MICI : La maladie réfractaire

POST’U 2018

MICI

Objectifs pédagogiques

  • Définir la maladie réfractaire (Crohn et RCH)
  • Quel bilan réaliser devant une MICI réfractaire ?
  • Quelle stratégie thérapeutique envisager en cas de MICI réfractaire ?

Les 5 points forts

  1. Le diagnostic de MICI réfractaire doit être envisagé en cas de résistance/intolérance aux corticoïdes ou en cas de persistance de signes d’activité malgré un traitement par immunosuppresseur et/ou biothérapie.
  2. En cas de MICI réfractaire, il faut éliminer une cause de « fausse résistance » comme une surinfection (C. difficile, CMV), une complication (sténose, abcès, dysplasie-cancer, colectasie) ou une non observance aux traitements.
  3. Devant toute MICI réfractaire, il faut discuter l’intérêt d’un nouveau bilan morphologique par endoscopie et imagerie.
  4. La stratégie thérapeutique doit tenir compte de la situation actuelle et de l’historique des traitements. Les dosages pharmacologiques peuvent aider dans les choix des biothérapies.
  5. La possibilité d’une intervention chirurgicale doit toujours être mise en balance avec les bénéfices/risques des traitements prolongés par immunosuppresseurs et/ou biothérapies.

Conflits d’intérêt :
YB : Abbvie, Biogaran, Boehringer Ingelheim, CTMA, Ferring, Gilead, Hospira, ICON, InceptionIBD, Janssen, Lilly, Mayoli, Merck, MSD, Norgine, Pfizer, Robarts Clinical Trials, Roche, Sanofi, Shire, Takeda, UCB, Vifor Pharma

Une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI), maladie de Crohn (MC) ou rectocolite hémorragique (RCH), est dite « réfractaire » lorsque le patient est dépendant, résistant ou intolérant aux corticoïdes ou lorsque sa maladie reste active malgré l’utilisation d’un traitement par immunosuppresseur et/ou biologique. Le côté « réfractaire » peut donc être présent à différents stades de la maladie et est fonction du traitement du moment.

Avant de porter le diagnostic de MICI réfractaire, il est nécessaire d’éliminer les causes de « fausse résistance » telles qu’une infection (Clostridium difficile et cytomégalovirus surtout pour les MICI coliques), une complication (fistule/abcès, sténose/dysplasie/cancer) ou une mauvaise observance aux traitements. Il faut aussi s’assurer de l’activité de la maladie, notamment pour éliminer un syndrome de l’intestin irritable au mieux par la détermination d’une calprotectine fécale, et ­discuter de l’intérêt d’un bilan qui sera fonction du type et de la localisation de la MICI (endoscopie, imagerie, biologie…) [1, 2].

Le traitement des MICI réfractaires dépend de l’étendue et de la sévérité des lésions, des traitements antérieurs et actuels et d’autres facteurs pronostiques. La chirurgie doit être envisagée à chaque étape, même à un stade relativement précoce de la maladie, plutôt qu’après un traitement immunosuppresseur ou biologique prolongé susceptible d’augmenter le risque de sepsis et compromettre les capacités de récupération. Il est également nécessaire de prendre en compte l’urgence de la situation et les possibilités médicales avec les délais de réponse attendus. Une attention particulière doit être portée sur la prévention des accidents thrombo-emboliques, dont la fréquence est accrue dans ces ­situations.

Passé ces considérations générales, la stratégie médicale est relativement standard. Nous allons successivement discuter de la maladie de Crohn, puis de la RCH.

En cas de maladie de Crohn, les patients en échec/intolérance aux traitements conventionnels, à savoir corticoïdes et immunosuppresseurs (thiopurines ou méthotrexate) sont traités, en l’absence de contre-indications, par anti-TNF [3]. L’efficacité des anti-TNFs est parfois limitée du fait d’une non-réponse primaire (15 % des cas) ou d’une perte de réponse (10 % par an). Dans cette situation, Les dosages pharmacologiques des taux résiduels et des anticorps apportent une aide à la décision. Sans avoir de valeur formelle, ils orientent sur l’intérêt de changer pour un autre anti-TNF, d’ajouter un immunosuppresseur ou de changer de classe thérapeutique en optant pour une biothérapie ayant un mécanisme d’action différent [4]. Dans ce dernier cas, on s’oriente vers l’ustekinumab qui agit en bloquant des cytokines pro-inflammatoires (IL12, IL19). Ce traitement a une efficacité démontrée chez les patients naïfs ou en échec/intolérance aux anti-TNF. Les études pivotales et en vraie vie ont montré le bon profil efficacité/tolérance de ce traitement. Passé ces lignes classiques de traitement, on peut discuter du védolizumab, mais il est actuellement non remboursé en France dans cette indication, ou s’orienter vers des traitements « anecdotiques » mais qui peuvent s’avérer intéressants dans certains cas, ne serait-ce que pour passer un cap. À ce stade, le plus intéressant est généralement d’essayer d’inclure le patient dans un essai thérapeutique de phase 2 ou 3, et il faut savoir envisager cette possibilité bien avant l’échec de toutes les lignes classiques de traitement, car les formes « réfractaires » sont parfois des critères d’exclusions dans certains essais. En l’absence d’essais disponibles, on peut alors discuter de l’intérêt d’autres anti-TNFs tels le certolizumab ou le golimumab, souvent au-delà des doses usuelles, du thalidomide, dont l’efficacité est limitée à moyen terme du fait de la neurotoxicité, des aphérèses leucocytaires, ou d’autres immunosuppresseurs comme le ciclophosphamide ou le ­sirolimus. À ce stade, et avant même d’entreprendre ces traitements, il faut savoir rediscuter des possibilités chirurgicales, notamment résection avec ou sans stomie de dérivation, temporaire ou définitive, voire de la mise au repos de l’intestin dans certaines formes coliques. Il faut également discuter de l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, qui peut donner d’excellents résultats, mais avec une morbi-mortalité non nulle.

En cas de RCH réfractaire, les premières lignes de traitement sont plus ou moins les mêmes (thiopurines ou parfois méthotrexate), jusqu’aux anti-TNF. À ce stade, on distingue généralement les formes modérées à sévères, relevant des antiTNF sous cutané (adalimumab, golimumab) ou intraveineux (infliximab), des formes graves où seule la voie intraveineuse doit être utilisée, ou alors la ciclosporine généralement par voie intraveineuse également. La non-réponse primaire est plus élevée (30 % des cas) et la perte de perte de réponse (10 % par an) similaire à ce qui est observé au cours de la maladie de Crohn. Les dosages pharmacologiques ont ici aussi toute leur place [4]. En cas d’échec/intolérance, la biothérapie de deuxième ligne est le védolizumab, anticorps monoclonal humanisé qui se lie spécifiquement à l’intégrine α4b7, exprimée préférentiellement sur les lymphocytes T auxiliaires soumis à l’écotaxie intestinale [5]. Ce traitement a une efficacité démontrée chez les patients naïfs ou en échec/intolérance aux anti-TNF. Les études pivotales et en vraie vie ont montré le bon profil efficacité/tolérance de ce traitement. Le délai d’action du traitement est parfois retardé, et on peut discuter de l’intérêt d’associations type corticoïdes ou ciclosporine en induction, débutés en association au védolizumab qui prendra le relais. La place des traitements « anecdotiques » est ici beaucoup plus réduite du fait des possibilités de la chirurgie, colectomie subtotale suivie d’anastomose iléorectale ou coloproctectomie et anastomose iléoanale [6]. Les possibilités de participation à un essai thérapeutique doivent aussi être considérées, et peuvent dans certains cas éviter le recours à la chirurgie, ce qui a été le cas pour de nombreux patients ayant participé aux essais avec le vedolizumab, puis avec le tofacitinib, anticorps anti-janus kinase 1-3, ayant récemment eu l’AMM pour la RCH réfractaire mais non encore disponible. Autrement, les traitements discutés en cas de refus de la chirurgie sont les aphérèses leucocytaires, le thalidomide et le tacrolimus, mais encore une fois, plus pour passer un cap que pour une efficacité au long cours.

Ainsi, dans l’escalade thérapeutique que peut induire la prise en charge d’une maladie réfractaire, le rapport bénéfice, risque doit nous amener à considérer systématiquement et à chaque étape la place de la chirurgie ou la participation à un essai thérapeutique.

L’augmentation de la complexité et les choix des traitements, de même que les stratégies médicales et chirurgicales des patients atteints de MICI, rendent de plus en plus important de discuter chaque MICI réfractaire en réunion de concertation pluridisciplinaire.

Références

  1. Annese V, Daperno M, Rutter MD, Amiot A, Bossuyt P, East J, et al. European evidence based consensus for endoscopy in inflammatory bowel disease. J Crohns Colitis. 2013 Dec 15;7(12):982-1018.
  2. Panes J, Bouhnik Y, Reinisch W, Stoker J, Taylor SA, Baumgart DC, et al. Imaging techniques for assessment of inflammatory bowel disease: Joint ECCO and ESGAR evidence-based consensus guidelines. J Crohns Colitis. 2013 Aug 1;7(7):556-85.
  3. Gomollón F, Dignass A, Annese V, Tilg H, Van Assche G, Lindsay JO, et al. 3rd European Evidence-based Consensus on the Diagnosis and Management of Crohn’s Disease 2016: Part 1: Diagnosis and Medical Management. J Crohns Colitis. 2017 Jan 1;11(1):3-25.
  4. Nanda KS, Cheifetz AS, Moss AC. Impact of Antibodies to Infliximab on Clinical Outcomes and Serum Infliximab Levels in Patients With Inflammatory Bowel Disease (IBD): A Meta-Analysis. Am J Gastroenterol. 2013 Jan;
    108(1):40-7.
  5. Peyrin-Biroulet L, Bouhnik Y, Roblin X, Bonnaud G, Hagège H, Hébuterne X. French national consensus clinical guidelines for the management of ulcerative colitis. Digestive and Liver Disease. 2016 Jul 1;48(7):726-33.
  6. Øresland T, Bemelman WA, Sampietro GM, Spinelli A, Windsor A, Ferrante M, et al. European evidence based consensus on surgery for ulcerative colitis. J Crohns Colitis. 2015 Jan 1;9(1):4-25.