Pathologies fonctionnelles œsophagiennes : quelles explorations envisager ?

POST'U 2025

Gastro-entérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la définition du reflux résistant aux IPP
  • Savoir quand proposer une nouvelle endoscopie haute
  • Connaître la démarche diagnostique en cas de symptômes évocateurs de reflux persistants sous IPP
  • Connaître la démarche diagnostique en cas de suspicion de troubles moteurs

Les 5 points forts

  1. Le diagnostic formel de reflux gastro-œsophagien (RGO) est affirmé par des explorations complémentaires.
  2. La pH métrie et la pH impédancemétrie sans traitement sont les examens de référence pour confirmer un RGO. Le diagnostic de RGO réfractaire nécessite une pH impédancemétrie sous traitement.
  3. Depuis le consensus de Lyon 2.0, toute œsophagite de grade supérieur ou égal à B de la classification de Los Angeles confirme le RGO.
  4. La manométrie œsophagienne est l’examen clé pour diagnostiquer des troubles moteurs œsophagiens et doit être analysée selon la classification de Chicago 4.0.
  5. Devant un RGO réfractaire une manométrie œsophagienne haute résolution doit être réalisée pour rechercher un trouble moteur œsophagien.

Vidéo

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Mots-clés

Reflux gastro œsophagien ; pHimpédancemétrie ; Manométrie œsophagienne

Abréviations

RGO : Reflux gastro œsophagien TMO : Troubles moteurs œsophagiens IS : Index Symptomatique
PAS : Probabilité d’Association Symptomatique IPP : Inhibiteurs de la pompe à protons
JOG : Jonction œsogastrique
TOGD : Transit œso-gastro-duodénal

Introduction

Les pathologies fonctionnelles œsophagiennes sont un motif fréquent de consultation en gastro entérologie et sont représentées par deux entités proches mais distinctes : le Reflux Gastro Œsophagien (RGO) et les Troubles Moteurs de l’œsophage (TMO). En dehors de la dysphagie, principal symptôme associé aux TMO, ces derniers peuvent générer des symptômes semblables à ceux du RGO, tels que la douleur thoracique ou les régurgitations, qui sont peu spécifiques. Il est ainsi parfois difficile de savoir quel examen proposer au patient. Cet atelier a ainsi pour but de mettre en lumière les différentes démarches diagnostiques possibles en fonction des plaintes fonctionnelles des patients en tenant compte des dernières publications puisque ces entités ont évolué depuis ces dernières années avec la révision du consensus de Lyon 2.0 pour le RGO et la classification de Chicago 4.0 pour les TMO.

Le RGO

Définition

Au fil des années, le diagnostic de RGO s’est peu à peu modifié. Initialement, ce dernier était défini comme la remontée du contenu gastrique dans l’œsophage occasionnant des symptômes spécifiques comme le pyrosis et les régurgitations. Cette entité a été actualisée avec le consensus de Lyon
2.0 le définissant alors comme la présence de symptômes gênants associés à un reflux prouvé par l’endoscopie ou par les explorations fonctionnelles digestives (1). La place de ces explorations doit donc être parfaitement connue afin de proposer une prise en charge adéquate.

Les symptômes sont regroupés en deux groupes :
Les symptômes typiques comprenant le pyrosis, les régurgitations, et la douleur thoracique. Ces derniers, en l’absence de signes d’alarme, peuvent être traités par un test thérapeutique aux IPP en 1re intention sans examen complémentaire.
Les symptômes atypiques dont l’imputabilité du RGO est incertaine regroupant les éructations, la toux chronique, l’asthme et les signes ORL et nécessitant des explorations œsophagiennes complémentaires.

Démarche diagnostique en cas de suspicion de RGO

La gastroscopie

Pour prouver le RGO, l’examen de référence reste l’endoscopie œsogastroduodénale à réaliser de préférence 2 à 4 semaines après l’arrêt des IPP afin d’améliorer le rendement diagnostique (2). De nouvelles études ont renforcé le poids diagnostique de la classification de Los Angeles sur le RGO, et désormais, toute œsophagite supérieure ou égale au grade B confirme le RGO (1) (3) (Nouveauté du consensus 2.0) (Figure 1).

Figure 1 : Classification de Los Angeles

Stade

Description
0 Aucune lésion (« mucosal break ») visible
A Une ou plusieurs lésions muqueuses, inférieures ou égales à 5 mm
B Au moins une lésion muqueuse de plus de 5 mm mais sans aucune confluence entre les sommets de 2 plis
C Au moins une érosion continue entre les sommets de 2 plis ou plus, mais non circonférentielle
D Lésion muqueuse circonférentielle

Nayar D et al, Classifications of esophagitis: Who needs them? Gastrointestinal Endoscopy 2004 ; 60 : 253-7

Enfin, le RGO est également prouvé dans deux cas supplémentaires :
– La présence d’une muqueuse de Barrett supérieure ou égale à 1 cm qui doit être confirmée par la présence d’une métaplasie intestinale en anatomopathologie.
– La présence d’une sténose peptique.
En l’absence de ces signes, le RGO n’est ainsi pas prouvé ni certain, justifiant la réalisation des explorations fonctionnelles œsophagiennes.

La pHmétrie sans traitement

L’enregistrement du reflux se fait en ambulatoire par la pHmétrie filaire durant 24 h ou par une pHmétrie non filaire (système Bravo®) durant 48 à 96 h, enregistrant ainsi uniquement les reflux acides en calculant le pourcentage d’exposition acide œsophagienne et en quantifiant le nombre de reflux. Selon le consensus de Lyon 2.0, la pHmétrie non filaire (système Bravo®), sans traitement, est la technique de choix pour le diagnostic de RGO en raison d’une meilleure acceptabilité du patient, d’une meilleure tolérance et d’une durée d’enregistrement supérieure (4). Ce dispositif est peu disponible en France, du fait de son coût et de l’absence de cotation spécifique par la CCAM.

La pHimpédancemétrie sans traitement

La pHimpédancemétrie détecte, quant à elle, les reflux sur la base des variations de l’impédance intra-luminale, et les caractérise selon le pH (acide si pH<4, peu acide si pH entre 4 et 7, et peu alcalin si pH≥7). Elle est également utile pour caractériser les reflux gazeux (éructations gastriques ou supragastriques). Celle-ci est réalisée sur 24 h, à l’aide d’un système filaire.
Le RGO (pathologique) est prouvé avec ces différents examens (sans traitement) si l’exposition œsophagienne à l’acide est supérieure à 6 % du temps d’enregistrement.

Il est toutefois difficile de conclure dans certains cas quand, par exemple, l’exposition à l’acide est située en zone grise (entre 4 et 6 %) ou si le nombre total de reflux est entre 40 et 80. Nous pouvons alors nous aider d’outils diagnostiques supplémentaires comme l’impédance basale nocturne ou l’association symptôme-reflux. Pour cette dernière, nous demandons au patient de signaler les symptômes ressentis nous permettant ainsi de calculer deux critères importants : l’Index Symptomatique (IS) [le pourcentage de symptômes associés au reflux (Nombre de symptômes précédés d’un épisode de reflux/nombre total de symptômes rapportés) x 100 et est positif s’il est supérieur à 50 %] et la Probabilité d’Association Symptomatique (PAS) [score statistique qui étudie les périodes de 2 minutes de l’enregistrement avec ou sans reflux, et avec ou sans symptôme, et est positif s’il est supérieur à 95 %]. L’analyse est considérée comme pertinente si le patient décrit au moins 3 symptômes.

Si l’exposition à l’acide est inférieure à 4 %, le RGO pathologique est infirmé.

Ainsi, avec ces premiers résultats, la démarche diagnostique que l’on peut proposer est celle présentée sur la figure 2.

Si le RGO est prouvé, il faut s’assurer avant toute chose du respect des mesures hygiéno diététiques habituelles (perte de poids, diminuer les repas riches en graisses ou hydrates de carbone, surélévation de la tête de lit, décubitus latéral gauche à favoriser) et optimiser le traitement médical par IPP en vérifiant l’observance, en augmentation la posologie deux fois par jour, ou en changeant de molécules anti sécrétoires (6).

L’objectif est désormais différent et il convient de comprendre alors pourquoi le patient est en échec de traitement. Pour ce faire, les examens suivants doivent être réalisés sous traitement médical optimisé (double dose d’IPP).

Figure 2 : Démarche diagnostique devant une suspicion de RGO

Le RGO réfractaire

En cas de RGO prouvé (Cf. premier paragraphe), la pH impédancemétrie sous traitement est à proposer en première intention permettant ainsi de définir le RGO réfractaire si l’exposition acide œsophagienne est supérieure à 4 % ou si le nombre total de reflux/24 h est supérieur à 80.

Il est potentiel si l’exposition est entre 1 et 4 % et peu probable si celle-ci est inférieure à 1 % sur 24 h (5).

Ces seuils ont été modifiés avec la révision du consensus de Lyon 2.0 qui différencie ainsi les seuils d’exposition en fonction de la présence ou non d’IPP durant l’enregistrement (1) (figure 3).

À l’issue de ces résultats, le diagnostic de RGO réfractaire peut donc être confirmé ou infirmé. Dans ce dernier cas, il faut toujours penser aux diagnostics différentiels représentés majoritairement par les troubles moteurs de l’œsophage.

Figure 3 : Conduite à tenir devant un RGO résistant aux IPP

Les troubles moteurs œsophagiens (TMO)

Comme énoncé dans le paragraphe précédent, les signes cliniques des pathologies œsophagiennes fonctionnelles sont peu spécifiques et notamment pour les TMO. Il faut y penser devant toute dysphagie avec bilan endoscopique normal (avec biopsies œsophagiennes étagées normales), toute douleur thoracique avec bilan cardiologique normal et tout pyrosis ou régurgitations persistants.

Démarche diagnostique devant la suspicion de TMO

La manométrie œsophagienne

Une fois la gastroscopie réalisée, réalisés, le gold standard pour diagnostiquer les TMO est la manométrie œsophagienne haute résolution. Il s’agit d’une sonde nasogastrique munie de nombreux capteurs électroniques, introduite par voie nasale avec ou sans anesthésie locale, et positionnée en intra-gastrique, chez un patient à jeun d’au moins 4 heures. L’analyse du tracé ainsi enregistré repose sur la Classification de Chicago revisitée en 2021 (7). Celle-ci diffère de la précédente par un descriptif précis du déroulé de l’examen et la classification des TMO en 2 groupes distincts ; les troubles de la relaxation de la jonction œsogastrique (JOG) et les désordres péristaltiques. Il est ainsi recommandé de réaliser 10 déglutitions en position allongée et au moins 5 en position assise. S’y ajoute l’étude de déglutitions répétées (5 déglutitions consécutives de 2 mL en position couchée, et un test de déglutition rapide de 200 mL à boire en moins de 30 secondes en position assise).

Figure 4 : Les 3 types d’achalasie selon la classification de Chicago

Les troubles de relaxation de la JOG (pression de relaxation intégrée (PRI) médiane augmentée) regroupent ainsi (figure 4) :
• Achalasie type I (pas de contraction)
• Achalasie type II (au moins 20 % de pressurisation pan-œsophagienne)
• Achalasie type III (au moins 20 % de contractions prématurées)
• Défaut de relaxation de la JOG [élévation de la pression intra bolus avec résultat anormal du TOGD minuté ou de la planimétrie par impédance (EndoFlip)]

Les désordres péristaltiques (PRI normale) sont représentés par :
• Contractions absentes (100 % de contractions absentes)
• Spasmes œsophagiens (au moins 20 % de contractions prématurées)
• Œsophage hypercontractile (au moins 20 % de contractions hypercontractiles)
• Syndrome de motricité inefficace (au moins 70 % de contractions inefficaces ou 50 % absentes)

Par rapport à la version précédente, les principales modifications concernent les définitions de l’achalasie de type III, du défaut de relaxation de la JOG et du syndrome de motricité inefficace (8).
Au-delà du fait que la MHR soit indispensable pour diagnostiquer les TMO, elle est aussi une aide précieuse pour apporter des arguments additionnels au diagnostic de RGO et essentielle avant toute prise en charge chirurgicale d’une hernie hiatale. L’hypotonie de la JOG ou le syndrome de motricité inefficace (mauvaise clairance) favorisent le RGO. De même il est essentiel d’éliminer des TMO avant de confirmer un pyrosis fonctionnel selon les critères de Rome IV.

Autres examens complémentaires

La classification de Chicago 4.0 a mis également en lumière deux examens complémentaires qui n’étaient pas cités dans la précédente version, le Transit baryté œso-gastro-duodénal (TOGD) minuté et l’EndoFlip.

Le TOGD minuté consiste à évaluer la clairance œsophagienne d’un verre de baryte dilué (200 mL) à 1, 2 et 5 minutes, ce qui peut aider à diagnostiquer une obstruction fonctionnelle de la JOG. Ainsi, un résidu œsophagien supérieur à 5 cm à 1 minute et 2 cm à 5 minutes sont évocateurs de ce diagnostic.

L’EndoFlip ou planimétrie par impédance a été développé il y a quelques années pour étudier la physiologie œsophagienne (9). Il s’agit d’un cathéter possédant un ballon distensible ayant des capteurs d’impédance électrique, et un capteur de pression distale. Le cathéter est placé au niveau de la JOG au cours d’une endoscopie sous anesthésie générale, puis est rempli d’un liquide conducteur, ce qui permet d’obtenir une mesure de la distensibilité luminale de la JOG. Un index de distensibilité de la JOG est normal s’il est supérieur 2,8 mm2/mmHg (figure 5). Cet examen reste toutefois peu accessible en France et réalisé seulement dans les centres experts.

Figure 5 : Distensibilité œsophagienne mesurée par la méthode Endoflip

Conclusion

Les pathologies fonctionnelles digestives peuvent représenter un challenge diagnostique. En effet, les signes cliniques sont multiples, variés et aspécifiques et souvent très invalidants pour le patient, dont le vécu est parfois difficile devant la place prépondérante de ces symptômes. À cela s’ajoute parfois une errance diagnostique de plusieurs mois rendant la prise en charge complexe. Un interrogatoire minutieux, en ciblant la plainte du patient ainsi que ses habitudes alimentaires et mode de vie, est la première étape afin de nous orienter au mieux vers une hypothèse diagnostique. La gastroscopie reste l’examen clé à réaliser en première intention afin d’éliminer toute pathologie organique. Les explorations fonctionnelles œsophagiennes sont indispensables pour le diagnostic de RGO, RGO réfractaire ou TMO dont les signes cliniques sont fortement intriqués. La pHmétrie, pH Impédancemétrie avec ou sans traitement et la manométrie œsophagienne sont les 3 examens nécessaires afin de comprendre les mécanismes de ces troubles fonctionnels. L’intérêt du TOGD minuté, dans le contexte d’une dysphagie avec un trouble moteur œsophagien atypique, doit être connu, de même que le recours à l’exploration de la distensibilité du cardia par la méthode Endoflip. Leurs modalités doivent également être connues des gastro entérologues afin d’expliquer au mieux au patient l’enjeu diagnostique, les différentes possibilités thérapeutiques possibles et ainsi obtenir une adhésion complète à la prise en charge proposée.

Références

1. Gyawali CP, Yadlapati R, Fass R, Katzka D, Pandolfino J, Savarino E, et al. Updates to the modern diagnosis of GERD: Lyon consensus 2.0. Gut. févr 2024;73(2):361-71.
2. Dunbar KB, Agoston AT, Odze RD, Huo X, Pham TH, Cipher DJ, et al. Association of Acute Gastroesophageal Reflux Disease With Esophageal Histologic Changes. JAMA. 17 mai 2016;315(19):2104.
3. Visaggi P, Del Corso G, Gyawali CP, Ghisa M, Baiano Svizzero F, Stefani Donati D, et al. Ambulatory pH-Impedance Findings Confirm That Grade B Esophagitis Provides Objective Diagnosis of Gastroesophageal Reflux Disease. Am J Gastroenterol. 1 mai 2023;118(5):794-801.
4. Sweis R, Fox M, Anggiansah A, Wong T. Prolonged, wireless pH-studies have a high diagnostic yield in patients with reflux symptoms and negative 24-h catheter-based pH-studies. Neurogastroenterol Motil. mai 2011;23(5):419-26.
5. Hemmink GJM, Weusten BLAM, Bredenoord AJ, Timmer R, Smout AJPM. Aerophagia: excessive air swallowing demonstrated by esophageal impedance monitoring. Clin Gastroenterol Hepatol Off Clin Pract J Am Gastroenterol Assoc. oct 2009;7(10):1127-9.
6. Zerbib F, Bredenoord AJ, Fass R, Kahrilas PJ, Roman S, Savarino E, et al. ESNM/ANMS consensus paper: Diagnosis and management of refractory gastro-esophageal reflux disease. Neurogastroenterol Motil, avr 2021 33(4)
7. Yadlapati R, Kahrilas PJ, Fox MR, Bredenoord AJ, Prakash Gyawali C, Roman S, et al. Esophageal motility disorders on high-resolution manometry: Chicago classification version 4.0 ©. Neurogastroenterol Motil janv 2021 33(1).
8. Roman S, Mion F, Zerbib F. Nouvelle version de la classification de Chicago pour le diagnostic des troubles moteurs oesophagiens: quel impact sur la pratique? Hepato Gastro Oncol Dig 2022; 29: 558-64
9. Savarino E, di Pietro M, Bredenoord AJ, Carlson DA, Clarke JO, Khan A, et al. Use of the Functional Lumen Imaging Probe in Clinical Esophagology. Am J Gastroenterol. nov 2020;115(11):1786-96.