Les critères de qualité de la coloscopie

Objectifs pédagogiques

  • Quels sont les critères les plus pertinents
  • Savoir comment les appliquer
  • Comment les intégrer dans la pratique

Introduction

La coloscopie reste l’examen de référence pour l’exploration morphologique du côlon. Elle est supérieure aux nouvelles méthodes d’exploration morphologique du côlon, plus particulièrement à la coloscopie virtuelle, en raison de sa capacité à dépister les lésions néoplasiques de petite taille ainsi que les adénomes plans. Contrairement aux autres méthodes, la coloscopie a l’immense avantage de réaliser dans le même temps l’exérèse des polypes. Pour autant, la coloscopie présente un certain nombre de limites. Les études de coloscopies en tandem, ou celles comparant la coloscopie à la coloscopie virtuelle nous ont appris que la coloscopie pouvait manquer des polypes, y compris ceux de taille = 10 mm [1]. La survenue de cancers d’intervalle après coloscopie confirme la probabilité de lésions manquées [2]. On sait aussi qu’il existe des différences de performance entre endoscopistes jugés sur le taux de détection des adénomes [3]. Ces écueils pourraient expliquer la moindre diminution que prévu de l’incidence du cancer colorectal après coloscopie avec ou sans polypectomie, notamment pour le côlon proximal [4-6], ainsi que son incapacité à réduire la mortalité par cancer du côlon proximal [7].

Afin de réduire les variations entre endoscopistes et de généraliser la pratique de coloscopies de qualité, il nous faudrait disposer de critères fiables et facilement mesurables permettant d’évaluer la qualité des examens. Ces critères devraient permettre de s’assurer que l’examen est médicalement justifié, qu’il est réalisé selon des standards validés, que les lésions sont correctement diagnostiquées, que les traitements appropriés sont faits et le tout avec un risque minimal pour les patients.

Les critères établis en 2006 par la taskforce entre l’American College of Gastroenterology (ACG) et la Société américaine d’endoscopie digestive (ASGE) figurent dans le tableau 1 [8]. Ils restent globalement valables en 2010, mais la question de leur mise en oeuvre est incomplètement résolue. Ces critères sont subdivisés en critères pré-, per- et post-coloscopie.

Critères de qualité précoloscopie

L’indication

Les indications de coloscopie varient selon les pays, notamment en fonction des politiques mises en place pour le dépistage de masse du cancer colorectal. Il nous paraît urgent de clarifier et d’homogénéiser l’emploi des termes « coloscopie de dépistage », « coloscopie de surveillance » ou de « coloscopie diagnostique ». Contrairement à l’usage dans d’autres pays (États-Unis, Allemagne), la coloscopie de dépistage n’est pas recommandée, en France, pour le dépistage de masse, c’est-àdire les personnes sans facteur de risque individuel ou familial. Mais elle est recommandée pour les personnes faisant partie des groupes à risque élevé ou très élevé de cancer colorectal. Une coloscopie de surveillance est un examen justifié par les antécédents personnels du patient, tels qu’un antécédent de polypectomie pour adénome, ou un antécédent de cancer colorectal. La coloscopie diagnostique est justifiée quant à elle, par l’existence de symptômes digestifs ou par la positivité d’un test Hémoccult®. En effet, pour ce dernier cas, il ne s’agit pas de coloscopie de dépistage.

Quel que soit le motif de la coloscopie, il doit être clairement indiqué dans le compte rendu d’examen. Un audit réalisé en France en 2006-2007 a montré que l’indication des coloscopies était conforme aux recommandations de l’ANAES dans 94 % des cas [9].

La prise en compte du terrain, des comorbidités, des traitements en cours notamment anticoagulants et antiagrégants plaquettaires

Un consentement éclairé, incluant des informations sur les risques de l’examen, doit être obtenu dans tous les cas. Le gastroentérologue, avec éventuellement le concours de l’anesthésiste, doit rechercher d’éventuels facteurs de risques liés au terrain ou aux traitements pris par le patient, notamment les anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires dont il faudra gérer avec l’aide des cardiologues l’arrêt ou la substitution [10, 11]. Il en est de même pour l’antibiothérapie prophylactique. Nous proposons que le grade ASAsoit renseigné dans le compte rendu de coloscopie, de même que la prise de traitements antiagrégants ou anticoagulants, la réalisation d’antibiothérapie prophylactique.

Le bloc et le personnel d’endoscopie

Nous ne développerons pas ici cet aspect de la coloscopie, mais il va de soi que les patients sont en droit d’attendre à ce que les endoscopes utilisés par les gastroentérologues soient performants, correctement nettoyés et stockés, que le matériel à usage unique ne soit pas réutilisé. Le personnel d’endoscopie se doit d’être formé. Comme pour un bloc opératoire, le centre d’endoscopie doit fonctionner selon une charte de fonctionnement. Il est en liaison avec un bloc chirurgical prêt à intervenir en cas de complication de l’endoscopie nécessitant la chirurgie, en liaison aussi avec un laboratoire d’anatomie pathologique compétent.

Critères de qualité liés à la procédure

La qualité de la préparation colique

Il n’est pas question ici de comparer les avantages et les inconvénients des différentes préparations actuellement disponibles et renvoyons le lecteur à une revue générale récente [12]. Si la qualité de la préparation à la coloscopie est indiscutablement patientdépendante, elle n’est pas pour autant totalement indépendante du gastroentérologue. C’est en effet de la responsabilité de ce dernier, que de prescrire la préparation colique à l’occasion de la consultation pré-coloscopie, mais aussi d’expliquer au patient les enjeux et les modalités pour obtenir une bonne préparation du côlon. Le recours à des documents photographiques, à des vidéos, ainsi qu’à des échanges avec le personnel soignant sont les bienvenus pour sensibiliser les patients et améliorer in fine la qualité des préparations. Dans une récente étude observationnelle du CREGG, la préparation colique était jugée insuffisante dans environ un quart des cas [13]. Or, une préparation médiocre expose au risque de méconnaître des lésions [14], d’allonger la durée d’examen et d’avoir un examen incomplet. Elle pourrait expliquer pour partie les différences de performance observées entre endoscopistes. Le type de préparation colique utilisée, ainsi que les éventuelles difficultés rencontrées par le patient pour se préparer (nausées, vomissements, quantité prescrite non prise en totalité) devraient logiquement figurer dans le compte rendu d’examen. Cela permettrait d’en tenir compte lors de l’examen suivant, et d’éviter que la proportion de côlons mal préparés soit encore élevée lors de coloscopies de « second look » faites à cause d’un premier échec de préparation [15].

Faut-il inscrire l’information relative à la qualité de la préparation dans le compte rendu d’examen ? L’intérêt serait de pouvoir calculer un score moyen à l’échelle d’un gastroentérologue ou d’un centre d’endoscopie, et d’en tirer des conséquences sur la qualité de leur procédure. Nous savons qu’il existe d’importantes différences entre les centres d’endoscopie digestive [16]. La difficulté est qu’il n’existe pas de système standardisé pour évaluer la qualité d’une préparation, pour définir ce qu’est une préparation insuffisante, et à partir de quel seuil il faudrait refaire l’examen. Dans l’étude du CREGG, il a été montré que si 23,4 % des côlons étaient jugés mal préparés par l’endoscopiste, la coloscopie n’était considérée à refaire que 6 % des cas. Dans les autres cas de côlon insuffisamment préparé, on sait que les gastroentérologues ont tendance à raccourcir le délai entre deux examens [17], sans que pour autant cette attitude n’ait jamais été validée [18]. Une autre difficulté est le caractère subjectif de l’interprétation. S’il est bien établi qu’une même préparation peut être évaluée différemment selon les endoscopistes [13, 17], il n’est pas inintéressant de noter que les endoscopistes ayant les meilleures performances sont en règle générale les plus exigeants sur la qualité de la préparation colique [19]. Nul ne sait si le jugement de l’endoscopiste porte sur l’état du côlon lors de la progression de l’endoscope, ou si son jugement tient compte du pourcentage de muqueuse colique qu’il a pu réellement examiner lors du retrait, après lavage et aspiration des résidus.

Inscrire dans le compte rendu d’examen la qualité de la préparation peut exposer le gastroentérologue à des difficultés d’ordre médico-légal. Imaginons le cas de la survenue d’un cancer d’intervalle après une coloscopie avec une préparation qualifiée de moyenne [20] ou le cas d’une perforation colique favorisée par les difficultés de progression dues à une mauvaise préparation. Selon nous, ces réserves ne remettent pas en cause l’intérêt d’évaluer la qualité de la préparation colique, mais il reste à s’entendre sur une classification simple, reproductible et facile à mettre en oeuvre. Le score validé de Boston (Tableau 2) semble répondre à cette exigence [14]. Même s’il persiste une part de subjectivité dans l’analyse –mais comment éviter cet écueil ? – le score de Boston semble souffrir de moins d’imperfections que d’autres scores [21-23].

Le taux de coloscopies complètes

Une coloscopie est dite complète lorsque la totalité du côlon, cæcum inclus, est examinée. On ne peut être certain d’avoir atteint le bas fond cæcal que lorsque la valvule iléocæcale et l’orifice appendiculaire ont été clairement visualisés. En cas de doute, la valvule doit être franchie. L’atteinte du bas fond caecal doit être stipulée dans le compte rendu d’examen. À titre médico-légal, la preuve d’un examen complet devrait pouvoir être apportée par des documents photographiques de la valvule iléo-cæcale et de l’orifice appendiculaire. Exiger une photographie de l’iléon ou un examen histologique de biopsies iléales, nous semble très excessif. Le taux moyen de coloscopies complètes doit pouvoir être calculé annuellement par le gastroentérologue et/ou par l’unité d’endoscopie à laquelle il appartient. Selon les recommandations américaines, le taux de coloscopies complètes doit être supérieur à 90 %, et même à 95 % pour les coloscopies de dépistage [8]. Les raisons de l’échec d’intubation caecale doivent figurer dans le compte rendu. Il peut s’agir de la mauvaise qualité de la préparation colique, de difficultés techniques liées à l’anatomie du côlon, à l’existence d’une diverticulose marquée, à une sédation insuffisante, ou du fait d’une sténose. Le bilan des coloscopies réalisées en France lors de la première campagne de dépistage de masse par test Hémoccult® a montré que le taux de coloscopies complètes était en moyenne de 93,6 %, avec des extrêmes variant de 71,3 % à 99,7 % [24]. La borne inférieure montre qu’il existe de réelles difficultés dans certains départements. Les causes d’examen incomplet devront être soigneusement répertoriées, et le bilan des explorations complémentaires devra aussi être fait.

Le taux de détection des adénomes

Il s’agit du meilleur critère de qualité de la coloscopie, car c’est bien la finalité de cet examen que de diagnostiquer et de réséquer les lésions néoplasiques colorectales. Selon les recommandations américaines, le taux de détection des adénomes devrait être supérieur ou égal à 25 % chez les hommes et à 15 %chez les femmes se soumettant à une première coloscopie de dépistage après 50 ans [8]. Nous nous interrogions dans une revue générale récente sur la possibilité d’appliquer en France ces critères, du fait des différences de stratégies mises en oeuvre pour le dépistage de masse [25]. Si la prévalence d’adénomes avancés est plus élevée lors de coloscopies réalisées pour un test Hémoccult® positif que dans les autres indications [26], celle des adénomes semble peu varier selon l’indication de la coloscopie [27, 28]. Les critères nord-américains pourraient donc s’appliquer aux coloscopies réalisées en France après un test Hémoccult® positif. Le bilan de la première campagne de dépistage de masse réalisé en France par l’InVS a montré qu’au moins un adénome était diagnostiqué chez 40,0 % des hommes et 25,1 % des femmes [23]. Le taux moyen était de 33,1 %, mais il variait de 19,8 % à 48,8 %selon les départements, laissant suggérer que les seuils de 15 % et 25 %selon l’âge pourraient ne pas être atteints dans certains départements. En Ille-et-Vilaine, nous avons montré qu’il existait entre endoscopistes, d’importantes variations du taux de détection des adénomes ajustés sur le sexe et l’âge des patients : 25,4 % à 46,8 % pour au moins un adénome, 5,1 % à 21,7 % pour au moins 2 adénomes, 7 % à 12,4 % pour au moins 3 adénomes, et 14,2 % à 28,0 % pour au moins un adénome =10 mm [29]. Cependant, dans ce travail, l’analyse multivariée a montré que moins de 15 % des variations observées entre endoscopistes étaient expliqués par l’âge et le sexe des patients et par la variable « endoscopiste ». Ces résultats relativisent la responsabilité de l’endoscopiste et souligne l’existence d’autres paramètres non pris en compte dans l’analyse explicative des variations observées. Parmi ceux-ci, il faut citer la surcharge pondérale qui, selon une méta-analyse récente, est un facteur de risque de néoplasie colorectale, surtout chez les hommes et pour les localisations proximales [30].

Le taux de détection des adénomes est un indicateur encore difficile à appliquer par tous les gastroentérologues ou tous les centres d’endoscopie, car les données histologiques ne sont pas disponibles au moment de la rédaction du compte rendu de coloscopie. Contourner cette difficulté implique de disposer de logiciels adaptés permettant de revenir au compte rendu et l’enrichir avec les résultats anatomo- pathologiques. Un effort d’équipement informatique est indispensable, car l’Assurance maladie et les malades exigeront bientôt de connaître la qualité des coloscopies réalisées en France, à l’instar du « pay-forperformance » en vigueur aux États- Unis [31].

Vouloir s’affranchir de cette difficulté inhérente à l’histologie consisterait à prendre en compte le taux de détection des polypes au lieu et place de celui des adénomes. Certes, il a été montré qu’il existait une corrélation significative entre le taux de détection des adénomes et le taux de détection des polypes non adénomateux [32]. Au cours des JFHOD 2010, B. Denis et al. [33] rapportent que le taux de détection des polypes pourrait être un bon critère de qualité des coloscopies réalisées dans le cadre du dépistage de masse après test Hémoccult® positif. Sachant la prévalence élevée des polypes hyperplasiques dans le rectum, nous doutons personnellement de l’intérêt du critère « polypes » versus « adénomes ». Le taux de détection des polypes de taille supérieure ou égale à 10 mm nous semblerait un critère plus pertinent, et tout aussi facile à appliquer, car presque tous les polypes de cette taille sont des adénomes, ou des adénomes festonnés ayant la même signification. Enfin, il existe une corrélation entre les taux de détection des adénomes de plus et de moins de 10 mm [3]. Qui peut le plus peut le moins ! Le bilan des coloscopies post-Hémoccult® réalisées en 1re campagne en France faisait état d’une prévalence variant entre 10,7 % et 23,7 %pour les adénomes = 10 mm. Le taux moyen était de 16,2 %, soit 20,7 % pour les hommes et 11,1 % pour les femmes [24]. Retenir ce critère impliquerait de définir des seuils minimaux et de définir aussi comment la mesure doit être faite. Nous sommes partisans de la mesure in vivo, car après sa section le polype se rétracte rapidement, encore plus une fois qu’il est fixé. Disposer d’outils capables de mesurer in vivo instantanément, de façon fiable et reproductible la taille des lésions devient une nécessité en endoscopie digestive. Toutefois, il ne faut pas mésestimer le risque que fait courir le critère taux de polypes = 10 mm, à savoir l’incitation à négliger les petits adénomes, ce qui irait à l’encontre du but rechercher, notamment dans le cadre des coloscopies post-Hémoccult® où la proportion des adénomes avancés au sein des polypes de moins de 10 mm, et de moins de 5 mm est particulièrement élevée [28].

Le temps de retrait de l’endoscope

C’est l’étude de Barclay et al. [34] qui attira tout particulièrement l’attention sur la relation entre taux détection des adénomes et temps de retrait de l’endoscope. Les auteurs rapportaient des taux de détection des adénomes significativement différents entre les endoscopistes selon qu’ils avaient un temps de retrait supérieur ou inférieur à 6 minutes. Le temps de retrait servant de référence était le temps moyen calculé lors de coloscopies totales sans lésion.

Cette étude confirmait les travaux issus de la Mayo Clinic montrant que 50 % des polypes étaient diagnostiqués pour un temps de retrait moyen de 6,7 minutes, et 90 % des polypes pour un temps de retrait de 12 minutes [35]. Une récente étude observationnelle conduite auprès de 315 gastroentérologues américains exerçant dans 17 états a confirmé les résultats des études monocentriques précédemment citées, en montrant que ceux ayant un temps de retrait moyen = 6 min détectaient 1,8 fois plus de polypes que les autres [36].

Une tout autre question est de savoir si l’application de la règle des 6 min. est de nature à améliorer les performances des endoscopistes. Un travail de Barclay et al. [37] a répondu positivement à cette question. Il était demandé à 12 endoscopistes d’avoir un temps de retrait d’au moins 8 minutes, c’est-à-dire d’examiner pendant au moins 2 minutes chacun des 4 segments suivants : côlons droit, transverse, gauche, et rectosigmoïde. Les performances obtenues après instauration des recommandations étaient comparées à celles enregistrées lors d’une période antérieure. Dans cette étude, il était observé une augmentation significative de la performance des endoscopistes en termes de taux de coloscopies avec adénomes, de nombre d’adénomes ou d’adénomes avancés par coloscopie [37]. À l’inverse, une étude du groupe de Boston a montré que l’instauration d’une politique institutionnelle imposant un temps de retrait = 7 minutes ne modifiaient pas les performances d’un groupe de 42 endoscopistes réalisant plus de 23000 coloscopies [38]. Une autre étude réalisée auprès de 43 gastroentérologues dans deux villes du Minnesota conclut de la même façon à l’absence d’amélioration des performances au fil du temps malgré des programmes de sensibilisation incluant des avantages financiers en cas de respect des critères de procédure [39]. Dans cette étude où seul le temps total d’examen était pris en compte, les endoscopistes doués des meilleures performances faisaient leurs examens plus rapidement que les autres. Il est cependant possible qu’un temps de retrait plus long était compensé par une montée plus rapide, qui est aussi un gage d’examen de bonne qualité.

Le temps de retrait = 6 minutes recommandé par l’American College of Gastroenterology [8] est un pré-requis, mais il n’est pas le garant de bonnes performances. La meilleure preuve en est que le taux de détection des adénomes varie de 4 à 10 entre endoscopistes ayant un taux de retrait > 6 minutes [3]. Inversement, il n’est pas nécessaire de dépasser 6 minutes lorsque l’examen du côlon est facile, en l’absence d’haustrations, ou d’angulations marquées. Le seuil de 6 minutes est donc une moyenne, et pas un critère exigible pour chaque examen. Si le temps de retrait long n’est pas un gage de performance, il est néanmoins le témoin d’un examen consciencieux et minutieux, et tout ce qui peut augmenter la concentration de l’endoscopiste est de nature à améliorer ses performances. Les limites du critère temps de retrait tiennent au fait que les différences de performance observées entre endoscopistes s’expliquent aussi par des différences dans la technicité de l’examen, paramètre issu de l’apprentissage de chacun et probablement difficile à corriger, d’où l’absence d’amélioration des performances observée dans certaines études malgré l’application d’un temps de retrait = 6 minutes.

Observer certaines règles de procédure telles que celles rappelées dans le tableau 3 est aussi de nature à améliorer la qualité des coloscopies [40]. D’ailleurs, pourquoi n’examiner le côlon qu’au retrait de l’endoscope ? Une telle attitude expose au risque de laisser échapper des polypes de petite taille qu’on est parfois en peine de retrouver à la descente alors qu’ils ont été vus à la montée. Il a été récemment rapporté que deux tiers des adénomes et 95 % des cancers étaient diagnostiqués à la montée et pas au retrait [41]. À méditer…

Au total, si un temps de retrait minimal est à conseiller, il ne peut constituer à lui seul un critère de qualité de la coloscopie. Il parait néanmoins indiqué de l’inscrire dans le compte rendu d’examen, ne serait-ce que des motifs médico-légaux, et pour calculer sa moyenne annuelle à partir des examens sans polypes. Disposer d’un déclencheur de chronomètre sur l’endoscope activé lorsque le cæcum est atteint et lorsque le retrait débute, est hautement souhaitable pour espérer la généralisation de la mesure du temps de retrait dans la pratique courante.

Critères de qualité post-coloscopie

Le compte rendu d’examen

Il doit contenir un certain nombre d’informations relatives aux critères précoloscopie précédemment discutés, des informations relatives à la procédure elle-même, mais aussi des informations concernant l’après coloscopie (voir ci-dessous). Les lésions doivent être décrites avec précision (nombre, localisation, forme, taille). Une lésion jugée non réséquable doit être photographiée, et le traitement rediscuté avec un endoscopiste chevronné avant de référer le malade à un chirurgien.

Le compte rendu devrait comporter des champs obligatoires qui faute d’être remplis, ne pourrait pas être imprimé. L’incorporation de documents photographiques, des comptes-rendus histologiques devrait être rendue possible par le perfectionnement des logiciels permettant d’élaborer des comptes rendus standardisés.

Les complications

Les complications graves de la coloscopie telles que les perforations, ou celles de l’endoscopie en général, devraient être régulièrement comptabilisées par endoscopiste ou par centre d’endoscopie, et faire l’objet de discussions au sein de staffs de morbi-mortalité. Les complications immédiates seront facilement mentionnées dans le compte rendu de l’examen. En cas de complication plus tardive, il faudrait pouvoir retourner au compte rendu pour l’inscrire. Certains considèrent, à juste titre, qu’il faudrait rechercher systématiquement l’information à j30 quant à la survenue d’éventuelles complications tardives, en appelant les malades par téléphone à leur domicile par exemple [40].

Les séries les plus récentes de la littérature montrent que le taux des perforations secondaires à la coloscopie a nettement régressé. Il est actuellement de l’ordre de 1 cas de perforation pour 1000 à 1400 examens [42]. Des taux inférieurs (1 cas pour 4900 examens) ont été rapportés récemment en Allemagne dans une série de 269000 coloscopies [43]. Trois quarts des perforations sont diagnostiquées immédiatement ou précocement (< 24 heures) [42]. La réalisation d’un geste de polypectomie multiplie le risque de perforation par un facteur d’autant plus élevé que le polype est situé sur le côlon droit et que la taille du polype est supérieure à 1 cm[42, 44]. La mortalité secondaire à la perforation a diminué notablement, au point d’être nulle dans la plupart des séries récentes, le chiffre le plus élevé étant de 0,02 % [42]. Cette diminution est due à l‘évolution des prises en charge et aux possibilités de clipping per-endoscopique [45].

Les recommandations pour la sortie du patient et la surveillance ultérieure

Les recommandations pour la surveillance ultérieure du côlon ne figurent généralement pas dans le compte rendu de la coloscopie, faute de disposer des résultats histologiques au moment de sa réalisation. Les futurs logiciels devraient permettre d’inscrire cette information en même temps que l’incorporation des données histologiques dans le compte rendu. Le compte rendu ainsi finalisé devrait être remis au patient afin d’améliorer l’observance de la surveillance colique et de ses délais. À défaut, cette information devrait figurer dans la lettre d’accompagnement des résultats de la coloscopie adressée au médecin traitant. Nous savons que les délais ne sont pas toujours respectés par les gastroentérologues, ce qui peut s’expliquer par une méconnaissance des recommandations, par la pression des malades, ou par la mauvaise qualité de la préparation du précédent examen [17]. La simplification et l’homogénéisation au niveau international des recommandations relatives à la surveillance après polypectomie permettront, nous l’espérons, une meilleure observance de celles-ci.

Conclusion

Au moment où émergent des alternatives plus ou moins crédibles à la coloscopie, où la coloscopie souffre d’écueils importants qui ont été rappelés dans l’introduction, les gastroentérologues doivent tout mettre en oeuvre pour réaliser des examens endoscopiques de qualité irréprochable et le faire savoir aux pouvoirs publics ainsi qu’au public. Pour cela, il faut s’aider d’indicateurs fiables que le développement des outils informatiques permettra de mesurer facilement et précisément à l’échelle d’un gastroentérologue ou d’un centre d’endoscopie. Nous avons listé dans le tableau 4 les dix indicateurs qui nous semblent incontournables.

Références

  1. Van Rijn JC, Reitsma JB, Stoker J,Bossuyt PM, van Deventer SJ, Dekker E.Polyp miss rate determined by tandemcolonoscopy: a systematic review. AmJ Gastroenterol 2006;101:343-50.
  2. Bressler B, Paszat LF, Chen Z,Rothwell DM, Vinden C, Rabeneck L.Rates of newor missed colorectal cancersafter colonoscopy and their riskfactors: a population-based analysis.Gastroenterology 2007;132:96-102.
  3. Chen SC, Rex DK. Endoscopist can bemore powerful than age and malegender in predicting adenoma detectionat colonoscopy. Am J Gastroenterol2007;102:856-61.
  4. Singh H, Turner D, Xue L, TargownikLE, Bernstein CN. Risk of developingcolorectal cancer following anegative colonoscopy examination:evidence for a 10-year interval betweencolonoscopies. JAMA 2006;295:2366-73.
  5. Singh H, Nugent Z, Mahmud SM,Demers AA, Bernstein CN. Predictorsof colorectal cancer after negativecolonoscopy: A population-basedstudy. Am J Gastroenterol 2009Nov 10. [Epub ahead of print].
  6. Brenner H, Hoffmeister M, Arndt V,Stegmaier C, Altenhofen L, Haug U.Protection from right- and left-sidedcolorectal neoplasms after colonoscopy:population-based study. J NatlCancer Inst 2010;102:89-95.
  7. Baxter NN, Goldwasser MA, Paszat LF,Saskin R, Urbach DR, Rabeneck L.Association of colonoscopy and deathfrom colorectal cancer. Ann InternMed 2009;150:1-8.
  8. Rex DK, Petrini JL, Baron TH et al.Quality indicators for colonoscopy.AmJ Gastroenterol 2006;101:873-85.
  9. Coriat R, Pommaret E, Chryssostalis Aet al. Quality control of colonoscopyprocedures: a prospective validatedmethod for the evaluation of professionalpractices applicable to allendoscopic units. Gastroenterol ClinBiol 2009;33:103-8.
  10. Napoléon B, Boneu B, Maillard L et al.Guidelines of the French Society forDigestive Endoscopy (SFED). Endoscopy2006;38:632-8.
  11. Veitch AM, Baglin TP, Gershlick AH,Harnden SM, Tighe R, Cairns S.Guidelines for the management ofanticoagulant and antiplatelet therapyin patients undergoing endoscopicprocedures. Gut 2008;57:1322-9.
  12. Parente F, Marino B, Crosta C. Bowelpreparation before colonoscopy in theera of mass screening for colorectalcancer: a practical approach. Dig LiverDis 2009;41:87-95.
  13. Lapuelle J, Abdini E, Canard JM et al.Évaluation prospective multicentriquede la qualité de la préparation coliqueen coloscopie chez 1019 patients.Gastroenterol Clin Biol 2009;33:A180.
  14. Lai EJ, Calderwood AH, Doros G,Fix OK, Jacobson BC. The Bostonbowel preparation scale: a valid andreliable instrument for colonoscopyorientedresearch. Gastrointest Endosc2009;69(3 Pt 2):620-5.
  15. Ben-Horin S, Bar-Meir S, Avidan B.The outcome of a second preparationfor colonoscopy after preparation failurein the first procedure. GastrointestEndosc 2009;69(3 Pt 2):626-30.
  16. Sánchez del Río A, Campo R, Llach Jet al. Variation among endoscopyunits in the achievement of the standardsof colonoscopic performanceindicators. Hepatogastroenterology2008;55:1594-9.
  17. Ben-Horin S, Bar-Meir S, Avidan B.The impact of colon cleanliness assessmenton endoscopists’ recommendationsfor follow-up colonoscopy. AmJ Gastroenterol 2007;102:2680-5.
  18. Bond JH. Should the quality of preparationimpact postcolonoscopyfollow-up recommendations? Am JGastroenterol 2007;102:2686-7.
  19. Thomas-Gibson S, Rogers P, Cooper Set al. Judgement of the quality ofbowel preparation at screeningflexible sigmoidoscopy is associatedwith variability in adenoma detectionrates. Endoscopy 2006; 38:456–460.
  20. Rex DK, Bond JH, Feld AD. Medicallegalrisks of incident cancers afterclearing colonoscopy. Am J Gastroenterol2001;96:952-7.
  21. Aronchick CA, Lipshutz WH,Wright SH, Dufrayne F, Bergman G.A novel tableted purgative for colonoscopicpreparation: efficacy andsafety comparisons with Colyte andFleet Phospho-Soda. GastrointestEndosc 2000;52:346-52.
  22. Rostom A, Jolicoeur E. Validation ofa new scale for the assessment ofbowel preparation quality. GastrointestEndosc 2004;59:482-6.
  23. Harewood GC, Wright CA, Baron TH.Assessment of patients’ perceptions ofbowel preparation quality at colonoscopy.Am J Gastroenterol 2004;99:839-43.
  24. Goulard H Boussac-Zarebska M,Bloch J. Évaluation épidémiologiquedu programme pilote de dépistageorganisé du cancer colorectal, France,2007. Bull Epidemiol Hebd 2009;2-3:22-4.
  25. Bretagne JF, Ponchon T. Do we needto embrace adenoma detection rate asthe main quality control parameterduring colonoscopy? Endoscopy2008;40:523-8.
  26. Lieberman D, Moravec M, Holub J,Michaels L, Eisen G. Polyp size andadvanced histology in patients undergoingcolonoscopy screening: implicationsfor CT colonography. Gastroenterology2008;135:1100-5.
  27. Rex DK. Colonoscopy: a review of itsyield for cancers and adenomas byindication. Am J Gastroenterol 1995;90:353-65.
  28. Bretagne JF, Manfredi S, Piette C,Hamonic S, Durand G, Riou F. Yieldof high-grade dysplasia based onpolyp size detected at colonoscopy: aseries of 2295 examinations followinga positive fecal occult blood test in apopulation-based study. Dis ColonRectum 2010;53:339-45.
  29. Bretagne JF, Hamonic S, Piette C,Manfredi S, Leray E, Durand G, Riou F.Variations between endoscopists inrates of detection of colorectal neoplasiaand their impact on a regionalscreening programbased on colonoscopyafter fecal occult blood testing.Gastrointest Endosc 2010;53:335-41.
  30. Jacobs ET, Ahnen DJ, Ashbeck ELet al. Association between body massindex and colorectal neoplasia at follow-up colonoscopy: a pooling study.Am J Epidemiol 2009;169:657-66.
  31. Johnson DA. Pay for performance:ACG guide for physicians. Am JGastroenterol 2007;102:2119-22.
  32. Chen SC, Rex DK. Variable detectionof nonadenomatous polyps by individualendoscopists at colonoscopyand correlation with adenoma detection.J Clin Gastroenterol 2008;42:704-7.
  33. Denis B, Sauleau EA, Gendre I,P. Perrin P. Comment évaluer lesvariations de rendement entre endoscopistesdans le programme nationalde dépistage organisé du cancercolorectal par Hémoccult ? Communicationorale aux JFHOD 2010.
  34. Barclay RL, Vicari JJ, Doughty AS,Johanson JF, Greenlaw RL. Colonoscopicwithdrawal times and adenomadetection during screeningcolonoscopy. N Engl J Med 2006;355:2533-41.
  35. Simmons DT, Harewood GC, Baron THet al. Impact of endoscopist withdrawalspeed on polyp yield: implicationsfor optimal colonoscopy withdrawaltime. Aliment Pharmacol Ther2006;24:965-71.
  36. Overholt BF, Brooks-Belli L, Grace Met al.Withdrawal times and associatedfactors in colonoscopy: A qualityassurance multicenter assessment. JClin Gastroenterol 2009 Oct 29. [Epubahead of print].
  37. Barclay RL, Vicari JJ, Greenlaw RL.Effect of a time-dependent colonoscopicwithdrawal protocol on adenomadetection during screeningcolonoscopy. Clin GastroenterolHepatol 2008;6:1091-8.
  38. Sawhney MS, Cury MS, Neeman Net al. Effect of institution-wide policyof colonoscopy withdrawal time= 7 minutes on polyp detection.Gastroenterology 2008;135:1892-8.
  39. Shaukat A, Oancea C, Bond JH,Church TR, Allen JI. Variation indetection of adenomas and polypsby colonoscopy and change overtime with a performance improvement program. Clin Gastroenterol Hepatol2009;7:1335-40.
  40. Bourke MJ. Making every colonoscopycount: Ensuring quality inendoscopy. J Gastroenterol Hepatol2009;24 Suppl 3:S43-50.
  41. Morini S, Hassan C, Zullo A et al.Detection of colonic polyps accordingto insertion/withdrawal phases ofcolonoscopy. Int J Colorectal Dis2009;24:527-30.
  42. Panteris V, Haringsma J, Kuipers EJ.Colonoscopy perforation rate, mechanismsand outcome: from diagnosticto therapeutic colonoscopy. Endoscopy2009;41:941-51.
  43. Bokemeyer B, Bock H, Hüppe D et al.Screening colonoscopy for colorectalcancer prevention: results from a Germanonline registry on 269000 cases.Eur J Gastroenterol Hepatol 2009;2:650-5.
  44. Crispin A, Birkner B, Munte A,Nusko G, Mansmann U. Process qualityand incidence of acute complicationsin a series of more than 230,000outpatient colonoscopies. Endoscopy2009;41:1018-25.
  45. Coriat R, Cacheux W, Chaussade S. Iatrogenic colonoscopic perforations: clipping or calling for a surgeon? Digestion 2008;78:214-5.

Les 5 points forts

  • Le fait que la coloscopie ne diminue pas l’incidence ou la mortalité par cancer du côlon proximal dans les années suivant sa réalisation souligne la probabilité de lésions manquées et la nécessaire amélioration des pratiques.
  • Nous avons colligé dans cet article les critères de qualité qui nous semblaient les plus importants et listé dix paramètres incontournables au premier rang desquels le taux de détection des adénomes.
  • Il est nécessaire de développer des logiciels capables d’insérer facilement dans le compte rendu de coloscopie tous les critères de qualité relatifs à la réalisation de l’examen : incluant des éléments pré-, per- et postcoloscopie.
  • Les gastroentérologues doivent se préparer à produire des données chiffrées permettant de s’assurer de la qualité de leur pratique, et à modifier leurs procédures en cas d’objectifs non atteints.
  • Les sociétés savantes sont invitées à arrêter les critères de qualité de la coloscopie et à favoriser le développement d’outils informatiques qui permettront aux gastroentérologues d’exploiter les bases de données.