Prise en charge des métastases atypiques des cancers digestifs – Partie 1 : les métastases ovariennes, surrénaliennes et ganglionnaires lombo-aortiques
POST'U 2025
Cancérologie
Objectifs pédagogiques
- Connaître les indications et les modalités de traitement des métastases ovariennes, surrénaliennes et ganglionnaires lombo-aortiques
Les 5 points forts
-
Les modalités de prise en charge des métastases cérébrales incluent la chirurgie, la radiothérapie en condition stéréotaxique et l’irradiation de l’encéphale en totalité, utilisées seules ou en association.
- Les métastases ovariennes sont habituellement chimiorésistantes et leur résection chirurgicale bilatérale à visée symptomatique doit être discutée même dans un contexte palliatif.
- En situation de maladie oligométastatique, la résection chirurgicale des métastases surrénaliennes ou des métastases ganglionnaires para- aortiques sous-rénales pourrait permettre d’améliorer la survie globale chez des patients sélectionnés.
- En cas de métastases osseuses, la radiologie interventionnelle permet un bon contrôle tumoral, de soulager les symptômes et d’éviter certaines complications.
- Tout traitement locorégional de métastases doit être discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire avec un représentant de toutes les spécialités impliquées dans les options thérapeutiques possibles.
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Connaitre les indications et les modalités de traitement des métastases ovariennes, surrénaliennes et ganglionnaires lombo-aortiques
Diane Goéré
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Mots-clés
Cancer colorectal Métastases ovariennes Métastases surrénaliennes
Métastases ganglionnaires lombo et latéro-aortiques
Traitement chirurgical : indications et résultats
Abréviations
CCR : cancer colorectal MO : métastases ovariennes
GGPA : métastases ganglionnaires para-aortiques
Introduction
L’atteinte métastatique est la principale cause de mortalité liée au cancer colorectal (CCR). Environ 20 % des patients atteints de CCR présentent une maladie métastatique au moment du diagnostic, et 25 % développeront des métastases au cours du suivi. Ces métastases sont principalement localisées dans le foie (50 %), les poumons (20 %) et le péritoine (15-20 %), et affectent rarement les ovaires, les glandes surrénales et les ganglions lombo-aortiques. Leur traitement repose sur une combinaison de traitement par chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie, selon les caractéristiques de la maladie et la réponse au traitement initial. Cette revue explore les indications et modalités de traitement spécifique pour chacune de ces localisations : ovaires, glandes surrénales et ganglions lombo-aortiques.
Métastases ovariennes d’origine colorectale
Fréquence et mécanismes de dissémination
Les métastases ovariennes (MO) sont relativement rares, diagnostiquées de façon synchrone chez 1 à 9 % des femmes opérées d’un CCR, et métachrone chez 1 à 7 % (1). Les voies de dissémination incluent la propagation lymphatique, hématogène, ou par contiguïté via le péritoine ou les trompes de Fallope. Par conséquent, les MO diffèrent des autres sites métastatiques car elles sont fréquemment associées à des métastases péritonéales. En effet, plus de la moitié des femmes ayant des métastases péritonéales ont des MO diagnostiquées soit avant, soit de manière synchrone. Les MO semblent être une entité spécifique par rapport aux autres sites métastatiques en raison de leur « chimio-résistance », elles répondent moins bien aux agents de chimiothérapie comparativement aux autres sites métastatiques (2, 3). Dans une analyse publiée en 2008, la progression clinique des MO au cours de la chimiothérapie a été observée dans 87 % des cas de cancer colorectal (3). Une autre caractéristique des MO repose sur leur voie de dissémination spécifique vers les ganglions rétro-péritonéaux (4).
Indications du traitement
Une analyse récente (5) issue du registre californien (entre 2010 et 2012), de 756 patientes ayant des MO synchrones et de 516 patientes des MO métachrones, avec un suivi médian de 21 mois, a permis de montrer un bénéfice de survie globale significatif après résection de MO isolées et synchrones (59 mois vs. 32 mois, p=0,03) et après résection de métastases métachrones (25 mois vs. 7 mois, p<0,0001). La survie médiane globale était significativement plus longue chez les femmes présentant une MO isolée (51 mois) par rapport à celles qui présentaient des métastases extra-ovariennes associées (20 mois, p<0,0001). En cas de maladie extra-ovarienne associée, la résection des métastases ovariennes ne permettait pas d’améliorer significativement la survie. Cependant, en raison de leur volume habituellement important, les MO entraînent des symptômes, principalement des douleurs et une distension abdominale, chez la majorité des patientes. Comme il est peu probable que ces symptômes soient contrôlés par la chimiothérapie systémique, la résection chirurgicale des métastases ovariennes doit être discutée même dans un contexte palliatif, car elle peut soulager les symptômes, améliorer la qualité de vie et permettre de poursuivre une chimiothérapie systémique.
Enfin, l’ovariectomie devrait toujours être bilatérale, en raison du taux élevé d’atteinte bilatérale (et souvent occulte) variant de 45 à 70 %.
La résection chirurgicale en cas de métastase isolée est à proposer ; l’association à une chimiothérapie hyperthermie intrapéritonéale est à discuter en raison du risque important de récidive péritonéale.
Concernant l’ovariectomie prophylactique au moment de la résection de la tumeur primitive, bien qu’elle ait été autrefois encouragée chez les femmes ménopausées, elle n’est pas actuellement recommandée de façon systématique. Néanmoins, les ovaires doivent être soigneusement et systématiquement examinés au moment de la résection d’un cancer du côlon.
Métastases surrénaliennes d’origine colorectale
Fréquence et mécanismes de dissémination
Les métastases surrénaliennes surviennent chez 2 à 17 % des patients atteints de CCR à un stade avancé (6). Elles sont le plus souvent asymptomatiques. Les voies potentielles de dissémination sont veineuses systémiques, veineuses portales, lymphatiques et hématogènes. En général, les métastases surrénaliennes indiquent une maladie avancée et ne sont que rarement isolées. Bien que la présence de métastases surrénaliennes soit généralement considérée comme un indicateur de maladie systémique, la résection chirurgicale des métastases surrénaliennes peut améliorer la survie globale chez certains patients.
Indications du traitement
Une étude de registre danois a récemment rapporté les résultats des surrénalectomies pour métastases, réalisées chez 435 patients, dont 50 avaient des métastases de CCR (7). La survie à 1 an chez les patients ayant des métastases de CCR était de 78 %, avec une médiane de survie globale de 35 mois (12-83 mois). Les facteurs associés à une faible survie étaient la résection R2, la taille de la tumeur supérieure à 50 mm, un primitif pulmonaire, l’approche chirurgicale ouverte, la présence de métastases extra-surrénaliennes, et l’augmentation des facteurs de l’indice de comorbidité de Charlson.
Une revue récente de la littérature dans laquelle 55 études ont été incluses (145 cas), a rapporté les résultats des surrénalectomies pour métastases de CCR (7). La durée moyenne du suivi allait de 2 mois à 9,5 ans et 33 (22,8 %) patients étaient en vie sans signe de récidive locale ou systémique.
Malgré la rareté des données, la surrénalectomie pour les métastases surrénaliennes colorectales pourrait être bénéfique pour des cas sélectionnés. Les facteurs de bon pronostic semblent être une métastase surrénalienne isolée, un intervalle libre supérieur à 6 mois et une résection complète. Néanmoins, il n’y a toujours pas de consensus sur la prise en charge des patients présentant des métastases surrénaliennes isolées de CCR. Les résultats de la radiothérapie stéréotaxique ont été rapportés dans les traitements de métastases surrénaliennes le plus souvent d’origine pulmonaire, mais concernent peu de cas de métastases colorectales.
Métastases ganglionnaires latéro et lombo-aortiques d’origine colorectale
Fréquence et mécanismes de dissémination
Environ 1 à 2 % des patients atteints de CCR développent des métastases ganglionnaires lymphatiques para-aortiques (GGPA), qui sont généralement considérées comme des marqueurs de maladie systémique et sont associées à un mauvais pronostic (8). Il n’existe toujours pas de stratégie thérapeutique de référence clairement définie pour les GGPA. Un facteur contribuant de manière significative à ce dilemme est la variation de la définition des GGPA. Selon la Société japonaise pour le cancer du côlon et du rectum, l’atteinte GGPA est classée comme une maladie régionale ou de stade III. À l’opposé, l’American Joint Committee définit les GGPA comme une maladie disséminée de stade IV et le système de stadification TNM comme une maladie de stade M1. Enfin, au sein des ganglions latéro et lombo-aortiques, il convient de distinguer les adénopathies situées sous le niveau de la veine-rénale gauche et ceux-au-dessus (mésentériques, cœliaques).
Indications du traitement
Dans une récente méta analyse ayant inclus 20 études rétrospectives (1 021 patients), il existait un bénéfice de survie à 5 ans chez les patients opérés en comparaison aux patients non opérés (mais études rétrospectives, biais de sélection ++) (9). Les facteurs pronostiques en faveur d’une meilleure survie étaient : la résection complète, le nombre de métastases GGPA≤4, et un degré de différenciation moyen-élevé. Les métastases extra- péritonéales préopératoires étaient associées à une moins bonne survie sans récidive. Une autre revue systématique publiée en 2023, a rapporté les résultats de la résection (10). Là encore, toutes les études étaient des études de cohortes rétrospectives ou des séries de cas. La résection était associée à un bénéfice en termes de survie. Le pronostic était meilleur en cas de résection métachrone, de nombre de métastases ganglionnaires ≤ 2 et d’un taux d’ACE préopératoire < 5.
Dans un analyse rétrospective multicentrique japonaise récente (11) (133 patients opérés, 2010-2015), le taux de survie globale à 5 ans était de 41 % avec une médiane de 4,1 ans après résection. Les facteurs pronostiques indépendants de survie globale étaient le stade T pathologique, les métastases extra-ganglionnaires, le délai d’apparition des métastases (synchrones vs. métachrones) et le nombre de métastases dans les ganglions lymphatiques para-aortiques (3 ou plus vs. moins de 3). Le taux de survie sans récidive à 5 ans était de 21,1 %, avec une médiane de 1,2 ans. La récidive au niveau des sites des ganglions lymphatiques para-aortiques était la plus fréquente (33,3 %).
Le rôle de la chimiothérapie adjuvante a été étudié dans une étude rétrospective multicentrique japonaise (97 patients, 2010-2015). La survie globale et la survie sans récidive étaient significativement augmentées chez les patients ayant reçu une chimiothérapie adjuvante, sans qu’il ait de différence significative entre les patients traités par 5FU et ceux traités par oxaliplatine (12).
La place de la radiothérapie sur les aires ganglionnaires n’est pas encore clairement établie. Bien que celle-ci soit de plus en plus associée à la chimiothérapie et à la chirurgie, le moment d’irradiation (pré ou postopératoire) n’est pas défini.
En conclusion, les ganglions lombo-aortiques métastatiques représentent un site critique de la progression du cancer colorectal. La résection complète des adénopathies situées sous le niveau de la veine rénale gauche, peut permettre d’améliorer la survie globale chez des patients très sélectionnés : chimiosensibilité, maladie isolée, nombre d’adénopathies envahies limitées, résection complète possible… La résection s’inscrit dans un traitement multidisciplinaire, associé à une chimiothérapie systémique et généralement à une radiothérapie.
Conclusion
Les métastases ovariennes, surrénaliennes et ganglionnaires lombo-aortiques d’origine colorectale nécessitent une approche thérapeutique multidisciplinaire, combinant chirurgie, chimiothérapie et parfois radiothérapie. Les indications de traitement dépendent principalement de la localisation, de la taille des métastases, de l’étendue de la maladie métastatique et de l’état général du patient. La recherche de nouveaux traitements ciblés, ainsi que l’amélioration des techniques de chirurgie, continuent d’offrir de nouvelles perspectives pour le traitement de ces formes rares et complexes de métastases. Le pronostic reste en grande partie conditionné par le stade de la maladie et la réponse au traitement systémique.
Références
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- Goéré D, Daveau C, Elias D, et The differential response to chemotherapy of ovarian metastases from colorectal carcinoma. Eur J Surg Oncol 2008;34:1335–9.
- Eveno C, Goéré D, Dartigues P, et Ovarian metastasis is associated with retroperitoneal lymph node relapses in women treated for colorectal peritoneal carcinomatosis. Ann Surg Oncol. 2013;20:491-6.
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- Nguyen TAVT, Wong SL, Ng Surgical resection of adrenal metastasis from colorectal cancers: a systematic review. ANZ J Surg. 2024;94:545-59.
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- Wang RC, Wang JQ, Zhou XY, et al. Survival benefits of para-aortic lymphadenectomy in colorectal cancer with clinically suspected para-aortic lymph node metastasis: a meta-analysis and systematic review. World J Surg Oncol. 2023;21:28.
- Chen MZ, Tay YK, Prabhakaran S, Kong The management of clinically suspicious para-aortic lymph node metastasis in colorectal cancer: A systematic review. Asia Pac J Clin Oncol. 2023;19:596-605.
- Ito S, Kinugasa Y, Yamauchi S, et al. Long-term Outcome After Surgical Resection of Para-aortic Lymph Node Metastasis of Colorectal Cancer: A Multicenter Retrospective Study. Dis Colon Rectum. 2024;67:1423-1436.
- Nozawa H, Ito S, Sasaki K, et al. Role of Adjuvant Chemotherapy After Surgical Resection of Paraaortic Lymph Node Metastasis from Colorectal Cancer-A Multicenter Retrospective Ann Surg Oncol. 2024 Nov 18. doi: 10.1245/s10434-024-16537-6. Online ahead of print
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