Prise en charge endoscopique des complications locales de la pancréatite chronique

POST'U 2022

Pancréas

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les modalités et les indications de la prise en charge endoscopique d’une sténose biliaire
  • Connaître les modalités et les indications de la prise en charge endoscopique d’une sténose pancréatique
  • Connaître les modalités et les indications de la prise en charge endoscopique des pseudokystes

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Les 5 points forts

  1. Il n’y a aucune indication à un traitement endoscopique en cas de PC asymptomatique et non compliquée.
  2. Une approche multidisciplinaire des complications de la PC est nécessaire, faisant intervenir gastroentérologues, chirurgiens digestifs, radiologues, algologues, addictologues et nutritionnistes.
  3. En cas de complications de la PC (essentiellement sténoses biliaire et canalaire pancréatique), il convient d’éliminer un adénocarcinome par une imagerie pancréatique incluant scanner, IRM et échoendoscopie.
  4. Le traitement endoscopique est indiqué en première intention en cas de sténose biliaire et de sténose canalaire pancréatique céphalique.
  5. Le traitement endoscopique d’un pseudo-kyste non compliqué de plus de 5 cm de diamètre ne régressant pas après 3 mois d’évolution peut être envisagé.

LIEN D’INTÉRÊTS

Aucun

MOTS-CLÉS

Pancréatite chronique ; sténose biliaire ; pseudo-kyste

ABRÉVIATIONS

PC : pancréatite chronique

PKP : pseudo-kyste pancréatique

Introduction

La pancréatite chronique (PC), pathologie multifactorielle, est caractérisée par des épisodes répétés de lésions inflammatoires pancréatiques aboutissant de manière irréversible à une fibrose extensive des tissus. Les conséquences générales de la PC sont des douleurs chroniques, une insuffisance pancréatique exocrine et endocrine. Des complications locales sont également possibles : on peut citer les sténoses canalaires pancréatique ou biliaire, les pseudo-kystes. La PC est également associée à un risque augmenté d’adénocarcinome pancréatique. La prise en charge d’une pancréatite chronique nécessite une approche multidisciplinaire, incluant gastroentérologues, chirurgiens digestifs, radiologues, spécialistes  de la douleur, et nutritionnistes. Une imagerie préalable par scanner en coupes fines pancréatiques et/ ou une IRM pancréatique avec séquence de wirsungo-IRM est nécessaire. La place du traitement endoscopique est majeure dans la prise en charge des sténoses biliaires et/ ou pancréatiques, et dans le drainage des pseudo-kystes. Il ne doit pas faire oublier les mesures associées fondamentales (prise en charge de la douleur, soutien nutritionnel, sevrage de toute consommation d’alcool, sevrage tabagique). Il n’y a aucune indication à un traitement endoscopique en cas de PC asymptomatique et non compliquée. Ce texte s’appuie sur les recommandations européennes de prise en charge de la PC, publiées en 2018 (1,2).

Prise en charge d’une sténose biliaire

Dans le contexte de la PC, la sténose biliaire intéresse le plus souvent la voie biliaire principale distale, dans son trajet rétro- et intra-pancréatique. Il s’agit d’une sténose par compression extrinsèque, par de l’inflammation pancréatique céphalique, et/ ou par des calcifications pancréatiques. Il est parfois difficile de différencier une sténose bénigne, inflammatoire de PC d’une sténose maligne par adénocarcinome pancréatique compliquant une PC. Le bilan morphologique par TDM, CP-IRM et écho-endoscopie est indispensable avant de conclure à une sténose biliaire bénigne. Des prélèvements (ponction sous écho-endoscopie, brossage) doivent être réalisés au moindre doute. Le traitement endoscopique est indiqué en cas d’obstruction biliaire symptomatique (ictère, épisode d’angiocholite) ou de cholestase significative (> 3 N pour les PAL) et persistante (> 1 mois).

Le drainage biliaire endoscopique par mise en place d’une prothèse métallique couverte ou de prothèses plastiques multiples est efficace. Une méta-analyse de 22 études incluant 1 298 patients avec une sténose biliaire bénigne (incluant PC) montre d’excellents résultats à long terme de la prothèse métallique couverte avec une résolution de la sténose chez 83 % des patients (et 75 % des patients dans le sous groupe PC) (3). Les effets secondaires rapportés (de l’ordre de 15 %) étaient : pancréatite post-CPRE (5 %), angiocholite secondaire à une obstruction prothétique (4 %), angiocholite secondaire à une migration prothétique (1 %), cholécystite (1 %), angiocholite après retrait de la prothèse (1 %), saignement nécessitant une intervention (0,5 %). Des migrations prothétiques chez des patients asymptomatiques étaient également notées chez 13,5 % des patients. Le délai habituel de calibrage par prothèse métallique est de 4 à 6 mois. En cas de mise en place de prothèses plastiques multiples, un changement itératif tous les 3 mois est préconisé, pour une durée totale de 12 mois. Dans une étude prospective, randomisée, le taux de succès à 2 ans sans récidive de sténose biliaire était comparable dans les deux groupes (de l’ordre de 90 %), mais avec moins de procédures endoscopiques dans le groupe prothèses métalliques (4). Ce résultat a été retrouvé récemment dans une étude multicentrique randomisée (n = 84 patients) : respectivement dans le groupe prothèse métallique couverte et prothèses plastiques multiples, le taux de succès à 2 ans était comparable (75,8 % – 77,1 %), de même que le taux de complications (23,8 % – 19 %), avec moins de geste endoscopique en cas de prothèse métallique (5).

Dans le cas de la PC avec sténose biliaire, il n’y a pas la place d’un drainage par une seule prothèse plastique.

En cas de récidive de sténose biliaire, ou après 1 an de traitement endoscopique sans succès ou de néoplasie pancréatique suspectée, une prise en charge chirurgicale doit être discutée, en réunion de concertation multidisciplinaire. Les éventuelles autres complications locales (sténose duodénale, hypertension portale…) doivent être prises en comptes, de même que les comorbidités (terrain, diabète) pour poser l’indication d’un geste de résection (type DPC, geste à privilégier en cas de néoplasie possible ou suspectée), ou d’un geste de dérivation.

Prise en charge des pseudo-kystes pancréatiques (PKP)

Les PKP compliquant une PC doivent être traités en présence de symptômes (douleurs abdominales), de complications (infection, saignement, ou rupture canalaire), ou de compression d’organe adjacent (compression gastrique, duodénale, ou obstruction biliaire).

Un traitement endoscopique peut également être envisagé en cas de PKP asymptomatique non compliqué > 5 cm de diamètre, persistant au-delà de 3-6 mois de surveillance, en raison du risque de complication secondaire au PKP. En cas de poussée de pancréatite aiguë sur PC, le traitement endoscopique ne doit pas être envisagé avant 6 semaines, pour permettre soit une disparition spontanée du PKP, soit une organisation de la paroi.

Le drainage endoscopique d’un PKP peut se faire soit par voie transpapillaire, lors d’un cathétérisme pancréatique rétrograde, soit par voie transmurale sous écho endoscopie par kystogastrostomie ou kystoduodénostomie. Le drainage endoscopique est efficace dans plus de 90 % des cas. Les PKP communicants avec le canal pancréatique principal, localisés dans la tête ou dans le corps du pancréas, de taille moyenne (< 4 cm) sont préférentiellement abordés par voie transpapillaire. En cas de drainage transmural, sous écho endoscopie, la mise en place de plusieurs prothèses en double queue de cochon doit être privilégiée, pour une durée minimale de 2 mois. En cas de rupture canalaire, ou de déconnexion, certaines équipes proposent de laisser les prothèses en double queue de cochon au long cours. En cas de suspicion de PKP infecté, une ponction à l’aiguille est recommandée, avant drainage, pour analyse bactériologique.

Des anomalies canalaires pancréatiques associées (calculs intra canalaires, sténose canalaire) doivent être recherchées, et traitées si besoin.

En cas d’échec du traitement endoscopique, un drainage chirurgical peut être envisagé, par kystogastrostomie chirurgicale, ou par apposition d’une anse grêle.

Les contre indications au traitement endoscopique sont essentiellement d’ordre vasculaire : pseudo-anévrysme de l’artère splénique, pseudo-kyste hémorragique. En cas de pseudo-anévrysme artériel proche d’un PKP, l’ESGE recommande une embolisation artérielle prophylactique avant le drainage endoscopique.

Prise en charge d’une sténose pancréatique

Un traitement endoscopique est indiqué en cas de sténose canalaire pancréatique symptomatique avec douleurs pancréatiques. La localisation de la sténose est un paramètre important concernant les modalités du traitement endoscopique. Une sténose pancréatique dominante dans la tête du pancréas est définie comme une sténose avec une dilatation d’amont ≥ 6 mm, rétention du contraste après mise en place d’un cathéter de 6Fr au-dessus de la sténose, douleurs abdominales après perfusion de 1L de sérum physiologique sur 12-24 h sur un cathéter naso-pancréatique (2). La mise en place d’une prothèse pancréatique plastique est le traitement de première intention, avec un diamètre de 10Fr, de la longueur adéquate, la plus courte possible. La réponse clinique doit être évaluée à 6-8 semaines (1). La durée totale de calibrage par prothèse est d’au moins 1 an, avec un changement de prothèse tous les 3 à 6 mois. Un changement « à la demande » peut également être envisagé (c’est à dire lors de la réapparition des douleurs, en général vers 8-12 mois). En cas de sténose réfractaire, définie par la persistance d’une sténose symptomatique après 1 an de calibrage, plusieurs options sont possibles : – mise en place de prothèses plastiques multiples ; – mise en place d’une prothèse métallique couverte pendant 3-6 mois (diamètre 6 mm, longueur de 4 à 6 cm) ; – dérivation chirurgicale par Wirsungo-jéjunostomie (cf. figure 1). Dans une méta–analyse récente, le calibrage par prothèses plastiques multiples et prothèse métallique couverte était comparable en terme de disparition des douleurs, risque de récidives des douleurs (6). On notait plus d’effets secondaires dans le groupe prothèse métallique couverte (38,6 % vs. 14,3 %), incluant pancréatite post-CPRE, douleurs intenses nécessitant l’ablation de la prothèse, difficultés à l’extraction, formation de nouvelle sténose.

Figure 1 : Dérivation par wirsungo-jéjunostomie chirurgicale

Enfin, le drainage du canal pancréatique principal sous échoendoscopie n’est recommandé par l’ESGE qu’en centre tertiaire, après discussion multidisciplinaire. Techniquement, il s’agit de ponctionner le canal pancréatique principal à travers la paroi gastrique ou duodénale, de mettre en place un fil guide pour réaliser soit une technique de « rendez-vous » transpapillaire soit un drainage transmural « extra-anatomique » par prothèse plastique ou métallique couverte. Ce geste, considéré comme l’un des plus difficiles en échoendoscopie thérapeutique, a été rapporté dans des séries rétrospectives de faibles effectifs, avec une efficacité immédiate satisfaisante (70-90 % des patients avec disparition des douleurs), et un risque de complications de l’ordre de 10 % (pancréatite sévère, perforation, saignement, hématome). Le risque d’échec technique est non négligeable (de l’ordre de 10 %), et le nombre de ré-interventions endoscopiques pour migration, obstruction prothétique est élevé (20-55 %). Les indications doivent donc être très sélectionnées.

Conclusion

En cas de complications de la PC (sténose biliaire ou pancréatique, pseudokyste), le traitement endoscopique doit être discuté en première intention, compte tenu de son efficacité et de sa faible morbidité. Différentes techniques sont possibles (CPRE, drainage sous échoendoscopie). Chaque dossier doit être discuté en réunion multidisciplinaire avant tout geste endoscopique pour établir la meilleure stratégie thérapeutique, et réaliser de manière concomitante une prise en charge globale du patient (sevrage du tabac, arrêt des consommations alcoolisées, prise en charge de la douleur, et suivi nutritionnel).

Références

  1. Dominguez-Munoz JE, Drewes AM, Lindkvist B, et Recommendations from the United European Gastroenterology evidence-based guidelines for the diagnosis and therapy of chronic pancreatitis. Pancreatology. 2018 Dec;18(8):847-854.
  2. Dumonceau JM, Delhaye M, Tringali A, et al. Endoscopic treatment of chronic pancreatitis: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline – Updated August 2018. Endoscopy. 2019 Feb;51(2):179-193.
  3. Khan MA, Baron TH, Kamal F, et Efficacy of self-expandable metal stents in management of benign biliary strictures and comparison with multiple plastic stents: a meta-analysis. Endoscopy. 2017 Jul;49(7):682-694.
  4. Haapamäki C, Kylänpää L, Udd M, et Randomized multicenter study of multiple plastic stents vs. covered self-expandable metallic stent in the treatment of biliary stricture in chronic pancreatitis. Endoscopy. 2015 Jul;47(7):605-10.
  5. Ramchandani M, Lakhtakia S, Costamagna G, et Fully Covered Self-Expanding Metal Stent vs Multiple Plastic Stents to Treat Benign Biliary Strictures Secondary to Chronic Pancreatitis: A Multicenter Randomized Trial. Gastroenterology. 2021 Jul;161(1):185-195. doi: 10.1053/j. gastro.2021.03.015. Epub 2021 Mar 17. PMID: 33741314.
  6. Sofi AA, Khan MA, Ahmad S, et Comparison of clinical outcomes of multiple plastic stents and covered metal stent in refractory pancreatic ductal strictures in chronic pancreatitis- a systematic review and meta-analysis. Pancreatology. 2021 Aug;21(5):854-861