Immunothérapie dans les cancers digestifs

POST’U 2018

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les principes de l’immunothérapie en oncologie
  • Connaître les résultats et les effets secondaires de l’immunothérapie dans les cancers digestifs
  • Connaître les facteurs prédictifs de réponse à l’immunothérapie
  • Connaître les indications thérapeutiques actuelles (dans le cancer colo-rectal)

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. Au cours de la progression tumorale, la tumeur développe différents mécanismes d’échappement au système immunitaire (immunotolérance).
  2. Une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire, permet de lever l’immunotolérance dans certaines tumeurs.
  3. Les tumeurs digestives avec instabilité microsatellitaire sont associées à une charge mutationnelle élevée ce qui induit une meilleure réponse à l’immunothérapie.
  4. Une autorisation de mise sur le marché devrait être prochainement obtenue pour certains médicaments d’immunothérapie dans le traitement de tumeurs digestives métastatiques présentant une instabilité microsatellitaire.
  5. Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire sont généralement bien tolérés, mais des toxicités sévères de type auto-immun peuvent survenir.

Liens d’intérêt
Conférences : Roche, Novartis, Sanofi, Pfizer, Léo pharma, Amgen, BMS
Conseils : Pierre Fabre, Ipsen, Halio DX, BMS
Prise en charge congrès : Roche, Novartis, Sanofi, Ipsen, Hospira

Mots-clés : immunothérapie, instabilité microsatellite, cancers digestifs

Mécanisme d’échappement tumoral au système immunitaire

Le système immunitaire a un rôle majeur dans la défense anti-tumorale qualifié d’immunosurveillance anti-tumorale [1]. Cependant, le phénotype des cellules immunitaires change au cours du développement tumoral témoignant d’un dialogue entre le système immunitaire, le stroma et l’épithélium néoplasique. Le système immunitaire va exercer une pression de sélection « immuno-editing » sur la tumeur.

Évolution de l’interaction entre le système immunitaire et les cellules tumorales

Trois phases ont été décrites [2] :

Phase d’élimination : Le remodelage du stroma et la production de chimiokines produites par les cellules tumorales induisent le recrutement de macrophage, cellules NK et lymphocytes NKT qui vont détruire les cellules tumorales. Des antigènes tumoraux vont être libérés et être captés par les cellules dendritiques et activer des lymphocytes T CD4+ qui vont eux-mêmes stimuler des lymphocytes T CD8+ spécifiques des antigènes tumoraux. Ces lymphocytes CD8+ vont secréter de l’INF-γ cytostatique et détruire directement les cellules tumorales.

Phase d’équilibre : pendant cette phase, des clones tumoraux moins immunogènes vont apparaître. Cette phase peut être de durée variable, parfois de plusieurs années.

Phase d’échappement : les variants tumoraux sélectionnés vont résister au système immunitaire par différents mécanismes : perte de l’expression d’antigènes tumoraux, production de molécules immunosuppressives, recrutement dans le microenvironnement tumoral de cellules immunosuppressives, expression de molécules (Fas-L, PD-L1 …) favorisant l’apoptose des lymphocytes.

Réduction de l’immunogénicité tumorale

La déficience de la réponse immunitaire antitumorale peut être liée soit à une mauvaise reconnaissance des antigènes tumoraux ou à l’absence d’expression d’antigènes tumoraux soit à une défaillance de la réponse effectrice (Figure 1).

Figure 1. Mécanismes d’échappement tumoral à l’immuno-surveillance
CMH : complexe majeur d’histocompatibilité
TAM : tumor associated macrophage
MDSC : myeloid-derived suppressor cells
Treg : lymphocyte T régulateur

Non reconnaissance des antigènes tumoraux

La pression de sélection va favoriser l’émergence de clones n’exprimant que des antigènes faiblement immunogènes. D’autre part, les cellules dendritiques présentes dans le micro-environnement tumoral qui ont un rôle essentiel dans la présentation des antigènes tumoraux aux lymphocytes peuvent avoir une altération de maturation favorisée par le VEGF-A sécrété par les cellules tumorales [3]. Enfin, dans certains cas les cellules tumorales peuvent perdre l’expression du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I notamment en cas de mutation du gène de la b2-microglobuline qui code pour une sous-unité du CMH de classe I [4]. La cellule tumorale n’est alors plus capable de présenter d’antigène aux lymphocytes T effecteurs (LT CD8+).

Épuisement lymphocytaire

Physiologiquement les lymphocytes T expriment des récepteurs induisant un signal d’inhibition afin d’éviter des réactions auto-immunes inappropriées. Les cellules tumorales mettent à profit ce mécanisme en exprimant à leur surface les molécules PD-L1 ou B7 respectivement ligands de PD-1 (program death 1) et CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte-associated protein) molécules de co-inhibition exprimées à la surface des lymphocytes T. Ainsi l’activation de ces « points de contrôle immunitaires » par la cellule tumorale va entraîner une inactivation lymphocytaire. D’autre part, les cellules tumorales peuvent secréter certaines cytokines inhibant l’action des lymphocytes T comme l’IL-10 ou le TGF-β [5].

Microenvironnement immunosuppressif

Des lymphocytes T peuvent acquérir des fonctions régulatrices (Treg) notamment sous l’action du TGF-β ou du VEGF-A. Les Treg produisent des cytokines immunosuppressives comme l’IL-10 qui inhibe la sécrétion de cytokines anti-tumorales ainsi que l’expression de molécules de co-stimulation sur les cellules présentatrices d’antigène [6].

Les macrophages peuvent avoir une action anti-tumorale (M1) ou pro-tumorale (M2). Les macrophages M2 (tumor associated macrophage) modifient la matrice extracellulaire, promeuvent la néo-angiogénèse et interagissent avec les Treg pour inhiber l’immunité anti-tumorale. Au cours de la séquence adénome-cancer, on observe une évolution progressive du phénotype des macrophages de M1 vers M2 [7]. Les polynucléaires neutrophiles peuvent également acquérir un phénotype N2 pro-tumoral et secréter des sérines protéases et chimiokines qui vont faciliter l’invasion tumorale [8]. Enfin, certaines cellules de la lignée myéloïde, les myeloid-derived suppressor cells (MDSC), ont également une action immunosuppressive notamment en empêchant la prolifération des lymphocytes T [9].

Comment réactiver l’immunité antitumorale ?

Valeur pronostique du phénotype immunitaire

Dans plusieurs types tumoraux et notamment dans les cancers colorectaux il a été montré qu’un infiltrat lymphocytaire tumoral CD8+ tumoral est associé à un meilleur pronostic [10]. Pour les cancers colorectaux, un score immunologique prenant en compte le type de lymphocytes CD45RO/CD8) et la région tumorale (centre de la tumeur ou front d’invasion) a une valeur prédictive indépendante du score TNM pour la survie globale et sans récidive [11]. Ces résultats suggèrent que le pronostic est dépendant de la qualité de la réponse immunitaire anti-tumorale plus encore que de paramètres cliniques. Il existe plusieurs voies de carcinogenèse colorectale, l’une d’entre elle est caractérisée par une instabilité microsatellitaire (MSI) liée à un défaut de réparation des anomalies de réplication de l’ADN. Cette voie de carcinogenèse est en rapport soit avec une mutation constitutionnelle d’un des gènes du système de réparation de l’ADN dans le cadre d’un syndrome de Lynch, soit d’une hyperméthylation inactivatrice du promoteur du gène hMLH1 notamment chez les patients âgés [12]. L’instabilité microsatellitaire est associée à une infiltration immunitaire importante CD8+ [13]. Les tumeurs MSI représentent environ 15 % des adénocarcinomes coliques et gastriques au stade localisé (Tran-Minh ML et al., communication orale JFHOD 2018) et leur fréquence augmente avec l’âge. Les tumeurs MSI sont plus fréquemment de stade peu avancé et de meilleur pronostic [14] y compris à un âge avancé [15]. Cette caractéristique des tumeurs MSI explique probablement une meilleure efficacité du système immunitaire dans cette sous-population de tumeurs. Plus généralement, la charge mutationnelle en rapport ou non avec le phénotype MSI est variable selon le type tumoral et au sein d’un même type tumoral [17].

Approches de l’immunothérapie

Le concept de la stimulation du système immunitaire pour traiter le cancer est ancien. Des succès de l’immunothérapie ont été obtenus depuis longtemps dans les mélanomes ou les cancers du rein. Plusieurs approches de l’immunothérapie existent.

  • L’immunothérapie active spécifique repose sur la vaccination anti-tumorale dirigée contre des antigènes tumoraux ou sur une thérapie cellulaire adoptive consistant à stimuler ex-vivo des cellules immunitaires effectrices du patient avec des fragments de sa propre tumeur puis de les réinjecter au patient. Les stratégies vaccinales ont pour l’instant été globalement décevantes dans les cancers digestifs.

L’immunothérapie adoptive consiste en la maturation de cellules immunitaires autologues (cellules dendritiques ou lymphocytes T) avec des antigènes tumoraux. Cette approche a donné des résultats préliminaires intéressants mais reste lourde à mettre en oeuvre [18, 19].

  • Une autre approche de l’immunothérapie consiste à utiliser des virus oncolytiques modifiés pour ne pas se répliquer dans les cellules normales. Les antigènes tumoraux issus des cellules tumorales lysées par le virus vont être captés par les cellules dendritiques et présentés aux cellules T afin de déclencher une réponse immunitaire anti-tumorale. Une efficacité a déjà été rapportée dans le traitement des mélanomes [20].

  • Enfin, une dernière approche consiste à inhiber les voies de régulation négative du système immunitaire afin de lever la tolérance immunitaire. Les molécules de co-stimulation inhibitrices de la réponse immunitaire, sont principalement le PD-1 et son ligand (PD-L1) et le récepteur CTLA-4. Ces molécules exercent des points de contrôle immunologiques induisant la tolérance immunitaire. Des succès incontestables ont été enregistrés dans le traitement des mélanomes, des cancers du rein et de certains cancers du poumon avec cette nouvelle approche thérapeutique.

Inhibition des points de contrôle immunitaires

Les anticorps anti-CTLA-4 permettent de restaurer l’activation des lymphocytes T par les cellules présentatrices d’antigène. Les anticorps anti PD-1 ou PDL-1 permettent de restaurer la reconnaissance des antigènes tumoraux par les cellules effectrices [21] (Figure 2). Plusieurs anticorps monoclonaux dirigés contre PD-1, PD-L1 et CTLA-4 ont eu une approbation par la FDA dans de nombreuses localisations tumorales (Tableau I). L’accès à l’immunothérapie reste encore très limité en France. De nombreux essais sont en cours qui devraient faire évoluer les indications dans les prochaines années.

Figure 2. Action des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires
CMH : complexe majeur d’histocompatibilité
TCR : T cell receptor

Tableau I. Principaux anticorps monoclonaux inhibiteurs de points de contrôle immunitaire en cours de développement

Cible Médicament Autorisations FDA (USA) Laboratoire
CTLA-4 Tremelimumab Mésothéliome Astra-Zeneca
Ipilimumab (YERVOY®) Mélanome en adjuvant et métastatique* Bristol-Myers Squibb
PD-1 Nivolumab (OPDIVO®) Colorectal MSI, carcinome hépatocellulaire, mélanome*, carcinome urothélial, cancer bronchique non à petites cellules*, ORL, rénal et Hodgkin Bristol-Myers Squibb
Pembrolizumab (KEYTRUDA®) Cancers MSI, adénocarcinome œsogastrique, carcinome urothélial, mélanome*, cancer ORL, cancer bronchique non à petites cellules
et Hodgkin
MSD
PD-L1 Durvalumab

(IMFINZI®)

Carcinome urothélial Astra-Zeneca
Atezolizumab

(TECENTRIQ®)

Carcinome urothélial, carcinome bronchique non à petites cellules Roche
Avelumab

(BAVENCIO®)

Carcinome urothélial, carcinome
de Merkel*
Merck Serono
* Autorisation en France

La preuve de l’efficacité des inhibiteurs du point de contrôle immunitaire a été apportée initialement dans le traitement du mélanome en échappement thérapeutique avec l’ipilimumab [22], puis avec le nivolumab en comparaison à une chimiothérapie [23]. On observe dans les courbes de survie de Kaplan-Meier de ces études une phase de plateau témoignant de l’existence d’un sous-groupe de longs survivants pour lesquels l’immunothérapie prolonge la survie de manière spectaculaire. La sélection des patients qui vont bénéficier de l’immunothérapie doit être améliorée.

L’évaluation de l’efficacité de l’immunothérapie présente certaines particularités, comparée à celle des chimiothérapies cytotoxiques. Ainsi, il peut exister une augmentation de volume des lésions cibles ou l’apparition de nouvelles lésions auparavant infra-cliniques lors de la première évaluation morphologique après le début du traitement. Cette augmentation transitoire du volume est liée à l’inflammation induite par l’action de l’immunothérapie. Il ne faut donc pas hésiter à refaire une évaluation morphologique un à deux mois au décours pour déterminer s’il s’agit ou non d’un échappement à l’immunothérapie [24].

La toxicité de l’immunothérapie est très différente de celle des chimiothérapies cytotoxiques ou des thérapies ciblées. L’utilisation d’inhibiteurs des points de contrôle immunitaire expose à un large spectre de toxicités auto-immunes de sévérité variable (Tableau II) [25]. L’existence d’antécédent personnel ou familial de pathologies auto-immunes expose au risque d’apparition ou de réactivation de celles-ci. La prescription sera particulièrement prudente en cas de MICI, de polyarthrite rhumatoïde ou de sclérose en plaques. En revanche, un vitiligo ou une endocrinopathie auto-immune bien équilibrée sous traitement substitutif ne doivent pas être un frein à la prescription d’une immunothérapie. Les effets indésirables de l’immunothérapie surviennent majoritairement dans les 4 premiers mois de traitement, mais certaines manifestations peuvent survenir plus tardivement au cours du traitement, voire après la fin de celui-ci. Les toxicités pour lesquelles les gastroentérologues seront le plus sollicités sont les colites parfois sévères. Les entérocolites survenant après traitement par anticorps anti-CTLA-4, se présentent le plus souvent comme une colite aiguë parfois sévère avec atteinte possible des autres étages du tractus digestif. Le traitement repose sur les corticoïdes et en cas d’échec, un traitement par infliximab est indiqué [26]. La composition du microbiote intestinal semble avoir une implication dans la survenue des colites induites par les anti-CTLA-4 mais également de manière plus surprenante dans l’efficacité anti-tumorale de l’immunothérapie [27]. Les colites sont moins sévères après traitement par anti-PD-1 [28].

Tableau II. Principales toxicités des inhibiteurs de point de contrôle immunitaires

Toxicités fréquentes (> 10 %)
Ipilimumab (anti CTLA-4)

Diarrhée, rash cutané, prurit, asthénie, nausée, perte d’appétit et douleur abdominale

Nivolumab (anti PD-1)

Asthénie, rash cutané, prurit, diarrhée et nausée

Pembrolizumab (anti PD-1)

Diarrhée, nausée, prurit, rash cutané, arthralgies et asthénie

Toxicités rares (< 10 %) sévères
Colite avec risque de perforation

Pneumopathie interstitielle ou syndrome de détresse respiratoire aigu

Choc anaphylactique

Acido-cétose diabétique

Syndrome de Stevens Johnson

Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS)

Anémie hémolytique

Thrombopénie ou neutropénie auto-immune

Syndrome de Guillain Barré

Encéphalopathie

Myocardite

Insuffisance surrénale aiguë

Épanchement pleural ou péricardique

Néphropathie

L’immunothérapie peut induire une réaction inflammatoire importante exposant au risque de majoration transitoire des symptômes de la maladie, comme une dyspnée en cas de lymphangite carcinomateuse ou un syndrome méningé en cas de méningite carcinomateuse. Enfin, l’immunothérapie peut également augmenter les réactions à une infection latente comme une tuberculose ou une hépatite virale.

Résultats des inhibiteurs de point de contrôle immunitaire dans le traitement des cancers digestifs

La preuve de l’efficacité de l’immunothérapie dans les cancers digestifs a été apportée plus tardivement que pour d’autres types tumoraux, mais les résultats de premiers grands essais commencent à être disponibles (Tableau III).

Tableau III. résultats des principales études ayant évalué l’immunothérapie dans le traitement des cancers digestifs

Étude Primitif Situation Médicament n Réponse objective Survie sans progression médiane (mois) Survie globale
médiane (mois)
Le DT et al., NEJM 2015 Colorectal Échec chimiothérapie Pembrolizumab MSI=11

MSS=21

40 %

0 %

Non atteinte

2,2 mois

Non atteinte

5 mois

Overman MJ. et al., Lancet Oncol 2017 Colorectal Échec chimiothérapie

Tumeur MSI

Nivolumab 74 32 % 14,3 Non atteinte

(73 % à 12 mois)

André T et al., JFHOD 2018 Colorectal Échec chimiothérapie

Tumeur MSI

Nivolumab + ipilimumab 84 55 % Non atteinte

(77 % à 12 mois)

Non atteinte

(88 % à 12 mois)

Muro K et al., Lancet Oncol 2016 Estomac Échec chimiothérapie Pembrolizumab 39 22 % 1,9 11,4
Kang Y-K et al., Lancet 2017 Estomac Échec chimiothérapie Nivolumab Nivo.=330

Placebo=163

11 %

0 %

1,6

1,5

5,3 (26 % à 12 mois)

4,2 (11 % à 12 mois)

Kudo T et al., Lancet Oncol 2017 Œsophage épidermoïde Échec chimiothérapie Nivolumab 65 17 % 2,3 10,8
Morris VK et al., Lancet Oncol 2017 Carcinome anal Échec chimiothérapie Pembrolizumab 25 24 % 4,1 11,5
El Khouery AB et al., Lancet 2017 Carcinome hépatocellulaire 1re ligne ou échec sorafénib Nivolumab 214 20 % 4,1 Non atteinte

(74 % à 9 mois)

Cancer colorectal

Tumeur MSI

La première publication convaincante a évalué le pembrolizumab en monothérapie dans le traitement de tumeurs colorectales ou non colorectales métastatiques MSI et quelques tumeurs MSS échappant au traitement conventionnel. Un taux de réponse élevé, une survie sans progression (SSP) et une survie globale (SG) exceptionnellement longues ont été observés chez les patients avec tumeur MSI, comparés aux patients avec tumeur MSS (Figure 3). Le séquençage exomique a révélé une moyenne de 1 782 mutations somatiques par tumeurs dans les tumeurs dMMR, comparé à 73 mutations dans les tumeurs pMMR (p = 0,007), et la charge élevée de mutations somatiques était associée à une SSP prolongée (p=0,02) [29]. Une autre étude de phase II a évalué un traitement par nivolumab en monothérapie chez 74 patients atteints d’une tumeur MSI échappant à une ou plusieurs lignes de chimiothérapie. Il a été observé un taux de réponse de 32 %, un taux de contrôle tumoral à 3 mois de 64 %, une médiane de SSP de 14 mois et un taux de SG à 12 mois de 73 % [30]. L’association nivolumab + ipilimumab semble donner d’encore meilleurs résultats avec un taux de réponse tumoral de 55 %, un taux de SSP à 12 mois de 77 % et de SG à 12 mois de 88 % (André T et al., communication affichée JFHOD 2018). Ainsi l’immunothérapie semble être en mesure d’assurer un contrôle tumoral très prolongé pour le sous-groupe de patients atteints d’une tumeur MSI échappant au traitement conventionnel. Une AMM en France est attendue dans cette indication, cependant, l’immunothérapie ne sera vraiment accessible aux patients français qu’une fois un remboursement obtenu. Un essai de phase III académique français va permettre d’avoir un accès large à l’immunothérapie pour ces patients. Cet essai va comparer une immunothérapie par avélumab à une chimiothérapie conventionnelle en deuxième ligne métastatique chez les patients avec tumeur MSI (essai PRODIGE 54 – SAMCO). Un essai industriel de phase III randomise un traitement par pembrolizumab versus chimiothérapie en première ligne métastatique (KEYNOTE 177).

Figure 3. Survie globale des patients avec cancer colorectal métastatique traités par pembrolizumab selon le statut MSI
D’après Le DT et al., NEJM 2015

Tumeur MSS

Les tumeurs MSI ne représentent qu’environ 5 % des tumeurs colorectales métastatiques. La monothérapie anti-PDL-1 n’est pas efficace pour le traitement des tumeurs sans instabilité microsatellite (MSS). L’association anti-PDL-1 + anti CTLA-4 a été testée sur un faible nombre de patient atteints d’une tumeur MSS sans résultat très convaincant (SSP  3 mois et SG de 3,7 à 11,5 mois selon le schéma de dose) et au prix d’une toxicité non négligeable notamment en cas de forte dose d’anti-CTLA-4 [31]. Rendre les tumeurs colorectales métastatiques MSS sensibles à l’action des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire est un enjeu important. Une étude de phase Ib a évalué l’association cobimétinib-atézolizumab chez des patients atteints de tumeur MSS et KRAS mutés. Le cobimétinib est un inhibiteur oral de MEK1/2 favorisant l’activation des lymphocytes T intratumoraux. Un taux de réponse de 17 % et un taux de survie sans progression à 6 mois de 35 % ont été observés chez 23 patients lourdement prétraités [32]. Une autre approche est apportée par l’utilisation couplée d’un anticorps bi-spécifique (CEA-TCB) ciblant à la fois l’ACE exprimé à la surface des cellules tumorales et le CD3 à la surface des lymphocytes T associé à des perfusions d’atézolizumab. Le CEA-TCB va recruter les lymphocytes T sur le site tumoral et l’atézolizumab inhiber les points de contrôle immunitaires. Des résultats d’une phase I ont retrouvé 82 % de contrôle de la maladie. Ces résultats encourageant doivent être confirmés sur une étude plus importante [33].

Cancers œsogastriques

Des études de phase I/II ont montré un taux de réponse objective de 12 à 22 % avec une monothérapie anti-PD1 ou PD-L1 chez des patients en échappement thérapeutique [34–36]. Dans une étude avec l’avelumab, il faut noter que la survie sans progression médiane apparaissait meilleure lorsqu’une expression tumorale de PD-L1 était retrouvée en immunohistochimie [37]. L’association d’un anti-PDL-1 et d’une chimiothérapie en 1re ligne métastatique est prometteuse avec un taux de réponse de 60 % mais une survie globale de seulement 13,8 mois. L’immunothérapie seule en 1re ligne a permis d’obtenir 26 % de réponse objective mais une survie prolongée de 20,7 mois [36]. L’ensemble des résultats de ces phases II doit être confirmé par des études de phase III.

Une première étude asiatique randomisée de phase III a comparé le nivolumab en monothérapie au placebo chez 493 patients échappant au traitement par chimiothérapie [38]. La SG était modestement mais significativement améliorée dans le bras traité par nivolumab (5,3 vs 4,1 mois, p  0,0001). Il y avait plus de survivants à 12 mois dans le groupe traité par nivolumab (26,2 % vs 10,9 %).

Dans les cancers épidermoïdes de l’œsophage métastatique une phase II a rapporté un taux de réponse de 17 % et moins de 20 % de patients sans progression à 12 mois [39].

Au total, il existe une efficacité de l’immunothérapie dans les cancers œsogastriques en échappement à la chimiothérapie, néanmoins il serait nécessaire d’avoir des biomarqueurs permettant de sélectionner les sous-populations de patients tirant le plus bénéfice de ce traitement. Contrairement à d’autres localisations tumorales extra-digestives, l’expression de PDL-1 n’apparaît pas comme étant un bon facteur discriminant.

Autres cancers digestifs

Carcinome hépatocellulaire

Le nivolumab en monothérapie a été évalué chez 262 patients, le taux de réponse était de 20 %, la médiane de SSP de 4 mois et le taux de SG à 9 mois de 74 %. Il n’y avait pas de différence d’efficacité flagrante selon que les patients étaient porteurs ou non d’une hépatite virale ou aient reçu ou non un traitement préalable par sorafénib. Le traitement était bien toléré, y compris chez les patients présentant une infection virale B ou [40]sorafenib is the only approved drug worldwide, and outcomes remain poor. We aimed to assess the safety and efficacy of nivolumab, a programmed cell death protein-1 (PD-1. Des études randomisées sont en cours.

Carcinome épidermoïde de l’anus

Une phase II a évalué le nivolumab dans le traitement des carcinomes épidermoïdes de l’anus métastatiques réfractaires à la chimiothérapie chez 39 patients. Il y avait 24 % de réponses objectives, un taux de 38 % de patients stabilisés à 6 mois et une SG médiane de 11,5 mois. Deux patients étaient séropositifs pour le VIH et n’ont pas présenté de toxicité particulière [41]. Ces résultats encourageants sont à confirmer par de plus grandes études.

Carcinome bilio-pancréatique

Bien qu’il existe une expression importante de PD-L1 dans le stroma tumoral des adénocarcinomes pancréatiques, il n’a pas été noté de signal d’efficacité de l’immunothérapie dans le cancer du pancréas. D’autre part, il existe des adénocarcinomes pancréatiques et des cholangiocarcinomes présentant une instabilité microsatellite. Dans cette situation l’immunothérapie devrait être envisagée.

Conclusion

L’immunothérapie représente un formidable espoir mais à ce jour les résultats ne sont vraiment convaincants que dans le sous-groupe de patient, atteints de tumeurs MSI. Cette forme particulière de cancers doit être systématiquement recherchée pour tous les adénocarcinomes. En effet, l’INCa a mis en place un programme AcSé spécifique pour les tumeurs MSI en échappement thérapeutique autre que colorectales. Pour les cancers colorectaux, ces patients pourront être traités dans le cadre de l’essai PRODIGE 54 – SAMCO ou KEYNOTE 177. Pour les autres cancers, il faut encore travailler sur l’identification de facteurs prédictifs de l’efficacité de l’immunothérapie en monothérapie, mais également explorer les associations de plusieurs immunothérapies ou avec une thérapie ciblée. Une chimiothérapie cytotoxique d’induction ou la radiothérapie pourraient également, du fait de la nécrose tumorale, engendrer le relargage de nombreux antigènes qui pourraient être la cible d’une immunothérapie. De nombreuses études seront à mener pour préciser la place exacte de cette nouvelle approche thérapeutique.

Références

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