Encoprésie

POST'U 2023

Colo-proctologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les présentations cliniques
  • Savoir examiner un enfant encoprésique
  • Savoir prescrire les examens complémentaires
  • Connaître les principes de la prise en charge

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. L’encoprésie est un motif fréquent de consultation en pédiatrie.
  2. La prévalence de l’encoprésie est plus élevée chez les garçons.
  3. L’encoprésie par rétention est la plus fréquente.
  4. Le traitement repose sur l’utilisation de laxatifs, de lavements évacuateurs et parfois une psychothérapie.
  5. Le biofeedback est possible en complément avec de bons résultats.

Liens d’intérêt

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Mots-clés

Encoprésie, Biofeedback, Enfant

Épidémiologie et physiopathologie

L’encoprésie, forme particulière d’incontinence fécale (IF), est une pathologie fréquemment rencontrée en pédiatrie et plus particulièrement en gastro-pédiatrie. Elle touche entre 0,8 % et 4,1 % de la population pédiatrique dans les pays occidentaux (1,2) et les garçons sont plus souvent atteints avec un sexe ratio allant de 3 à 6 (2,3,4). En consultation hospitalière, l’encoprésie peut représenter entre 13 et 21 % des motifs de consultation (5).

Les enfants atteints d’IF peuvent être regroupés en 2 groupes : IF fonctionnelle et IF organique (6).

L’IF organique regroupe les malformations ano-rectales, les dysfonctionnements du sphincter anal et les anomalies rachidiennes ou médullaires. Ce ne sera pas notre propos.

L’IF fonctionnelle comprend l’IF rétentionnelle et l’IF non rétentionnelle. La première est associée à la constipation et est 4 à 5 fois plus fréquente que celle sans rétention (7).

L’IF non rétentionnelle est très rare et relève d’un trouble du comportement et de la prise en charge psychiatrique. En effet, l’enfant émet volontairement ses selles sur lui. En revanche, l’IF rétentionnelle est définie par une perte involontaire de selles par débordement chez un enfant de plus de 4 ans.

L’IF rétentionnelle est due à une constipation chronique qui induit un remodelage du rectum, ce qui entraîne une augmentation de la sensation de besoin et perturbe l’envie d’aller à la selle. Une incontinence urinaire peut également survenir en raison de la masse fécale exerçant une pression sur la vessie et des infections des voies urinaires secondaires à des salissures répétées sont également assez fréquentes. L’âge moyen de la première consultation est de 7 à 8 ans (3,8) ce qui témoigne d’une prise en charge tardive

Encoprésie et troubles psychologiques

La prise en charge tardive de l’encoprésie expose à des conséquences psychosociales pouvant affecter gravement l’enfant et sa famille. L’encoprésie est un problème psychologiquement dévastateur de l’enfance. Elle expose ces enfants à la stigmatisation, au rejet par les autres et au harcèlement (1).

Historiquement, les déficiences psychologiques (troubles de l’attention, troubles du comportement) ont été soulignées dans l’étiologie de l’IF (9) mais de nombreuses recherches n’ont pas soutenu cette hypothèse (10,11). Bien que l’IF ne soit pas une maladie psychopathologique, plusieurs rapports ont caractérisé les conséquences psychosociales négatives associées pour les enfants atteints et leurs parents (12,13). Une étude a rapporté que les enfants qui se salissaient avaient des taux significativement plus élevés de problèmes comportementaux et émotionnels, d’activités antisociales et de participation à des brimades (en tant qu’auteur et récepteur) que les enfants qui ne se salissaient pas (1). Une étude récente a montré que le taux de comorbidités psychiatriques était de 38,4 % chez les enfants encoprétiques contre 16 % dans le groupe témoin (14). Le TDAH (trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) était le trouble psychiatrique le plus fréquent (27 %). Les problèmes psychologiques non reconnus ont un effet négatif sur le traitement de l’incontinence et entraînent de mauvais résultats alors que la prise en charge peut être associée à des effets positifs sur l’incontinence (15). De plus, un traitement réussi de l’IF conduit à une amélioration du comportement (16).

La consultation de l’enfant encoprétique

L’interrogatoire de l’enfant et du parent va évaluer : la fréquence des fuites, la chronicité, la gêne occasionnée avec le retentissement psychologique et social (port de couches ou protections, odeurs, rejet à l’école, moqueries…), l’histoire de l’encoprésie avec souvent initialement une constipation plus ou moins passée inaperçue ou banalisée, la présence d’un facteur déclenchant (divorce des parents, déménagement, harcèlement scolaire…), les douleurs abdominales, l’énurésie éventuelle, les troubles du sommeil, le retentissement sur l’appétit, la recherche d’éléments en faveur d’une rétention active. Les traitements laxatifs déjà pris doivent être colligés : produits, dose, durée, tolérance, efficacité ?

L’examen clinique reste toujours un examen classique de pédiatre à savoir l’examen complet avec appréciation de la croissance et l’examen du périnée se fera après avoir rassuré l’enfant et le lui avoir expliqué au préalable. Ce dernier examen consiste à inspecter la marge anale (souillures, fissure anale, malformation anorectale) et les organes génitaux externes et à tester la sensibilité. Le toucher rectal n’est pas fait systématiquement et très rarement en pédiatrie.

Explorations

L’examen complémentaire de référence est la manométrie anorectale afin d’éliminer une anomalie au niveau des sphincters et d’apprécier la sensation de besoin ou volume de besoin (VB) et le volume maximal tolérable (VMT). Cet examen peut être réalisé à partir de 7 ou 8 ans et pas avant en raison de la difficulté de l’enfant à exprimer sa sensation de besoin (cf. infra).

L’ASP est rarement nécessaire. Il est parfois utile en cas d’échec de la prise en charge afin de faire la différence entre encoprésie rétentionnelle ou
non. En effet, on recherche la présence d’un fécalome qui signe l’encoprésie secondaire sur rétention.

Traitement

Traitements médicaux

La prise en charge de l’encoprésie comprend plusieurs traitements et commence par la prescription de laxatifs, de lavements évacuateurs et de règles hygiéno-diététiques.

Comme le montrent Loening-Bauke et al., la sévérité de la constipation est un facteur de persistance de l’encoprésie (17). Une prise en charge médicale optimale de la constipation est donc nécessaire mais les thérapies laxatives n’ont qu’un taux de réussite compris entre 16 et 70 % à court terme (11,18,19). Le traitement laxatif doit être poursuivi pendant la rééducation par biofeedback et à l’arrêt de celle-ci pour permettre une évacuation facile et non douloureuse des selles.

Le traitement de la constipation repose sur les recommandations de l’ESGHAN (12). En pratique, comme laxatif, on utilise le macrogol 4000 sachet de 4 g pour les enfants âgés de 1 à 8 ans et le macrogol 4000 sachet de 10 g à partir de l’âge de 8 ans, à la dose de 1 g à 1,5 g/kg/jour. On peut être amené à prescrire du Movicol© enfant ou adulte en cas de constipation très sévère en cas d’échec du macrogol 4000. Les doses de laxatifs sont à adapter en fonction de la consistance des selles de l’enfant à adapter à l’échelle de Bristol et des douleurs ressenties lors de la défécation. L’objectif est d’avoir des selles molles et surtout non douloureuses pour ne pas favoriser la rétention active.

Les lavements évacuateurs sont utilisés au début de la prise en charge en cas de fécalome important en plus des laxatifs oraux. On utilise le Normacol© enfant à partir de l’âge de 3 ans et le Microlax© pour les plus jeunes enfants à raison de 1 à 2 par semaine au début lors du premier mois puis la prescription est adaptée en fonction de l’évolution.

Règles hygiéno-diététiques et comportementales

La diététique n’est plus la première étape du traitement mais les règles de bon sens sont rappelées lors des consultations comme avoir une
alimentation diversifiée, une bonne hydratation, une activité physique, éviter les temps infinis devant les écrans…

La présentation aux toilettes quotidienne est recommandée et on explique bien aux enfants la nécessité d’aller aux toilettes tous les jours, même sans la sensation d’envie, afin d’évacuer le plus possible et d’éviter ainsi l’encombrement du rectum. Les parents sont incités à surveiller ce rituel.

Un cahier de suivi est aussi demandé à l’enfant et à ses parents sur lequel sera noté le nombre de fuites, les passages aux toilettes et la prise des médicaments. Ce cahier est rapporté à chaque consultation.

Une psychothérapie ou une thérapie comportementale est souvent associée en fonction du contexte psychologique, social et des facteurs déclenchants en lien avec l’IF.

Rééducation

Lorsque cette prise en charge initiale ne suffit pas, une rééducation par biofeedback peut être proposée, seulement en deuxième intention. Cette technique consiste à introduire une sonde intra-rectale avec un ballonnet qui est gonflée avec différents volumes d’air afin d’améliorer la capacité à détecter la distension du rectum et de redonner la sensation de besoin d’aller à la selle. Elle est largement utilisée chez l’adulte mais son efficacité clinique reste à démontrer chez l’enfant. En effet, peu d’articles de synthèse existent sur son efficacité en pédiatrie et le biofeedback n’est pas encore systématiquement recommandé dans la prise en charge de l’enfant encoprétique en échec du traitement médical. Lors de la consultation initiale, le déroulement de la manométrie anorectale et des séances de biofeedback est expliqué à l’enfant et à ses parents. Les mécanismes de l’encoprésie sont également abordés avec des explications adaptées à l’âge de l’enfant. Pour cela, on peut utiliser des outils simples pour illustrer le volume des selles (une balle de tennis comparée à une balle de basket) ou la contenance du rectum (une corbeille à papier qui déborde lorsqu’elle est trop remplie) afin d’aider l’enfant à comprendre le mécanisme de sa maladie.

La manométrie anorectale évalue tout d’abord la sensibilité rectale avec un ballonnet intra rectal rempli de volumes d’air croissants (figure 1), jusqu’à ce que l’enfant exprime l’envie de déféquer : volume de premier besoin ressenti (VB). Le volume maximal tolérable (VMT) est également évalué. Une échelle visuelle analogique peut être utilisée pour mesurer l’intensité de ce besoin (figure 2). La qualité des efforts de poussée et la décontraction sphinctérienne sont évaluées.

Figure 1

Figure 1

Figure 2 : Échelle Visuelle Analogique pour le score d’envie

Figure 2 : Échelle Visuelle Analogique pour le score d’envie

À l’issue de cet examen et si l’enfant a bien compris et adhéré, sont proposées des séances de biofeedback au nombre de 5 à 6 et à raison d’une fois par semaine généralement. Progressivement, l’enfant prend conscience du besoin défécatoire et anticipe sa présentation aux toilettes, stimulé par les parents qui sont impliqués dans la rééducation. Des séances rapprochées permettent d’installer une relation de confiance entre l’équipe soignante, l’enfant et le parent. L’enfant doit être félicité lorsqu’il n’y a pas eu de fuites de selles dans la semaine précédant la consultation pour renforcer sa motivation. En cas de persistance d’IF, les traitements médicaux peuvent être réévalués, l’enfant et les parents rassurés sur le caractère progressif des résultats.

Le biofeedback traite efficacement l’encoprésie, avec une amélioration des symptômes dans 50 à 73 % des cas, et un taux de guérison de 40 %. Le traitement semble plus efficace chez les enfants plus grands. Les protocoles de rééducation de l’IF chez l’enfant restent à uniformiser, et à évaluer par des études prospectives multicentriques.

Conclusion

La prise en charge de l’encoprésie de l’enfant est longue et peut nécessiter une prise en charge multi-disciplinaire. Le traitement repose sur l’utilisation de laxatifs par voie orale et rectale, des règles hygiéno-diététiques et souvent une prise en charge psychologique. Le biofeedback apporte également un grand bénéfice dans cette pathologie mais doit être réalisé par des équipes spécialisées avec des techniques adaptées à l’enfant et à cette pathologie.

Références

  1. Joinson C, Heron J, Butler U, von Gontard A; Avon Longitudinal Study of Parents and Children Study Team. Psychological differences between children with and without soiling problems. Pediatrics. 2006 May;117(5):1575-84. doi: 10.1542/peds.2005-1773.
  2. van der Wal MF, Benninga MA, Hirasing RA. The prevalence of encopresis in a multicultural population. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2005 Mar;40(3):345-8. doi: 10.1097/01.mpg.0000149964.77418.27.
  3. Levine MD. Children with encopresis: A descriptive analysis. Pediatrics. 1975 Sep;56(3):412-6.
  4. Voskuijl WP, Reitsma JB, van Ginkel R, Büller HA, Taminiau JA, Benninga MA. Longitudinal follow-up of children with functional nonretentive fecal incontinence. Clin Gastroenterol Hepatol. 2006 Jan;4(1):67-72. doi: 10.1016/j.cgh.2005.10.001.
  5. Voskuijl WP, Heijmans J, Heijmans HS, Taminiau JA, Benninga MA. Use of Rome II criteria in childhood defecation disorders: applicability in clinical and research practice. J Pediatr. 2004 Aug;145(2):213-7. doi: 10.1016/j.jpeds.2004.04.050.
  6. Di Lorenzo C, Benninga MA. Pathophysiology of pediatric fecal incontinence. Gastroenterology. 2004 Jan;126(1 Suppl 1):S33-40. doi: 1053/j.gastro.2003.10.012.
  7. Rajindrajith S, Devanarayana NM, Benninga MA. Constipation-associated and nonretentive fecal incontinence in children and adolescents: an epidemiological survey in Sri Lanka. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2010 Oct;51(4):472-6. doi: 10.1097/MPG.0b013e3181d33b7d.
  8. Loening-Baucke Prevalence rates for constipation and faecal and urinary incontinence. Arch Dis Child. 2007 Jun;92(6):486-9. doi: 10.1136/adc.2006.098335. Epub 2006 Jul 20.
  9. Wright L. Health care psychology: prospects for the well-being of children. Am Psychol. 1979 Oct;34(10):1001-6. doi: 10.1037//0003-066x.34.10.1001.
  10. Cox DJ, Morris JB Jr, Borowitz SM, Sutphen JL. Psychological differences between children with and without chronic encopresis. J Pediatr 2002 Oct-Nov;27(7):585-91. doi: 10.1093/jpepsy/27.7.585.
  11. Friman PC, Mathews JR, Finney JW, Christophersen ER, Leibowitz Do encopretic children have clinically significant behavior problems? Pediatrics. 1988 Sep;82(3 Pt 2):407-9.
  12. Bongers ME, van Dijk M, Benninga MA, Grootenhuis MA. Health related quality of life in children with constipation-associated fecal incontinence. J Pediatr. 2009 May;154(5):749-53. doi: 10.1016/j.jpeds.2008.11.029. Epub 2009 Jan 15.
  13. von Gontard A, Baeyens D, Van Hoecke E, Warzak WJ, Bachmann C. Psychological and psychiatric issues in urinary and fecal J Urol. 2011 Apr;185(4):1432-6. doi: 10.1016/j.juro.2010.11.051. Epub 2011 Feb 23.
  14. Gizli Çoban Ö, Önder A, Sürer Adanır A. Psychiatric comorbidities of children with elimination disorders. Arch Pediatr. 2021 Jan;28(1):59-63. doi: 10.1016/j.arcped.2020.10.002. Epub 2020 Nov 19.
  15. Niemczyk J, Equit M, Hoffmann L, von Gontard Incontinence in children with treated attention-deficit/hyperactivity disorder. J Pediatr Urol. 2015 Jun;11(3):141.e1-6. doi: 10.1016/j.jpurol.2015.02.009. Epub 2015 Mar 12.
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  17. Loening-Baucke Factors determining outcome in children with chronic constipation and faecal soiling. Gut. 1989 Jul;30(7):999-1006. doi:10.1136/gut.30.7.999.
  18. Staiano A, Andreotti MR, Greco L, Basile P, Auricchio S. Long-term follow-up of children with chronic idiopathic constipation. Dig Dis 1994 Mar;39(3):561-4. doi: 10.1007/BF02088343.
  19. Berg I, Forsythe I, Holt P, Watts A controlled trial of ‘Senokot’ in faecal soiling treated by behavioural methods. J Child Psychol Psychiatry.
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  20. Tabbers MM, DiLorenzo C, Berger MY, Faure C, Langendam MW, Nurko S, et European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition; North American Society for Pediatric Gastroenterology.Evaluation and treatment of functional constipation in infants and children:evidence-based recommendations from ESPGHAN and NASPGHAN. J PediatrGastroenterolNutr. 2014 Feb;58(2):258-74.