et la sévérité des sténoses, ainsi que l’étendue de l’atteinte digestive, influençant ainsi les décisions thérapeutiques, qu’elles soient médicales ou chirurgicales. L’étude CREOLE, menée par le GETAID, a introduit un score basé sur des critères cliniques et morphologiques obtenus par IRM, permettant de prédire la réponse au traitement par anti-TNF. Les facteurs IRM associés à une réponse favorable incluent une sténose de moins de 12 cm, une dilatation modérée en amont, une prise de contraste marquée en phase retardée et l’absence de fistule (7).
De façon plus générale, l’IRM permet de rechercher des complications extra-pariétales et d’évaluer l’activité de la maladie à travers plusieurs
paramètres : épaississement pariétal (> 3 mm), prise de contraste pariétale augmentée, hypersignal pariétal en T2, hypersignal pariétal en diffusion, ulcérations profondes, hyperhémie du mésentère (signe du peigne) et infiltration de la graisse péri-digestive (8).
Plusieurs scores ont été construits à partir de ces paramètres. Le score le plus simple à utiliser est le MaRIA simplifié : MaRIAs= (1x épaisseur> 3 mm) + (1x œdème) + (1x infiltration graisseuse) + (2x ulcères). Il a été démontré qu’un score MaRIAs>1 identifie les segments présentant une maladie de Crohn active avec une sensibilité de 90 % et une spécificité de 81 %, tandis qu’un score >2 indique des lésions sévères avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 92 % (9).
Modalité de préparation et réalisation de la vidéo-capsule endoscopique
La vidéo-capsule est faite chez un patient à jeun n’ayant pas pris d’AINS depuis 1 mois. L’examen est contre-indiqué chez les femmes enceintes, en cas de dispositif d’électro-stimulation cardiaque, en cas de troubles de la déglutition et de gastro-parésie connue. Les modalités de préparation ne sont pas claires mais repose sur l’utilisation de PEG et de régime sans résidus. Les résultats d’une étude prospective randomisée multicentrique (soumission en cours, données personnelles) démontrent l’absence de bénéfice du PEG comparativement à de l’eau et la meilleure acceptabilité de l’eau. Une alimentation normale est autorisée 4 heures après l’ingestion de la capsule. L’examen est réalisé en ambulatoire et en fonction du dispositif, il peut être nécessaire de ramener à la fin de l’examen le boîtier d’enregistrement des images.
Le risque de rétention en cas de suspicion de MC chez l’adulte est de 2,35 % [IC95 : 1,31–4,19] significativement moins élevé que chez les patients adultes ayant une MC connue 4,63 % [IC95 : 3,42–6,25] et comparable au risque de rétention capsulaire chez les patients explorés pour une autre raison. Considérant que le risque de rétention capsulaire est faible, la réalisation d’examen systématique pour diminuer ce risque chez tous les patients est inutile et devrait être réservé à certains patients ayant des symptômes évocateurs de sténose, en cas de MC ancienne de phénotype sténosant ou d’antécédent(s) de résection intestinale.
Pour diminuer le risque d’impaction, il est possible de réaliser préalablement à la VCE un examen radiologique en coupe ou d’utiliser une capsule factice radio-opaque i.e. Patency Capsule™ se délitant au bout de quelques heures.
Le passage intact et indolore de la Patency capsule repéré par un cliché d’abdomen sans préparation entre 48 heures après son ingestion permet de faire la VCE en toute sécurité.
Les résultats des études comparant la Patency capsule et les techniques de radiologie en coupe (entéro-IRM ou scanner) sont discordants mais semblent indiquer une performance équivalente.
Modalités de préparation et de réalisation de l’entéro-IRM
Les contre-indications de l’entéro-IRM sont similaires à celles de tout examen IRM. Elles incluent notamment les patients porteurs de stimulateurs cardiaques ou défibrillateurs non compatibles, les implants cochléaires, les corps étrangers ferromagnétiques intraoculaires ou les anciens clips intra- crâniens.
L’entéro-IRM est réalisé chez un patient à jeun pour les aliments solides (l’eau étant autorisée) et nécessite une préparation digestive débutée une heure avant l’examen. Cette préparation vise à assurer une distension adéquate de l’intestin grêle et consiste en l’ingestion progressive, sur 45 minutes, de 1L d’une solution hyperosmolaire de type Mannitol dilué (2,5 %-5 %) ou du PEG. Une quantité supérieure à 1 litre n’a pas montré d’avantage qualitatif significatif. Les patients doivent être informés de possibles effets secondaires, tels que des douleurs abdominales ou une diarrhée après l’examen. Pour limiter le péristaltisme, un antispasmodique est administré (Glucagon ou Buscopan). L’examen dure entre 20 et
25 minutes.
L’IRM utilise des séquences rapides en apnée dans les plans coronal et axial, incluant :
◦ Séquences T2 ES ultra-rapides sans et avec saturation de la graisse,
◦ Séquences T2 EG TrueFISP,
◦ Séquences de diffusion,
◦ Séquences 3D T1 EG ultra-rapides avec saturation de la graisse, réalisées avant et après l’injection dynamique de gadolinium.
Résultats attendus de la capsule
La capsule permet de visualiser des lésions variées de la MC : érosions aphtoïdes, ulcérations superficielles ou profondes, circonférentielles ou non, œdème, érythème (10). Aucune de ces lésions n’est spécifique de la MC et ne permet à elles seules d’affirmer le diagnostic de MC. La présence d’au moins trois ulcères en l’absence de prise d’AINS et dans un contexte évocateur permet d’évoquer le diagnostic de MC. En théorie, aucune sténose infranchissable ne devrait être décrite en capsule. La localisation précise des lésions est difficile voire impossible. Par simplicité, le grêle est séparé en trois tiers : proximal, moyen et distal de durée égale entre la première image duodénale et la première image colique ou la dernière image du grêle. Certains logiciels segmentent le grêle en trois tiers de durées inégales sur des critères inconnus des lecteurs. La sévérité de l’atteinte peut être évaluée par des scores d’activité (Lewis, CECDAI) permettant une comparaison entre deux examens.
Pour l’instant, il n’est pas recommandé d’évaluer la propreté du grêle pour valider l’examen. En effet, aucune donnée n’est disponible sur l’impact de la propreté sur le rendement diagnostic de l’examen dans la MC.
Contrairement aux examens radiologiques, la VCE ne permet pas d’évaluer les complications de la MC ni de préciser l’extension en longueur de l’atteinte.
Résultats attendus de l’entéro-IRM
L’IRM doit préciser la présence ou l’absence des différents éléments liés à l’inflammation, ainsi que leur localisation et leur sévérité. Les sténoses doivent être décrites en détail, incluant leur nombre, leur longueur et l’importance de la rétrodilatation. Les complications pénétrantes, telles que les sinus, les fistules (avec identification des organes cibles), ainsi que la présence ou l’absence d’abcès, doivent être décrites. Enfin, l’évolution des lésions par rapport aux examens antérieurs doit être précisée, en indiquant clairement toute amélioration ou aggravation de l’atteinte.
Conclusion
La VCE et l’entéro-IRM sont des examens performants pour explorer l’intestin grêle des patients atteints de MC. Ces examens sont complémentaires et donnent des informations différentes : atteinte muqueuse proximale et plus grande sensibilité pour la VCE, atteinte transmurale et complications pour l’IRM, localisation et extension précise pour l’IRM, possibilité de guider les stratégies thérapeutiques pour les deux examens.
Le choix entre entéro-IRM et VCE dépend des compétences locales, de l’existence ou non de lésions proximales sur le grêle, du degré d’évolution de la maladie et du risque de sténose, de la stratégie thérapeutique médicale ou chirugicale et des objectifs thérapeutiques que l’on se fixe.
Références
1. Maaser C et al. European Crohn’s and Colitis Organisation [ECCO] and the European Society of Gastrointestinal and Abdominal Radiology [ESGAR]. ECCO-ESGAR Guideline for Diagnostic Assessment in IBD Part 1: Initial diagnosis, monitoring of known IBD, detection of complications. J Crohns Colitis 2019;13:144-164.
2. Cortegoso Valdivia P, et al. Indications, Detection, Completion and Retention Rates of Capsule Endoscopy in Two Decades of Use: A Systematic Review and Meta-Analysis. Diagnostics (Basel) 2022;12:1105. doi: 10.3390/diagnostics12051105.
3. Mow WS, et al. Initial experience with wireless capsule enteroscopy in the diagnosis and management of inflammatory bowel disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2004;2:31-40.
4. Hall B, et al. A prospective 52 week mucosal healing assessment of small bowel Crohn’s disease as detected by capsule endoscopy. J Crohns Colitis 2014;8:1601-9.
5. Geyl S, Guillo L, Laurent V, et al. Transmural healing as a therapeutic goal in Crohn’s disease: a systematic review. Lancet Gastroenterol
Hepatol. 2021;6(8):659-667).
6. Fernandes SR, Bernardo S, Saraiva, et al. The degree of bowel remission predicts phenotype progression in Crohn’s disease. United European Gastroenterol J. 2024 Sep;12(7):891-900.
7. Bouhnik Y, Carbonnel F, Laharie D, et al. 287 Efficacy of adalimumab in patients with Crohn’s disease and symptomatic small bowel stricture: a multicentre, prospective, observational cohort study (CREOLE) study. Gut. 2018 Jan;67(1):53-60..
8. Bruining DH, Zimmermann EM, Loftus EV Jr, et al. Society of Abdominal Radiology Crohn’s Disease-Focused Panel. Consensus Recommendations for Evaluation, Interpretation, and Utilization of Computed Tomography and Magnetic Resonance Enterography in Patients With Small Bowel Crohn’s Disease. Radiology. 2018 Mar;286(3):776-799.
9. Ordás I, Rimola J, Alfaro I, et al. Development and Validation of a Simplified Magnetic Resonance Index of Activity for Crohn’s Disease. Gastroenterology. 2019;157(2):432-439.
10. Leenhardt R, Buisson A, Bourreille A, Marteau P, Koulaouzidis A, Li C, et al. Nomenclature and semantic descriptions of ulcerative and inflammatory lesions seen in Crohn’s disease in small bowel capsule endoscopy: An international Delphi consensus statement. United European Gastroenterol J. 2020 Feb;8(1):99-107.
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