Traitement du cancer du pancréas (recommandations en cours de labellisation INCa – 2019)

POST’U 2019

Synthèses des nouvelles recommandations

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 7 points forts

  1. Pour le diagnostic, le bilan d’extension et en particulier pour l’évaluation de la résécabilité d’un ADCP, la TDM thoraco-abdominale doit être faite selon une technique spécifique en précisant qu’une lésion du pancréas est recherchée, idéalement avant mise en place de toute prothèse biliaire.
  2. Le compte rendu de la TDM doit être structuré afin d’évaluer la résécabilité : contact avec les vaisseaux (tronc cœliaque et ses branches, artère et veine mésentérique supérieures, veine porte, variations anatomiques) et importance de ces contacts (plus ou moins de 180°).
  3. En cas de forte suspicion d’un ADCP résécable d’emblée, la décision chirurgicale sans preuve histologique peut être prise en RCP.
  4. Avant chirurgie à visée curative, les indications du drainage biliaire sont réservées aux situations suivantes : hyperbilirubinémie supérieure à 250 mol/l, angiocholite, insuffisance rénale liée à l’hyperbilirubinémie ou nécessité de différer la chirurgie (renutrition, chimiothérapie néoadjuvante ou d’induction). La voie rétrograde endoscopique doit être privilégiée.
  5. En cas d’ADCP borderline veineux, un traitement d’induction est recommandé même si la résection pancréatique et vasculaire est techniquement possible.
  6. La chimiothérapie adjuvante par 6 mois de mFOLFIRINOX est le standard recommandé quel que soit le stade de la maladie chez les patients en bon état général (OMS 0-1).
  7. Pour les patients en très bon état général (OMS 0-1) en situation métastatique, une chimiothérapie de première ligne par FOLFIRINOX ou gemcitabine-nabpaclitaxel est recommandée.

Abréviations

ACHBT : Association de Chirurgie-Hépato-Bilio-Pancréatique et Transplantation Hépatique

ADCP : adénocarcinome du pancréas

AFSOS : Association francophone pour les soins oncologiques de support

CA 19-9 : Antigène carbohydrate 19-9

DPC : duodénopancréatectomie céphalique

FFCD : Fédération Française d’Endoscopie Digestive

INCa : Institut national du cancer

IRM : imagerie par résonance magnétique

NO : Niveau de preuve scientifique

RCP : Réunion de concertation pluridisciplinaire

RPC : recommandations pour la pratique clinique

SFCD : Société Française de Chirurgie Digestive

SFED : Société Française d’Endoscopie Digestive

SFP : Société Française de Pathologie

SFR : Société Française de Radiologie

SIAD : Société d’Imagerie Abdominale et Digestive

SNFGE : Société Nationale Française de Gastroentérologie

SPG : spléno-pancréatectomie gauche

TDM : tomodensitométrie

TEP, PET, PET-Scan : tomographie par émission de positons (Positron Emission Tomography)

Introduction

L’incidence de l’adénocarcinome pancréatique (ADCP) est en hausse en France avec environ 14 000 nouveaux cas en 2017. Malgré des progrès récents, l’ADCP est associé à un très mauvais pronostic avec une survie nette standardisée sur l’âge d’environ 10 % à 5 ans. L’ADCP pourrait devenir la 2e cause de mortalité par cancer digestif en 2020 dans les pays occidentaux.

Le traitement curatif de l’ADCP a longtemps reposé sur la seule chirurgie qui est rarement possible du fait de la fréquence très élevée de l’extension loco-régionale (ganglionnaire et vasculaire) et métastatique (surtout hépatique) (1). La chimiothérapie a des indications à visée curative ou palliative larges (2-5). Il faut actuellement 6 à 9 semaines en moyenne après le premier symptôme (le délai étant fonction du type de symptômes et du type de spécialiste consulté) pour faire le diagnostic de cancer du pancréas métastatique en France. Le délai entre le début des symptômes et la mise en route d’un traitement a un impact sur la survie (6, 7). Il faut poser les indications sur des examens d’imagerie récents et performants en particulier afin de limiter le risque de laparotomie non thérapeutique du fait de la découverte per- opératoire d’une contre-indication, laparotomie inutile qui a probablement un impact négatif sur la survie. L’objectif des recommandations nationales de bonnes pratiques pour le diagnostic, le traitement et le suivi des patients atteints d’ADCP était d’aider l’ensemble des praticiens impliqués à :

  • standardiser les examens diagnostiques et le bilan d’extension, les critères de lecture ;
  • définir les critères de résécabilité et de non résécabilité ;
  • standardiser les techniques de prélèvement et définir des critères de qualité et de lecture pour les examens anatomo-cytopathologiques ;
  • définir les indications et les modalités techniques du drainage biliaire ;
  • définir les critères d’évaluation de la réponse thérapeutique ;
  • définir la place de soins de support tout au long du parcours de soins ;
  • standardiser la surveillance.

Ce texte traite particulièrement du bilan pré-thérapeutique, des indications du traitement chirurgical, du traitement adjuvant et des traitements en situation métastatique.

Bilan préthérapeutique

Diagnostic positif

Les symptômes les plus fréquents de l’ADCP sont l’asthénie, l’anorexie et la perte de poids, marquant le début de la maladie chez 50 % des patients et présents au diagnostic chez environ 85 % d’entre eux. Les autres signes fréquents sont les douleurs abdominales (80 %) et les signes en rapport avec l’obstruction biliaire (55 %).

Compte tenu de sa faible sensibilité, l’échographie ne doit pas être utilisée pour le diagnostic d’ADCP (8, 9). L’exactitude globale de la TDM (8, 9) pour le diagnostic est autour de 90 % avec une sensibilité globale non inférieure à celle de l’IRM. Du fait de ses performances et d’une plus grande disponibilité, la TDM est l’examen de première intention. Il est important de noter que l’exploration TDM d’un patient suspect d’ADCP requiert une technique d’exploration spécifique (acquisitions multiphasiques après injection de produit de contraste, reconstructions multiplanaires) afin d’optimiser l’évaluation du staging et de l’extension vasculaire (10). La TDM doit idéalement être réalisée avant la mise en place de toute prothèse biliaire afin de ne pas altérer ses performances et l’évaluation de la résécabilité (avis d’experts). La demande de TDM doit préciser clairement qu’une lésion du pancréas est recherchée. Le contexte clinique, les données anatomopathologiques, endoscopiques, le taux des marqueurs biologiques, ainsi que la présence ou non d’un ictère et la fonction rénale doivent être mentionnés. Une TDM avec exploration techniquement satisfaisante du pancréas doit être réalisée dans les 3 semaines précédant tout geste chirurgical ou même toute présentation en RCP. L’absence de respect des pré-requis techniques ci-dessus impose de refaire une TDM selon la technique recommandée. Le compte rendu de la TDM doit être structuré selon les modèles de la SIAD et de l’American Pancreatic Association (9, 10). Cette structu- ration permet d’améliorer l’exactitude de l’interprétation notamment pour l’évaluation de la résécabilité. Il faut décrire les éventuels contacts avec les vaisseaux importants (tronc cœliaque et ses branches, artère et veine mésentérique supérieures, veine porte, variations anatomiques), chiffrer ces contacts (plus ou moins de 180°), noter une déformation ou une sténose éventuelle. En cas de lésion pancréatique identifiée, il faut aussi réaliser immédiatement une TDM thoracique.

Le dosage du CA 19-9 sérique a une trop faible valeur prédictive positive au seuil de 37 UI/mL pour permettre le diagnostic précoce d’ADCP et, en présence d’une lésion pancréatique, pour différencier un adénocarcinome d’une lésion bénigne (11-13). Au seuil de 37 UI/mL, la sensibilité est d’environ 80 % et la spécificité de 90 % environ. Le nombre élevé de faux positifs est lié au diabète ou surtout à la cholestase et une partie des faux-négatifs s’explique par la non expression du CA 19-9 en cas de groupe sanguin Lewis négatif. La quasi-certitude du diagnostic ne semble possible, en présence d’une lésion pancréatique, que pour des seuils très élevés : CA 19-9 > 20 N avec cholestase et > 200 N sans cholestase. Quand le diagnostic d’ADCP est certain, le dosage pré-thérapeutique du CA 19-9 est utile car une élévation au-delà de 100 à 160 UI/mL selon les études (ictère et diabète absents ou traités) est prédictive d’une maladie métastatique parfois non visible en imagerie. Le dosage d’ACE est inutile.

L’IRM est utile pour les lésions apparaissant isodenses au pancréas en scanner (14). Comme pour la TDM, l’exploration IRM doit être réalisée idéalement avant la mise en place de prothèse biliaire du fait des artefacts induits.

Le diagnostic d’ADCP peut être fortement suggéré par la conjonction des éléments cliniques (âge, terrain, ictère, AEG), biologiques (CA 19-9) et les résultats de l’imagerie en coupe (TDM et IRM). La mise en évidence au scanner d’un syndrome de masse tissulaire pancréatique hypodense, prenant le contraste à la phase tardive, avec dilatation canalaire d’amont (double dilatation canalaire biliaire et pancréatique dans les tumeurs de la tête du pancréas, simple dilatation canalaire pancréatique dans les tumeurs de la queue) pose le diagnostic avec une sensibilité et une spécificité de 90 %, plus élevés encore s’il existe une extension vasculaire (10). Certains des diagnostics différentiels sont « chirurgicaux » (tumeur neuroendocrine, tumeur solide et pseudopapillaire) ce qui fait que le risque d’opérer à tort un malade ayant une tumeur non chirurgicale (bénigne) du pancréas est de 7 % dans les séries récentes (15). La TEP- TDM, bien que non invasive, n’est pas un examen de référence pour le diagnostic positif d’ADCP du fait notamment d’un nombre important de faux-positifs et de faux-négatifs dans les diagnostics différentiels que sont la pancréatite chronique, la pancréatite auto-immune et la recherche de composants invasives au sein des TIPMP (16).

L’échoendoscopie a des indications de plus en plus larges, non pour évaluer la résécabilité de la lésion, car la TDM et l’IRM sont plus performantes sur ce point (16-18), mais pour la caractériser et la biopsier :

  • en cas de lésion évocatrice de cancer et accessible à une exérèse d’emblée si un traitement néo-adjuvant est décidé en RCP ;
  • en cas de lésion évocatrice de cancer, non accessible à une exérèse d’emblée et non métastatique, afin d’obtenir une certitude histologique ;
  • en cas de lésion douteuse en TDM + IRM, même si elle semble résécable, afin de limiter le risque de pancréatectomie abusive.

L’EE de contraste est utile en cas de difficulté diagnostique ou de repérage de la lésion à biopsier (avis d’experts). Pour le traitement des prélèvements, les techniques hybrides permettant une approche cytologique (monocouche ou cytobloc) et histologique sont recommandées. En cas de biopsie négative, la décision de réaliser une nouvelle biopsie dépend du contexte et doit être prise en RCP :

  • en cas de forte suspicion (terrain, clinique, biologie, TDM) pour une lésion résécable d’emblée, la décision d’une pancréatectomie sans preuve histologique peut être prise si l’IRM hépatique ne montre pas de lésion secondaire ;
  • en cas de tumeur border-line ou localement avancée, la confirmation histologique est indispensable pour autoriser un traitement d’induction ;
  • en cas de doute diagnostique (lésion non tumorale ou tumeur d’une autre nature, mais résécable), la décision doit être prise au cas par cas (selon : le terrain, le diagnostic différentiel éventuels et le type de chirurgie envisagé).

Bilan d’extension

Il repose sur la TDM qui a de bonnes performances pour l’évaluation de la résécabilité avec une sensibilité entre 86 à 96 % et une spécificité de 88 % (10, 17). Le délai entre la TDM et la chirurgie ne doit pas dépasser 3 ou 4 semaines afin de limiter le risque de métastases hépatiques ou péritonéales découvertes en peropératoire (7, 10). Pour les tumeurs non métastatiques, la TDM permet de classer les ADCP en cancer résécable, de résécabilité limite, ou localement avancé. Plusieurs classifications existent, mais la plus utilisée est la classification NCCN (9) dont l’utilisation est recommandée (avis d’experts).

Schématiquement, selon cette classification, une tumeur est classée :

  • Résécable en l’absence de contact entre la tumeur les vaisseaux suivants : tronc cœliaque, artère hépatique, artère et veine mésentériques supérieures, veine porte) ; ou lorsqu’il existe un contact veineux isolé < 180° et sans irrégularité des contours ni déformation, permettant une reconstruction veineuse.
  • De résécabilité limite (« border-line resectable ») s’il existe au moins un critère: contact < 180°de circonférence avec l’AMS ou le TC, contact < 180° de circonférence avec VMS ou VP avec déformation ou irrégularité des contours, ou contact > 180° de circonférence avec VMS ou VP, ou thrombose veineuse permettant toutefois une reconstruction veineuse.
  • « localement avancée » s’il existe au moins un critère :
    • au niveau artériel, contact > 180° avec AMS ou TC ou contact avec la première artère jéjunale ; pour les lésions corporéo-caudales, contact > 180° avec AMS ou TC, contact avec le TC avec atteinte aortique ;
    • au niveau veineux, occlusion longue de la VMS ou de la VP ou reconstruction impossible.

La TDM thoracique est également nécessaire car elle détecte des métastases pulmonaires isolées dans 2 à 6 % des cas (19).

Une laparotomie non thérapeutique altère l‘état général et peut retarder le début de la chimiothérapie en cas de complications postopératoires. Il est donc nécessaire de diminuer au maximum le risque de méconnaître des métastases hépatiques ou péritonéales occultes. L’IRM hépatique doit être systématique, non seulement pour caractériser toute lésion hépatique atypique en TDM, mais aussi car elle découvre des métastases occultes chez 10 % des malades sans lésion hépatique visible en TDM (20). L’IRM pourrait ainsi, en améliorant la sélection des malades, être associée à une meilleure survie sans récidive. Pour avoir de bonnes performances, l’IRM doit inclure des coupes axiales, d’épaisseur inférieure à 5 mm, en séquences pondérées en T1 sans et après injection de chélates de gadolinium, T2 et diffusion. L’injection d’un produit de contraste hépato-spécifique semble utile en cas de doute entre abcès hépatique (post- angiocholitique) et métastase. La preuve histologique de la métastase doit être obtenue chaque fois que possible car il existe un faible risque de faux-positif de l’IRM (20, 21).

L’extension ganglionnaire à distance (principalement latéro-aortique dont l’envahissement a le même pronostic que des métastases d’autres sites) et l’extension péritonéale, présentes chez respectivement 9 à 15 % et 5 % des malades ayant un ADCP résécable sont plus difficiles à détecter (1, 22, 23). Pour l’extension ganglionnaire à distance, la sensibilité de la TDM est d’environ 25 % et celle du PET FDG de 10 à 60 % avec une spécificité des 2 examens d’environ 80-85 % (24). Un doute sur une extension ganglionnaire à distance impose un picking ganglionnaire, idéalement par laparoscopie, avec un examen histologique extemporané dont la sensibilité est d’environ 70 % (23). La détection de la carcinose péritonéale par l’imagerie a été mal étudiée. Seule la laparoscopie a de bonnes performances (sensibilité pour la détection des métastases hépatiques et péritonéales d’environ 85 %-90 %) mais elle garde des indications sélectives (suspicion de métastases en imagerie sans confirmation histologique, tumeur > 3-4 cm, CA 19-9 élevé) (1, 13).

Malgré les limites de la TDM et de l’IRM pour la détection des métastases, la TEP FDG systématique n’est pas recommandée pour le bilan d’extension initial d’un ADCP résécable. La TEP FDG est utile dans le bilan préthérapeutique d’un ADCP localement avancé en TDM, pour la détection de métastases non visibles en TDM (avis d’experts).

Traitement de l’ictère

Les modalités du traitement de l’ictère dépendent du projet thérapeutique, ce qui justifie une présentation précoce en RCP. Les indications du drainage biliaire pré-opératoire doivent être sélectives, car il augmente la morbidité de la chirurgie et peut entraîner des complications graves comme la pancréatite nécrosante retardant, voire contre-indiquant définitivement, les traitements à visée curative (25). À l’inverse, en cas de chirurgie curative, la mise en place d’une prothèse biliaire et le délai nécessaire à la régression de l’ictère (environ un mois) ne diminuent pas la survie à distance. Avant chirurgie à visée curative, un drainage biliaire est indiqué en cas d’ictère associé aux conditions suivantes (26) : hyperbilirubinémie sévère (seuil compris entre 250 et 300 µmol/l-Grade C), angiocholite, insuffisance rénale liées à l’hyperbilirubinémie et nécessité de différer la chirurgie (bilan d’opérabilité, renutrition, chimiothérapie néoadjuvante) (avis d’experts). La voie d’abord rétrograde endoscopique doit être privilégiée en raison de sa plus faible morbidité immédiate (27), de l’absence de sur-risque de carcinose péritonéale et de la possibilité de confirmer le diagnostic par brossage cytologique ou biopsie. Les stents métalliques courts ≤ 6cm doivent être préférés aux stents longs et aux stents plastiques (28). Aucune recommandation entre stent métallique couvert et stent métallique non couvert ne peut être formulée, sauf si le diagnostic n’est pas confirmé au moment du drainage biliaire (dans ce cas il faut privilégier un stent métallique couvert extractible dans l’hypothèse où de nouveaux prélèvements seraient nécessaires). En cas d’échec de l’abord endoscopique rétrograde, il est recommandé d’utiliser la voie échoendoscopique ou percutanée sans qu’il soit possible d’émettre une préférence. Avant traitement néo-adjuvant ou d’induction, un drainage biliaire est indiqué en cas de symptômes cliniques (ictère, angiocholite, prurit) (Grade C). Les modalités techniques du drainage sont identiques à celles des tumeurs en attente de chirurgie à visée curative. En situation palliative, un drainage biliaire est indiqué en cas de symptômes et un abord endoscopique rétrograde mettant en place un stent métallique doit être choisi en première intention. Aucune recommandation entre stent métallique couvert et stent métallique non couvert ne peut être émise, sauf si le diagnostic n’est pas confirmé au moment du drainage biliaire. Dans ce cas, un stent couvert extractible est préférable, malgré un risque supérieur de migration, dans l’hypothèse où de nouveaux prélèvements seraient nécessaires (avis d’experts). En cas d’échec de la voie endoscopique rétrograde, il est recommandé d’utiliser un abord guidé par échoendoscopie de préférence à la voie percutanée (avis d’expert).

Traitement chirurgical

Généralités

Le but de l’exérèse d’un ADCP est d’obtenir l’exérèse complète d’une tumeur localisée avec des marges de résection saines. La résection R0 (distance entre les marges et la tumeur > 1 mm) est associée a un meilleur pronostic avec une survie médiane entre 30 et 40 mois (29, 30). La marge de résection la plus importante en terme pronostique est la marge rétrovasculaire constituée par la lame rétroporte (tissu graisseux, lymphatique et nerveux situé en arrière de l’axe veineux mésentérico-porte et au contact de l’AMS) (30). Le plus souvent, l’exérèse est macroscopiquement complète, mais en raison d’une distance entre les marges et la tumeur < 1 mm, l’exérèse est classée R1 avec alors une survie peu différente de celle obtenue avec une marge de 0 mm. Dans la pratique, ce résultat imparfait est acceptable, car il permet dans certains cas une survie prolongée avec une survie actuarielle à 5 ans de 10 % à 15 % (30).

Il n’y a pas d’intérêt à réaliser une exérèse macroscopiquement incomplète (R2) ou celle d’une tumeur métastatique (métastases hépatiques, péritonéales, ou ganglionnaires inter aortico-cave) car la survie obtenue est équivalente à celle sous chimiothérapie avec une médiane d’environ 12 mois.

L’intervention la plus fréquente pour ADCP est la duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC). Dans des centres à forte activité, la mortalité de la DPC pour ADCP est de 4 à 5 % à J90 et la morbidité précoce de 50 % dont 20-25 % de fistules pancréatiques qui prolongent l’hospitalisation (30-32). La DPC expose également à un risque de diabète de novo d’environ 20 % et d’insuffisance exocrine d’environ 50 %. La voie d’abord laparoscopique n’améliore pas les résultats de la DPC. Pour les tumeurs corporéo-caudales, l’intervention est une pancréatectomie gauche (PG) avec splénectomie (SPG) faite par laparotomie ou par laparoscopie, avec une mortalité à J90 pouvant atteindre 4 %, un risque de fistule pancréatique d’environ 20 % et un risque de diabète de novo. La duodéno-pancréatectomie totale (DPT) est exceptionnellement indiquée pour ADCP, sauf dans de rares cas de tumeurs intracanalaires dégénérées. Une sélection des patients est nécessaire afin de limiter la mortalité opératoire. La DPC et dans une moindre mesure la PG ont une mortalité qui s’élève nettement après 75 ou 80 ans ou en cas de comorbidité sévère (insuffisance rénale, insuffisance hépatique ou hypertension portale sévère, cardiopathie avec insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire) (32, 33). L’âge seul n’est pas une contre-indication mais doit justifier d’une évaluation onco-gériatrique et d’un bilan d’opérabilité pour identifier les comorbidités aggravantes. Un score ASA élevé (3 ou 4) est une contre-indication relative à la pancréatectomie. Malgré le mauvais pronostic de l’ADCP, il n’est pas souhaitable de proposer la chirurgie chez un patient dont le risque prévisible de mortalité dépasse 10 % car, en l’absence de décès, la morbidité sera importante, limitant les possibilités de chimiothérapie adjuvante et la qualité de vie postopératoire.

Tous les patients doivent être préparés à l’intervention par une immunonutrition, afin de limiter le risque de complications infectieuses. La correction préopératoire d’un ictère sévère, une renutrition avec correction d’une insuffisance exocrine et l’équilibration d’un diabète sont souvent nécessaires.

Une antibioprophylaxie périopératoire à base de céphalosporines de 3e génération est recommandée (Grade C). Chez les patients préalablement traités par un drainage biliaire préopératoire, une antibiothérapie périopératoire au moins de 5 jours adaptée à l’écologie bactérienne locale et secondairement aux prélèvements de bile peropératoire est recommandée (Grade C).

En peropératoire, toute lésion suspecte de métastases et un échantillonnage des ganglions interaorticocaves doivent être adressés en histologie extemporanée (grade C). En cas de métastase prouvée, une dérivation gastrojéjunale peut être proposée en cas de risque de sténose duodénale immédiat ou très probable (Grade C). Il n’est pas possible de formuler des recommandations concernant la réalisation d’une dérivation biliaire chirurgicale, l’indication dépendant de la présence ou non d’une prothèse bilaire, de son type et de sa longueur et de la facilité d’accès et de réalisation d’une anastomose sur la voie biliaire pédiculaire (avis d’experts).

Tumeurs résécables

Il s’agit selon la classification NCCN de tumeurs sans extension vasculaire ou avec un contact veineux < 180° et sans déformation de la lumière vasculaire (9). Il faut noter que dans la classification de l’ASCO, il s’agit de tumeurs sans contact vasculaire sur la TDM, ce qui constitue une définition plus stricte (8). L’intervention est soit une DPC, soit une SPG, avec lymphadénectomie régionale, enlevant les ganglions péripancréatiques et ceux situés au contact du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure du même côté que la tumeur. Une lymphadénectomie élargie aux ganglions cœlio-mésentériques contro-latéraux à la tumeur et lombo-aortiques n’est pas recommandée, car elle augmente la morbidité globale de l’intervention sans modifier le staging, ni améliorer le pronostic à distance (22). La prise en charge postopératoire doit être centrée sur le dépistage et un traitement efficace des complications post opératoires (fistule pancréatique et ses conséquences telles qu’hémorragie par érosion vasculaire et sepsis, gastroparésie, dénutrition) car elles ont une valeur pronostique négative, même indépendamment de la réalisation ou non d’une chimiothérapie adjuvante. Toutefois, malgré la sélection réalisée, environ 25 % des patients ne reçoivent pas de chimiothérapie adjuvante (34, 35). Histologiquement, les adénocarcinomes réséqués sont dans 3/4 des cas environ classés T3 en raison d’un envahissement de la graisse péri pancréatique ou de la paroi duodénale et N+ et sont donc des indications claires à une chimiothérapie adjuvante.

Ces éléments ainsi que les fréquentes récidives métastatiques précoces sont des arguments en faveur d’une chimiothérapie néo-adjuvante. Cette modalité de traitement, dont l’intérêt n’est actuellement que suggéré par des études méthodologiquement imparfaites (36) est en cours d’évaluation dans plusieurs essais de phase III dont l’essai français PANACHE comparant chirurgie d’emblée à chimiothérapie néo- adjuvante par FOLFOX ou par FOLFIRINOX.

Tumeurs de résécabilité limite (borderline)

Une résection d’emblée n’est pas recommandée en cas de cancer du pancréas borderline du fait du risque élevé de marge positive dont l’impact pronostique négatif est établi (Grade C) (34, 35). En cas d’ADCP borderline veineux, un traitement d’induction est recommandé même si la résection pancréatique et vasculaire est techniquement possible car une résection veineuse est associée à un moins bon pronostic (Grade C). Des études comparatives non randomisées, une revue systématique (36) et un essai randomisé (37) ont montré que pour les tumeurs associées à une extension veineuse, la survie après résection était meilleure en intention de traiter après traitement d’induction qu’après chirurgie d’emblée.

En cas d’ADCP borderline artériel un traitement néoadjuvant est aussi recommandé (Grade C). En effet, les tumeurs ayant une extension artérielle (tronc cœliaque, artère hépatique, artère mésentérique supérieure) sont associées à une extension le long des lymphatiques et des plexus nerveux péri artériels rendant très improbable une résection R0 (36). Seules les DPC avec résection et reconstruction de l’artère hépatique ou les SPG avec résection du tronc cœliaque sans reconstruction sont des indications potentielles de résection artérielle.

Le traitement pré-opératoire, appelé traitement d’induction, comprend après confirmation histologique du diagnostic et éventuel drainage biliaire, une chimiothérapie systémique éventuellement suivie d’une radio chimiothérapie, dans le but de « stériliser » la tumeur au contact des axes artériels et de transformer la tumeur de résécabilité limite en tumeur résécable avec des marges saines. De très nombreux traitements ont été évalués depuis une vingtaine d’années et ont permis que 30-40 % des tumeurs de résécabilité limite deviennent résécables avec une survie après résection comparable à celle des tumeurs résécables d’emblée. Actuellement, la chimiothérapie d’induction la mieux évaluée est l’association Folfirinox qui permet d’obtenir, après 6 à 8 cures pour les tumeurs borderline, des taux de résécabilité secondaire de l’ordre de 60-65 % (38, 39). Pour les patients ne pouvant recevoir du Folfirinox, il n’y a pas de consensus sur le traitement d’induction à proposer.

Le rôle de la radiothérapie et plus exactement d’une association radio-chimiothérapie est plus discuté. La radiochimiothérapie (50 ou 54 Grays associés à la prise de capécitabine) pourrait améliorer le taux de résection R0 et ainsi la survie à distance, mais un biais lié à une meilleure sélection des malades pourrait expliquer ce résultat (39). Pour évaluer la résécabilité secondaire d’une tumeur borderline préalablement traitée par chimiothérapie avec ou sans radio-chimiothérapie, il est recommandé de réaliser une TDM thoraco-abdomino-pelvienne (Grade C) et une IRM hépatique avec séquences de diffusion (avis d’experts). L’appréciation de la résécabilité secondaire doit reposer sur un faisceau d’arguments cliniques (disparition des douleurs), biologiques (diminution du CA 19-9 sérique, évaluée en tenant compte de la correction de l’ictère et d’un éventuel diabète) et radiologiques. En TDM, une réduction même partielle du contact entre la tumeur et un axe artériel ou veineux péri-pancréatique et une diminution de taille tumorale sont associées avec une forte probabilité d’obtenir une résection R0 (40) ; de même, une interface entre la tumeur et le parenchyme pancréatique adjacent qui reste ou devient bien délimité, semble associée à une plus grande probabilité d’obtenir une réponse histologique complète ou quasi- complète. Enfin, une diminution significative des paramètres quantitatifs sur la TEP réalisée 8 semaines après la fin du traitement d’induction semble associée à une bonne réponse histologique et un meilleur pronostic après résection. Une exploration chirurgicale en vue d’une résection n’est pas recommandée en cas de progression radiologique locale ou loco-régionale ou à distance (Grade C). Il est recommandé de proposer une exploration chirurgicale en vue d’une résection à tous les patients ayant une absence de progression en TDM et un taux de CA 19-9 sérique bas initialement (< 10 N en l’absence de diabète décompensé ou d’obstruction biliaire) ou diminuant de façon significative (< 50 %) sous traitement préopératoire (Grade C). À ce jour, il n’existe toutefois pas de moyen parfaitement fiable pour évaluer la réponse histologique, ce qui explique qu’après dissection au contact des artères et éventuellement biopsie pour histologie extemporanée, le taux de laparotomies non thérapeutiques soit d’environ 15-20 % et, qu’en histologie définitive, il existe sur la pièce de pancréatectomie une réponse histologique complète dans environ 15 % des cas (39).

Du fait des difficultés de leurs indications, leur complexité technique et de leur risque augmenté (résection vasculaire), les pancréatectomies après traitement d’induction doivent être discutées dans une RCP spécialisée et justifient une prise en charge dans un centre à haut volume afin de limiter le risque de l’intervention (32).

Le terme « border-line » est également utilisé chez des patients ayant une opérabilité limite en raison de leur âge et/ou de leurs comorbidités ou ayant une tumeur suspecte d’être métastatique (nodule hépatique non caractérisable, CA 19-9 > 300 UI/L en l’absence d’ictère). Une IRM ou une cœlioscopie exploratrice peut aider à poser le diagnostic de maladie métastatique. Sinon une période de chimiothérapie « néo- adjuvante » peut être justifiée pour corriger les comorbidités qui peuvent l’être en vue de l’intervention, ou prendre du recul sur la maladie pour éviter d’opérer une maladie métastatique.

Tumeurs localement avancées

L‘efficacité des traitements antitumoraux (en particulier l’association Folfirinox, éventuellement complétée par une radio chimiothérapie) permet d’obtenir une résécabilité secondaire dans 20-25 % des cas (38). La résécabilité n’est appréciée que secondairement, parfois après des traitements prolongés.

Comme pour les tumeurs de résécabilité limite, il est souvent difficile d’évaluer la réponse tumorale sur la seule TDM. C’est un faisceau d’arguments associant une bonne évolution clinique (disparition des douleurs et reprise de poids sous chimiothérapie), une baisse du CA 19-9, une réponse tumorale (ou du moins l‘absence de progression), une réponse en PET-TDM au 18FDG et l’absence de métastases hépatiques en IRM qui font décider d’une laparotomie exploratrice, qui est la seule à pouvoir affirmer la résécabilité.

Prise en charge postopératoire

La chirurgie des ADCP, et plus particulièrement celle des tumeurs borderline et localement avancées, nécessite une dissection au contact des artères, la résection de la majorité des tissus situés dans la région cœliaque, en particulier des lymphatiques et plexus nerveux, ce qui induit un risque de fuite lymphatique, de diarrhée motrice, et majore le risque de dénutrition en post opératoire (30, 31).

Le dépistage et le traitement de l’insuffisance pancréatique exocrine et endocrine après pancréatectomie pour cancer sont nécessaires, en particulier pour améliorer l’état général des patients et leur tolérance au traitement adjuvant. Il n’est pas possible de recommander une modalité spécifique (exploration fonctionnelle ou test thérapeutique) pour le diagnostic de l’insuffisance exocrine postopératoire.

Après DPC, il est également recommandé de dépister et traiter une diarrhée motrice, surtout si la DPC a comporté une résection vasculaire ou si le traitement par extraits pancréatiques n’est pas efficace (Grade B). Après duodénopancréatectomie totale, il faut prévenir la dénutrition, équilibrer le diabète en limitant particulièrement le risque d’hypoglycémie (Grade C), et prévenir les complications ulcéreuses par IPP au long cours (avis d’experts).

Analyse anatomo-pathologique

L’examen histologique de la pièce de résection doit être standardisé et tenir compte des évolutions thérapeutiques récentes (traitement d’induction, résection vasculaire).

L’encrage de la pièce de pancréatectomie est recommandé (30) car il permet une meilleure évaluation de l’invasion des marges (Grade C). Pour les pathologistes généralistes et en formation, un encrage multicouleur, par le chirurgien, facilite la prise en charge de la pièce et améliore la description des marges atteintes (avis d’experts). Le chirurgien doit repérer par un fil toute section ou patch de veine porte/ mésentérique supérieure (avis d’experts).

La méthode de coupe axiale de la pièce (perpendiculaire au duodénum) permet une meilleure analyse de la pièce avec une analyse des marges plus précise, d’analyser plus de ganglions (et de trouver plus de ganglions métastatiques) et de mieux visualiser des engainements périnerveux (Grade C). Enfin, Il est recommandé de rédiger un compte rendu standardisé car il améliore sa qualité globale, notamment son exhaustivité (Grade B) :

  • description de la pièce ;
  • protocole de macroscopie (encrage, coupes axiales) ;
  • type histologique de la tumeur, en précisant les variants histologiques ;
  • taille de la tumeur ;
  • différentiation (bien (> 85 % de glandes tumorales)/moyennement/peu (< 50 % de glandes tumorales) ;
  • dans le cas d’un traitement néoadjuvant, l’évaluation de la régression tumorale (score CAP) ;
  • présence d’engainement périnerveux ;
  • présence d’embole vasculaire et l’envahissement des vaisseaux (Veine mésentérique supérieure ou porte, vaisseaux spléniques) ;
  • atteinte des marges de résections (empreinte de la veine mésentérique supérieure, lame rétro-porte/ empreinte de l’artère mésentérique supérieure, la face postérieure, les recoupes pancréatique, biliaire, digestives haute et basse) et pour chacune la distance entre la limite et la cellule tumorale la plus proche.

Traitement adjuvant

La chimiothérapie adjuvante améliore la survie et est recommandée quel que soit le stade de la maladie (Grade A). Depuis 2018, la chimiothérapie adjuvante par 6 mois de FOLFIRINOX est le standard quel que soit le stade de la maladie chez les patients en bon état général (OMS 0 1) qui ne présentent pas de contre-indication au 5FU ou à l’irinotecan (Grade A). En cas d’impossibilité d’administrer une tri- chimiothérapie (mauvais état général ou contre-indication à un des produits de chimiothérapie), une monochimiothérapie par gemcitabine ou 5FU (dont l’efficacité est équivalente) ou une association gemcitabine + capecitabine doit être proposée (Grade A) (41). Le traitement adjuvant après résection R1 doit être identique à celui que l’on administre après résection R0 (Grade A). La chimiothérapie post-opératoire doit être initiée dans les 12 semaines suivant la chirurgie (Grade B) (42). Cette phase doit être mise à profit, si nécessaire, pour améliorer la condition générale du malade et permettre ainsi la réalisation complète des 6 mois de traitement (Grade C). Le bilan avant chimiothérapie adjuvante doit comprendre au minimum un TDM thoraco-abdominopelvien et un dosage du CA 19-9 sérique qui permettent de s’assurer de l’absence de récidive précoce de la maladie (Avis d’experts). Aucun biomarqueur prédictif de l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante, quel qu’en soit le type, ne peut être recommandé actuellement. Concernant le traitement adjuvant chez les patients ayant reçu un traitement néoadjuvant ou d’induction, son efficacité est suggérée mais non démontrée. Une chimiothérapie adjuvante permettant d’obtenir, cumulée avec la chimiothérapie d’induction, une durée totale de trai- tement de 6 mois peut être proposée si l’état général le permet (8) (Avis d’experts). Chez les patients ayant eu une résection R1, la radiothérapie ou la radio-chimiothérapie post-opératoire n’ont pas fait preuve de son efficacité et ne doivent pas être proposées en dehors d’un essai thérapeutique (Grade A). Aucune thérapie ciblée n’a montré son intérêt dans l’ADCP opéré et ce traitement n’est pas recommandé (Grade A).

Malgré le peu d’études spécifiques aux cancers sur TIPMP, l’indication de la chimiothérapie adjuvante semble justifiée également dans cette indication. Toutefois, pour les petites lésions invasives (T1 ou lésions microinvasives), le faible pourcentage de patients de ce type inclus dans les essais randomisés de phase III ne permet de répondre formellement à la question.

Traitement des formes métastatiques

Traitement des symptomes obstructifs

Le drainage biliaire est nécessaire en cas de bilirubine > 1,5 fois la normale. La voie endoscopique rétrograde est recommandée en première intention (Grade B) en mettant en place un stent métallique de préférence à un stent plastique (27, 28) (Grade A). En cas d’échec de la voie endoscopique rétrograde, il faut utiliser un abord guidé par échoendoscopie de préférence à la voie percutanée (Grade C). Aucune recommandation entre stent métallique couvert et stent métallique non couvert ne peut être émise (Grade A).

Concernant les sténoses duodénales, Il est recommandé de mettre en place un stent duodénal de préférence à une gastrojéjunostomie chirurgicale en cas de faible espérance de vie anticipée (maladie métastatique) ou de mauvais état général peu compatible avec une chimiothérapie palliative (Grade C). À l’inverse, en cas d’espérance de vie prolongée (maladie localement avancée) ou de bon état général compatible avec une chimiothérapie palliative une gastrojéjunostomie chirurgicale, si possible par voie laparoscopique, peut être proposée (Grade C).

Traitement oncologique

Traitement de 1re ligne

Pour les patients en très bon état général (PS 0-1) âgés de moins de 75 ans, sans comorbidité cardio- vasculaire ni ictère porteurs d’un adénocarcinome pancréatique métastatique, l’utilisation d’une chimiothérapie de première ligne par FOLFIRINOX (5) ou gemcitabine-nabpaclitaxel (43) est recommandée (Grade A). Pour les patients en état général médiocre (PS 2) ou âgés de plus de 75 ans, le traitement recommandé est la gemcitabine ou l’association gemcitabine +/- nabpaclitaxel (41, 43) (Grade A). Pour les patients présentant une cholestase (bilirubine totale > 1,5 fois la valeur normale), aucun traitement de chimiothérapie ne peut être recommandé. L’utilisation d’un schéma de chimiothérapie à doses adaptées peut toutefois être envisagée après avoir optimisé le drainage biliaire (Grade C). Pour les patients en mauvais état général (PS 3), une prise en charge palliative seule, sans chimiothérapie, est recommandée (Avis d’experts).

Malgré l’absence de preuve sur l’intérêt de l’allègement thérapeutique, la pause est une option envisageable après 4 à 6 mois de FOLFIRINOX (Avis d’experts). Dans ce cas, une chimiothérapie par 5FU en monothérapie (LV5FU2 ou capecitabine) peut être recommandée (Grade B). On ne peut recommander l’allègement en cas de chimiothérapie de 1re ligne par gemcitabine-nabpaclitaxel (Avis d’experts).

Traitement de seconde ligne

L’utilisation d’un traitement de seconde ligne est recommandée chez les patients en bon état général (PS 0-1). Son bénéfice modeste n’a été démontré que chez des patients traités par gemcitabine en 1re ligne (Grade A). L’association de 5FU et oxaliplatine ou de 5FU-leucovorine-Irinotecan nanoliposomal peut être recommandée chez les patients en bon état général (PS 0-1) ayant progressé sous gemcitabine (Grade A) (44). On ne peut pas recommander l’utilisation de FOLFIRI en seconde ligne après progression sous gemcitabine (Grade C). Le FOLFIRINOX n’est pas recommandé (Grade C). Il n’existe pas d’autres facteurs prédictifs que l’état général permettant d’identifier les patients pouvant bénéficier d’un traitement de seconde ligne (Grade B).

Après progression sous FOLFIRINOX, un schéma à base de gemcitabine peut être recommandé chez des patients en bon état général (PS 0-1) (44) (Grade C). L’inclusion des patients dans les essais thérapeutiques doit être encouragée.

Soins de support

Pour améliorer l’adhésion et la tolérance à la chimiothérapie palliative, Il est recommandé de rechercher, d’évaluer et de traiter précocément les principaux symptômes invalidants que sont la douleur, la dépression, la dénutrition et la cachexie (Grade B). L’évaluation itérative impliquant le patient et son entourage, la sensibilisation de l’ensemble des professionnels intervenant dans le parcours, leur intégration à la construction multidisciplinaire du projet de soins ainsi qu’un suivi par une équipe spécialisée en soins de supports-soins palliatifs permet d’apporter une réponse adaptée. La combinaison soins de supports et chimiothérapie palliative doit toujours être discutée pour apporter et maintenir une meilleure qualité de vie au patient (Avis d’experts). Lorsque ces traitements sont peu efficaces et/ ou générateurs d’effets indésirables importants, il est recommandé de discuter en RCP de techniques interventionnelles ayant montré leur efficacité pour diminuer les doses d’antalgiques et améliorer l’état général du patient (Grade C). Le dépistage précoce et la prise en charge de la dépression (Grade C), de l’anorexie et de la dénutrition (grade B) est recommandée. Le dépistage et la prise en charge des phénomènes thrombo-emboliques doivent être la règle (Grade B).

Figure 1. Ordre des explorations : diagnostic positif, bilan d’extension et indications thérapeutiques

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Méthodologie

Plusieurs sociétés savantes se sont mobilisées à l’initiative de l’ACHBT pour élaborer des recommandations de bonnes pratiques sur les conduites à tenir devant des patients atteints d’ADCP. Il s’agit de la SIAD (Société d’Imagerie Abdominale et Digestive), la SFNGE (Société Nationale Française de Gastroentérologie), la SFED (Société Française d’Endoscopie Digestive), la FFCD (Fédération Française de Cancérologie Digestive), la SFCD (Société Française de Chirurgie Digestive), la SFP (Société Française de Pathologie) et l’AFSOS (Association francophone pour les soins oncologiques de support). Ce projet a bénéficié d’un suivi et d’un soutien logistique de l’INCa pour leur élaboration afin d’obtenir le label de l’Institut. En Mars 2019, ces recommandations de bonnes pratiques sont en cours de relecture nationale pour finalisation prévue au 3ème trimestre 2019

Auteurs des recommandations (par ordre alphabétique)

Jean Baptiste Bachet (FFCD), Erwan Bories (SFED), Emmanuel Buc (SFCD), Christophe Cassinoto (SIAD-SFR), Valérie Croise-Laurent (SIAD-SFR), Jérome Cros (SFP), Laetitia Dahan (FFCD), Christèle De La Fouchardiere (SNFGE), Jean-Robert Delpero (ACHBT), Fadila Farsi (AFSOS), Stéphane Garcia (SFP), Florence Huguet (FFCD), Stéphane Koch (SFED), Alain Luciani (SIAD-SFR), Vinciane Rebours (SNFGE), Lilian Schwarz (SFCD), Jean-Pierre Tasu (SIAD-SFR), Stéphanie Truant (ACHBT), Véronique Vendrely (FFCD), Marie-Pierre Vullierme (SIAD-SFR), Mathilde Wagner (SIAD-SFR), Myriam Wartsky (SFR & Société Française de Médecine Nucléaire), et Alain Sauvanet (ACHBT).