Vidéo session – Radiofréquence pancréatique : quand la proposer ?
POST'U 2025
Endoscopie
Objectifs pédagogiques
- Connaître les principes de cette technique
- Connaître les indications actuelles et à venir
- Connaître les risques de complications
- Connaître les modalités d’évaluation et de surveillance
Les 5 points forts
- La radiofréquence pancréatique (RFP) est une technique fiable et sûre pour traiter les TNE pancréatiques de grade 1, de moins de 2 cm et non fonctionnelles MAIS doit être réalisée après validation en RCP RENATEN, et au mieux dans le cadre d’essais cliniques.
- La radiofréquence des insulinomes sporadiques symptomatiques de moins de 2 cm est très efficace et doit être discutée en première intention.
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Les patients porteurs d’un cancer rénal oligométastatique avec métastase(s) pancréatique(s) peuvent bénéficier d’une RFP après décision multidisciplinaire.
- Le taux de complications graves de la RFP est faible (2 %) et nécessite de respecter les contre-indications classiques en particulier la proximité du canal pancréatique principal.
- Dans le cadre de l’adénocarcinome pancréatique, il n’y a pour le moment pas de niveau de preuve suffisant pour utiliser la RFP. Des études associant la RFP aux traitements habituels de l’adénocarcinome pancréatique, doivent être réalisées pour évaluer la faisabilité et les résultats de cette approche combinée.
Vidéo
Lien d’intérêt
Aucun
Mots-clés
Radiofréquence pancréatique guidée par échoendoscopie ; Insulinome ; Tumeur neuroendocrines de grade 1
Abréviations
TNE : tumeur neuroendocrine
RFP : Radiofréquence pancréatique
ADK-P : adénocarcinome du pancréas
TIrMP : Tumeurs intrapapillaires et mucineuses au pancréas
CM : Cystadenome mucineux
Quels sont les principes de cette technique ?
La radiofréquence consiste à générer de la chaleur à partir d’une électrode à l’aide d’un courant de haute fréquence (400-500 MHz) alternatif (sinusoïdal) bipolaire. Cette chaleur permet une mort cellulaire par nécrose lorsque la température atteint 48-50°C.
Un mécanisme d’immunomodulation est associé à la destruction thermique (1).
L’intérêt pour la radiofréquence pancréatique (RFP) s’est développé dans les années 2010 d’abord chez l’animal puis chez l’homme dans la deuxième partie de cette décennie en utilisant différents réglages et dispositifs (2-4). La technique s’est ensuite homogénéisée et standardisée en grande partie avec la publication de l’essai prospectif multicentrique français de Barthet et al. en 2019 (5).
Le système actuel utilisé est quasiment exclusivement le système EUS-RFA system associant une sonde EUSRA (STARmedTM, Taewoong MedicalTM, Corée du Sud) au générateur VIVA Combo generator (Taewoong Medical-StarmedTM, Koyang, Corée du Sud). La technique est similaire à la technique de ponction sous échoendoscopie. La lésion est repérée à l’aide d’un échoendoscope linéaire par voie transgastrique ou transduodénale puis ponctionnée à l’aide d’une aiguille de 19G incorporant la sonde EUSRA avec un système de refroidissement intégré.
L’opérateur, une fois l’aiguille en place, appuie sur la pédale du générateur et délivre le courant. Lorsque les bulles arrivent au niveau de la paroi digestive, l’opérateur stoppe la procédure. Le réglage standard est de 50W pour l’indication principale qui est la tumeur neuroendocrine de grade 1. L’aiguille la plus utilisée dans les principales études (et en pratique) a une partie active de 10 mm entraînant un diamètre de nécrose de 1 à 2 cm. D’autres tailles sont disponibles notamment celle de 7 mm très utile pour traiter des lésions de taille inférieure à 10 mm. Si la lésion apparaît incomplètement traitée (bulles et blanchiment à la place de la lésion), une à deux ablations supplémentaires peuvent être réalisées dans la même session en changeant l’axe de l’aiguille. L’échoendoscopie de contraste réalisée avant/après est aussi très utile pour évaluer la qualité de la destruction tumorale dans les lésions hypervasculaires (tumeurs neuroendocrines pancréatiques et métastases pancréatiques de cancer du rein).
Quelles sont les indications actuelles et à venir ?
Tumeur neuroendocrines pancréatiques (TNE) de grade 1 (Ki67 < 3 %) de moins de 2 cm non fonctionnelles
Il s’agit certainement de l’indication la plus consensuelle et la plus étudiée. Le résultat de l’essai français et de sa réévaluation à plus long terme montre une efficacité autour de 86 % à un an similaire à 3 ans avec une mortalité nulle (5, 6). La RFP permettrait ainsi de traiter des lésions de petite taille (< 2 cm) avec Ki67 < 3 % sans dilatation du Wirsung et à faible risque lymphatique qui auraient dû faire l’objet d’une surveillance anxiogène ou d’une chirurgie à la morbi-mortalité très élevée. Actuellement, les recommandations s’accordent sur une surveillance pour les lésions ≤ 1 cm et une décision au cas par cas entre surveillance et chirurgie entre > 1 cm et ≤ 2 cm (7). L’essai multicentrique français RFANET concernant cette population (avec les insulinomes) est en cours avec une évaluation sur 5 ans post traitement et devrait permettre d’intégrer la RFP, moins morbide et très efficace, rapidement dans la stratégie thérapeutique. À ce jour les patients doivent être traités dans le cadre d’un essai clinique ou au minimum après une RCP RENATEN validant la prise en charge.
TNE type insulinome
L’insulinome sporadique de moins de 2 cm (hors Néoplasie Endocrinienne Multiple) est une excellente indication de RFP qui s’est imposée en pratique en raison de son efficacité immédiate sur les signes cliniques (> 95 %) et sa morbidité inférieure à la chirurgie comme le montre une étude comparative (8, 9). Ce traitement a d’autant plus de sens que l’insulinome sporadique est dans l’ultra majorité des cas, bénin sans nécessité de curage ganglionnaire lorsqu’une chirurgie est décidée. Malgré ces bons résultats et sa validation fréquente en RCP RENATEN, la RFP n’est pas reconnue comme le traitement de première intention mais l’essai RFAET et d’autres pourraient permettre de changer la stratégie thérapeutique.
Tumeurs intrapapillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) ou cystadénome mucineux (CM)
Dans les cas de TIPMP ou de CM avec critère péjoratif intermédiaire par exemple de type nodule mural, la RFP a été utilisée avec succès dans l’essai français (Barthet et al.) puisque la lésion kystique avait disparu dans 64,7 % des cas à un an et 40 % à 42 mois avec une réponse de 100 % sur le nodule mural à 1 an confirmée à 42 mois de suivi médian (5, 6). Cependant, des données à plus long terme sont nécessaires dans cette indication où l’évaluation de la réponse est complexe, tout comme le diagnostic initial de la lésion kystique. À ce jour, la RFP est intéressante, en recours, pour un patient présentant une TIPMP avec nodule mural, non opérable avec un état général correct. Dans ce cas, la RFP doit être validée en RCP.
Métastases pancréatiques des cancers du rein
La RFP peut être très intéressante pour traiter les patients porteurs d’un cancer du rein oligométastatique contrôlé en alternative à la chirurgie pancréatique atypique (pancréatectomie médiane, tumorectomie… etc.) plus morbide (10). Une étude française montre des résultats intéressants (71 % de réponse à un an et > 90 % en cas de lésion < 2 cm). Certaines lésions entre 20 et 35 mm ont été traités avec succès mais avec nécessité de répéter les sessions (jusqu’à 4 sessions pour une même lésion) et avec un changement de puissance du générateur, passant de 50 à 30 W permettant une diffusion de la chaleur au-delà de 1 cm autour de l’aiguille. Dans cette indication, la RFP doit être validée en RCP onco-urologie
Adénocarcinome pancréatique (ADK-P)
Quelques séries se sont intéressées à la RFP dans cette indication. La technique apparaît assez sûre avec peu de complications sévères (11). La RFP doit toutefois trouver sa place dans cette pathologie au pronostic sombre et extrêmement lymphophile. Elle pourrait avoir une place en association avec la chimiothérapie pour les patients avec un ADK-P localement avancé ou bien comme le suggère une étude récente de cohorte en association avec la chimiothérapie néoadjuvante avant chirurgie (12). D’autres études prospectives de faisabilité puis d’efficacité doivent venir confirmer ces données préliminaires. De plus, il faudra établir quels types d’aiguilles et de réglages seront les plus adaptés en termes de puissance et de partie active.
Quels sont les risques de complications ?
Le taux de complications initialement faible (10 %) dans l’essai randomisé princeps multicentrique de Barthet et al. est encore plus faible après réadaptation du protocole (rajoût antibioprophylaxie) et la mortalité est nulle (5). Dans les autres études publiées depuis et l’étude RAFPAN réalisée sur une large cohorte française rétrospective de 100 patients ayant eu une RFP dans le cadre d’un essai ou hors essai sur de patients moins sélectionnés le taux de complication est à 22 % logiquement supérieur mais avec seulement 2 % de complications sévères (10).
La plupart ont été gérées médicalement sans intervention (Grade I et II AGREE pour 19/22 patients) ou endoscopiquement (3 grade IIIA) et aucune intervention chirurgicale n’a été nécessaire. En dehors des douleurs abdominales ou pancréatites aiguës qui représentent la majorité des complications, on note des collections pancréatiques par plaie du Wirsung et une sténose secondaire du canal pancréatique. Le seul facteur de risque identifié est une proximité du Wirsung < 1 mm. L’étude observationnelle « RAFPAN2 » en cours et prospective permettra très probablement d’encore mieux cibler les complications de cette technique récente. À ce jour, la prévention des complications comprend une sélection rigoureuse des cas (en particulier une distance > à 1 mm du Wirsung), une prévention de la pancréatite aiguë par AINS (IV ou intrarectal) et une antibioprophylaxie généralement par 2 g d’amoxicilline couplée à de l’acide clavulanique.
Quelles sont les modalités d’évaluation et de surveillance ?
Dans toutes les indications, une confirmation histologique par ponction-biopsie sous échoendoscopie est nécessaire.
Concernant l’indication principale (TNE et insulinome), la mesure d’une lésion < 20 mm en échoendoscopie et l’obtention d’un Ki67 < 3 % relu en centre expert dans le cadre du réseau TENPATH est le préalable indispensable. Ensuite, le bilan d’évaluation actuel proposé dans l’essai
RFANET français comprend une IRM abdominopelvienne aux trois temps d’injection, un scanner thoracique, un TEP-gallium et un TEP-FDG. Le TEP-gallium permet d’éliminer une autre localisation avant le traitement par RFP et le TEP-FDG s’il fixe franchement peut être le témoin d’une lésion agressive (Ki67 sous-estimé, faux grade 1) et contre-indique le traitement.
En post-traitement, une imagerie de contrôle injectée 3 temps réalisée un mois plus tard (scanner ou IRM) permet d’évaluer l’efficacité et de programmer si nécessaire une deuxième session. Ensuite le suivi dépendra de la pathologie initiale.
Références
1. Rochigneux P, Nault JC, Mallet F, Chretien AS, Barget N, Garcia AJ, et al. Dynamic of systemic immunity and its impact on tumor recurrence after radiofrequency ablation of hepatocellular carcinoma. Oncoimmunology. 2019;8(8):1615818.
2. Goldberg SN, Mallery S, Gazelle GS, Brugge WR. EUS-guided radiofrequency ablation in the pancreas: results in a porcine model. Gastrointest Endosc. 1999;50(3):392-401.
3. Arcidiacono PG, Carrara S, Reni M, Petrone MC, Cappio S, Balzano G, et al. Feasibility and safety of EUS-guided cryothermal ablation in patients with locally advanced pancreatic cancer. Gastrointest Endosc. 2012;76(6):1142-51.
4. Kim HJ, Seo DW, Hassanuddin A, Kim SH, Chae HJ, Jang JW, et al. EUS-guided radiofrequency ablation of the porcine pancreas. Gastrointest Endosc. 2012;76(5):1039-43.
5. Barthet M, Giovannini M, Lesavre N, Boustiere C, Napoleon B, Koch S, et al. Endoscopic ultrasound-guided radiofrequency ablation for pancreatic neuroendocrine tumors and pancreatic cystic neoplasms: a prospective multicenter study. Endoscopy. 2019;51(9):836-42.
6. Barthet M, Giovannini M, Gasmi M, Lesavre N, Boustiere C, Napoleon B, et al. Long-term outcome after EUS-guided radiofrequency ablation: Prospective results in pancreatic neuroendocrine tumors and pancreatic cystic neoplasms. Endosc Int Open. 2021;9(8):E1178-E85.
7. Kos-Kudla B, Castano JP, Denecke T, Grande E, Kjaer A, Koumarianou A, et al. European Neuroendocrine Tumour Society (ENETS) 2023 guidance paper for nonfunctioning pancreatic neuroendocrine tumours. J Neuroendocrinol. 2023;35(12):e13343.
8. Marx M, Trosic-Ivanisevic T, Caillol F, Demartines N, Schoepfer A, Pesenti C, et al. EUS-guided radiofrequency ablation for pancreatic insulinoma: experience in 2 tertiary centers. Gastrointest Endosc. 2022;95(6):1256-63.
9. Crino SF, Napoleon B, Facciorusso A, Lakhtakia S, Borbath I, Caillol F, et al. Endoscopic Ultrasound-guided Radiofrequency Ablation Versus Surgical Resection for Treatment of Pancreatic Insulinoma. Clin Gastroenterol Hepatol. 2023;21(11):2834-43 e2.
10. Chanez B, Caillol F, Ratone JP, Pesenti C, Rochigneux P, Pignot G, et al. Endoscopic Ultrasound-Guided Radiofrequency Ablation as an Future Alternative to Pancreatectomy for Pancreatic Metastases from Renal Cell Carcinoma: A Prospective Study. Cancers (Basel). 2021;13(21).
11. Costanzo A, Fulco E, Marini M, Rigamonti A, Vescovi L, Floridi A, et al. Endoscopic Ultrasound-Guided Radiofrequency Ablation (EUS-RFA) for Pancreatic Adenocarcinoma: A Review. Cureus. 2024;16(10):e70691.
12. Wray CJ, O’Brien B, Cen P, Rowe JH, Faraoni EY, Bailey JM, et al. EUS-guided radiofrequency ablation for pancreatic adenocarcinoma. Gastrointest Endosc. 2024;100(4):759-66.
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