Quelle place reste-t-il aux biothérapies intraveineuses ?

POST'U 2023

MICI

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les critères de choix pour la poursuite d’une biothérapie par voie intraveineuse
  • Connaître les criètres de choix pour un passage à la voie sous cutanée
  • Connaître les modalités de surveillance de la voie sous cutanée
  • Savoir prendre en compte l’effet nocebo et ses conséquences sur l’observance

Testez-vous

Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

Testez vos connaissances sur le sujet.

Les 5 points forts

  1. Le biosimilaire de l’infliximab sous cutané (SC) et le vedolizumab SC ont montré leurs équivalences en termes d’efficacité et de tolérance avec des taux sériques plus élevés que la voie IV en entretien ou post induction. L’acceptabilité de ces voies SC est forte.
  2. Les voies SC ne doivent être proposées que chez des patients en réponse clinique après induction, ou en entretien par voie IV, en rémission clinique avec des biomarqueurs normaux.
  3. En traitement d’induction, il est nécessaire de maintenir les deux premières perfusions intraveineuses, puis de proposer la première administration sous cutanée un mois plus tard. En traitement d’entretien, la transition vers la voie sous cutanée se fera à la date prévue de la perfusion future.
  4. L’utilisation de la voie IV reste incontournable pour l’optimisation en cas de réponse insuffisante avec la voie SC et chez les patients souhaitant poursuivre l’administration IV.
  5. Une consultation axée sur la voie SC et/ou d’éducation thérapeutique, avant le relais parait nécessaire pour améliorer l’acceptabilité, l’observance et diminuer un effet Nocebo.

Liens d’intérêt

MSD, Pfizer, Celltrion, Abbvie, Amgen, Biogen, Sandoz, Takeda, Janssen, Galapagos, Theradiag

Mots-clés

Infliximab, vedolizumab, MICI, sous cutanée, intra veineux

Introduction

Ces derniers mois ont vu l’arrivée de voies sous cutanées pour l’infliximab (IFX) et le vedolizumab (VDZ). Ainsi, en pratique clinique, dans la

prise en charge des MICI, la question « quelle place reste-t’il aux biothérapies intra veineuses ? » est pertinente. Dans cet article, nous verrons, dans un premier temps, les études ayant permis l’arrivée de ces voies sous-cutanées (SC) dans notre arsenal thérapeutique, avec le concept récent de « bio-better ». Ensuite, nous analyserons les indications du passage à la voie sous-cutanée et, inversement, celles où la voie intraveineuse doit être encore proposée.

Les données d’essais randomisés montrant la non-infériorité des voies sous-cutanées pour l’infliximab et le vedolizumab

L’infliximab (1)

Il s’agissait d’une étude de Phase 1 de non-infériorité sur la pharmacocinétique (PK) de la voie SC du CT-P13 versus la voie IV. 136 patients MICI ont été inclus et ont reçu deux perfusions de CT-P13 à S0 et S2 (5 mg/kg) puis étaient randomisés à S6 pour continuer la voie IV selon le schéma classique ou recevoir le CT-P13 SC à la dose de 120 mg (poids < 80 kg) ou 240 mg (poids > 80 kg) toutes les deux semaines. Le critère d’analyse principal était la PK à S30. À S30, les patients recevant de l’IFX IV recevaient la voie SC jusqu’à S52.

Les principaux résultats à retenir : La PK de la voie SC n’est pas inférieure à la voie IV avec des taux sériques moyens de 20,9 µg/mL et 1,81 µg/mL pour les voies SC et IV respectivement. La figure 1 rapporte l’évolution de la PK dans le temps.

Figure 1 : évolution des taux sériques d’IFX en fonction de la voie (IV versus SC) (1)

Figure 1 : évolution des taux sériques d’IFX en fonction de la voie (IV versus SC) (1)

 

Par contre, les aires sous la courbe étaient légèrement plus élevées pour la voie SC sans atteindre la significativité. Sur le plan clinique, tant dans la MC que la RCH, la réponse clinique et la rémission clinique étaient comparables entre les deux bras. En termes d’immunogénicité, les taux d’anticorps neutralisants à S30 étaient numériquement plus bas en fréquence pour la voie SC : 3,0 % versus 29,2 % pour les voies SC et IV, respectivement. La tolérance était comparable entre les deux groupes avec 21,2 % de douleurs au point d’injection pour la voie SC. En sous analyse d’un point de vue pharmacocinétique, les auteurs ont montré qu’il n’existait aucune différence entre le CT-P13 en monothérapie ou en combothérapie avec un immunosuppresseur (2). Ainsi le switch vers un IFX SC à S6 dans ces formes luminales de MICI modérées à sévères est possible.

Pour le switch plus tardif, les auteurs ont réalisé une transition de la forme IV vers la forme SC à S30. Dans ce sous-groupe, la PK de la voie SC devenait superposable à celle des patients switchés dès le départ en SC et ce 8 semaines après le passage à la voie SC. De plus, il n’y a pas eu de perte d’efficacité clinique dans ce switch tardif.

À partir de ces données de Phase 1, les auteurs (3) ont analysé, dans une étude de modélisation, les facteurs influençant la clairance de la voie SC. Un surpoids important augmente la clairance du CT-P13 SC avec une augmentation de la clairance de 43,2 % pour un poids passant de 70 à 120 kg. La présence d’anticorps dirigés contre l’IFX augmente aussi cette clairance de 39 %. Enfin, un taux d’albumine bas augmente la clairance de 30,1 % lorsque celui-ci passe de 42 g/l à 32 g/l. Ces points doivent être confirmés dans des études de vraie vie mais pourraient nous guider sur la dose à discuter chez certains patients comme les patients en obésité morbide ou ceux ayant développé des anticorps contre l’IFX.

Ainsi le concept de « bio better » est apparu devant un biosimilaire montrant une efficacité, une tolérance et sécurité d’emploi identique à l’original avec une voie d’administration mieux acceptée (SC versus IV) et un risque immunogène moindre.

Pour nous, gastroentérologues, l’indication retenue dans les MICI est soit le switch vers la voie SC à S6 après deux perfusions d’IFX, soit en entretien sous IFX IV, huit semaines maximum après la dernière perfusion. Actuellement, la dose officielle est de 120 mg de CT-P13 toutes les deux semaines et ce quel que soit le poids. Aucune indication n’a été retenue, pour le moment, pour les doses de 240 mg. Contrairement aux rhumatismes inflammatoires chroniques où l’induction par voie SC est possible dans la polyarthrite rhumatoïde, elle ne doit pas être proposée à l’heure actuelle dans les MICI. Une étude est en cours pour analyser si une induction SC est possible pour nos patients MICI.

En résumé : l’IFX SC est un biobetter dans l’efficacité est comparable à la voie IV avec une PK plus favorable en termes d’immunogénicité. Cependant, ces études n’apportent pas de données dans certaines situations de la MICI (lésion anopérinéale, colite aiguë grave par exemple), pas de donnée sur l’efficacité des optimisations de doses, pas de données comparant, après randomisation, une monothérapie à une combothérapie.

Le Vedolizumab (SC)

Deux essais randomisés ont analysé l’intérêt du vedolizumab (VDZ) SC, dans la rectocolite hémorragique (RCH) (4) et dans la maladie de Crohn (MC) (5).

Dans la RCH, l’essai Visible 1 (4) a inclus des patients porteurs d’une RCH modérée à sévère. Tous les patients ont reçu du vedolizumab (300 mg en IV) à S0 et S2. À S6, les patients, répondeurs cliniquement, étaient randomisés pour recevoir Vedolizumab 108 mg SC tous les 14 jours, Placebo ou Vedolizumab 300 mg IV toutes les 8 semaines en bras référence. L’analyse statistique se faisait entre le bras Vedolizumab SC et le bras placebo. Une comparaison entre les deux bras vedolizumab n’était faite que par P nominal car il ne s’agissait pas du critère d’analyse principal de l’étude.

Cette analyse doit donc être prise avec précaution. À S52, le vedolizumab SC était significativement plus efficace que le placebo tant en termes de rémission clinique (critère d’analyse principal), que pour les autres critères secondaires d’analyse : P< 0,001 pour chaque comparaison. Les résultats entre les deux voies de VDZ étaient comparables avec une tolérance similaire hors douleurs aux points d’injections pour la voie SC (10,4 % des cas). En termes de PK, les taux médians résiduels de vedolizumab SC étaient plus élevés numériquement avec la voie SC (33,6 versus 11,1 µg/mL pour les voies SC et IV respectivement).

Dans la MC, l’essai VISIBLE 2 (5) a inclus des patients porteurs de MC modérée à sévère. Tous les patients ont reçu du vedolizumab (300 mg en IV) à S0 et S2. À S6, les patients répondeurs cliniquement étaient randomisés pour recevoir vedolizumab 108 mg tous les 14 jours ou Placebo. À S52, le vedolizumab SC était significativement plus efficace que le placebo en termes de rémission clinique (critère d’analyse principal) : 48 % sous VDZ versus 34,3 % sous placebo. Les taux de douleurs aux points d’injections pour la voie SC étaient de 2,9 %. Contrairement à l’étude dans la RCH, il n’y avait pas de bras référence vedolizumab IV. Cependant, ce travail montre l’efficacité et la sécurité d’emploi de la voie SC de vedolizumab en entretien dans la MC répondeur à une induction IV a S0 et S2, l’indication retenue est le switch vers la voie SC en induction à S6 après deux perfusions de vedolizumab dans les MICI ou en entretien sous vedolizumab IV (débutant au moment de la date prévue pour la prochaine perfusion du traitement). Actuellement, la dose officielle est de 108 mg en SC toutes les deux semaines et ce quel que soit le poids. Aucune indication n’a été retenue pour le moment pour une optimisation de doses.

En résumé : le vedolizumab SC a montré son intérêt dans les MICI en switchant en voie SC après deux perfusions à S0 et S2. Ces essais n’en disent pas plus en dehors d’une tolérance très rassurante. On ne dispose pas de données sur un switch plus tardif ou sur des doses optimisées.

Les données de vraie vie concernant l’infliximab et le vedolizumab en SC

Les données de vraie vie sont importantes, plus proches de notre pratique clinique avec des patients non sélectionnés contrairement aux essais pivots.

Infliximab ou CT-P13 SC

La première étude (6) est une étude de cohorte rétrospective, multicentrique, anglaise ayant inclus tout patient MICI sous IFX IV et passant à la voie SC. Le critère d’analyse principal était la persistance du traitement à la dernière visite de suivi. Les patients étaient switchés de 5 mg/ kg/8semaines d’IFX IV vers une dose standard de 120 mg toutes les 2 semaines de CT-P13 SC (72,4 % des cas) mais des doses optimisées de CT-P13 SC à 120 mg toutes les semaines (Hors AMM) étaient données pour les patients avec un schéma de perfusion de 5 mg/kg l’IFX IV toutes les 4 et 6 semaines. 181 patients (115 MC, 60 RCH), d’âge médian : 39,1 ans ont été inclus. 59,1 % patients (n= 107) avaient une association avec un immunosuppresseur dont 45,3 % sous AZA. À l’inclusion, les taux résiduels médians d’IFX étaient de 8,9 μg/dl. 83 % des patients lors du switch étaient en rémission clinique. Le taux de persistance au traitement était élevé (N= 167, 92,3 %) et seulement 14 patients (7,7 %) ont stoppé le traitement pendant la période de suivi. Au cours de ce suivi, aucune différence significative n’était retrouvée entre les valeurs à l’inclusion et à 3, 6 ou 12 mois pour HBI, SCCAI, CRP. Chez les 25 patients atteints de LAP, seuls 2 (8 %) ont eu une aggravation des lésions périnéales et ont nécessité un traitement par antibiotiques et un examen approfondi sous anesthésie. Ces 2 patients ont été switchés vers IFX dans sa forme IV. En termes d’immunogénicité, seuls 14 patients (7,7 %) ont développé des Ac anti-IFX après switch dont 9 (64,3 %) avaient une combothérapie avec un immunosuppresseur. De plus, 92,8 % de taux d’AC étaient détectés par une technique dite « drug tolérant ». Si les taux d’IFX ont significativement augmenté 3 mois après le switch (p< 0,001), ces taux sont restés stables à 6 et 12 mois. Les auteurs ont analysé, après régression logistique, les facteurs associés au taux d’IFX SC. Sur les variables étudiées, seuls les Ac anti IFX avaient un impact sur le taux d’IFX (OR -13.369, 95 % CI -15.405, -11.333, P< 0,001). Les autres variables cliniques (HBI> 5 ou SCCAI> 3) ou biochimiques (CRP> 5 mg/L ou CF> 250), une maladie active, l’association à un traitement immunomodulateur, la fréquence des injections ou encore l’IMC n’avaient pas d’impact sur le taux d’IFX. En termes de tolérance, aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. Six patients (3,3 %) ont eu des réactions cutanées limitées au site d’injection.

Une étude d’acceptabilité par questionnaire a été rapportée chez 88 patients après le switch vers CT-P13 SC. 78,4 % des patients ont préféré le CT-P13 SC avec 88,6 % des patients qui se sentaient « pareils ou mieux » avec CT-P13 SC. 85,2 % des patients reconnaissaient que le traitement était plus adapté à leur mode de vie que l’IFX IV et 80,7 % des patients considéraient que le CT-P13 SC minimisait l’impact du traitement sur leur qualité de vie.

La seconde étude est française (Étude REMSWITCH) (7). Il s’agissait d’une étude prospective, tri centrique, ayant inclus de manière consécutive, tout patient MICI sous IFX IV quelle que soit la dose utilisée et en rémission clinique (CDAI< 150 pour la MC ou score mayo partiel < 2 pour la RCH). Les patients étaient switchés en SC à la dose de 120 mg/2S. Trois visites étaient proposées dans les 24 semaines de suivi et une rechute était définie par une élévation de la calprotectine fécale > 150 µg/g par rapport à l’inclusion ou par une rechute clinique. À S24, les taux de rechute étaient très différents en fonction du schéma d’IFX préalable : 10,2 %, 7,3 % et 16,7 % pour IFX 5 mg/kg/8S, 10 mg/kg/8S et 10 mg/kg/6S, respectivement et significativement plus bas que sous IFX 10 mg/kg/4S avec un taux de rechute de 66,7 % (p< 0,01) (figure 2).

Figure 2 : taux de rechute après switch SC en fonction du schéma d’IFX IV préalable (7)

Figure 2 : taux de rechute après switch SC en fonction du schéma d’IFX IV préalable (7)

Si les concentrations sériques d’IFX montaient significativement dans les trois premiers schémas d’IV après switch, les taux restaient stables pour  les patients traités préalablement par IFX 10 mg/kg/4S. Une augmentation du taux d’IFX sérique à la première visite d’au moins 1 µg/ml diminuait significativement le risque de rechute (16,7 %) par rapport aux patients avec taux stables (36,8 %) ou diminuant après passage à la voie SC (41,7 %) (P= 0,02). En analyse multivariée, les auteurs isolaient trois facteurs associés à un risque de rechute : une dose d’IFX de 10 mg/kg/4S avant switch (OR= 12.4[1.6-98.4], p= 0,017), un taux de calprotectine >250 µg/g selles à l’inclusion (OR= 5.4[1.1-27.6], p= 0,042) et un taux diminuant ou stable (36,8 %) d’IFX circulants entre l’inclusion et la visite 1 (p= 0,020 et p= 0,019, respectivement). Parmi les 22 patients ayant présenté une rechute dans les 6 mois, 15 ont été optimisés, hors AMM, par une dose de 240 mg/14 j. 14 sur 15 ont obtenu une rémission clinique après cette intensification de dose et 80 % une rémission clinique et des biomarqueurs. L’acceptabilité de la voie SC analysée par une échelle validée était significativement plus élevée que celle de la voie IV.

Dans une série de cas (8), les auteurs ont rapporté l’évolution de 4 patients atteints de maladie de Crohn, traités par CT-P13 SC, après arrêt de CT-P13 IV suite à un échec dû à une immunogénicité (1 cas) ou intolérance sévère (3 cas). Le patient en échec immunogène a répondu après switch à une voie SC. Aucun des 3 autres patients avec hypersensibilité grave à la voie IV n’a présenté de réactions sévères à la voie SC. Dans le suivi de ces trois patients intolérants sévères à la voie IV, le premier a présenté des réactions locales systématiques à la voie SC malgré l’utilisation d’anti H1 obligeant à l’arrêt de la molécule, le second a présenté une non-réponse primaire faisant stopper la prescription et enfin le dernier des trois a continué la voie SC considérée comme efficace et bien tolérée.

En résumé : les données de vraie vie nous apportent de nouvelles données sur l’IFX SC. Le switch en entretien est parfaitement démontré en termes d’efficacité surtout chez les patients en rémission clinique et/ou des biomarqueurs lors du passage à la voie SC. Les taux sériques sont, dans tous les cas, significativement plus élevés pour la voie SC. Enfin, l’acceptabilité et la satisfaction des patients est très nette. La combothérapie avec un immunosuppresseur pourrait être peu utile chez la majorité des patients passant en SC. L’atteinte anopérinéale pourrait aussi être une indication de la voie SC dans la MC. De plus, le TDM pourrait mieux personnaliser nos choix. Enfin, une dose plus élevée pourrait être une alternative (hors AMM) en cas de perte de réponse. Des premiers résultats à retenir même s’ils doivent absolument être confirmés avant d’en tirer des conséquences en pratique clinique.

Vedolizumab SC

La première étude en population nous vient de Hollande (9). Dans ce travail prospectif, 135 patients (82 MC) traités par vedolizumab en IV depuis au moins 4 mois étaient switchés en SC (108 mg tous les 14 j). Les patients pouvaient avoir un schéma optimisé IV avant l’inclusion (environ 20 % des patients). Le critère d’analyse principal était la durée sans arrêt de la voie SC. 13,4 % des MC arrêtaient la voie SC après une durée médiane de 18 semaines et 9,4 % des patients RCH après une durée médiane de traitement de 6 semaines. Dans 15 cas, les patients rapportaient des douleurs au point d’injection et 9 sont revenus à la voie IV du fait de ces intolérances. L’activité clinique et biochimique avant et après switch vers la voie SC restait stable. Enfin, les concentrations sériques de VDZ augmentaient significativement après switch SC (19 µg/ml avant versus 31 µg/ml douze semaines après switch). Aucun facteur associé n’était isolé pour prédire un arrêt thérapeutique de la voie SC dans le suivi et notamment, peut-être par manque de puissance, un schéma optimisé de VDZ IV avant le switch.

La seconde étude en population est anglaise (10). Tous les patients MICI, traités par vedolizumab IV, se sont vu proposer de passer à la voie SC (108 mg/SC toutes les deux semaines). À S12 après le switch, un bilan d’activité clinique et des biomarqueurs était fait. 178 patients ont été inclus

dans cette étude prospective. 14 % des patients ont leur première SC à S6 après l’induction IV. Les autres étaient en maintenance de vedolizumab IV avec 74 % de ceux-ci toutes les 8 semaines. L’analyse de l’activité clinique ne s’est pas modifiée entre le moment de l’inclusion et les 12 semaines sous VDZ SC. Aucune modification de la CRP n’était rapportée. Seule la calprotectine était statistiquement plus élevée mais sans aucun impact clinique (31 µg/g versus 47 µg/g à la fin des 12 semaines ; p= 0,008). Le taux de réaction au point d’injection était de 14,5 %. La satisfaction des patients était très forte (figure 3).

Figure 3 : Satisfaction des patients après vedolizumab SC en switch (10)

Figure 3 : Satisfaction des patients après vedolizumab SC en switch (10)

 

Enfin, les taux sériques de VDZ étaient significativement plus élevés après passage à la voie SC (22,7 versus 10 µg/ml). Aucun facteur prédictif de maintien de la réponse n’a été isolé et notamment les doses de VDZ utilisés en IV avant switch.

La dernière cohorte est danoise (11). 89 patients MICI (48 MC) sous vedolizumab IV ont été switchés en SC à la dose recommandée. Les patients ont été suivis pendant 6 mois et un sous-groupe jusqu’à 1 an. Il n’y a pas eu de modification clinique ou des taux de rémission après switch. La calprotectine a diminué significativement pour la MC mais non pour la RCH. À 6 mois, 95,5 % des patients étaient toujours sous vedolizumab SC. Les doses de VDZ en IV avant le switch (dose standard versus optimisée) n’avait pas d’impact sur la réponse au VDZ SC. Comme pour les autres études, les taux de VDZ sérique étaient significativement augmentés après passage à la SC. Enfin, la satisfaction était importante et seuls 1,5 % des patients rapportaient des réactions aux points d’injection.

En résumé : le switch en VDZ SC confirme, en données de vraie vie, son efficacité. Les données sont insuffisantes pour savoir si ce switch peut être utilisé quel que soit le schéma de VDZ IV utilisé au préalable. Les analyses de satisfaction sont très favorables. Nous n’avons pas de données sur l’optimisation en cas de perte de réponse après switch. Des études complémentaires, hors utilisation dans l’AMM, s’imposent pour mieux personnaliser cette utilisation. Dans tous les cas, les taux de VDZ sériques sont plus élevés après switch.

Acceptabilité et effet Nocebo

Acceptabilité

Une très bonne acceptabilité n’est pas une surprise pour l’arrivée de ces SC. Dans une étude suisse, 100 patients naïfs de biothérapies rapportaient qu’ils préféraient majoritairement la voie SC à la voie IV (12). Une vaste étude du GETAID a analysé chez 1 850 patients porteurs de MICI, l’acceptabilité des traitements en fonction d’être bio naïfs ou déjà sous biothérapies (13). Là encore, la voie IV est moins bien acceptée que la voie SC mais du fait de la puissance de l’étude, la fréquence de la SC et de la voie IV impacte cette acceptabilité. Ainsi si la voie SC était le premier choix chez 21,4 % des patients, la voie IV l’était chez 12,8 % des patients (p< 0,001). Cependant, l’acceptabilité était très différente entre une voie SC toutes les 6 à 8 semaines qu’une voie SC toutes les deux semaines. Enfin, pour la voie SC, l’auto-injection (peur des injections) ou la nécessité de recourir à une infirmière diminuaient l’acceptabilité des traitements sous-cutanés chez plus d’un quart des patients.

L’effet NOCEBO

Un effet Nocebo est un effet négatif d’un traitement induit non pas par la molécule mais par les attentes du patient lui-même. Outre un vécu moins favorable en termes d’efficacité ou de tolérance, cet effet est associé à une forte non-observance thérapeutique. Cet effet, souvent sous-estimé, a été clairement identifié avec l’arrivée des bio similaires pour l’IFX IV et l’ADA SC. Nous n’avons pas d’études ayant analysé l’effet Nocebo du switch d’une voie IV à une voie SC mais logiquement, cet effet délétère devrait être moins fréquent. En tout cas, un consensus récent (14) nous apporte des recommandations pour diminuer cet effet Nocebo, en cas de passage à un bio similaire. Il est indispensable d’avoir un lien étroit entre le professionnel de santé qui propose le switch et le patient afin de discuter ouvertement et clairement de cette proposition. Il est nécessaire que la connaissance de ces bio similaires soit la plus claire possible tant en termes d’efficacité que de tolérance tant pour le prescripteur que le patient afin de minimiser cet effet Nocebo. Un système d’éducation thérapeutique personnalisée est la meilleure solution pour diminuer ce risque Nocebo.

En résumé : Si la voie SC est plutôt mieux acceptée par les patients que la voie IV, il existe certains patients plus satisfaits par une prise en charge globale en HDJ. C’est pourquoi, avant un switch, une explication, voire une éducation thérapeutique est indispensable pour apprécier les souhaits et les craintes du patient.

Critères de choix pour un passage à une voie SC (vedolizumab ou infliximab) après une voie IV

Les données actuelles sur les choix de passage à une voie SC après une voie IV sont encore limitées et basées sur des phases 1 ou des essais randomisés de phase 3 pour des indications très sélectionnées et sur quelques données de cohortes. Des études complémentaires, en cours, sont indispensables pour confirmer l’intérêt de ce switch dans certains sous-groupes.

Pour nous aider dans les indications du switch, nous résumerons les recommandations belges très récentes sur le sujet (utilisant la méthode Delphi) (15) et nous discuterons des indications possibles ou probables dans l’avenir mais à confirmer.

Les prérequis indispensables pour chaque molécule

L’amélioration de la qualité de vie doit être l’objectif principal du switch.

Une discussion avant le switch est indispensable avec le prescripteur et/ou l’infirmière d’éducation thérapeutique, en fonction des moyens, pour expliquer ce choix au patient. Cette discussion doit être reproposée 8 semaines après le switch.

Une analyse de l’observance du patient est indispensable.

Les indications à proposer doivent être celles des remboursements actuels de ces voies SC. Hors de ces AMM, les dossiers doivent être discutés, au cas par cas, en réunion de concertation multidisciplinaire.

La présence d’une infirmière d’éducation thérapeutique est si possible souhaitable. Quant à la première administration par voie SC, elle pourrait être faite en structure médicale afin d’être supervisée.

Les principaux critères de choix

Pour l’infliximab SC, le switch peut se proposer quelle que soit la molécule d’IFX IV préalable.

Le switch en entretien, en accord avec les AMM, ne doit se proposer actuellement que chez les patients en doses d’entretien classique IV (5 mg/ kg/8S pour IFX et 300 mg/IV/8S pour le vedolizumab). Le passage en SC doit se faire au plus tard 8 semaines après la dernière perfusion. Dans l’avenir : aux vues des données de cohortes, il est possible que le switch après des schémas préalables déjà intensifiés d’IFX ou VDZ IV soient possibles si le patient est en rémission clinique au minimum et pour l’IFX non optimisé à la dose de 10 mg/kg/4S.

Si la combinaison avec un IS n’est pas à proposer avec le vedolizumab SC, les recommandations belges proposent cette combothérapie avec l’IFX SC pendant au moins 6 mois. Ces données ne sont pas étayées par des données scientifiques majeures et ceci doit être discuté au cas par cas, en prenant en compte la sévérité de la maladie et les TDM entre autres. Des études complémentaires sur l’immunogénicité de l’IFX SC affineront nos prises en charge.

Une consultation à 8 semaines du début du switch est nécessaire pour apprécier l’efficacité, la tolérance et l’observance au traitement. L’efficacité des SC doit être analysée entre 4 et 6 mois après le début.

En cas de perte d’efficacité après switch SC, il est possible de proposer de revenir à une voie IV (switch back) ou à une optimisation en SC toutes les semaines tant pour l’IFX que le VDZ même si les données sont actuellement très minimes. Dans tous les cas, une discussion en réunion de concertation paraît nécessaire. En tout cas, aucune donnée n’a étudié la meilleure stratégie d’optimisation.

Dans la MC, le switch en SC ne doit être discuté que chez les patients en réponse clinique et/ou avec une calprotectine fécale normale. Une endoscopie est à proposer par nos collègues belges avant switch chez les patients sous IFX ou VDZ IV en entretien. Si l’obtention d’une rémission clinique et des biomarqueurs est une sécurité actuelle dans la proposition du switch, une endoscopie, sauf si elle est à proposer pour vérifier la cicatrisation muqueuse, ne doit pas être proposée en supplément.

Le switch en SC ne doit pas être proposé dans la MC anopérinéale active mais peut être discuté dans la MC quiescente.

Dans la RCH, le switch en SC ne doit être discuté que chez les patients en réponse clinique et endoscopique. Les recommandations belges préconisent dans la RCH d’induire par trois doses d’IFX ou VDZ IV et de ne proposer un switch qu’à S 14. Ces recommandations d’experts doivent être affiner dans le temps. Faut-il par exemple dans la MC pour le VDZ IV induire avec 2, 3 ou 4 doses ? À quel moment pouvons-nous passer en SC ? À 8 semaines après la dernière perfusion ou plus tôt aux vues des données de pharmacocinétiques des deux voies SC ? Ces données doivent être analysées dans l’avenir.

Concernant le TDM avec les voies SC, afin d’avoir une stratégie réactive, il est avant tout nécessaire d’isoler les concentrations optimales de chaque molécule en SC avant de discuter de son intérêt.

Critères de choix pour la poursuite d’une biothérapie intra-veineuse (vedolizumab ou infliximab)

Ces indications sont inverses de celles proposées pour le switch en SC.

Les critères majeurs

En l’absence d’acceptabilité du patient pour la voie SC, la biothérapie IV sera continuée.

En cas d’observance discutable, il est nécessaire de garder l’indication de la voie IV.

L’induction par voie IV d’au moins deux doses de biothérapies est indispensable.

La présence d’une forme active (clinique, endoscopique ou de biomarqueurs) nécessite une optimisation thérapeutique de doses IV et non d’un switch tant dans les formes luminales qu’anopérinéales.

Dans les formes déjà très optimisées en IV notamment pour IFX (10 mg/kg/4S), le switch en SC ne paraît pas recommandable.

La colite aiguë grave au moins à un stade initial, n’est aucunement une indicaion à la prescription de la voie SC pour l’IFX.

Les critères mineurs : plus à discuter au cas par cas en RCP

Du fait de l’absence de données (essais en cours), l’indication post opératoire dans la maladie de Crohn, pour la biothérapie IV, paraît pour le moment l’attitude la plus raisonnable.

En cas de grossesse, les données sur la PK des voies SC ne sont pas connues ainsi que l’innocuité de ces molécules chez le fœtus. C’est pourquoi l’utilisation des biothérapies IV reste d’actualité.

Modalités de surveillance de la voie sous cutanée

En termes d’effets indésirables, hormis les douleurs ou réactions cutanées aux points d’injection, aucun autre effet indésirable nouveau lié à ces voies SC n’a été rapporté. Aucun bilan biologique nouveau n’est donc à recommander.

Une consultation de suivi à 8 semaines est recommandée pour apprécier l’efficacité, la tolérance et l’observance après switch.

Un bilan d’activité sous IFX ou VDZ SC est recommandé entre 4 à 6 mois avec analyse de l’activité clinique, dosage de la calprotectine fécale dans la MC et endoscopie dans la RCH.

Une consultation régulière comme avec les autres voies SC s’imposent tous les 6 mois environ. En cas de réaction cutanée sévère, un « switch back » vers une voie IV pourra se discuter.

Le TDM comme proposé, si possible, avec l’IFX IV, n’est pas recommandé actuellement tant que les seuils associés à une réponse clinique ne sont pas identifiés.

Conclusion

Si de nombreux critères de choix sont isolés, certains dépendent notamment des AMM pour passer à des SC, d’autres sont en discussion du fait de données encore limitées sur l’usage des biothérapies SC après switch dans certaines indications. De très nombreuses études sont en cours pour y répondre. Il est certain que ces recommandations seront à actualiser d’ici quelques temps. Enfin, des études prospectives sur de vastes cohortes de patients sous infliximab SC et vedolizumab SC sont en cours avec le GETAID (Étude PEREM et DOPER) qui nous permettront, à l’avenir, de répondre aux questions non résolues et d’affiner les recommandations utiles à notre pratique clinique.

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Abréviations

IFX : infliximab

VDZ : vedolizumab

SC : sous cutanée

PK : pharmacocinétique

MC : maladie de Crohn

RCH : rectocolite hémorragique

CRP : Protéine C Réactive

FC : calprotectine fécale

HBI : Harvey Bradshaw Index

CDAI : Crohn’s disease activity index