Examen d’un trouble de la statique pelvi-périnéale

Objectifs pédagogiques

  • Savoir corréler les symptômes et la physiopathologie pelvi périnéale
  • Savoir expliquer au patient le fonctionnement et le positionnement des différents organes
  • Savoir examiner les trois compartiments pelvi périnéaux
  • Connaître les indications et savoir expliquer l’apport des examens complémentaires

Les troubles de la statique pelvi-périnéale représentent un contingent non négligeable de patient(e)s dans la consultation quotidienne du gastro-entérologue, alors même que les plaintes ne sont pas toujours exprimées, 10 % de la population française présente une incontinence fécale après 60 ans.(Ph Denis), 11 à 19 % des femmes ont un risque de développer un prolapsus durant leur vie (De Tayrac) )

La prévalence des prolapsus qui est de 30 % dans la population générale atteint 56 % chez les femmes de 50 à 59 ans et 44 % chez les femmes ayant accouché au moins une fois (Samuelson).

30 % des femmes ayant subi une réparation du plancher pelvien nécessiteront une intervention supplémentaire pour récidive (De Tayrac).

Ces troubles fréquents sont dus à la déficience des moyens de soutien et de suspension des organes, le système cohésif représenté par les fascias est également en cause.

Il ne faut pas minimiser la morbidité des désordres pelvi-périnéaux, ils peuvent entraîner une modification des habitudes de vie au quotidien

Les pathologies restent longtemps cachées et tenues secrètes (de nombreuses patientes n’osent même pas en parler à leur médecin)

La préhension d’un trouble de la statique pelvi-périnéale passe par un interrogatoire minutieux.

Celui-ci est essentiel et porte à la fois sur les fonctions digestives gynécologiques et urinaires.

Le motif de consultation n’est jamais univoque et les pathologies sont souvent intriquées…

Il faut rechercher le nombre d’accouchements, la notion d’accouchements difficiles, la pratique d’épisiotomie lors des accouchements, le poids du ou des enfants, la notion de déchirure et de réparation immédiate, l’éventuelle insensibilité périnéale du post partum, les troubles de la sexualité, les antécédents de chirurgie pelvi périnéale et/ou proctologique, les difficultés d’évacuation et d’exonération, l’ association de procidence anale et vaginale, l’existence de fuites de gaz, de selles, de fuites d’urines (spontanées ou à l’effort) la nécessité de manœuvres digitales d’aide à l’évacuation, la notion d’abus sexuels dans l’enfance.

Cet interrogatoire est primordial et doit se poursuivre pendant l’examen physique.

L’examen d’un trouble de la statique périnéale doit explorer le périnée postérieur, moyen et antérieur.

Il s’agit d’un examen dynamique qui est conduit avec la participation de la patiente.

Cet examen de la région pelvi-périnéale est complété par un examen neuro-musculaire du périnée réalisé à la fois sur le plan sensitif et sur le plan moteur.

Il faut savoir réaliser cet examen dans plusieurs positions : position de Simms, position genu-pectorale et position gynécologique.

On examine dans un premier temps la sensibilité de la marge anale et du périnée adjacent en tenant compte du schéma décrit par Lazorthes sur la distribution neurologique de la sensibilité du périnée. La sensibilité est explorée par la piqûre (Douloureuse) par le ­toucher (Tactile) et par la chaleur (Thermique).

Les plis radiés de l’anus doivent être déplissés et la souplesse de l’ensemble doit être appréciée.

On note la distance ano-vulvaire qui doit être égale ou supérieur à 3 cm et l’existence éventuelle de cicatrice d’épisiotomie ou de plaie périnéale.

On réalise ensuite un toucher anal : ce toucher doit être marginal avant d’être rectal. Le toucher est ensuite bi-digital pour apprécier l’ensemble de l’anneau sphinctérien et d’éventuelles pathologies de la région sous pectinéale.

On réalise ensuite un toucher rectal profond qui permet d’apprécier, lors de la réponse à la toux, le respect des voies de la motricité automatique et lors de la contraction (+/++/+++) le respect des voies de la motricité volontaire.

Le toucher rectal apprécie la sangle des releveurs, la mobilité douloureuse ou non des dernières pièces sacrées.

L’examen par anuscopie, permet d’apprécier une éventuelle pathologie hémorroïdaire interne mais surtout l’existence d’un prolapsus interne du rectum, des signes de prolapsus rectal vrai par l’existence d’érosions en pleine muqueuse ou de rectite suspendue.

L’introduction d’une sonde intra-rectale montée d’un ballonnet permet l’étude des volumes intra rectaux et on appréciera ainsi le volume minimal perçu, le volume du premier besoin, le volume maximum tolérable.

L’expulsion d’un ballonnet rempli ensuite avec 60 cm3 d’eau permet d’apprécier les capacités d’exonération et l’existence éventuelle d’une inversion de commande par anisme.

L’examen est ensuite conduit en position gynécologique en utilisant un spéculum.

Après un toucher vaginal explorant les culs-de-sac et la contraction du muscle pubo-rectal on apprécie la mobilité du col et sa descente éventuelle (Palper bi manuel mobilisant le corps utérin).

Le spéculum est ensuite démonté et on place une valve sur le mur postérieur vaginal repoussant une éventuelle rectocèle et on apprécie la tonicité des moyens de suspension vésicaux ainsi qu’une éventuelle incontinence d’urines à l’effort de toux : cette incontinence d’urine est corrigée en refoulant l’urètre digitalement ou à l’aide d’une pince longuette.

La valve est ensuite placée sur le mur antérieur vaginal, on fait pousser et tousser la malade. On apprécie la qualité de la cloison recto-vaginale et l’apparition éventuelle d’une colpocèle postérieure.

On réalise ensuite en position gynécologique un palper bi-digital avec un doigt intra anal et un doigt intra vaginal de façon, lors d’une poussée, d’apprécier l’existence éventuelle d’une élytrocèle.

Lorsque un prolapsus du rectum est soupçonné on fait pousser le patient au besoin en position accroupie, de façon à extérioriser le prolapsus.

Cet examen pelvi-périnéal est la plupart du temps suffisant pour apprécier l’ensemble des troubles de la statique pelvi-périnéale.

Le POP Q (Pelvic Organ Prolaps Quantification) permet une quantification des troubles de la statique dans un langage reconnu internationalement mais est peu utilisé dans le quotidien.

L’examen clinique peut être complété par les examens complémentaires radiologiques manométriques ou électriques.

Les solutions thérapeutiques, dans les troubles de la statique pelvi-périnéale, nécessitent des échanges pluridisciplinaires dans le cadre de réunion de concertation fréquentées par les urologues, les gynécologues, les chirurgiens digestifs, les rééducateurs, les radiologues, les sages femmes, les proctologues…

La corrélation entre les données de l’examen clinique et la gêne ressentie par la patiente n’est pas toujours exacte : les solutions thérapeutiques doivent être expliquées aux patient(e)s avec des schémas permettant de comprendre les propositions pluri disciplinaires.

Il s’agit très souvent de pathologies bénignes fonctionnelles ou le respect de la fonction prédomine le respect de l’anatomie.

Références

  1. Blanc B, Siproudhis L. Pelvi-périnéologie. Du symptome à la prise en charge thérapeutique. Springer 2005.
  2. Villet R, Buzelin JM, Lazorthes F. Vigot. Les troubles de la statique pelvi-périnéale de la femme Vigot. Paris.
  3. Yiou R, Costa P, Haab F, Delmas V. Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien. Progrès en urologie 2009;16:916-25.
  4. Fatton B, Jacquetin B. Conséquences pelvi périnéales de l’accouchement Rev Prat (Paris) 49:160-6.
  5. Kamina P, Chansigaud JP. (1988)Soutenement et suspension des vicères pelviens chez la femme.Anatomie fonctionnelle et chirurgicale.J.Gynecol et obstétricale 4e éd, Maloine, Paris. Troubles de la statique pelvienne

Les Six points forts

  1. Les troubles de la statique pelvi périnéale sont souvent cachés ou sous évalués par les patientes.
  2. L’expression des désordres pelvi périnéaux est très variable : Constipation, incontinence anale et/ou urinaire, urgences, dyspareunie, troubles neurologiques…
  3. L’interrogatoire et l’examen clinique sont indispensables et généralement suffisants dans le bilan des troubles pelvi périnéaux
  4. Les compartiments antérieurs, moyens et postérieurs devraient être explorés successivement et systématiquement lors du même examen.
  5. Le gastroentérologue devrait disposer du matériel indispensable à l’examen pelvi-périnéal.
  6. Les examens complémentaires sont utiles pour imager les déséquilibres pelvi-périnéaux et permettre leur compréhension par les patientes.