Détection de la dysplasie sur EBO

POST’U 2019

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaitre les recommandations sur le dépistage et la surveillance de la dysplasie
  • Savoir rechercher la dysplasie
  • Connaitre les principes du traitement

Qu’est-ce qu’un endobrachyœsophage ?

L’endobrachyœsophage (EBO) est défini endoscopiquement par une ascension de la ligne Z à plus de 1 cm des plis gastriques et histologiquement par la présence d’une métaplasie intestinale (MI) (1). Il survient chez moins de 10 % des patients ayant un reflux gastro-œsophagien (RGO), notamment chez l’homme de plus de 50 ans, de race caucasienne, obèse, avec des symptômes anciens (plus de 5 ans) et avec un antécédent au premier degré d’EBO ou d’adénocarcinome (ADK) œsophagien (2). Dans ce cas et selon les recommandations de l’ESGE, une endoscopie œso-gastroduodénale (EOGD) de dépistage peut être proposée (3). Le principal risque évolutif de l’EBO est l’ADK. En cas de simple MI, l’incidence du cancer est très faible (0,1 à 0,6 % patients-année) et il augmente en cas de DBG (0,6 à 1,6 %) et de DHG (10 %) (4). L’EOGD joue un rôle majeur dans le dépistage, la surveillance et la caractérisation de l’EBO et d’éventuelles zones dysplasiques.

Quelles sont les recommandations concernant le dépistage et la surveillance de la dysplasie sur EBO ?

L’analyse d’un EBO et de ses complications doit être réalisée par un endoscopiste expérimenté et formé. En effet la DHG se manifeste le plus souvent par une anomalie morphologique visible souvent discrète. Lors de la surveillance d’un EBO et selon les recommandations, des biopsies doivent être réalisées selon le protocole de Seattle pour rechercher une dysplasie (biopsies aux quatre quadrants tous les 1 ou 2 centimètres). Une planimétrie doit être réalisée en précisant sur un schéma la localisation exacte de toutes les biopsies. Les anomalies endoscopiques (relief, couleur, vascularisation) sont biopsiées séparément. Le diagnostic de dysplasie (ou de zones indéfinies) doit être confirmé par une relecture par un anatomopathologiste expert.

Le rythme de la surveillance dépend de la hauteur de l’EBO et de l’espérance de vie du patient (pas de surveillance après 75 ans) (tableau 1). La hauteur de l’EBO doit être décrite selon la classification de Prague (la lettre « C » résume l’extension circonférentielle et « M » l’extension maximale de l’EBO). Dans certains cas difficiles à classer, il est possible de compléter l’examen histopathologique par la recherche d’une altération des gènes codant pour des protéines de réparation de l’ADN, comme la p53. Une récente étude a montré que la présence en immunohistochime de la mutation du gène p53 était un marqueur précoce d’évolution vers une dysplasie et/ou un cancer (5).

Comment rechercher la dysplasie de façon optimale ?

Les anomalies de relief

Toute anomalie de relief au sein d’un EBO doit être décrite selon la classification de Paris. Les lésions sessiles (0-Is), déprimées (0-IIc) ou ulcérées (0-III) sont associées à un risque d’envahissement en profondeur plus important (6). En cas de lésion sessile/nodulaire suspecte d’ADK il est recommandé de réaliser une échoendoscopie avec une sonde standard afin de s’assurer que la lésion est bien superficielle, stade usT1N0 (n’atteignant pas la musculeuse et sans atteinte ganglionnaire).

Tableau 1. Surveillance recommandée en fonction de l’étendue de l’EBO et de la présence d’une dysplasie de bas grade ou « indéfini pour la dysplasie » (ESGE)
EBO sans dysplasie
EBO < 1 cm ou ligne Z irrégulière Aucune biopsie ou surveillance
EBO ≥ 1 cm et < 3 cm Gastroscopie, biopsies (Seattle) tous les 5 ans
EBO ≥ 3 cm et < 10 cm Tous les 3 ans
EBO ≥ 10 cm Bilan dans un centre expert
EBO avec dysplasie de bas grade ou « indéfini pour la dysplasie »
Confirmation après double lecture histologique IPP 6 mois puis EOGD + biopsies Si DBG persistante = DBG « à risque » Bilan dans un centre expert

La chromoendoscopie

La pulvérisation d’acide acétique (1,5 à 3 %) est recommandée en pratique pour améliorer la détection des zones dysplasiques. L’aspect glandulaire décrit par un relief villeux ou en crête (à la différence des petits puits ronds ou d’un aspect réticulaire) est associé à une sensibilité de 98 % (sensibilité de quoi ? À préciser) (classification PREDICT) (figure 1) (7).

Les techniques de chromoendoscopie électroniques comme le narrow band imaging (NBI), le blue laser imaging (BLI), le linked color imaging (LCI), ou l’i-scan, doivent être associées à l’acide acétique. Même si le niveau de preuve est encore faible, ces techniques aident à mieux dépister les zones suspectes au sein d’un EBO. Les performances diagnostiques du NBI pour détecter la DHG (irrégularité de l’architecture glandulaire et des vaisseaux) sont élevées, avec une sensibilité et une spécificité de plus de 90 %, en réalisant moins de biopsies par rapport à l’endoscopie standard avec des biopsies étagées aléatoires (8,9). Le fort grossissement optique associé à la chromoendoscopie améliore de façon significative la caractérisation des zones dysplasiques (figure 2) (10).

 

Chromoendoscopie à l’acide acétique

Figure 1
Chromoendoscopie à l’acide acétique permettant de visualiser en lumière blanche une architecture glandulaire allongée régulière typique de métaplasie intestinale (A, flèche) et de dépister des zones dysplasiques ou de cancer superficiel où l’architecture est désor- ganisée avec des vaisseaux irréguliers (B, cercle).

Figure 2 - Chromoendoscopie électronique

Figure 2
Chromoendoscopie électronique (BLI, système Eluxeo, Fujifilm) montrant un aspect de métaplasie intestinale (A) avec en zoom des micro-vaisseaux réguliers (B). Au sein d’une languette d’EBO (C) le zoom montre un aspect irrégulier des glandes (D) prédisant une zone dysplasique (D, cercle).

Les biopsies systématiques étagées aléatoires

Même si les biopsies ciblées sont les plus rentables, le protocole de Seattle est toujours recommandé dans la surveillance de l’EBO. La surface analysée ne représente que 4 à 6 % de tout l’EBO notamment lorsqu’il est étendu. En raison de son caractère contraignant, invasif et coûteux (analyse histologique), ce protocole est très peu suivi en pratique courante (11).

La règle des 3R

Lorsque le diagnostic de dysplasie est posé, il est recommandé de 1/ Répéter l’examen endoscopique par un opérateur entraîné, 2/ Refaire des prélèvements (sauf en cas de lésion suspecte évidente) et 3/ faire Relire les lames par un anatomopathologiste expert.

Points clés pour la recherche de dysplasie

  1. Examen sous anesthésie générale
  2. Endoscope haute définition
  3. Capuchon transparent systématique
  4. Lavage de la muqueuse œsophagienne (eau et/ou un agent mucolytique)
  5. Classification de Prague C-M pour décrire l’EBO
  6. Examen systématisé par quadrant (1 min/cm d’EBO)
  7. Pulvérisation d’acide acétique et chromoendoscopie virtuelle systématique
  8. Protocole de Seattle : 1 biopsie = 1 flacon (planimétrie)
  9. Photos et films systématiques (archivage)
  10. Appliquer la règle des 3R

 

Figure 3 - Stratégie thérapeutique en fonction de la présence d’une dysplasie ou d’un cancer superficiel au sein d’un EBO

Figure 3
Stratégie thérapeutique en fonction de la présence d’une dysplasie ou d’un cancer superficiel au sein d’un EBO

 

Figure 4 - Principales techniques endoscopiques pour traiter un EBO dysplasique ou un cancer superficiel.

Figure 4
Principales techniques endoscopiques pour traiter un EBO dysplasique ou un cancer superficiel.
La mucosectomie par ligature élastique (Duette, Cook) consiste à aspirer dans un capuchon une zone suspecte (A.1), de larguer un élastique (A.2) puis de réaliser une section sous l’élastique avec une anse diathermique dédiée (A.3). La dissection sous muqueuse permet de réséquer une zone suspecte étendue qui est délimitée (B.1) puis disséquée avec un couteau (B.2 : Flush-knife 1.5BTs, Fujifilm) mettant à nu une grande surface de muscu- leuse (B.3). Enfin, la radiofréquence permet de détruire par coagulation des zones planes sur EBO dysplasique (C.1) de façon circonférentielle (ballon gonflé dans l’œsophage) ou focale (sonde Channel, Medtronic, C.2 et C.3).

 

Quelle stratégie thérapeutique choisir en cas d’EBO dysplasique ?

Le traitement endoscopique est celui de première intention, car il est associé à une morbidité bien plus faible que le traitement chirurgical et à une mortalité nulle. Le choix du traitement endoscopique dépend de l’étendue, de la présence d’une dysplasie et de l’aspect en surface de l’EBO (figure 3). Toute zone en relief au sein d’un EBO est suspecte de dysplasie ou de cancer superficiel et doit être référée à un centre expert et réséquée pour obtenir une analyse histologique. Les deux techniques de résection sont la mucosectomie (par « aspiration-section » ou « ligature-section »), ou la dissection sous-muqueuse (figure 4). Cette dernière technique permet de réséquer de façon monobloc des lésions de plus de 15 mm, ou végétantes difficiles à capturer dans un capuchon lors de la mucosectomie ; ainsi qu’une analyse précise de l’envahissement en profondeur en cas de cancer superficiel infiltrant la sous muqueuse. Elle est réservée à des centres experts et la courbe d’apprentissage doit se faire sur de modèles de simulation organiques (modèles animaux ex vivo ou idéalement in vivo).

Pour un EBO dysplasique plan, la technique thérapeutique de première intention est la radiofréquence qui permet de réaliser une destruction thermique homogène focale ou circonférentielle. Cette situation est plus rare et ne représente que moins de 20 % des cas de DHG. D’autres techniques comme la destruction au plasma argon, la cryothérapie ou la résection/destruction par Endorotor (Interscope, USA) sont en cours d’évaluation.

Enfin, après résection endoscopique des zones en relief, un complément de destruction de l’EBO résiduel par radiofréquence est recommandé afin de limiter le risque de lésions métachrones (figure 4). Ce traitement combiné est associé à un taux très élevé d’éradication de l’EBO au prix d’un taux de sténose d’environ 10 %.

Conclusion

La recherche, le diagnostic et le traitement d’une dysplasie sont des étapes endoscopiques indispensables pour prévenir la survenue d’un ADK sur EBO. L’amélioration technologique des endoscopes permet une meilleure détection et caractérisation des zones suspectes. Grâce aux développements des techniques de résection et de destruction des lésions œsophagiennes il est maintenant possible de traiter des zones dysplasiques ou cancéreuses superficielles de grande taille tout en préservant l’intégrité et la fonction de l’œsophage.

Références

  • Shaheen N, Ransohoff DF. Gastroesophageal reflux, barrett esophagus, and esophageal cancer: scientific review. JAMA. 17 avr 2002;287(15):1972-81.
  • American Gastroenterological Association, Spechler SJ, Sharma P, Souza RF, Inadomi JM, Shaheen NJ. American Gastroenterological Association medical position statement on the management of Barrett’s esophagus. Gastroenterology. mars 2011;140(3):1084-91.
  • Weusten B, Bisschops R, Coron E, Dinis-Ribeiro M, Dumonceau J-M, Esteban J-M, et al. Endoscopic management of Barrett’s esophagus: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Position Statement. Endoscopy. févr 2017;49(2):191-8.
  • Spechler SJ. Barrett esophagus and risk of esophageal cancer: a clinical review. JAMA. 14 août 2013;310(6):627-36.
  • Stachler MD, Camarda ND, Deitrick C, Kim A, Agoston AT, Odze RD, et al. Detection of Mutations in Barrett’s Esophagus Before Progression to High-Grade Dysplasia or Adenocarcinoma. Gastroenterology. 2018;155(1):156-67.
  • Pech O, Gossner L, Manner H, May A, Rabenstein T, Behrens A, et al. Prospective evaluation of the macroscopic types and location of early Barrett’s neoplasia in 380 lesions. Endoscopy. juill 2007;39(7):588-93.
  • Kandiah K, Chedgy FJQ, Subramaniam S, Longcroft-Wheaton G, Bassett P, Repici A, et al. International development and validation of a classification system for the identification of Barrett’s neoplasia using acetic acid chromoendoscopy: the Portsmouth acetic acid classification (PREDICT). Gut. 28 sept 2017;
  • Wolfsen HC, Crook JE, Krishna M, Achem SR, Devault KR, Bouras EP, et al. Prospective, controlled tandem endoscopy study of narrow band imaging for dysplasia detection in Barrett’s Esophagus. Gastroenterology. juill 2008;135(1):24-31.
  • Sharma P, Hawes RH, Bansal A, Gupta N, Curvers W, Rastogi A, et al. Standard endoscopy with random biopsies versus narrow band imaging targeted biopsies in Barrett’s oesophagus: a prospective, international, randomised controlled trial. Gut. janv 2013;62(1):15-21.
  • Lipman G, Bisschops R, Sehgal V, Ortiz-Fernández-Sordo J, Sweis R, Esteban JM, et al. Systematic assessment with I-SCAN magnification endoscopy and acetic acid improves dysplasia detection in patients with Barrett’s esophagus. Endoscopy. déc 2017;49(12):1219-28.
  • Abrams JA, Kapel RC, Lindberg GM, Saboorian MH, Genta RM, Neugut AI, et al. Adherence to biopsy guidelines for Barrett’s esophagus surveillance in the community setting in the United States. Clin Gastroenterol Hepatol Off Clin Pract J Am Gastroenterol Assoc. juill 2009;7(7):736-42; quiz 710.

Abréviations

EBO
Endobrachyœsophage
MI
Métaplasie intestinale
RGO
Reflux gastro-œsophagien
ADK
Adénocarcinome
EOGD
Endoscopie œso-gastroduodénale