Diagnostic et traitement de la maladie coeliaque : mise à jour des recommandations américaines (American college of gastroenterology)

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Les 5 points forts

  1. La maladie cœliaque (MC) atteint au moins 1 % de la population générale, et peut être diagnostiquée à tout âge. Elle reste sous diagnostiquée en raison de symptômes et de présentation très polymorphes.
  2. Le diagnostic de la maladie cœliaque repose sur la présence sérique d’anticorps anti-transglutaminase IgA. Sa valeur prédictive positive est supérieure à 95 % en cas de taux à plus de 10 fois la valeur normale.
  3. La recherche d’AC anti-transglutaminase est recommandée dans des populations à haut risque : apparentés au premier degré de MC, certaines maladies auto-immunes, syndrome de l’intestin irritable, carences biologiques ou ostéoporose inexpliquées.
  4. Chez l’adulte, la confirmation diagnostique histologique est impérative. Chez l’enfant, les biopsies ne sont plus nécessaires pour confirmer le diagnostic si les anticorps anti-transglutaminase IgA sont très positifs (>10N).
  5. Le traitement de la maladie cœliaque repose sur un régime sans gluten strict. L’objectif principal du traitement est la régression de l’atrophie villositaire contrôlée à deux ans.

Liens d’intérêt

Dr Shar, Sandoz, Takeda, Thermofisher

Mots-clés

Maladie cœliaque ; Anticorps antitransglutaminase ; Atrophie Villositaire ; Régime sans gluten

Abréviations

MC : Maladie cœliaque
RSG : Régime sans Gluten
AV : Atrophie villositaire

Introduction

La maladie cœliaque (MC) ou intolérance au gluten est une entéropathie chronique auto-immune chez des individus génétiquement prédisposés (1). Elle est induite par l’ingestion de gluten, protéine non digestible présente dans le blé, le seigle et l’orge et largement utilisée dans l’industrie agro-alimentaire pour sa capacité texturante et son goût. La MC est caractérisée par une atteinte inflammatoire de la muqueuse de l’intestin grêle et une élévation d’anticorps sériques spécifiques. Les symptômes et signes de la maladie cœliaque sont polymorphes et parfois absents, rendant le diagnostic souvent difficile. Ces dernières décennies ont été marquées par une augmentation du nombre de diagnostic de MC (2) dont la prévalence est estimée à 1 % de la population générale des pays occidentaux (3). Le seul traitement reconnu à ce jour est le régime sans gluten (RSG) à vie dont l’efficacité est bonne, mais l’observance difficile. Des traitements alternatifs sont en cours d’évaluation.

Dans la lignée des dernières recommandations européennes de 2019 (4), l’American College of Gastroenterology (ACG) a publié de nouvelles recommandations en janvier 2023 (5). L’objectif de cet article est d’en identifier les points importants afin d’aider le clinicien dans le diagnostic, le traitement et la surveillance de la MC.

Diagnostic

Le diagnostic de MC est classiquement basé sur l’analyse de biopsies intestinales. Le dépistage a été rendu possible, suite à la mise en évidence d’anticorps circulants spécifiques. La sérologie est alors devenue la première étape diagnostique permettant de sélectionner les patients nécessitant une gastroscopie. Les situations cliniques pour lesquelles une MC peut être recherchée sont nombreuses, diverses et restent controversées. La MC se caractérise par une activation du système immunitaire de l’intestin grêle aboutissant le plus souvent à une atrophie villositaire (AV) de la muqueuse intestinale responsable d’une diminution de la surface d’absorption et d’une réduction fonctionnelle des enzymes digestives. Cela a pour conséquence une fuite intraluminale de liquide, une malabsorption et une maldigestion à l’origine de symptômes digestifs et de déficits métaboliques.

Selon l’ACG, une recherche de maladie cœliaque est recommandée chez les patients avec des symptômes, et/ou des anomalies biologiques compatibles avec une malabsorption, tels que diarrhée chronique avec perte de poids, stéatorrhée, ballonnements et douleurs abdominales. Une recherche de maladie cœliaque peut être évoquée dans d’autres situations moins caractéristiques (tableau 1). Un dépistage sérologique de MC peut également être proposé chez tous les membres de la famille au 1er degré d’un sujet atteint de MC même en l’absence de symptômes. Un dépistage systématique est recommandé chez les patients présentant des symptômes évocateurs d’un syndrome de l’intestin irritable.

Une recherche d’une maladie cœliaque est recommandée chez des patients ciblés avec une suspicion clinique ou biologique évocatrices (tableau 1) et non un dépistage en population générale (Recommandation forte, bas niveau d’évidence).

Tableau 1 : Situations médicales justifiant la réalisation de la sérologie de la MC (réf.5)

Recherche de MC recommandée

Syndrômes fréquemment associés à la MC

Recherche de MC à considérer Syndromes moins fréquemment liés à la MC. Peuvent s’améliorer ou être résolus sous RSG si présence de MC
–      Symptômes ou signe de malabsorption

–      Diarrhée chronique avec perte de poids

–      Diarrhée chronique avec ou sans douleurs abdominales

–      Déficit en fer et anémie inexpliquée

–      Maladie métabolique osseuse et ostéoporose précoce

–      Ballonnements post-prandiaux et flatulences

–      Perte de poids inexpliquée

–      Anomalie inexpliquée du bilan hépatique

–      Découverte fortuite d’atrophie villositaire (Endoscopique et/ou histologique)

–      Dermatite herpétiforme

–      Neuropathie périphéri(a)que

–      Ulcères buccaux

–      Pédiatrie : Cassure de la courbe de croissance

–      Décoloration de l’émail dentaire

–      Maladie thyroïdienne autoimmune

–      Syndrome de l’intestin irritable

–      Syndromes de Turner ou de Down

–      Pancréatite aigüe récidivante inexpliquée

–      Hémosidérose pulmonaire

–      Infertilité masculine ou féminine

–      Dyspepsie

–      Aménorrhée

–      Fatigue chronique

–      Epilepsie ou ataxie

–      Constipation

–      Douleurs abdominales chroniques

–      Arthralgie chronique inexpliquées

–      Sensation de brouillard « brain fog »

–      Maux de tête et migraine récurrents

MC : Maladie cœliaque, RSG : Régime sans gluten

Sérologie de la MC

Les sérologies utilisées pour le diagnostic de MC sont les anticorps anti-transglutaminase (anti-tTG), anti-endomysium (anti-AEM) et anti-gliadine déamidé (DGP). Une sérologie positive rend le diagnostic hautement suspect mais individuellement aucun test n’a une spécificité et une sensibilité suffisante pour imposer un RSG ad vitam. De plus, la performance de ces différents tests varie entre les laboratoires, ainsi pour les anti-tTG la sensibilité peut varier de 63 % à 93 % et la spécificité de 96 % à 100 % (6).

Chez un patient avec régime normal, l’étape initiale consiste à rechercher des AC anti-tTG IgA. Le dosage des IgA totaux doit y être associé afin d’exclure le risque de faux négatif induit par un déficit en IgA. Dans ce cas, la présence d’anti-tTG IgG et/ou anti-DPG IgG doit être recherchée.

En dehors du déficit en IgA, l’apport diagnostique des anti-DPG IgG est discutée. Son élévation isolée n’ayant pas une valeur prédictive significative, sa recherche systématique n’est donc pas recommandée.

Selon l’ACG, la recherche d’anti-AEM chez l’adulte n’est pas proposée en raison de sa disponibilité inconstante et de la variabilité des résultats selon le laboratoire. Toutefois, en cas de taux sériques d’anti-tTG peu élevé ou de situation diagnostique incertaine, nous proposons de l’utiliser comme test de confirmation en raison de sa spécificité élevée (7).

En France, seuls les Ac anti-tTG et AEM (en test de confirmation) sont pris en charge par la SS.

En cas de RSG débuté plus de 2 mois avant les investigations, même en cas de régime imparfaitement suivi, le dosage des anticorps peut devenir faussement négatif. Dans cette situation non exceptionnelle en consultation de gastro-entérologie, un test génétique avec typage HLA DQ2/DQ8 permet d’exclure une maladie cœliaque en cas d’absence de ce phénotype et d’éviter des investigations supplémentaires inutiles (voir paragraphe dédié). Ces stratégies diagnostiques sont synthétisées dans les figures 1 et 2.

Chez l’enfant, les recommandations de l’European Society of Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) (8), préconisent de retenir un diagnostic de MC sans avoir recours aux biopsies duodénales, mais uniquement en cas de symptômes typiques et d’élévation des anti-tTG IgA à une valeur supérieure à 10 fois la limite supérieure de la norme et d’une confirmation par des anti-EMA positif. Chez les enfants de moins de 2 ans, les anticorps anti-tTG IgA et anti-EMA IgA pourraient être moins spécifiques.

Chez l’adulte, cette approche pourrait être utile à l’avenir. Elle n’est pas encore suffisamment étayée dans la littérature pour être recommandée mais semble une tendance inéluctable, avec dans une publication récente une valeur prédictive positive de plus de 95 % dans des groupes à risque (Ciacci et al. ; in press Lancet 2023) en cas d’élévation des anti-tTG IgA à plus de 10 fois la limite supérieure de la norme était de 95 % (9). Une approche sans biopsie peut ainsi être discutée avec les patients en cas de risque endoscopique élevé ou d’un refus d’investigation invasive.

Biopsies duodénales et bulbaires

Chez l’adulte, en cas de sérologie positive, une gastroscopie avec biopsies duodénales doit être réalisée ou en cas de sérologie négative chez un patient avec forte suspicion de MC. En raison de l’atteinte muqueuse hétérogène, plusieurs biopsies sur des sites différents sont nécessaires afin de ne pas méconnaître une AV hétérogéne. La sensibilité des biopsies est augmentée de manière significative lors de la réalisation de 4 biopsies ou plus (10) et 9 à 13 % des patients ont une atteinte limitée au bulbe duodénal (short Celiac) (11). À la lumière de ces données, l’ACG recommande la réalisation d’un minimum de 4 biopsies duodénales au niveau D2 et/ou D3 et d’une à 2 biopsies supplémentaire au niveau du bulbe duodénal.

Les descriptions histologiques de la MC doivent être rapportées selon la classification de Marsh et se caractérisent par une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) (Marsh I), une hyperplasie des cryptes (Marsh II) et une atrophie villositaire décrite comme partielle (Marsh IIIa), subtotale (Marsh IIIb) et totale (Marsh IIIc). Seule la présence d’une atrophie villositaire significative (partielle ou totale) permet d’évoquer le diagnostic de MC.

L’augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) est considérée comme significative dès la présence d’un nombre supérieur ou égal à 25 LIE par 100 cellules épithéliales. Cette lymphocytose sans AV est toutefois fréquente en population générale (5,4 %) (12) et peut être observée en dehors de la maladie cœliaque lors d’infection à H.pylori, de pullulation bactérienne du grêle, de prise de médicament tels que des AINS, d’hypersensibilité au gluten non cœliaque et de maladie de système. Après exclusion de ces étiologies alternatives, une MC peut être considérée et un RSG introduit en cas de sérologie cœliaque positive et de symptômes compatibles.

S’il est fortuitement découvert en endoscopie ou à l’histologie des lésions d’AV compatibles avec une MC avant que le statut sérologique ne soit connu, la recherche d’anticorps selon la stratégie discutée ci-dessus doit être effectuée avant de débuter un RSG.

Une gastroscopie (OGD) avec réalisation de multiples biopsies duodénales (1 à 2 dans le bulbe, et 4 dans D2-D3) est préconisée, chez l’adulte, pour confirmer le diagnostic de maladie cœliaque et éliminer un diagnostic alternatif (Recommandation forte, qualité d’évidence modérée.

Une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux ≥ 25 par 100 cellules épithéliales dans le duodénum sans atrophie villositaire n’est pas spécifique de la maladie cœliaque.

Chez l’enfant, l’association d’un taux sérique d’anti-tTG IgA élevé (> 10 fois la limite supérieure haute) et d’anticorps anti-endomysium positifs est suffisant pour poser le diagnostic de maladie cœliaque sans avoir recours à la gastroscopie et biopsies.

Les mêmes critères peuvent être appliqués aux adultes ayant des contre-indications à une endoscopie (Recommandation conditionnelle, qualité d’évidence modérée).

Figure 1 : Algorithme diagnostique de maladie cœliaque chez un patient déjà sous régime sans gluten selon recommandation de l’American College of Gastroenterology (5)
HLA : Complexe majeur d’histocompatibilité, tTG : Transglutaminase, IgA : Immunoglobuline A, IgG : Immunoglobuline G.

Figure 2 : Algorithme diagnostique de maladie cœliaque chez un patient déjà sous régime normal selon recommandation de l’American College of Gastroenterology (5)
tTG : Transglutaminase, IgA : Immunoglobuline A, IgG : Immunoglobuline G, EMA : Endomysium, LSN : Limite supérieure de la norme, DICV : déficit immunitaire commun variable

Test génétique

Une prédisposition génétique est nécessaire au développement de la MC et l’haplotype DQ2/DQ8 du complexe majeur d’histocompatibilité (HLA) est le mieux étudié. Il est présent chez 97 % des patients avec maladie cœliaque et 40 % de la population générale (13). En cas de résultats clinique, sérologique et histologique discordants ou de patient déjà sous régime sans gluten lors de l’évaluation initiale, la recherche du HLA DQ2/DQ8 peut être utile en raison de sa VPN proche de 100 % permettant d’exclure une maladie cœliaque en cas de résultat négatif.

Traitement

Régime sans gluten

Actuellement, le régime sans gluten reste le seul traitement recommandé permettant un bénéfice sur les symptômes, une amélioration de la qualité de vie et une diminution du risque de complication (14). Les symptômes disparaissent habituellement dans les jours ou semaines suivants le début du RSG (15). La consommation d’avoine qualifié « sans gluten » semble sans conséquence chez la plupart des patients mais pourrait induire une activité immunologique chez un petit nombre. Cette différence de tolérance pourrait être corrélée à la quantité et dépendante de l’origine de l’avoine consommé. Le rythme de la surveillance nécessaire chez ces patients est inconnu.

Le régime sans gluten à vie est actuellement le seul traitement recommandé et efficace de la maladie cœliaque.

La consommation d’avoine qualifié « sans gluten » est autorisée. La contamination de celui-ci par du gluten, la toxicité variable selon le type d’avoine et le faible risque d’une réaction immune à la protéine de l’avoine (Avénine) justifient une surveillance de la tolérance lors de sa consommation. (Recommandation forte, qualité d’évidence modéré).

Probiotiques

Une dysbiose a été observée chez les patients avec un diagnostic confirmé ou un risque familial de MC (16, 17). Toutefois, son rôle dans la pathogenèse et la symptomatologie est incertain. Des études pilotes chez des enfants et adultes atteints ont montré des modifications de la composition du microbiote et des résultats prometteurs ont été obtenus avec améliorations des symptômes lors d’administration de probiotiques (18). Toutefois, aucune étude de suivi sur le long terme n’a été menée et la persistance de l’effet bénéfique dans le temps est inconnue. De plus, des facteurs confondants fréquemment observés chez ces patients, tels qu’un syndrome de l’intestin irritable, rendent les résultats difficilement interprétables. Au final, aucune recommandation pour ou contre les probiotiques ne peut être faite à ce stade en raison de l’absence de preuves scientifiques.

Une dysbiose a été observée chez les patients avec maladie cœliaque, mais son rôle dans la pathogenèse et dans la symptomatologie est incertain. Il n’y a actuellement pas suffisamment d’évidence pour établir des recommandations pour ou contre l’utilisation de probiotiques dans la maladie cœliaque (Absence de recommandation, très bas niveau d’évidence).

Surveillance

La surveillance après instauration d’un RSG consiste en une évaluation de symptômes résiduels, une recherche et une prévention de complications (ostéoporose, vaccination anti-pneumococcique), la vérification de la disparition du taux des anticorps sous RSG (séroconversion) et une recherche d’autres pathologies auto-immunes (diabète de type 1, dysthyroïdie par exemple). L’objectif principal du traitement est la régression de l’atrophie villositaire qui s’observe après une durée médiane de 3 ans d’exclusion du gluten (19). En effet, ce critère pourrait être le plus important pour prévenir les complications telles que les lymphoproliférations, les maladies cœliaques réfractaires et l’ostéoporose (20, 21). Le rythme et les modalités de la surveillance proposée par l’ACG sont résumés dans le tableau 2.

En pédiatrie, l’objectif principal est une croissance et un développement normal et doit être utilisé pour surveiller l’efficacité du RSG.

Chez l’adulte, la guérison muqueuse (mucosal healing) semble être la cible à obtenir, en plus de la réponse clinique et sérologique pour prévenir les complications lymphomateuses. En pratique cet objectif n’est pas atteint chez 20 à 30 % des patients principalement du fait d’un RSG imparfaitement suivi. (Recommandation conditionnelle, faible qualité d’évidence).

Tableau 2 : Approche diagnostique et recommandations de suivi selon l’American College of Gastroenterology (réf.5)

Recommandations de l’American College of Gastroenterology
 

 

 

 

 

 

Diagnostic de maladie cœliaque

Symptômes

Bilan biologique avec :

–      Sérologie Ac antitTg IgA

–      Formule sanguine

–      Vitamines A, D, E, B9 et B12

–      Ferritine

–      Cuivre et zinc

OGD avec biopsies duodénales Consultation diététique

Mise en contact avec association de patients Ostéodensitométrie

 

 

 

 

 

 

3 à 6 mois après diagnostic (1 à 2 visites)

Suivi des symptômes Vaccins (pneumocoque)

Prévention famille (Dépistage apparentés au 1er degré) Bilan biologique avec :

–      Sérologie

–      Formule sanguine

–      Vitamines A, D, E, B9 et B12

–      Ferritine

–      Cuivre et zinc

Consultation diététique si réponse insuffisante* puis :

–      RSG bien suivi : Surveillance ou recherche de causes de MC non répondeuse

–      RSG non suivi : Recherche des obstacles au RSG et Education thérapeutique

 

 

 

 

 

 

1 an après diagnostic

Suivi des symptômes Bilan biologique avec :

–      Sérologie

–      Formule sanguine

–      Vitamines A, D, E, B9 et B12

–      Ferritine

–      Cuivre et zinc

Ostéodensitométrie

Consultation diététique si réponse insuffisante# puis :

–      RSG bien suivi : Surveillance ou recherche de causes de MC non répondeuse

–      RSG non suivi : Recherche des obstacles au RSG et soutien

 

 

 

 

Visites tous les 6 à 12 mois

Suivi des symptômes Bilan biologique avec :

–      Sérologie

–      Formule sanguine

–      Vitamines A, D, E, B9 et B12

–      Ferritine

–      Cuivre et zinc

OGD avec biopsies duodénales (Uniquement à 2 ans après diagnostic) (Voir texte)

OGD : Œsophago-gastro-duodénoscopie, RSG: Régime sans gluten, MC: Maladie cœliaque.
*: Réponse considérée insuffisante à visite 1 : absence d’amélioration des symptômes, absence de diminution du taux sanguin d’anticorps, absence d’amélioration des déficits nutritionnels.
# : Réponse considérée insuffisante à visite 2 : persistance de symptômes ou d’un déficit ou absence de séroconversion

Sérologie durant le suivi du RSG

La recherche d’anticorps anti-tTG IgA ou d’anti-tTG IgG en cas de déficit en IgA doit faire partie du suivi et peut se faire 2 fois la 1ère année, puis annuellement lors du suivi à long terme. Il est principalement utile lors de la présence d’un taux détectable, qui témoigne souvent d’erreurs dans le suivi du RSG. Toutefois, la corrélation entre une sérologie négative et l’absence d’AV n’est pas constante et la disparition des anticorps circulants ne permet pas d’éliminer des erreurs ponctuelles du RSG.

Endoscopie durant le suivi du RSG

L’histologie duodénale reste le meilleur outil pour écarter la persistance d’une AV qui peut être décelée chez un nombre non négligeable de patients. Dans ce contexte, l’ACG propose une gastroscopie avec biopsies duodénales 2 ans après le diagnostic initial. En cas d’histologie normale sur ces dernières, le bénéfice d’un suivi endoscopique à long terme est insuffisant. Une nouvelle gastroscopie avec des biopsies peut être répétée en cas de réponse clinico-biologique insuffisante ou de rechute clinique malgré un RSG bien suivi.

Chez des patients asymptomatiques, des biopsies duodénales 2 ans après l’introduction d’un régime sans gluten peuvent être réalisée pour confirmer la guérison muqueuse.

Lors du suivi à long terme, une gastroscopie avec biopsies duodénales est recommandée en cas de réponse insuffisante au régime sans gluten ou d’une rechute clinique malgré la bonne adhésion au régime sans gluten.

Vaccination

D’après une méta-analyse, les patients avec MC ont un risque de sepsis et de pneumopathie à pneumocoque 2 fois plus élevé que la population générale (23). Un hyposplénisme fonctionnel suspectés par la présence de Corps de Howell-Jolly chez un tiers des patients avec une MC, pourrait être à l’origine de cette augmentation du risque (24). La vaccination antipneumococcique est considérée comme sûre et efficace chez ces patients.

La vaccination contre le pneumocoque chez les patients avec maladie cœliaque doit être proposée (Recommandation conditionnelle, bas niveau d’évidence).

Évaluation de l’adhésion au régime sans gluten

Ces dernières années, plusieurs tests ont été développés pour évaluer la présence de gluten dans les aliments. Leur performance en termes de sensibilité et spécificité limite leur utilisation quotidienne. Le gluten étant dégradé de façon incomplète après son ingestion, il est possible d’en déceler des fragments dans les urines et dans les selles respectivement 2 et 4 jours après une consommation de gluten (25, 26). La détection de ces résidus – nommés peptides immunogènes du gluten (GIP) – est toutefois positive pour des taux inférieurs au seuil toxique chez une majorité de patients et leur utilisation pratique sera limitée par des sensibilités et spécificités inadaptées pour procurer un bénéfice thérapeutique aux patients. Une consultation diététique reste la méthode de référence pour évaluer l’adhésion au RSG, mais son coût (pas de prise en charge en France) et sa disponibilité en limitent l’accès pour les patients.

L’évaluation du suivi du RSG doit être idéalement réalisée lors d’une consultation diététique spécialisée et reste la méthode de référence.

Les tests de détection du gluten dans les selles et les urines (GIP) ne sont pas recommandés en l’absence de bénéfice clinique en termes de qualité de vie et d’observance du RSG. (Recommandation conditionnelle, niveau d’évidence faible).

Maladie cœliaque réfractaire et/ou non répondeuse au RSG

La maladie cœliaque réfractaire est définie comme la persistance de symptômes et/ou de signe de malabsorption avec persistance d’une AV malgré un RSG strict depuis 6 à 12 mois (27). Avant d’en établir le diagnostic, les autres causes d’AV doivent être exclues (cf. Tableau 3). Cette complication est rare et surviendrait chez moins de 1 % des patients atteints de MC (28). La stratégie d’exploration des patients avec des symptômes ou signes évocateurs d’une maladie cœliaque réfractaire est résumée dans la figure 3. La maladie cœliaque réfractaire est divisée en deux sous types selon le phénotype de marqueurs de surface (CD3 et CD8) des lymphocytes T intraépithéliaux (LIE) duodénaux identifié par immunohistochimie ou cytométrie en flux et la présence d’un réarrangement monoclonal du récepteur des lymphocytes T (TCR). La maladie cœliaque réfractaire de type 1 est caractérisée par une population polyclonale et un phénotype CD3/CD8 normal avec expression de surface de ces 2 marqueurs. La prise en charge se base sur une réévaluation du RSG et une élimination des aliments transformés. Malgré l’absence d’étude contrôlée contre placebo, les traitements proposés sont le budésonide en open-capsule, la prednisone, les immunomodulateurs et certaines biothérapies. La MC réfractaire de type 2 est caractérisée par la détection d’un réarrangement clonal lymphocytaire T, une absence du marqueur CD8 et une présence aberrante de CD3 intracytoplasmique des LIE. Elle est assimilée à un lymphome intra épithélial et présente un mauvais pronostic avec un risque de mortalité élevé et de transformation en lymphome T de haut grade (EATL). Les traitements proposés sont le budésonide open-capsule, la cladribine (ou fludarabine) et l’autogreffe de moelle (29). Des traitements utilisant des anticorps anti IL15 ou des inhibiteurs Jak peuvent être proposés après prise en charge dans un centre référent.

Tableau 3 : Diagnostics différentiels d’une maladie cœliaque avec et sans atrophie villositaire (5)

Diagnostics différentiels

Symptômes, signes ou anomalie biologique compatible avec une maladie cœliaque

Avec atrophie villositaires

À exclure avant d’établir le diagnostic de maladie cœliaque réfractaire

Sans atrophie villositaire
–      Entéropathie auto-immune

–      Sprue collagène

–      Sprue tropicale

–      Pullulation bactérienne du grêle

–      Hypogammaglobulinémie et DICV

–      Entérite à éosinophiles

–      Maladie de Crohn

–      Duodénite peptique

 

–      Syndrome de l’intestin irritable

–      Intolérance alimentaire

–      Pullulation bactérienne du grêle

–      Entérite à éosinophiles

–      Maladie de Crohn

–      Colite microscopique

DICV : Déficit immun commun variable.

Figure 3 : Stratégie d’investigation d’une maladie cœliaque avec persistance ou réapparition de symptômes, signe ou anomalie laboratoire sous régime sans gluten selon recommandation de l’American College of Gastroenterology.
RSG : Régime sans gluten, HLA : Complexe majeur d’histocompatibilité, sCD3 : marqueur CD3 de surface cellulaire, iCD3 : marqueur CD3 intracytoplasmique, sCD8 : marqueur CD8 de surface cellulaire

Conclusion

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune induite par la consommation de gluten chez des patients génétiquement prédisposés. Une augmentation de son incidence a été observée ces dernières décennies du fait de l’amélioration des outils diagnostiques mais également en raison d’une augmentation de la fréquence de la maladie. Le diagnostic repose sur la recherche d’anticorps sériques spécifiques (Anticorps anti- transglutaminase IgA) de la maladie cœliaque avec confirmation par des biopsies duodénales pour rechercher une AV. La réalisation de biopsies duodénales n’est plus indispensable pour confirmer le diagnostic chez l’enfant et cette possibilité devrait être prochainement étendue chez l’adulte jeune avec des taux sériques d’Ac antitransglutaminase élevés. Le régime sans gluten reste le seul traitement reconnu efficace pour le traitement de la maladie et la prévention des complications. Son suivi est complexe et son efficacité clinique et histologique reste imparfaite chez 20 à 30 % des patients. Des alternatives thérapeutiques médicamenteuses (endopeptidases, inhibiteurs transglutaminases) sont en cours d’évaluation.

Remerciements

Docteur Olivier Chatelanat (CHU Genève et HEGP) qui a contribué grandement à la rédaction de ce manuscrit.

Références

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  2. Murray JA, Dyke CV, Plevak MF, Dierkhising RA, Zinsmeister AR, Melton LJ. Trends in the identification and clinical features of celiac disease in a North American community, 1950–2001. Clinical Gastroenterology and Hepatology. 2003;1(1):19-27. doi:10.1053/jcgh.2003.50004
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  4. Al-Toma A, Volta U, Auricchio R, et al. European Society for the Study of Coeliac Disease (ESsCD) guideline for coeliac disease and other gluten-related disorders. United European Gastroenterol j. 2019;7(5):583-613. doi:10.1177/2050640619844125
  5. Rubio-Tapia A, Hill ID, Semrad C, et American College of Gastroenterology Guidelines Update: Diagnosis and Management of Celiac Disease. Am J Gastroenterol. 2023;118(1):59-76. doi:10.14309/ajg.0000000000002075
  6. Li M, Yu L, Tiberti C, et al. A Report on the International Transglutaminase Autoantibody Workshop for Celiac Am J Gastroenterol. 2009;104(1):154-163. doi:10.1038/ajg.2008.8
  7. Leffler DA, Schuppan Update on Serologic Testing in Celiac Disease. American Journal of Gastroenterology. 2010;105(12):2520-2524. doi:10.1038/ajg.2010.276
  8. Thompson G, Grover Z, Loh R, et al. Assessment of European Society of Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition (ESPGHAN) guidelines in an Australian paediatric population. Pathology. 2020;52(5):568-575. doi:10.1016/j.pathol.2020.05.002
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