Gestion des effets secondaires des traitements anti-cancéreux : ce que doit savoir tout hépatogastro-entérologue

POST'U 2022

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Savoir identifier les situations d’urgence
  • Savoir prévenir et gérer les complications hématologiques
  • Savoir prévenir et gérer les complications digestives
  • Savoir gérer les perturbations des tests biologiques hépatiques

Les 5 points forts

  1. Les complications des chimiothérapies ont un impact pronostique et leur prise en charge est un enjeu majeur.
  2. Les nausées-vomissements et la diarrhée font partie des toxicités les plus fréquentes des chimiothérapies.
  3. La prévention des nausées-vomissements chimio-induits est conditionnée par le potentiel émétisant des chimiothérapies et repose sur l’utilisation de corticoïdes, d’antagonistes des récepteurs 5HT3 (setrons), de la neurokinine 1 et d’antagoniste de la dopamine.
  4. Le traitement de première ligne de la diarrhée chimio-induite repose sur le lopéramide. En cas de forme réfractaire ou grave, une hospitalisation est nécessaire pour éliminer une cause associée, (notamment une infection à C. Difficile), assurer une hydratation et adapter le traitement.
  5. La prise en charge de la neutropénie fébrile est une urgence dont le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée à la gravité du tableau clinique, à débuter dans les plus brefs délais.

LIEN D’INTÉRÊTS

Aucun

MOTS-CLÉS

Toxicités chimio-induites ; nausées-vomissements ; diarrhée ; colite post-chimiothérapie ; neutropénie ; neutropénie fébrile

ABRÉVIATIONS

CT : chimiothérapie
DI : dose intensité
N/V : nausées et vomissements
VSN : valeur seuil normale

Introduction

Avec plus de 157 400 décès en 2019, le cancer en France est la première cause de mortalité chez l’homme et la deuxième chez la femme. En 2018, plus de 382 000 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués en France. L’activité de cancérologie représente près d’un quart de l’activité hospitalière globale (près de 10 % des hospitalisations ambulatoires et près de 14 % des hospitalisations complètes). Par ailleurs, les cancers digestifs sont des tumeurs fréquentes, notamment les cancers du côlon et du pancréas (respectivement 43 000 et 14 000 nouveaux cas en 2018) (1). Enfin, les complications digestives liées à la chimiothérapie (CT) – qui reste un des traitements de base du cancer – font partie des toxicités les plus fréquentes pour de nombreuses drogues. Ces quelques données permettent de comprendre que tout hépato-gastro-entérologue, qu’il soit ou non oncologue digestif, sera souvent impliqué dans la prise en charge des effets secondaires des traitements anticancéreux, et qu’il est important de bien connaître les éléments qui permettront une gestion adaptée de ceux-ci. En effet, comme cela a été bien démontré pour la neutropénie fébrile, ces complications ont un impact pronostique sur le cancer, en entraînant des retards de cure, une diminution de la dose d’intensité (DI) de la CT, voire son arrêt (2). (Dans l’étude prodige 24 (FOLFIRINOX versus gemcitabine pour le traitement adjuvant du cancer du pancréas réséqué), les patients qui n’ont pas pu recevoir l’ensemble des cycles prévus ont une survie globale significativement inférieure à cinq ans [27,4 % vs. 41.9 % HR 0.64 (0.49-0.84), p= 0.002] (3).

Les principales complications digestives de la chimiothérapie sont :

  • Nausées et vomissements (N/V) ;
  • Mucite ;
  • Diarrhée et colites post-chimiothérapie ;
  • Constipation

Par ailleurs, les CT ont des complications hématologiques (anémie, neutropénie, thrombopénie) et hépatiques que tout hépato-gastro-entérologue pourra être amené à prendre en charge. La gestion de ces complications repose sur une démarche clinique et thérapeutique classique avec cependant quelques particularités :

  • On dispose d’échelles standardisées permettant l’évaluation de leur sévérité (4). Ces échelles sont surtout utiles dans le cadre des essais cliniques, mais leur utilisation en pratique quotidienne apporte une aide précieuse pour l’appréciation de la gravité de ces toxicités.
  • La prévention et le traitement de ces complications doivent s’appuyer sur les recommandations des sociétés savantes (AFSOS, ESMO, MASCC, ASCO) qui sont consultables sur leurs sites internet respectifs.
  • Avant toute décision thérapeutique, il est important de s’informer du pronostic de la maladie sous-jacente : la CT est-elle administrée dans le cadre d’un traitement néo-adjuvant, adjuvant, métastatique à visée curative ou palliative du cancer ? La consultation de la dernière fiche de réunion de concertation pluridisciplinaire apporte souvent des informations importantes au praticien amené à prendre en charge un patient qu’il ne connaît pas dans le cadre de l’urgence.
  • Enfin, le niveau d’intensité de la prise en charge doit être conforme aux éventuelles directives anticipées du patient.

Le but de cet article est d’apporter des éléments pratiques de prise en charge pour les N/V, la diarrhée, les colites post-chimiothérapie et la neutropénie fébrile.

Nausées et vomissements (5-6)

On distingue les N/V anticipés, aigus, survenant le jour de la CT, et ceux qui sont retardés, survenant au décours de la CT. Une prophylaxie primaire est recommandée, adaptée en fonction du risque émétisant du protocole de CT utilisé, le risque étant déterminé en fonction de la drogue la plus émétisante du protocole (Hautement émétisante : protocole à base de cisplatine. Modérément émétisante : protocole à base d’oxaliplatine, irinotecan. Faiblement émétisante : gemcitabine, 5 Fluorouracile, capecitabine, taxanes, regorafenib en monothérapie. Très faiblement émétisante : sorafenib) (tableau 1) (5). Les classes médicamenteuses utilisées, seules ou en association, sont les corticoïdes, les antagonistes des récepteurs 5HT3 (setrons) et de la neurokinine 1 (aprepitant, rolapitant, netupitant) et les antagonistes de la dopamine (metoclopramide).

Traitement J1 Traitement jours suivants
Risque émétisant élevé sans Cisplatine – Aprepitant 125 ou Rolapitant 180
– Setron
– Corticoïde*
– Aprepitant 80 J2, J3 si Aprepitant à J1
– Corticoïde* J2 à J4
Risque émétisant élevé avec Cisplatine – NEPA**
– Corticoïde
– Corticoïde J2 à J4
Risque émétisant modéré – Aprepitant 125 ou Rolapitant 180
– Setron
– Corticoïde*
Aprepitant 80 J2, J3 si Aprepitant à J1
Risque émétisant faible – Au choix : Metoclopramide ou Setron ou Corticoïde***
Tableau 1 : Prophylaxie primaire en fonction du risque émétisant du protocole de chimiothérapie

*J1 Methylprednisolone 60 mg ; J2 à J4 Methylprednisolone 40 mg ou prednisone/prednisolone 50 mg
**NEPA : Netupitant 300-Palonosetron 0.5, en prise unique à J1
*** Methylprednisolone 20 à 40 mg ou prednisone/prednisolone 25 à 50 mg

 

Quelle doit être la prise en charge d’un patient présentant des N/V retardés non contrôlés ?

  • Évaluer la gravité et le retentissement clinique et biologique : dès lors que les N/V ne permettent plus des apports par voie orale satisfaisants et qu’ils s’accompagnent d’une déshydratation clinique, de troubles hydroélectrolytiques et/ou d’une insuffisance rénale, une hospitalisation doit être envisagée.
  • Éliminer une cause autre que la CT : métastases cérébrales, hypercalcémie, hyponatrémie, syndrome occlusif, stase gastrique favorisée par une ascite ou une hépatomégalie, introduction récente d’un traitement morphinique (il s’agit d’une cause fréquente, qui doit toujours être recherchée).
  • S’informer de la prophylaxie primaire prescrite et de l’adhérence au traitement.
  • Mettre en œuvre un traitement adapté : pour les N/V chimio-induits, le niveau de preuve des recommandations dans cette situation est On peut cependant retenir l’élément suivant : si les corticoïdes ont été utilisés en prophylaxie primaire, ils sont en général peu efficaces. Un traitement par anti-D2 type metoclopramide 10 mg IV, 1 à 3 fois par jour (dose maximale : 0.5 mg/kg/J) peut être introduit, de même qu’une benzodiazépine. À noter que l’utilisation de la chlorpromazine (Largactil) au PSE ne figure dans aucun référentiel ; ce médicament doit être administré avec précaution, en raison de ses effets sédatifs potentiels. L’olanzapine a montré son efficacité à la posologie de 10 mg/J dans la prévention des N/V des CT hautement émétisantes (7) et semble être un médicament prometteur, à la posologie de 5 mg/J, dans la prévention des N/V chroniques, avec une bonne tolérance (8). Son utilisation a été introduite dans les dernières recommandations de l’ASCO. En cas d’introduction récente d’un traitement morphinique, une rotation morphinique doit être envisagée si un traitement symptomatique ne permet pas de contrôler rapidement la symptomatologie (6).
  • Adapter le traitement prophylactique au cycle suivant : si l’observance de la prophylaxie primaire proposée initialement a été bonne, il est recommandé de renforcer cette dernière par la prescription d’une classe thérapeutique non utilisée précédemment.

Diarrhée et colite post-chimiothérapie (9,10,11) :

La diarrhée est une des complications les plus fréquentes de la CT, notamment avec les drogues (5 Fu, capecitabine, irinotecan, taxanes, thérapies ciblées, inhibiteurs de tyrosine kinase) et les protocoles (FOLFIRINOX, FOLFIRI-aflibercept, Gemcitabine-Nab-paclitaxel, FLOT) utilisés en cancérologie digestive. Avec ces protocoles, les patients présentent une diarrhée dans 30 à 40 % des cas, de grade 3/ 4 dans 10 à 20 % des cas. Le plus souvent, la diarrhée est uniquement secondaire à une toxicité de la CT, mais les formes s’intégrant dans un tableau de colite post-chimiothérapie ne doivent pas être méconnues. La prise en charge initiale vise donc à évaluer la gravité du tableau clinique et à rechercher des éléments évocateurs d’une colite post- chimiothérapie (tableaux 2 et 3).

Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4
Nombre de selles supplémentaires/normale < 4/J 5 à 6/J > 7/J ou incontinence Collapsus hémodynamique
Tableau 2 : Grades de toxicité de la diarrhée chimio-induite
– Atcd récent d’hospitalisation, d’antibiothérapie
– Nombre de selles/J
– Signes cliniques associés : déshydratation, douleurs abdominales, nausées, vomissements, fièvre…
– Signes biologiques associés : troubles ioniques, insuffisance rénale fonctionnelle, syndrome inflammatoire, neutropénie
Tableau 3 : Évaluation de la gravité de la diarrhée

Diarrhée grave : Diarrhée grade 3/ 4 ou Diarrhée grade 1/ 2 avec au moins 1 signe clinique ou biologique associé

 

La diarrhée de grade 1/ 2 sans signe de gravité relève d’une prise en charge ambulatoire :

  • Hydratation abondante, fractionnement des repas en privilégiant les féculents et en limitant les apports en fibres et en lactose
  • Lopéramide : 2 gélules à la première selle liquide puis 1 gélule à chaque selle liquide ; maximum 8/J. Arrêt en l’absence de selles liquides depuis plus de 12 heures
  • Diosmectite : 1 à 2 sachets, trois fois par jour
  • Si diarrhée non contrôlée : racecadotril : 1 gélule trois fois par jour
  • Réévaluation quotidienne : en l’absence d’amélioration en 48 à 72 h, hospitalisation et octreotide (hors AMM) SC 150 à 200 mg x 2 à 3/J ou IVSE 25 à 50 mg/h après coproculture avec recherche de C. difficile

La diarrhée grave nécessite une prise en charge en hospitalisation pour réhydratation, réalisation d’un bilan comprenant une coproculture avec recherche de C. Difficile, des hémocultures en cas de fièvre, et une imagerie s’il existe des douleurs abdominales et/ou des rectorragies associées. En l’absence d’argument en faveur d’une colite post-chimiothérapie : réhydratation IV et prise en charge identique à la diarrhée grade 1/ 2. Cependant, en fonction du terrain et de la gravité du tableau clinique, d’emblée ou en l’absence d’amélioration rapide, discuter une antibiothérapie empirique par ciprofloxacine – metronidazole et un traitement par octreotide SC 150 à 200 mg x 2 à 3/J ou IVSE 25 à 50 mg/h.

Les colites post-chimiothérapie (11) peuvent être en rapport avec une colite à C. Difficile, une colite neutropénique, ou une colite « médicamenteuse », notamment chez les patients traités par biothérapies ou inhibiteurs de tyrosine kinase.

  • La colite à C. difficile : La CT en elle-même est un facteur de risque de l’infection à C. Difficile, avec un spectre d’expression clinique allant de la simple diarrhée post-chimiothérapie résistante au traitement symptomatique à la colite grave (colite fulminante, mégacôlon toxique) menaçant le pronostic vital (12). Le traitement de référence est la vancomycine par voie orale, 125 mg x 4/J, éventuellement associée au metronidazole IV, 500 mg x 4/J dans les formes graves, avec mise en place de mesures d’isolement du patient.
  • La colite neutropénique (typhlite) : elle complique le plus souvent les CT aplasiantes des hémopathies malignes mais s’observe également au cours des CT des tumeurs solides, notamment à base de Le diagnostic repose sur la survenue, dans un contexte de neutropénie fébrile, d’un tableau douloureux abdominal avec en imagerie un aspect d’épaississement des parois coliques, touchant le plus souvent le côlon droit, associé à une distension de la lumière colique et éventuellement du grêle d’amont, la présence d’une pneumatose pariétale étant un signe de gravité. Le pronostic reste sévère, avec une mortalité de 22 % dans une série récente (13). Ces patients doivent être pris en charge en milieu de soins intensifs.
  • La colite « médicamenteuse » : on peut regrouper dans cette catégorie des tableaux de colite de mécanismes très variés, survenant en outre dans un contexte de traitement par biothérapie ou inhibiteurs de tyrosine Plusieurs cas de colite ulcérée d’allure ischémique ont été rapportés avec des drogues anti-angiogéniques, notamment le bevacizumab, cette classe médicamenteuse étant par ailleurs associée à un risque de perforation digestive. De même, des cas de colite lymphocytaire ont été rapportés chez des patients traités par FOLFIRI-aflibercept (14), avec l’association mesalazine et budesonide, qui a permis la poursuite de la chimiothérapie. Ces éléments soulignent l’importance de savoir évoquer une étiologie médicamenteuse spécifique devant des tableaux de diarrhée réfractaire chez des patients traités par chimiothérapie.

Neutropénie fébrile (15,16)

La neutropénie fébrile est définie par une fièvre > 38,5°C pendant plus d’1 heure, ou 1 fièvre > 38°C pendant plus d’1 heure associée à au moins un pic fébrile > 38,5°C, avec un taux de polynucléaires neutrophiles < 500/mm3 (neutropénie grade 4) ou < 1 000/mm3 avec une chute prévisible < 500/mm3 dans les 48 h (tableau 4). Une hypothermie dans un contexte de neutropénie est également à prendre en compte. C’est une complication fréquente (1 % des patients traités par CT) et grave (10 % de mortalité).

VSN* : valeur seuil normale

1 2 3 4
VSN* – 1500/mm3 1500 – 1000/mm3 1000 – 500/mm3 < 500/mm3
Tableau 4 : Grade des neutropénies (PNN/mm3)

Après une évaluation soigneuse (tableau 5), une antibiothérapie doit être débutée en urgence, dans l’heure qui suit l’admission du patient. À noter que les GCSF ne sont pas recommandés en première intention (ce qui est également le cas pour la neutropénie isolée), mais ils peuvent être discutés en cas de sepsis sévère ou d’un risque de neutropénie prolongée (> 10 jours). Le score MASCC (tableau 6) est une aide pour guider le choix de l’antibiothérapie et la possibilité d’un traitement en ambulatoire :

  • Patient à bas risque (score MASCC ≥ 21), entouré à domicile, joignable et résidant à proximité d’une structure de soins : prise en charge ambulatoire (tableau 7) ;
  • Patient à bas risque ne pouvant être pris en charge en ambulatoire (tableau 7) : hospitalisation ;
  • Patient à haut risque (score MASCC < 21) : Antibiothérapie IV couvrant Pseudomonas aeruginosa, en monothérapie en l’absence de point d’appel infectieux particulier et conforme au protocole de la structure hospitalière : cefepime 2 gr IV x 3 /J, à adapter sur la clairance de la créatinine ou piperacilline/tazobactam 4 gr/500 mg x 3 /J, à adapter sur la clairance de la créatinine. Le critère d’arrêt de l’antibiothérapie est le même que pour les patients à bas risque mais un avis de l’infectiologue référent est souhaitable.
Bilan clinique :
– recherche des critères de gravité * : (hypotension, hypothermie, oligoanurie, choc, baisse de la saturation en O2…)
– recherche de signes cliniques infectieux
– examen clinique complet (pouls, tension artérielle, Indice de Karnofsky…)Radio pulmonaire : en cas de signes d’orientationBilan biologique :
– NFP
– ionogramme sanguin, créatinine sérique
– Recherche d’anticorps irréguliers si Hb <8g/dl
– CRPBilan microbiologique :
– 2 hémocultures : 1 en voie veineuse centrale (VVC) et 1 en voie veineuse périphérique (VVP) au même moment ; à défaut x 2
en VVC ou x 2 en VVP en 30 minutes
– Prélèvement d’un foyer si point d’appel infectieux : ECBU, orifice de cathéter, coproculture avec recherche de C. Difficil
Tableau 5 : Évaluation d’un patient présentant une neutropénie fébrile
Points
Sévérité du tableau clinique initial : symptômes absents ou légers 5
Sévérité du tableau clinique initial : symptômes modérés 3
Absence d’hypotension 5
Absence de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) 4
Tumeur solide ou hémopathie maligne en l’absence d’infection fungique préalable 4
Absence de déshydratation 3
Patient ambulatoire 3
Age < 60 ans 2
Score ≥ 21 : risque faible (<10 %) de complications sévères ; Score < 21 : risque élevé de complications sévères
Tableau 6 : Score prédictif MASCC du risque de complications sévères lors de la neutropénie fébrile
Per os : ciprofloxacine 500 mg x 2/J ou ofloxacine 200 mg x 2/J et amoxicilline/acide clavulanique 1 gr x 3/24h
IV : si voie per os impossible : ceftriaxone 1 gr /J en IV lente (ou SC si IV impossible)
Si allergie aux ß lactamines : lévofloxacine 500mg x 1 /J
Suivi : surveillance clinique à domicile, en évitant la prise de paracétamol, NFS x 1/24h
Critères d’hospitalisation : aggravation clinique, T° persistante au-delà de 48h, hémocultures positives, foyer infectieux localisé.
Critères d’arrêt de l’antibiothérapie : apyrexie > 48h, PNN > 500, hémocultures négatives
Tableau 7 : Prise en charge ambulatoire ou hospitalière de la neutropénie fébrile chez le patient à bas risque

Une prophylaxie primaire est recommandée pour les CT avec un risque > 20 % de neutropénie ou entre 10 et 20 % chez les sujets à risque de neutropénie (âge > 65 ans, sexe féminin, comorbidités associées : maladie avancée, dénutrition, insuffisance rénale ou hépatique, maladie cardiovasculaire, diabète, anémie) avec Lenograstim 34 MUI en injection sous-cutanée (SC) ou Filgrastim SC ( poids < 60 kg : 30 MUI ; poids > 90 kg : 48 MUI ; 60 <poids <90 : pas de consensus), à débuter dans les 24 à 48 h de la fin de la CT, pendant 7 à 10 jours. Pour les protocoles de CT avec une périodicité de 2 à 4 semaines, une forme retard (Pegfilgrastim) peut être utilisée, sous la forme d’une injection SC unique de 6 mg dans les 24 à 36 heures de la fin de la CT. En cancérologie digestive, dans les études de phase 3, les protocoles les plus agressifs (FOLFIRINOX + thérapie ciblée, FLOT) ou les drogues les plus hémato-toxiques (Trifluridine/tipiracile) entraînent moins de 10 % de neutropénie fébrile (moins de 5 % en moyenne), avec des taux de neutropénie grade 3/ 4 compris entre 30 et 50 %. Il n’y a donc pas d’indication théorique de prophylaxie primaire.

Une prophylaxie secondaire est recommandée au décours d’un épisode de neutropénie fébrile ou de neutropénie après un cycle de CT pour permettre un maintien de la DI de la CT, l’alternative étant une diminution de la DI de la CT.

S’appuyer n’est pas se plier à tout prix : s’appuyer sur les recommandations des sociétés savantes est certes un gage de qualité, mais il ne faut cependant pas être prisonnier des algorithmes et perdre de vue le fait que la prise en charge d’un patient doit rester personnalisée, avec pour objectif premier l’optimisation de la tolérance des traitements. Ainsi, le NEPA peut être utilisé dans le traitement du cholangiocarcinome avec l’association gemcitabine- cisplatine (GemCis) (toxicité grade 3/ 4 : nausées 4 %, vomissements 5.1 %) (17), alors qu’à l’inverse on ne peut l’utiliser avec l’association capecitabine- oxaliplatine (XELOX) (18) en traitement adjuvant du cancer colique (pas de remboursement). Pourtant, le XELOX a un profil de toxicité identique en phase III au GemCis (N/V respectivement 66 et 43 % tous grades ; respectivement 5 et 6 % grade 3/ 4) et en pratique clinique, ce protocole pose plus souvent des problèmes de tolérance digestive que le GemCis, avec parfois des N/V majeurs, compromettant la faisabilité du traitement, notamment chez les patients à risque. Il en va de même pour la prophylaxie primaire de la neutropénie par GCSF (cf. supra : neutropénie fébrile) en cancérologie digestive.

Conclusion

Tout hépato-gastro-entérologue doit être à même de prendre en charge les complications digestives et hématologiques les plus fréquentes des CT dans un contexte d’urgence, sachant que la qualité de leur prévention et de leur traitement a un impact pronostique. Le médecin en charge du patient doit s’appuyer sur les recommandations des sociétés savantes mais doit avoir également le souci de prendre en compte les caractéristiques médicales et humaines propres à chaque patient.

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