Constipation chez l’enfant

Objectifs pédagogiques

  • Fréquence, étiologie
  • Quand explorer et comment ?
  • Quels traitements ?

La constipation est un des motifs de consultation les plus fréquents en pédiatrie. Sa prise en charge se construit en plusieurs étapes. Établir le diagnostic de constipation est le plus souvent évident cliniquement par l’interrogatoire et l’examen clinique même si la fréquence ou consistance de selles normales peuvent égarer le diagnostic. Ensuite, il convient d’éliminer une cause organique. Moins de 5 % des constipations ont une cause organique. En cas de doute chez le nouveau-né ou nourrisson, interviennent la manométrie ano-rectale à la recherche du réflexe recto-anal inhibiteur, puis un lavement baryté pour préciser l’étendue des lésions et enfin une biopsie rectale pour obtenir la certitude histologique de l’existence ou non d’une maladie de Hirschsprung. D’autres étiologies organiques seront éliminées avec des examens complémentaires guidés par la clinique. Dans la très grande majorité des cas, aucun examen complémentaire n’est utile. Le traitement est d’abord empirique par mesure hygièno diététique : exercice physique, boissons non sucrées abondantes, apport suffisants en fibres. Il sera complété si besoin par des laxatifs associant émollients et lubrifiants. Enfin, il est indispensable de réévaluer la constipation pour pouvoir pérenniser le traitement ou reprendre une enquête diagnostique incomplète.

Une physiopathologie à la croisée des chemins…

La notion de rétention volontaire à l’origine de la constipation est volontiers retrouvée aussi bien chez le nourrisson que chez l’enfant. Les mécanismes qui mènent à la chronicisation de la constipation fonctionnelle sont multiples. Chez le nourrisson un épisode aigu de selles dures et sèches engendre une fissure anale et une douleur qui vont aboutir à une appréhension et une peur de la défécation avec attitude de rétention fécale. Celle-ci conduit à une adaptation rectale avec diminution de la sensation de besoin. Les selles, dures et volumineuses, lors d’un passage ultérieur vont engendrer une douleur intense à l’origine d’un cercle vicieux avec pérennisation du symptôme. Chez l’enfant plus grand, la rétention volontaire aboutit à une disparition du besoin secondaire à un encombrement rectal avec distension. Cette dernière entraîne des anomalies de la sensibilité [1] et de la compliance rectale [2] qui vont pérenniser le trouble. Cette sensation de besoin peut disparaître totalement avec épisodes d’incontinence par perte de la capacité de se retenir ou d’exonérer lorsque le rectum se remplit. Une contraction paradoxale du sphincter anal externe avec anomalies de la dynamique de la défécation [3] est parfois retrouvée. Pourtant le biofeedback n’améliore pas toujours la symptomatologie [4]. Il existe donc d’autres facteurs probablement psychologiques et comportementaux également impliqués dans la pérennisation du symptôme.

Un diagnostic clinique

Tous les chemins mènent à Rome

Les définitions normatives se sont succédées. Il était spécifié initialement que les selles étaient peu nombreuses ( 1 selle par jour sous lait de mère, ≤ 3 fois par semaine chez le nourrisson et  2 fois par semaine chez l’enfant plus grand), puis de consistances anormales et peu nombreuses. Un consensus s’est établi autour des critères de Rome III [5, 6] sur une définition suivante réunissant au moins 2 critères pendant au moins 8 semaines chez l’enfant de moins de 4 ans.

Sur une période d’au moins 4 semaines, l’enfant doit présenter au moins 2 des critères suivants :

  • 2 selles ou moins par semaine
  • Comportement d’appréhension ou de rétention volontaire
  • Histoire de selles douloureuses et/ou très dures
  • Selles palpables dans le rectum ou à l’examen de l’abdomen
  • > 1 épisode d’incontinence fécale par semaine chez un enfant ayant acquis la propreté

Et chez l’enfant âgé de plus de 4 ans

Sur une période d’au moins 8 semaines, l’enfant doit présenter 2 ou plus des critères suivants :

  • < 3 selles / semaine
  • > 1 épisode d’incontinence fécale / semaine
  • Selles palpables dans le rectum ou à l’examen de l’abdomen
  • Selles susceptibles d’obstruer les toilettes
  • Position de rétention ou appréhension lors de la défécation

Cette terminologie prend ainsi en compte également le volume des selles, l’examen clinique, la douleur à la défécation et l’ancienneté des symptômes.

Ce qui nous permet de rappeler le dogme : toute constipation « aiguë » est un syndrome occlusif jusqu’à preuve du contraire.

Une épidémiologie de pratique quotidienne

1 à 8 % des nourrissons, et 10 à 35 % des enfants souffrent de ce symptôme, d’autant plus qu’ils ont des antécédents familiaux, une obésité ou un retard de croissance intra utérin [7, 8].

Un examen clinique soigneux…

Un interrogatoire minutieux et un examen somatique permettent rapidement de mettre en exergue les paramètres en faveur d’une constipation d’origine organique : début néonatal, retard à l’évacuation du méconium, altération de la croissance staturo pondérale, vomissements bilieux, épisodes sub occlusifs itératifs, ballonnements abdominaux fréquents ou constipation opiniâtre résistante à un traitement bien conduit.

Les diagnostics médicaux seront aussi éliminés (maladie cœliaque, mucoviscidose, tubulopathie et hypothyroïdie) permettant de se concentrer sur la prise en charge d’une constipation fonctionnelle

Des examens complémentaires souvent inutiles… mais parfois indispensables

Aucun examen n’est requis en cas de constipation fonctionnelle. Les examens disponibles pour explorer une constipation sont nombreux mais à utiliser à bon escient. Rappelons toutefois que 30 % des enfants atteints de maladies coeliaques sont constipés.

1. ASP

Il existe une mauvaise corrélation entre diagnostic clinique de constipation et constatation radiologique de constipation [9]. Par ailleurs, la reproductibilité de cet examen est controversée. [10]. Il n’a donc utilité devant un tableau de constipation simple.

2. Mesure du temps de transit par des marqueurs radio-opaques

Ils sont très rarement utilisés en pratique

3. Lavement baryté et défécographie

Le lavement baryté peut par contre être un premier examen de débrouillage en cas de suspicion de maladie organique notamment de maladie de Hirschsprung. Cette première étape sera ensuite complétée par une manométrie ou une biopsie rectale pour obtenir une certitude diagnostic.

4. Échographie abdominale :

sans intérêt autre qu’un éventuel diagnostic différentiel.

5. IRM du plancher pelvien :

ces techniques n’ont d’intérêt que dans la prise en charge des enfants opérés d’une malformation ano-rectale et présentant des troubles de la continence.

6. Manométrie ano-rectale

L’examen est réalisé après une bonne préparation rectale et sans sédation.

Si des anomalies sont retrouvées chez de nombreux enfants constipés (97 % pour Meunier et all) [1], il est souvent difficile de savoir si elles sont une cause ou plutôt une conséquence de la constipation. En effet, la correction de ces anomalies par la rééducation de type biofeedback n’améliore pas toujours (même rarement !) les symptômes cliniques.

7. Biopsies rectales

Elle permet le diagnostic de maladie de Hirschsprung.

8. Colonoscopie

n’a aucun intérêt dans le bilan d’une constipation de l’enfant.

Une prise en charge au long cours

La prise en charge est capitale chez ces enfants pour améliorer leur confort, leur insertion sociale et éviter des complications comme l’encoprésie (définit par l’émission de selles normales dans des endroits inappropriés après l’âge de 4 ans) ou les infections urinaires à répétition

Les mesures diététiques comportent plusieurs volets :

  • Augmentation des boissons non sucrées.
  • Augmentation de la ration en fibres : pain et des biscuits au son, légumes verts et fruits non farineux pour apporter l’équivalent de l’âge de l’enfant + 5 g de fibres.
  • Diminution de la consommation en sucreries, carottes, riz.

L’exercice physique joue également un rôle important

La rééducation sphinctérienne est inefficace sauf cas particulier dans les suites d’une anoplastie post malformation ano rectale

Les traitements médicamenteux doivent toujours comporter en association : laxatif et émollients. Leur durée de prescription ne doit pas se limiter à une cure. En effet dans une étude de Loening-Baucke [11], sur 90 enfants constipés < 4 ans suivis pendant sept ans en moyenne, 37 % d’entre eux ont rechuté dès que le traitement laxatif a été interrompu.

Références

  1. Meunier P, Louis D, Jaubert de Beaujeu M. Physiologic investigation of primary chronic constipation in children: comparison with the barium enema study. Gastroenterology 1984;87:1351-7.
  2. Voskuijl WP, van Ginkel R, Benninga MA, Hart GA, Taminiau JA, Boeckxstaens GE. New insight into rectal function in pediatric defecation disorders: disturbed rectal compliance is an essential mechanism in pediatric constipation. J Pediatr 2006;148:62-7.
  3. Benninga MA, Buller HA, Taminiau JA. Biofeedback training in chronic constipation. Arch Dis Child 1993;68:126-9.
  4. van der Plas RN, Benninga MA, Buller HA, Bossuyt PM, Akkermans LM, Redekop WK, Taminiau JA. Biofeedback training in treatment of childhood constipation: a randomised controlled study. Lancet 1996;348:776-80.
  5. Hyman PE, Milla PJ, Benninga MA, Davidson GP, Fleisher DF, Taminiau J. Childhood functional gastrointestinal disorders: neonate/toddler. Gastroenterology 2006;130:1519-26.
  6. Rasquin A, Di Lorenzo C, Forbes D, Guiraldes E, Hyams JS, Staiano A, Walker LS. Childhood functional gastrointestinal disorders: child/adolescent. Gastroenterology 2006;130:1527-37.
  7. Pashankar, Loening-Baucke. Increased prevalence of obesity in children with functional constipation evaluated in an academic medical center. Pediatrics 2005;116:e377-e380.
  8. Cunningham Constipation in very-low-birth-weight children at 10 to 14 years of age. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2001 Jul;33(1):23-7.
  9. Lieke M. Diagnostic value of abdominal radiography in constipated children. Arch Pediatr Adolesc Med. 2005;159:671-8.
  10. Leech SC, McHugh K, Sullivan PB. Evaluation of a method of assessing faecal loading on plain abdominal radiographs in children. Pediatr Radiol 1999;29:255-8.
  11. Loening-Baucke V. Constipation in early childhood : patient characteristics, treatment, and long term follow up Gut, 1993;34:1400-4.

Les Six points forts

  1. Devant une constipation qui semble fonctionnelle, un traitement symptomatique est proposé d’emblée sans exploration. Toute constipation « aiguë» est un syndrome occlusif jusqu’à preuve du contraire.
  2. Un retard d’éliminationméconiale impose la recherche de maladie de Hirscshprung, d’hypothyroïdie et de mucoviscidose et la maladie de Hirscshprung est le plus souvent de révélation néonatale (diagnostic histologique).
  3. Le transit d’un nourrisson au lait de mère varie de 8 selles par jour à une par semaine.
  4. Devant une constipation une courbe de poids et de taille s’impose à la recherche d’une maladie générale sous jacente.
  5. En cas d’encoprésie une approche bipolaire psychosomatique est envisagée.
  6. Après un bilan soigneux, il faut savoir évoquer une maltraitance.