Comment identifier un trouble du comportement alimentaire (TCA) en consultation d’HGE

POST'U 2024

Alimentation,  Nutrition

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la définition des troubles du comportement alimentaire (TCA)
  • Connaître leur fréquence
  • Savoir les rechercher et les identifier en consultation d’HGE
  • Savoir orienter la prise en charge du patient atteint de TCA

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont des maladies complexes à morbi-mortalité élevée.
  2. Les TCA sont fréquents chez les patients souffrant de troubles fonctionnels intestinaux et les patients en parcours de chirurgie bariatrique.
  3. Toute perte pondérale inexpliquée et/ou maintien d’un régime exclusif injustifié doit faire rechercher un TCA chez un patient suivi pour troubles fonctionnels intestinaux.
  4. La version française du questionnaire SCOFF-F est un outil de dépistage simple et reproductible pour dépister un TCA.
  5. Une prise en charge précoce et pluridisciplinaire d’un TCA est prédictive d’une meilleure réponse thérapeutique.

Lien d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec sa présentation

Mots-clés

Troubles des conduites alimentaires
Troubles Fonctionnels Intestinaux
Dépistage

Abréviations

Non communiquées

Introduction

Les troubles des conduites alimentaires (TCA) sont des troubles durables caractérisés par une relation altérée à l’alimentation et/ou au poids. Cette altération est caractérisée par une préoccupation pathologique vis-à-vis de cette alimentation et/ou de ce poids et/ou de l’image corporelle (dysmorphophobie) avec comme conséquence un retentissement psychique, somatique et social. Trop longtemps, les TCA ont été stigmatisés, méconnus d’une grande partie du corps médical, et relégués à la seule prise en charge des collègues psychiatres ou des équipes diététiques. Pourtant, les données actuelles sont nombreuses pour reconnaître une interface étroite entre les TCA et les troubles fonctionnels intestinaux (TFI). Quelle que soit l’entité nosologique, les TCA atteignent les 2 sexes, de toute origine, de toute classe socio-économique, et à des âges variables. De plus, la prévalence des TCA semble en augmentation (1-3).

Définition des TCA (tableau 1)

Les TCA ont fait l’objet de nombreuses classifications médicales. En psychiatrie, deux classifications principales coexistent : la Classification Internationale des Maladies (développée par l’Organisation Mondiale de la Santé, CIM-11 www.who.int) dont la dernière version remonte à 2018, et le DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual, 5e version, www.psych.org) remontant à 2013 (1, 2). Elles consistent en des approches syndromiques et cliniques du diagnostic psychiatrique. La recherche en psychiatrie utilise surtout la classification DSM qui, par ailleurs, a pour vocation d’apporter une aide à la pratique clinique par l’utilisation de critères adaptés au clinicien. Les catégorisations successives des TCA depuis l’existence de ces deux classifications ont subi de nombreuses controverses mais ont permis au fil des années d’offrir une approche plus intégrative du large spectre de ces maladies.

Tableau 1 : Classification des troubles des conduites alimentaires selon la classification DSM-V

D’après le DSM-V, il existe 3 grandes catégories de TCA spécifiés typiques, une quatrième catégorie de TCA spécifiés atypiques (dénommés par les anglo-saxons OSFED pour Other Specified Feeding or Eating Disorder) et une cinquième catégorie englobant les TCA non spécifiés (dénommés par les anglo-saxons UFED pour Unspecified Feeding and Eating Disorder). Les trois TCA typiques sont l’Anorexie Mentale, la Boulimie et l’Hyperphagie Boulimique. Les TCA non spécifiés comprennent : le grignotage, l’hyperactivité, le Pica, le mérycisme, l’alimentation sélective. Le trouble de l’alimentation sélective et évitante (dénommé par les anglo-saxons sous le terme ARFID pour Avoidant Restrictive Food Intake Disorder), classé dans la version précédente du DSM (DSM IV) parmi les TCA non spécifiés, constitue désormais une entité nosologique à part entière. Il constitue un trouble persistant de l’alimentation qui mène à des conséquences médicales significatives, caractérisé par une alimentation restrictive en lien avec une phobie de digérer ou d’ingérer des aliments liquides ou solides, par une altération des caractéristiques sensorielles de la nourriture, et plus généralement un manque d’intérêt général face à la nourriture. Ce trouble fait référence à des troubles de l’alimentation intéressant le nourrisson et les jeunes enfants (pré-adolescents) et donc ne sera pas traité par la suite.

Anorexie Mentale

L’Anorexie mentale (AM) est un trouble des conduites alimentaires qui se manifeste par une préoccupation pathologique et obsessionnelle de l’apparence et une restriction de la prise alimentaire. Elle peut générer une perte de poids parfois importante qui peut engager le pronostic vital. En cas de très faible poids, l’AM peut être accompagnée d’une aménorrhée qui peut être primaire en cas de développement de l’AM avant la période pubertaire, ou secondaire. L’aménorrhée, autrefois critère diagnostique, n’est plus retenue par le DSM-V du fait d’une activité menstruelle discontinue, d’un critère difficilement applicable aux hommes, aux jeunes filles avant leurs premières règles, aux femmes avec une contraception orale ou les femmes ayant une ménopause.

L’anorexie mentale répond à la définition suivante :

  • Restrictions énergétiques menant à un poids inférieur au poids normal pour le sexe, l’âge et la taille (IMC< 18,5 kg/m² ou> 15 % de perte de son poids de forme) ;
  • Peur intense de prendre du poids et de devenir gros, malgré une insuffisance pondérale ;
  • Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps (dysmorphophobie), faible estime de soi (influencée excessivement par le poids ou la forme corporelle), ou manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle.

Il est souhaitable de distinguer deux types d’AM :

  • de type restrictif : pendant l’épisode d’AM ou sur les 3 derniers mois, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie, ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements). La perte de poids est le seul fait d’une insuffisance d’apports et d’une dépense énergétique augmentée par une pratique d’exercice physique excessif ;
  • de type mixte avec crise de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel d’AM ou sur les 3 derniers mois, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs.

Les premiers symptômes peuvent être frustres : troubles fonctionnels digestifs (surtout constipation), troubles de l’intestin irritable, hyperactivité physique, alimentation très sélective.

Boulimie

La boulimie (autrefois dénommée boulimie nerveuse) est caractérisée par un besoin irrépressible de nourriture (« craving ») non sous-tendue par une sensation physique de faim conduisant à l’ingestion d’aliments en excès (très largement au-delà des besoins) sur une très courte période et sans éprouver un quelconque plaisir. Il s’ensuit un sentiment exacerbé de culpabilité et de honte avec mise en place de stratégies visant à prévenir la prise de poids (manœuvres compensatoires) qui sont le plus souvent des vomissements répétés suivis d’une période de restriction alimentaire, moins fréquemment une prise importante de laxatifs. Parfois les crises boulimiques peuvent s’enchaîner sans réelle période de pause (état de mal boulimique).

Selon la DSM-V, la boulimie répond aux critères diagnostiques suivants :

  • survenue d’un épisode d’hyperphagie incontrôlée c’est-à-dire d’absorptions alimentaires largement supérieures à la moyenne et en peu de temps (< 1 h) associées à une impression de perdre le contrôle des quantités ingérées ou de la possibilité de s’arrêter ;
  • mise en œuvre de comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids (vomissements provoqués, prises de laxatifs ou de diurétiques, jeûnes, exercice excessif) ;
  • avec une fréquence moyenne d’au moins 1 fois par semaine durant au moins 3 mois ;
  • une estime de soi très fortement altérée et perturbée de manière excessive par la forme du corps et le poids ;
  • un trouble ne survenant pas exclusivement au cours d’une période d’anorexie

Comme pour l’anorexie mentale, certains signes d’appel sont souvent retrouvés chez les personnes atteintes de boulimie : une préoccupation excessive de l’image corporelle, une consommation importante de laxatifs, une personnalité impulsive.

Hyperphagie boulimique

L’hyperphagie boulimique (Binge Eating Disorder en anglais) est une entité décrite plus récemment, apparue dans la version révisée du DSM-IV et reconnue comme un TCA typique et à part entière depuis le DSM-V.

Elle est très proche de la boulimie : ingestion d’une grande quantité de nourriture sur une courte période, avec une impression de perte de contrôle. À la différence de la boulimie, les manœuvres compensatoires après crise sont absentes. Cette dernière particularité conduit à une prise de poids importante avec un surpoids, voire une obésité.

Selon le DSM-V, les critères définissant l’hyperphagie boulimique sont :

  • survenue d’épisodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée, c’est-à-dire de prises alimentaires largement supérieures à la moyenne ;
  • association à 3 ou plus des caractéristiques suivantes concernant la prise alimentaire :
    • se déroulant sur un intervalle de temps court ;
    • non induite par une sensation physique de faim ;
    • allant jusqu’à un inconfort abdominal marqué ;
    • isolée, en lien avec la honte des quantités ingérées ;
    • associée à un dégoût, de la déprime, de la culpabilité ;
  • associée à une détresse psychologique ;
  • avec une fréquence moyenne d’au moins 1 fois par semaine pendant au moins 3 mois consécutifs ;
  • sans comportement

Les signes d’appels devant faire penser à une hyperphagie boulimique sont : une prise de poids importante, une personnalité impulsive.

Autres TCA spécifiés

Dans le DSM-V, la catégorie « Other Specified Feeding and Eating Disorder » (OSFED) regroupe 5 TCA spécifiés : trois sont proches des grands troubles typiques décrits précédemment mais n’en présentent pas tous les critères de diagnostics (anorexie mentale atypique, boulimie atypique, hyperphagie boulimique atypique) ; les deux autres TCA spécifiés appartenant au groupe OSFED sont le Purging Syndrome et le Night Eating Disorder.

Anorexie mentale atypique

Le sujet présente une forme proche de l’anorexie mentale typique sans répondre à tous les critères diagnostiques (par exemple : perte de poids non significative, perte de poids significative mais avec un poids normal, absence de peur de grossir…)

Boulimie atypique

Le sujet présente une forme de boulimie où certaines caractéristiques sont manquantes (par exemple : nombre de crises à moins d’une fois par semaine, durée du trouble inférieur à 3 mois…).

Hyperphagie boulimique atypique

L’hyperphagie boulimique est déclarée atypique quand tous les critères habituels font défaut (par exemple : nombre de crises à moins d’une fois par semaine, durée du trouble inférieur à 3 mois, absence de honte ou de culpabilité). L’hyperphagie prandiale est une forme d’hyperphagie boulimique atypique.

Purging Syndrome ou conduites de purge

Il s’agit d’un trouble qui comprend des manœuvres compensatoires visant à influencer le poids mais qui, contrairement à la boulimie, concerne des repas adéquats aux besoins de l’individu. Il est souvent décrit une prise isolée et importante de laxatifs.

Night Eating Disorder ou syndrome d’hyperphagie nocturne ou noctophagie

Ce trouble est caractérisé par des épisodes récurrents de prise alimentaire nocturne, après le repas du soir. Cette prise alimentaire ne doit pas être expliquée par un changement de cycle veille-sommeil, ni par une norme sociale (par exemple période de ramadan). Le trouble provoque une détresse importante et/ou un handicap.

TCA non spécifiés

Le grignotage

Il s’agit d’une forme mineure d’hyperphagie atypique à un degré plus ou moins intense.

L’hyperactivité

Il se caractérise par un besoin irrésistible d’avoir fréquemment une activité physique et/ou intellectuelle importante, qui contribue à contrôler le poids, sans restriction alimentaire ou conduites de purge associées.

Le Pica

Il s’agit de l’ingestion prolongée (plus d’un mois) de substances non comestibles et non nutritives (terre, argile, craie, poussière, pierres, cailloux, plomb, écaille de peinture, cheveux, …).

Le mérycisme

Il se caractérise par des cycles répétés au décours d’un repas de régurgitations provoquées du contenu gastrique suivies d’une mastication, puis ingestion.

Le trouble de sélectivité et d’évitement alimentaire (Avoidant/Restrictive Food Intake Disorder, ARFID)

Il s’agit d’une perturbation de l’alimentation ou du comportement alimentaire qui se manifeste par une incapacité chronique à satisfaire les besoins énergétiques et/ou nutritionnels, en dehors de toute indisponibilité de la nourriture, sans lien avec une interdiction religieuse ou culturelle, sans obsession de contrôle pondéral ou de distorsion de la perception du schéma corporel, et non concomitante de symptômes d’anorexie ou de boulimie, non sous tendue par une pathologie organique ou psychiatrique. Elle se rapproche d’une entité appelée l’orthorexie qui se caractérise par une sélection rigoureuse et souvent obsessionnelle de l’alimentation avec une attention extrême concernant la qualité, la composition des aliments et leur caractère « bon pour la santé » (healthy). L’orthorexie, initialement présentée comme un choix libre et positif de manger sain, peut revêtir une dimension pathologique par son accent obsessionnel, une détresse psychologique en cas d’impossibilité à honorer ses règles auto-imposées, à de possibles évictions croissantes, à adopter des pratiques alimentaires dites « purifiantes ou détoxifiantes », altérant le fonctionnement social.

Épidémiologie des TCA

Prévalence des TCA en population générale

La prévalence des TCA est élevée en population générale. D’après la littérature, la prévalence « vie entière » des TCA typiques (AM, boulimie, hyperphagie boulimie) est de 8,4 % chez les femmes et 2,2 % chez les hommes. On note une augmentation nette de la prévalence entre la période 2000-2006 (3,5 %) et la période 2013-2018 (7,8 %) (3). La prévalence des TCA dans leur spectre large, incluant les TCA atypiques, est encore plus élevée, et peut dépasser 20 % chez les jeunes femmes. Les TCA les plus fréquents sont les troubles compulsifs (hyperphagie boulimie typique ou atypique, NED, grignotage), suivis par les troubles boulimiques (boulimie typique et atypique, Pica) et les troubles restrictifs (AM typique et atypique, sélectivité alimentaire, conduites de purge). Les changements de critères diagnostiques au sein du DSM-V par rapport à la version antérieure (DSM-IV) ont entraîné une augmentation de la proportion de TCA typiques avec une diminution relative de la proportion de TCA atypiques ou non classés, ce qui permet d’avoir un phénotypage plus précis des patients dans les études plus récentes (4). Certaines catégories de la population sont plus à risque de TCA : les femmes entre 18 et 25 ans sont les plus à risque d’anorexie restrictive et de boulimie. Le niveau d’étude est inversement proportionnel au risque d’avoir un TCA sauf pour les troubles restrictifs qui sont plus fréquents chez les personnes avec un haut niveau d’étude. Chez les hommes, la période 18-39 ans est la période de vulnérabilité maximale concernant la boulimie et aussi la période de vulnérabilité minimale concernant l’hyperphagie boulimique (5). Le sex-ratio femmes/hommes évolue de 9/1 pour l’AM à 7/3 pour la boulimie et presque 1/1 pour les troubles compulsifs. L’apparition d’un TCA se fait principalement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. En effet 75 % des cas d’AM ont débuté avant 22 ans et 83 % des cas de BN avant 24 ans (6). L’hyperphagie boulimique débute, elle, le plus souvent après 20 ans, parfois après une période restrictive ou boulimique (7). D’après l’étude NORMANUT 3, 14,3 % des patients consultant en médecine générale en Normandie présentaient un TCA (définition large sur la base d’un questionnaire de dépistage SCOFF-F positif). Le médecin n’avait connaissance de l’existence d’un TCA que chez un patient sur 4 (8). Plus de 70 % des personnes atteintes d’un TCA présentent des comorbidités telles que troubles anxieux (> 50 %), troubles de l’humeur (aux environs de 40 %), consommations à risque de substances (> 10 %) (9). Une étude rouennaise récente a souhaité évaluer l’impact de la pandémie Covid-19 sur la prévalence des TCA chez les étudiants. Cette enquête a porté sur une cohorte de 8 897 étudiants universitaires inclus à différentes périodes (1 872 en 2009, 1 217 en 2012, 1 730 en 2015, 1 478 en 2018 et 3 357 en 2021) dont 69 % étaient des femmes (pas de différence entre les 5 périodes d’inclusion) (10). La prévalence des TCA a augmenté entre 2009 et 2021 : 24,0 % en 2009, 23,1 % en 2011, 20,3 % en 2015, 24,9 % en 2018 et 46,6 % en 2021 (p< 0,0001). Chaque catégorie de TCA a été multipliée par deux entre 2009 et 2021 : de 12,0 % à 26,3 % pour les troubles boulimiques, de 4,7 % à 8,4 % pour les troubles hyperphagiques, de 3,7 % à 5,7 % pour les troubles restrictifs. La prévalence des étudiants avec un IMC> 25 kg/m2 a également augmenté de manière significative, passant de 11,1 % à 18,5 % entre 2009 et 2021 (p< 0,001). La précarité alimentaire, et la santé mentale (dépression et stress) étaient associées significativement à une augmentation du risque de chaque TCA.

Prévalence des TCA en cas de maladies gastro-intestinales

Peu de données sont connues concernant la prévalence spécifique des TCA chez les patients souffrant de pathologies digestives. Une méta-analyse récente de 2022, colligeant 17 études sélectionnées sur une période de publication de presque 70 ans, où les sujets atteints de maladies gastro- intestinales ont été comparés à des sujets sains, ont permis d’apporter un éclairage particulièrement intéressant (11).

TCA et SII

Deux études portant respectivement sur 233 et 456 patients souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable ont repéré, à l’aide d’un questionnaire, un risque de TCA chez 23 à 25 % des patients (12, 13). Une autre étude portant sur 288 patients référés à un gastroentérologue pour dyspepsie et gastroparésie a identifié un trouble de l’alimentation chez 55 % d’entre eux, 24 % présentant des symptômes propres à un ARFID et 6 % répondant aux critères stricts DSM-V d’un ARFID (14). La prévalence du syndrome de l’intestin irritable chez des patients pris en charge au sein d’unités spécialisés en TCA varie de 42 % à 98 % (15). D’autres études incluant à la fois des patients ambulatoires et hospitalisés, tous souffrant de TCA et suivis prospectivement, ont mis en exergue que la majorité des patients (88-98 %) répondaient à au moins un critère de TFI, et 35-49 % à au moins 3 critères (16, 17). La constipation comme l’incontinence fécale sont les situations gastro-intestinales les plus fréquentes chez les patients TCA, et en particulier chez ceux souffrant d’anorexie mentale où la prévalence de ces symptômes peut concerner jusqu’à 38,5 % d’entre eux (18). La dyspepsie fonctionnelle s’observe chez 90 % des patients souffrant d’un TCA, autant en cas d’anorexie mentale que de boulimie, et se présente essentiellement sous la forme d’un inconfort gastrique post-prandial (19). Ce même constat a été fait en cas d’hyperphagie boulimique (20). Il a été même été suggéré que le mérycisme pourrait être favorisé par un terrain de dyspepsie fonctionnelle (21). Les troubles dyspeptiques sont autant décrits chez les patients souffrant de TCA et hospitalisés que ceux pris en charge en ambulatoire (22).

TCA et troubles de la motricité du tractus digestif

Les troubles moteurs de l’œsophage, le reflux gastro-œsophagien pathologique ou encore la dysphagie ont été rapportés pour la plupart sous forme de cas cliniques de patients atteints de TCA (23). Une large étude rétrospective a identifié sur une cohorte de 206 patientes atteintes d’anorexie mentale une dysphagie oro-pharyngée chez 20 % d’entre elles (24). Sur une cohorte de patients hospitalisés pour anorexie mentale (18 500 patients) ou boulimie (11 500 patients), il a été remarqué que la prévalence d’une achalasie était respectivement 3,4 et 4,2 fois plus élevée que chez des patients témoins (25). Les symptômes de reflux gastro-œsophagien sont fréquents en cas de boulimie et exposent à des risques élevés d’endobrachyœsophage ou d’ulcérations œsophagiennes (26, 27. La gastroparésie est bien documentée autant en cas d’anorexie mentale que de boulimie, et moins bien connus en cas d’ARFID (28-32). Il a été mis en évidence un ralentissement significatif du transit colique autant chez les patients anorexiques que boulimiques (33). Enfin, chez les patientes atteintes d’AM, il est fréquent de décrire un prolapsus rectal malgré le jeune âge et l’absence d’antécédents obstétricaux et chirurgicaux, probablement favorisés par l’hyperpression abdominale par efforts de vomissement, l’abus de laxatifs et lavements, la constipation et l’hyperactivité physique d’une part, et les anomalies des tissus conjonctifs et musculaires secondaires à l’amaigrissement d’autre part (33 bis).

TCA et maladie cœliaque

Une méta-analyse récente colligeant 23 études a rendu compte d’une prévalence de TCA (tous confondus) de 9 % chez les patients atteints de maladie cœliaque dont majoritairement de la boulimie. Le risque de présenter concomitamment un TCA de type anorexie mentale était 1,5 fois plus élevée que dans la population générale. À l’inverse, il était noté un taux de maladie cœliaque chez les patients atteints d’anorexie mentale et de TCA tout confondu d’environ 1 % (34). Une large cohorte nationale suédoise s’intéressant au devenir de 17 959 patients avec maladie cœliaque a observé un risque de 50 % plus élevé de développer une anorexie mentale comparativement au risque dans la population générale (35). Les facteurs prédictifs de présenter un TCA étaient le sexe féminin, un âge élevé, un excès pondéral, une maladie cœliaque de longue date, un tempérament anxieux, un terrain familial de TCA, une mauvaise observance du régime sans gluten, une prédisposition génétique (36-40).

TCA et MICI

Les études qui ont porté sur des patients atteints de MICI rapportent toutes des prévalences élevées de TCA. Dans l’étude de Wabich et al. portant sur 109 patients ambulatoires atteints d’une MICI, 13 % étaient à risque de TCA et 81 % présentaient au moins un critère en lien avec un TCA (41). Les sous-populations les plus exposées aux TCA étaient les femmes, les patients à IMC bas, les MICI diagnostiquées dans l’enfance, les patients à terrain anxio-dépressifs et une mésestime de leur schéma corporel. Wardle et al., après avoir soumis à 30 patients souffrant d’une maladie de Crohn des questionnaires visant à identifier des TCA, ont rapporté une prévalence significativement plus élevée de tendance à des conduites alimentaires impulsives (42). En mesurant la dimension qualité de vie en lien avec l’alimentation dans une cohorte de 108 patients atteints de maladie de Crohn ou d’une rectocolite hémorragique, Day et al. (43) ont constaté un score moyen de qualité de vie en lien avec cette dimension alimentation évalué à 75-84 (sur un total de 145), particulièrement altérée en cas de conduites alimentaires restrictives conditionnées par une appréhension alimentaire et une perte d’appétit. Il n’a pas été relevé de différence entre les deux types de MICI. Une MICI active peut induire des troubles alimentaires de type ARFID dans 17 à 53 % des cas, en lien avec une appréhension alimentaire (44, 45).

TCA et patients en parcours de chirurgie bariatrique

À l’échelle mondiale, en 2015, près d’1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids et 609 millions étaient obèses, ce qui représente environ 39 % de la population mondiale (46). Enfin, la nouvelle édition de l‘étude Obépi-Roche a montré une prévalence de 30 % pour le surpoids et 17 % pour l’obésité pour l’ensemble de la population française sur l’année 2020. Aussi, la littérature scientifique a souligné l’influence des TCA (toutes formes confondues) sur l’apparition d’une obésité. En effet, 28,8 % des patients avec un TCA souffrent ou ont souffert d’obésité au cours de leur vie. Parmi ces patients présentant un TCA et une obésité au cours de leur vie, les patients atteints d’hyperphagie étaient les plus représentés (87,8 %), suivis de ceux atteints de boulimie (33,2 %) et des TCA atypiques (21,2 %), enfin de l’anorexie (4,6 %) (47). Dans une revue systématique publiée en 2016, Montano et al. observent une hyperphagie boulimique chez 13 à 27 % des patients inscrits dans un parcours de chirurgie bariatrique alors que sa prévalence est seulement de 2-3 % dans la population générale et de 5 % en cas d’obésité non morbide (48). Une étude prospective monocentrique menée au CHU de Lille a souhaité élargir la recherche de TCA aux OSFED (49). Au total, 150 sujets (73,4 % de femmes) âgés de 41,25 ans (± 12,25), d’un IMC moyen de 43,3 kg/m², ont été soumis à deux questionnaires (Questionnaire of Eatind and Weight Pattern Revised). Si le taux de patients souffrant d’hyperphagie boulimique atteignait seulement 8,72 %, ceux rapportant « manger des quantités de nourriture que la plupart des gens considère comme importantes ou inhabituelles » s’élevait à 76,09 %. Parmi cette population, 52,9 % s’estimait « ne pas être capable de contrôler la façon dont ils mangent ». Par ailleurs, dans ces circonstances de « prises alimentaires inhabituelles » : 68,7 % déclaraient « manger beaucoup plus rapidement que d’habitude », 38,4 % « manger jusqu’à se sentir mal », 75,8 % « manger alors qu’ils n’ont pas vraiment faim », 38,4 % « manger seuls parce qu’ils se sentent gênés », 76,5 % « se sentir déprimés ou dégoûtés d’eux-mêmes ou coupable d’avoir trop mangé ». Les auteurs concluaient qu’une grande proportion des patients obèses sévères présentait des TCA dont la gravité était variable, non répertoriés actuellement, et indispensables à dépister en pré-chirurgie bariatrique pour un meilleur devenir. En effet, la chirurgie bariatrique influe sur les rapports à l’alimentation. La tachyphagie, l’hyperphagie prandiale, et les compulsions pour les aliments sucrés sont améliorées, l’hyperphagie nocturne est stabilisée, en revanche les grignotages progressent (50). Le grignotage est présent chez 17 % à 47 % des patients opérés d’une chirurgie bariatrique (51). Il a été démontré que l’impulsivité et les symptômes dépressifs n’étaient pas corrélés avec la perte de poids, mais les deux sont associés à un comportement alimentaire pathologique (52, 53). D’ailleurs, une meilleure gestion de ses aspects en pré-chirurgie bariatrique par une thérapie cognitivo-comportementale est prédictif d’une meilleure réponse à la perte de poids (54).

Savoir rechercher et identifier les TCA

Le dépistage précoce des TCA constitue un enjeu majeur dans le pronostic de la maladie et de l’adhésion au projet de soins proposés. Il a été montré que les personnes atteintes de TCA consultent plus fréquemment leur médecin traitant que la population générale dans les années précédant le diagnostic. La prise en charge précoce de toute forme de TCA, notamment sub-syndromique (jusqu’à 5 % de la population générale), permet de prévenir le risque d’évolution défavorable (formes chroniques et sévères) et de diminuer le risque de complications (somatiques, psychiatriques et psychosociales). Le repérage précoce est aussi l’occasion de délivrer au patient des informations sur la maladie et ses conséquences. Malgré une étroite interface entre TCA et TFI, il existe une réelle méconnaissance des gastroentérologues dans ce domaine ce qui peut conduire non seulement à un sous-diagnostic, à une errance médicale, à un décrochage du circuit des soins et à un risque élevé de chronicisation. Seule une meilleure connaissance des mécanismes sous-jacents relatifs au lien entre TCA et TFI permettra à tout gastroentérologue d’être éveillé et repérer ces patients.

Mécanismes des troubles fonctionnels intestinaux chez les patients atteints d’un TCA

La physiopathogénie des TCA est complexe, résultant de l’association de différents facteurs biologiques, psychologiques et socioculturels, survenant sur un terrain génétique favorable (55). Les TFI, dont le syndrome de l’intestin irritable est le plus fréquent, reposent sur des mécanismes s’articulant autour de troubles de la motricité, des troubles de l’hypersensibilité viscérale, la dysbiose, les troubles psychologiques et désordres des interactions cerveau-intestin. Par les modifications significatives des apports alimentaires (en excès ou à défaut), par les nombreuses carences induites en macro- et micro-nutriments, par les troubles hydriques (vomissements itératifs ou carence hydrique ou potomanie), les TCA exposent à une franche altération des sécrétions hormonales et neuro-peptidergiques intestinales (ghrêline, CCK, PYY, …), à une dysfonction de l’immunité circulante et viscérale, à une atteinte des plexus myentériques Ces différentes perturbations vont aboutir à divers symptômes : xérostomie, candidose buccale, trouble de la déglutition par une amyotrophie des muscles pharyngés, pseudo-achalasie, reflux gastro-œsophagien, gastroparésie, constipation sévère, anomalies des fonctions hépatiques, troubles de la statique pelvienne. L’abus de certains traitements comme les laxatifs va engendrer des troubles électrolytiques. À l’instar, les traitements prescrits chez les patients TCA comme les régulateurs thymiques ou les psychotropes peuvent engendrer des troubles hépatiques, des troubles sévères du transit sur le versant constipation avec une accentuation de la dysmorphophobie. Les vomissements chroniques, itératifs et provoqués dans certaines formes de TCA peuvent être source d’une œsophagite peptique plus ou moins sévère, d’un syndrome de Mallory Weiss, d’une gastrite chronique par reflux bilio-gastrique, d’une aggravation d’une constipation par troubles hydro-électrolytiques, de prolapsus rectal. Enfin, il est incontestable que les troubles psychiques intrinsèques aux patients souffrant de TCA jouent un rôle considérable dans la survenue des TFI. Les patients qui souffrent de TCA se plaignent souvent de symptômes anxieux en lien avec de l’anxiété généralisée, de la phobie sociale, des troubles obsessionnels compulsifs. Par exemple, bien des anorexiques ont des symptômes obsessionnels ou compulsifs, sans lien avec l’alimentation (rituels de lavage, de comptage, obsessions phobiques…). Les prévalences des troubles anxieux sont généralement deux à trois fois plus importantes chez les sujets souffrant de TCA qu’en population générale (56). Une étude en milieu hospitalier chez des patients présentant une anorexie mentale ou une boulimie retrouvait des troubles de l’humeur chez respectivement 75 % et 85 % d’entre eux (57). Il existe des arguments démontrant un lien entre perturbations du microbiote et dépression (58, 59). Cette potentielle dysbiose en lien avec un terrain anxio-dépressif pourrait exacerber l’hypersensibilité viscérale.

Comment dépister les TCA en gastroentérologie chez le patient ambulatoire

Cette question doit être en ligne de mire chaque fois qu’une situation de TCA est suspectée. Pour autant, le dépistage et le diagnostic sont difficiles car il existe souvent un déni ou une dissimulation du trouble, et rares sont les patients qui l’évoquent spontanément. Bien que la classification des TCA aide à leur diagnostic pour un non expert comme le gastroentérologue, le diagnostic est plus nuancé d’autant que les TCA n’ont pas toujours des frontières cliniques figées. Les recommandations qui vont suivre ont pour but de fournir au gastroentérologue une aide pour être plus vigilant vis-à-vis de maladies étroitement liées à sa pratique.

Situations à très haut risque

Même si ces situations sont essentiellement observées chez les patients hospitalisés, un certain nombre peuvent se rencontrer en consultation de gastroentérologie. Les troubles hydro-électrolytiques dont l’hypokaliémie est la plus fréquente et la plus morbide par ses conséquences sur le rythme cardiaque. Il s’agit d’une conséquence des vomissements itératifs, de diarrhée par abus de certains laxatifs, ou usage de diurétiques. Une hématémèse secondaire à un syndrome de Mallory Weiss peut être une porte diagnostique. Une cytolyse hépatique parfois majeure avec signe d’insuffisance hépato-cellulaire peut s’observer en cas de perte de poids massive sur une courte période (> 20 % en moins de 6 mois) ou en dessous d’un IMC<12 kg/m². Si l’AM est la situation la plus prédisposante à cette dernière complication, cette dernière peut se voir en cas de perte de poids très importante après chirurgie bariatrique avec un patient qui développe un TCA restrictif.

Situations devant éveiller des soupçons

Certaines sous-populations de patients doivent attirer une attention toute particulière : les étudiants, les sujets avec un antécédent familial de TCA, les sportifs professionnels ou pas à haut niveau, les mannequins, les patients exerçant dans le milieu artistique ou plus largement dans des milieux où l’apparence physique est dominant, les patients ayant un terrain anxio-dépressif exacerbé et non stabilisé, les patients en transition de genre, les personnalités avec perfectionnisme envahissant. Dans certains cas, le clinicien peut percevoir des préoccupations excessives autour de l’apparence, du poids et de l’alimentation, une dysmorphophobie, une volonté de contrôle et de maîtrise, un manque de flexibilité mentale, l’apparition récente d’un végétarisme. D’autres situations doivent éveiller une attention toute particulière : variations pondérales (perte ou gain) inexpliquées par une organicité, signes cliniques ou biologiques faisant suspecter des vomissements ou la prise de diurétiques ou de laxatifs, échecs successifs de thérapeutiques symptomatiques bien conduites, troubles de la motricité œsophagienne ou gastrique sans organicité sous-jacente, une aménorrhée primaire ou secondaire.

Outils de dépistage

Dans une revue bibliographique approfondie, S. Chelali a répertorié 71 échelles utilisées pour l’évaluation des TCA, avec 3 types d’outils : les auto-évaluations des TCA (83 %), les interviews standardisées (14 %) et les échelles d’observation directe (2,3 %). Plus de la moitié des outils étaient d’origine anglo-saxonne (66,93 %) (60). Parmi les principales auto-évaluations des TCA en français, il peut être cité : SCOFF-F (Sick,Control, One, Fat, Food-French dans sa version française), EAT-26 (Eating Attitude Test), BULIT (Bulimia test), EDI (Eating Disorders inventory), YFAS (Yale Food Addiction Sacle). Aucun de ces questionnaires ne permet une exhaustivité de diagnostic des différents TCA et chacun aborde les TCA au travers d’approches différentes. De plus, ils se structurent en un nombre très variable d’items, ce qui ne les rend pas tous exploitables dans l’espace d’une consultation médicale : SCOFF-F (5 items) repère un niveau de risque de présenter un TCA, YFAS (25 items) mesure les symptômes de dépendance à l’alimentation au cours des 12 derniers mois selon le DSM-IV, BULIT (32 items) évalue des troubles des conduites alimentaires boulimiques en population générale, EAT-26 (26 items) évalue les comportements et attitudes anorexiques, EDI-2 (91 items se structurant en 11 sous-échelles) estime la fréquence avec laquelle les sujets s’attribuent d’éventuelles particularités dans les modalités mêmes de l’alimentation (61-65). Le questionnaire SCOFF utilise un acronyme pour faire référence aux cinq principaux points abordés dans le test (Sick, Control, One, Fat, Food) (tableau 2). Il a été, conçu en 1999, en Angleterre, par Morgan et al. pour une utilisation par des non-professionnels, pour évaluer la présence éventuelle d’un trouble alimentaire (61). Le questionnaire SCOFF a été testé et validé dans une population de patientes atteintes de TCA et un groupe contrôle. Sa version française – le SCOFF-F – a été validée en 2008. Ce questionnaire est recommandé par la HAS pour le diagnostic des TCA. Le SCOFF-F a la même validité qu’il soit passé à l’oral ou à l’écrit (66). Il constitue un outil simple, rapide (30 secondes) et d’interprétation facile permettant d’établir un niveau de risque de TCA. Le questionnaire est composé de 5 questions dichotomiques. Un point est attribué pour chaque “oui”. Deux réponses positives sont fortement prédictives d’un trouble du comportement alimentaire. Néanmoins, le « National Institute for Health and Care Excellence » (NICE) britannique précise que ce questionnaire seul est cependant insuffisant.

Tableau 2 : Questionnaire SCOFF-F

Savoir orienter la prise en charge du patient TCA

La prise en charge des TCA est particulièrement complexe et doit s’appuyer sur une équipe pluri-professionnelle expérimentée capable d’appréhender les aspects nutritionnels, psychologiques et environnementaux. Il est essentiel d’obtenir une alliance thérapeutique avec le patient pour définir les objectifs thérapeutiques et les moyens pour y parvenir.

Une fois un diagnostic de TCA supposé ou confirmé, il est essentiel que le patient bénéficie d’une prise en charge coordonnée réunissant médecin généraliste, psychiatre et/ou psychologue, diététicienne. Les TFI associés aux TCA doivent relever de la même prise en charge que pour tout patient de gastroentérologie. Il est même important de ne pas minimiser ces symptômes chez ses patients car la persistance des TFI peut constituer un frein majeur à une évolution favorable globale. En cas de TFI de type SII et pour lequel un régime pauvre en FODMAP a été prescrit, le TCA ne peut être évalué et traité qu’une fois le patient sorti de la phase d’exclusion globale. L’Association des Gastroentérologues Américains recommande de rechercher un risque de TCA chez tous les patients traités pour un SII, même s’il n’existe pas de preuve pour penser à une modification du pronostic à co-traiter le TCA par rapport au traitement isolé des symptômes digestifs.

Les données de la littérature sont solides pour reconnaître que les thérapies cognitivo-comportementales sont les modalités thérapeutiques les plus adaptées. Elles ont pour but de travailler sur diverses dimensions : régulariser les caractéristiques de l’alimentation, stratégie de regain pondéral, élargir la qualité et la nature des aliments consommés, prévenir les manœuvres purgatives, travailler sur la perception de l’image corporelle.

Conclusion

Les TCA, de par leurs caractéristiques et leur profil évolutif, exposent à des conséquences gastro-intestinales que tout gastroentérologue doit connaître. De la même manière, de nombreuses maladies digestives peuvent induire un TCA ou exacerber un TCA préalable, que tout gastroentérologue doit savoir repérer. Les morbidités psycho-somatiques sont lourdes, coûteuses et grevées d’un très pauvre pronostic évolutif. Leurs mécanismes multifactoriels sont, pour un certain nombre, communs avec les maladies digestives évoquées et nécessitent une prise en charge pluri-professionnelle.

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