Innovation en hépatologie : thrombose portale chronique compliquée, pourquoi ne pas recanaliser ?

POST'U 2025

Innovation

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications de la recanalisation
  • Connaître l’évaluation pré-thérapeutique et les contre-indications
  • Connaître les modalités pratiques
  • Connaître les complications et la surveillance post-interventionnelle

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Les 5 points forts

  1. La recanalisation portale radiologique est une procédure complexe, nécessitant une expertise clinique et technique hautement spécialisée.
  2. La recanalisation portale est à réserver aux patients ayant une hypertension portale (HTP) symptomatique secondaire à une thrombose porte (TP) ou ayant une TP contre-indiquant un projet de transplantation hépatique (TH).
  3. La recanalisation portale doit être intégrée dans un projet global et être associée à une prise en charge médicale optimale (anticoagulants, traitement de la maladie sous-jacente).
  4. L’étude préliminaire par imagerie associant le scanner et l’échographie doppler est indispensable pour confirmer la faisabilité et choisir la voie d’abord.
  5. La recanalisation portale doit être complétée par la pose d’un TIPS dès qu’il existe une augmentation du gradient porto sus hépatique ou pour garder un accès au réseau splanchnique en cas de doute sur la pérennité du résultat en fin de procédure.

Vidéo

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Liens d’intérêt

Gore, BD : orateur, essais cliniques

Mots-clés

Thrombose porte chronique ; cavernome ; recanalisation

Abréviations

HTP : hypertension portale
TP : thrombose porte
MVPS : maladie veineuse porto sinusoïdale
TIPS : Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt

Introduction

Une thrombose porte (TP) est dite chronique quand elle est découverte soit à un stade où sont déjà présentes des collatérales (cavernome), soit quand on dispose d’une imagerie antérieure ou d’un événement clinique qui permette de la dater de plusieurs mois. Un délai de 6 mois est souvent requis pour parler de chronicité au décours d’une thrombose aiguë traitée par anticoagulant car il est illusoire d’espérer une reperméabilisation au-delà cette date (1).

La TP peut être observée dans 3 grands types de situations, parfois intriquées : 1) les cirrhoses, quelle qu’en soit l’étiologie, 2) des états thrombophiliques (syndrome myéloprolifératifs et anomalies de la coagulation), sans ou avec hépatopathie non cirrhotique comme les maladies veineuses porto sinusoïdales (MVPS) ou le syndrome de Budd-Chiarri, 3) secondaires à des causes locales, infectieuses (sepsis abdominal de tout type), inflammatoires (pancréatite), post-opératoires ou néoplasiques (1).

Même si la TP chronique non tumorale (les TP tumorales ne relevant pas d’une recanalisation ne seront pas abordées dans ce chapitre) peut être définie aisément par l’obstruction du tronc porte par un caillot cruorique, il en existe finalement d’assez nombreuses formes, souvent mélangées au sein des cohortes rapportées. Elles peuvent être partielles ou complètes, fixées ou avec une extension récente, avec ou sans cavernome, survenant sur foie sain ou sur foie d’hépatopathie chronique. Pour comparer ces TP, il existe plusieurs types de classifications, tantôt descriptives, tantôt plus fonctionnelles, proposées en fonctions du contexte thérapeutique. La classification de Yerdel (figure 1), plutôt utilisée par les chirurgiens transplanteurs hépatiques, tient compte du degré de thrombose et de son extension vers la veine mésentérique supérieure (2), alors que d’autres intègrent la nature de la maladie sous-jacente, cirrhotique ou non cirrhotique (classification de Sarin) (3), ou l’existence de collatérales qui complexifient les gestes de recanalisation (classification de Jamieson ou Charco) (4, 5). Enfin d’autres classifications sont dédiées aux thromboses sur foie non cirrhotique, se focalisant sur la raréfaction des voies portales intrahépatiques (6) (figure 2). Les TP chroniques sont de façon générale anatomiquement plus simples sur foie de cirrhose puisque partielles dans 70 % des cas (7), alors qu’en dehors de la cirrhose elles obstruent complètement le tronc porte et/ou ses branches dans plus de 80 % des cas (8). L’AASLD et Baveno VII ont recommandé d’utiliser la classification de Yerdel dans le cadre de la TH et celle de Marot pour la radiologie interventionnelle (9).

Figure 1 : Classification des thromboses portes chroniques selon Yerdel (2)

VMS : veine mésentérique supérieure

Figure 2 : Classification des thromboses portes chroniques non cirrhotiques selon Marot (6)

Ces TP peuvent être asymptomatiques, de découverte fortuite, ou se manifester par des signes d’hypertension portale (HTP) (saignements variqueux œsophagiens, gastriques ou ectopiques, biliopathie portale), ou d’hypersplénisme avec thrombopénie (1).

Modalités pratiques de la recanalisation portale

Il s’agit de procédures de radiologie interventionnelle souvent longues et complexes (2 heures en moyenne par voie transjugulaire exclusive + 1 à 2 heures si une autre voie d’abord est nécessaire). Il est donc important de se mettre dans des conditions techniques optimales réunissant une salle de radiologie interventionnelle moderne, une équipe expérimentée (anesthésiste, manipulateurs, radiologues ou hépatologues interventionnels), travaillant idéalement au sein d’un centre de transplantation. Dans les cas justifiant un abord mésentérique, la participation d’un chirurgien digestif est requise et la conformation de la salle de radiologie doit être compatible avec un abord chirurgical.

La procédure elle-même se déroule en 4 temps :

1) L’abord splanchnique, d’aval par voie transjugulaire ou transhépatique, ou d’amont par voie transsplénique ou transmésentérique.
L’abord transjugulaire est similaire à celui de tout TIPS (Transjgular Intrahepatic Portosystemic Shunt) avec ponction jugulaire sous écho, mise en place d’un introducteur jugulaire, cathétérisme sous scopie de la veine sus hépatique droite, ponction du parenchyme hépatique à l’aiguille de Colapinto proche de l’ostium cave en visant sous échographie le résidu de branche porte droite.
L’abord transhépatique se fait par ponction échoguidée d’un vaisseau porte en général dans les segments V ou VIII.
L’abord transsplénique se fait par ponction transpariétale directe échoguidée d’une veine splénique intraparenchymateuse, angiographie de l’axe spléno portal puis mise en place prudente d’un introducteur sur fil-guide (10).
L’abord transmésentérique se fait au cours d’une mini laparotomie qui permet de retrouver une veine iléale et d’y insérer un introducteur de 9 fr. afin d’amener un cathéter jusqu’au pied de la thrombose mésentérique.

2) Le franchissement de la thrombose, en ayant l’obsession de retrouver un trajet au sein du vestige porte et non pas dans des collatérales. Cette
phase fait appel à des sondes angulées, le plus souvent de type Cobra de 4 ou 5 fr, que l’on avance pas à pas au sein du vestige porte en alternant des sondages du trajet avec des guides souples de type Terumo® ou Advantage® et des injections de sérum hépariné et de produit de contraste. La sonde est donc avancée très progressivement et prudemment à travers la thrombose jusqu’à ce que l’on retrouve un flux de lavage, porte ou mésentérique selon le sens de la recanalisation.

3) La restauration d’un flux porte ou d’un diamètre porte satisfaisant (si possible supérieur à 5 ou 6 mm) avec des parois les plus parallèles possible et le moins possible de thrombi résiduels. Une dose de charge d’héparine est injectée par voie périphérique avant de réaliser des manœuvres de fragmentation du thrombus (en mobilisant une sonde angulée en tous sens au sein de la thrombose), d’écrasement (dilatation au ballonnet de 6 à 10 mm), et de thromboaspiration avec une gaine armée de 10 fr. Des machines de thromboaspiration mécanique et des thrombolyses chimiques sont utilisées à ce stade par quelques équipes (11).

Figure 3 : Exemple de recanalisation portale d’un cavernome par voie transmésentérique

a) Mise en place d’un introducteur dans une veine iléale par abord mésentérique ;
b) Opacification du réseau mésentérique depuis l’introducteur iléal qui permet de repérer le confluent splénomésaraïque ;
c) Sonde Cobra amenée en regard du confluent splénomésaraïque ;
d) Recanalisation du réseau porte jusqu’en intrahépatique ;
e) Dilatation au ballon de la branche portale droite ;
f) Ponction de la branche droite reperméabilisée depuis l’abord transjugulaire ;
g) Insertion d’un stent porte en amont du TIPS ;
h) Angiographie finale confirmant la reperméabilisation.

4) La pérennisation du flux, qui doit se faire par la mise en place d’un TIPS lorsqu’il existe un gradient porto-sus hépatique. Depuis l’abord jugulaire, l’aiguille à ponction visera soit le flux porte s’il est à nouveau identifiable en écho après recanalisation, soit directement le ballon sous scopie (12) ou une anse ouverte (13) dans la branche porte droite de façon à récupérer et positionner un fil guide depuis l’abord jugulaire jusqu’en amont de la sténose et placer ensuite correctement le TIPS. Si, sous l’effet de siphonage du TIPS, le flux porte semble satisfaisant, on acceptera de laisser en place quelques thrombi résiduels sans stenter le tronc porte, ou, si le stent est jugé indispensable, en essayant de préserver au moins 2 cm de tronc porte libre pour ne pas compliquer une anastomose porte ultérieure chez les candidats à la TH (10). À l’inverse, pour les TP de cause locale,
la mise en place d’un TIPS n’est pas indispensable en l’absence de gradient porto sus hépatique et la mise en place d’un stent porte est souvent préférable du fait des forces de compression extrinsèque (fibrose post-op ou néoplasie pancréatique) (6, 14).

Il est également parfois réalisé, selon le choix de l’opérateur, des gestes complémentaires d’occlusion variqueuse qui visent (de façon non démontrée) à réduire le risque hémorragique et améliorer le flux porte (14, 15). En fin de procédure, et en cas d’abord transhépatique ou transsplénique, un traitement hémostatique du point de ponction (particules de Gelfoam ou coïls) peut être justifié (13).

Un exemple de recanalisation portale par voie transmésentérique est présenté sur la figure 3.
Les résultats immédiats, c’est-à-dire les chances que le tronc porte soit à nouveau perméable en fin de procédure, dépendent surtout de la complexité anatomique de cette thrombose (en particulier de la présence d’un cavernome ou de la raréfaction du réseau porte intrahépatique). Ainsi, un succès technique est obtenu dans plus de 90 % des thromboses simples (16-19) et dans seulement 65-75 % des cavernomes (12, 17, 20-22). Dans les recanalisations pour TP non cirrhotiques, les échecs techniques sont clairement influencés par l’extension distale intra hépatique de la thrombose, correspondant au type 3 de Marot (6). Les TP par compression extrinsèque néoplasique sont reperméabilisées avec des taux de succès comparables aux TP simples mais sont exposées à une perte plus rapide de la perméabilité par progression tumorale (23). La perméabilité à distance dépend,
elle, surtout du terrain sous-jacent puisqu’elle est le plus souvent conservée jusqu’à la TH chez le patient cirrhotique (même si des recalibrages sont parfois nécessaires) (13), alors que chez le patient non cirrhotique, même après reprises, un peu plus de 20 % resteront définitivement thrombosés (6, 14, 15, 24). Une prise en charge optimale de la maladie sous-jacente, en particulier dans les syndromes myéloprolifératifs et dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, est probablement nécessaire pour tenter de réduire le risque de rethrombose (25, 26).

Indications de la recanalisation portale

Les techniques de recanalisation du tronc porte ne doivent être envisagées que chez des patients restants symptomatiques après traitement anticoagulant bien mené ou si une prise en charge chirurgicale indispensable s’avère contrindiquée du fait de la TP et/ou du cavernome. Cette dernière situation concerne essentiellement les patients nécessitant une transplantation hépatique (TH), impossible du fait d’une thrombose, et plus rarement ceux nécessitant une chirurgie abdominale sur le site d’un cavernome (27).

Dans le cas particulier des TP chez les candidats à la TH (la fréquence des TP étant corrélée à la sévérité de la cirrhose, cette condition est retrouvée chez environ ¼ des patients) (7), l’indication des recanalisations portales n’est pas standardisée car elle dépend des capacités de chaque équipe à réaliser d’un côté des anastomoses portes directes après thrombectomie chirurgicale et/ou reconstruction porte et de l’autre des recanalisations radiologiques interventionnelles.

Certaines équipes très spécialisées pratiquent des recanalisations radiologiques assez systématiques, en particulier dans les Yerdel II et III, c’est-à- dire sans obstruction distale de la veine mésentérique supérieure, avec ou sans cavernome, avec des taux de reperméabilisation supérieur à 90 % (13), permettant de façon quasi constante la réalisation d’une anastomose porte directe lors de la TH, sans re thrombose post-TH et ramenant une survie post-TH comparable à celle des patients transplantés sans TP (10). Cette attitude se heurte néanmoins à l’absence d’essai comparatif, à la technicité de ces procédures et aux limites que se fixent les chirurgiens pour réaliser une anastomose porte directe non préparée.

Chez les patients cirrhotiques symptomatiques (avec ou sans projet de TH), la recanalisation doit être envisagée en complément d’un TIPS, dont elle ne fait que reprendre les indications validées : ascite et hydrothorax réfractaires, hémorragies liées à l’HTP (TIPS de sauvetage, TIPS préemptif, prophylaxie secondaire inefficace ou inadéquate). En plus de ces indications, notons que la présence d’une TP doit amener à considérer le TIPS (et donc une recanalisation si la thrombose est complexe) dès le premier épisode hémorragique (28). Enfin, la TP asymptomatique mais progressant malgré un traitement anticoagulant bien mené est retenue dans certains centres experts comme une indication à la recanalisation mais doit rester discutée au cas par cas, sans force de recommandation (1).

Les mêmes indications de la recanalisation (+ TIPS dès lors qu’il existe un gradient porto-sus hépatique) peuvent être retenues dans les hépatopathies non cirrhotiques tout en sachant que les résultats sont moins bons pour la prise en charge des ascites réfractaires que dans celle des hémorragies digestives (6). Dans cette population d’hépatopathies non cirrhotiques, les biliopathies portales (retentissement des voies de suppléance du cavernome sur l’arbre biliaire), particulièrement fréquentes quand elles sont recherchées en IRM, peuvent également être une indication à la recanalisation tout en se restreignant aux formes symptomatiques qui ne représentent qu’environ 10 % des cas (ictère, prurit, angiocholite, pancréatite) (29). Dans cette situation, la dilatation des voies biliaires peut être un obstacle à la recanalisation et la séquence drainage biliaire après sphinctérotomie (même si elle expose au risque d’hémobilie) puis recanalisation portale est logique tout en exigeant une certaine expertise (1). La recanalisation a enfin été proposée dans les douleurs abdominales chroniques secondaires à l’ischémie mésentérique avec des résultats plus inconstants (14).

Dans les TP de cause locale, bien que la recanalisation sans TIPS puisse suffire (certaines équipes préfèrent laisser un TIPS pour préserver l’accès au système porte en cas de rethrombose précoce ou lorsqu’il n’est pas possible de s’assurer de l’absence de gradient en fin de procédure, la thrombose remontant jusqu’en intrahépatique) (15), elle doit également être réservée aux formes symptomatiques (biliopathie portale, hémorragies).

Enfin, il existe une place pour la recanalisation portale avec stent porte dans les compressions extrinsèques néoplasiques, chez les patients restant accessibles à un traitement palliatif potentiellement efficace mais entravé par des hémorragies digestives liées à l’HTP segmentaire (23).

Évaluation pré-thérapeutique et contre-indications

Comme pour toute procédure à risque, le patient doit être vu par l’opérateur et son hépatologue référent pour expliquer la motivation, la nature et les risques de la procédure. Les alternatives thérapeutiques à la recanalisation doivent être revues systématiquement afin d’en valider l’indication, et la prise en charge des éventuelles complications per et post-procédure doivent être anticipées, en se focalisant particulièrement sur l’accès ou non à la TH. Dans le cas des recanalisations avant TH, le bilan pré-TH doit être complet et l’indication de la TH validée, idéalement avec un patient inscrit, en contrindication temporaire du fait de la TP (10, 13).

Sur un plan technique, la faisabilité dépend surtout de l’état du lit splanchnique d’amont, en particulier mésentérique, la recanalisation ne pouvant être fonctionnelle que si elle débouche sur un réseau mésentérique, même assez distal, encore perméable. L’analyse du réseau mésentérique sur une imagerie injectée, préférentiellement par tomodensitométrie, est donc un temps fondamental pouvant amener à récuser le geste si le réseau mésentérique est fantomatique, en pratique les Yerdel IV (16).

Le choix de la voie d’abord, d’aval (transjugulaire ou transhépatique) ou d’amont (transsplénique ou transmésentérique) (figure 4) est davantage orienté par l’échographie, qui vient en complément de la tomodensitométrie. On recherchera un résidu de branche porte droite suffisant pour autoriser l’abord transjugulaire, sans risquer d’aborder directement des collatérales, ou une branche splénique intraparenchymateuse en lien direct avec une veine splénique de qualité, non thrombosée permettant un éventuel abord splénique (13). L’abord transmésentérique est, lui, au mieux évalué sur le scanner en montrant un axe iléo-mésentérique nécessairement perméable au moins jusqu’à 1 ou 2 cm du confluent spléno-mésaraïque. On peut résumer les arguments amenant au choix de la voie d’abord dans le tableau 1.

Figure 4 : Les différentes voies d’abord de recanalisation portale


Tableau 1 : Choix de la voie d’abord

+
Trans jugulaire 1 seul et même abord pour la recanalisation et le TIPS Nécessite un résidu portal droit accessible :

  • thrombosé mais visible en écho et sans vrai cavernome
    • recanalisation simple de tronc porte
  • cavernome mais > 1-2 cm de branche droite perméable
    • recanalisation de cavernome
Trans splénique
  • alternative à l’abord transjugulaire si impossible
  • abord stable et dans l’axe du tronc porte
  • impossible si thrombose de la veine splénique
  • nécessite un 2ème abord transjugulaire pour le TIPS
  • complications hémorragiques liées à l’abord splénique
Trans mésentérique
  • alternative à l’abord transjugulaire si impossible
  • abord stable et dans l’axe du tronc porte
  • impossible si thrombose de la veine mésentérique supérieure
  • nécessite un 2ème abord transjugulaire pour le TIPS
  • abord chirurgical :
    • participation d’un chirurgien
    • complications de paroi

TIPS : Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt

Enfin, l’évaluation de la faisabilité de la recanalisation doit être doublée de celle du TIPS. On s’assurera de l’absence de sepsis en cours, d’un foie polykystique, de dilatations diffuses des voies biliaires et d’une atrophie marquée du foie droit, qui n’est pas inhabituelle dans les thromboses anciennes. De même, on se projettera sur la tolérance du TIPS par le calcul du score de Meld, l’évaluation de la sarcopénie, des fonctions cardiaque et rénale, et la recherche d’antécédent d’encéphalopathie spontanée (28).

Complications et surveillance post interventionnelle

En per-procédure, les risques sont essentiellement d’ordre hémorragique qu’il s’agisse d’une brèche vasculaire crée par un fil-guide et/ou une sonde au sein du trajet thrombosé, d’une hémobilie, ou d’un saignement sur le site de la ponction hépatique ou splénique. Un hémopéritoine et des hématomes sous capsulaires sont ainsi rapportés dans 5 à 10 % des cas (13, 14). Dans la plupart des séries, on observe également quelques cas de septicémies, d’encéphalopathies précoces, de décompensations cardiaques et de fistules artério-portes mais qui ne dépassent pas 4 à 5 %. Au total, ces procédures exposent à un risque de complications précoces de l’ordre de 20 à 30 % avec dans la majorité des séries une mortalité très faible mais non nulle (13). La surveillance post-procédure a lieu habituellement en soins intensifs pendant 24 h dès lors qu’un abord transcapsulaire, hépatique ou splénique, a été réalisé (13), en milieu chirurgical après un abord transmésentérique et sinon en secteur d’hospitalisation conventionnel si la procédure a pu être réalisée entièrement par voie transjugulaire.

À distance du geste, il existe un risque de rethrombose exposant à la récidive des symptômes ayant amené à la recanalisation. En général, elle ne répond pas au traitement anticoagulant et nécessite une reprise, habituellement par voie jugulaire à travers le TIPS, pour thrombo-aspiration et/ou thrombolyse chimique. L’autre risque de complication à moyen ou long terme correspond à la survenue d’une encéphalopathie hépatique liée à la présence du TIPS, et survient préférentiellement chez le patient cirrhotique, âgé de plus de 70 ans, ayant une insuffisance hépatocellulaire sévère, une insuffisance rénale et des antécédents d’encéphalopathie (28). Néanmoins, le fait de recanaliser un foie déjà déportalisé du fait de la TP ou de réaliser un TIPS chez un patient non cirrhotique ne préserve pas de l’encéphalopathie même si elle est moins fréquente (environ 10 %) que chez le cirrhotique (24). Le patient doit bien sûr en être informé et sa prise en charge fait appel aux moyens habituels de lutte contre l’encéphalopathie hépatique post-TIPS à savoir le lactulose, la rifaximine, la réduction voire l’occlusion de TIPS, l’indication de ces dernières devant être bien pesées dans le cas particulier des recanalisations pré-TH en raison du risque de rethrombose lié au rétablissement d’un gradient qui pourrait à nouveau occulter les possibilités de TH.

La surveillance à distance est tout à fait superposable à celle recommandée après un TIPS avec une évaluation clinique, biologique et échographique à J2 puis à 1, 3 et 6 mois en réalisant un scanner au moindre doute de thrombose ou de dysfonction (28). Même s’il n’existe pas de recommandations, la plupart des centres français laisse le patient sous anticoagulant jusqu’à la TH, lorsqu’elle est indiquée, ou à vie quand il existe un état thrombophilique. Dans le cas des TP de cause locale, le traitement anticoagulant n’est habituellement pas poursuivi au-delà de quelques semaines.

Conclusion

Les techniques de recanalisation portale sont des procédures complexes de radiologie interventionnelle utilisées principalement pour permettre la réalisation d’un TIPS, lorsqu’il est indiqué. Dans des cas plus rares, essentiellement lorsqu’une TH s’avère contrindiquée du fait d’une TP, c’est la recanalisation elle-même qui justifie la procédure (même si elle doit être complétée par un TIPS). Dans tous les cas, l’évaluation rigoureuse de l’état général, des fonctions hépatiques et de l’imagerie hépatique est indispensable pour minimiser les risques d’échecs et de complications.

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