Vidéo session – Comment traiter une perforation colique ?

POST'U 2024

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les facteurs de risque d’une perforation colique per endoscopique
  • Savoir reconnaître une perforation et apprécier sa gravité
  • Connaître les indications du traitement endoscopique et chirurgical
  • Connaître les outils indispensables du traitement endoscopique
  • Savoir surveiller un patient

Les 5 points forts

  1. La prise en charge des perforations endoscopiques doit être multidisciplinaire, et doit idéalement reposer sur un protocole local partagé.
  2. Une perforation pendant une résection muqueuse (mucosectomie, dissection) doit être rapportée dans le compte-rendu en utilisant la classification de Sydney.
  3. La fermeture endoscopique des perforations doit être privilégiée à chaque fois que possible. L’utilisation des clips TTS ou OTS permet le traitement endoscopique ambulatoire des perforations post mucosectomie colique dans 85 % des cas.
  4. Un scanner abdomino-pelvien sans et avec injection doit être rapidement réalisé en cas d’aggravation clinique du patient.
  5. Un échec de fermeture endoscopique, une mauvaise évolution clinico-biologique, une perforation retardée nécessitent une prise en charge chirurgicale.

Liens d’intérêts

  • Consultant : Alfasigma, Norgine, Boston
  • Formation : Olympus, Boston

Mots-clés

perforation, clips, classification de Sydney

Abréviations

Non communiquées

Introduction

La perforation endoscopique est définie par une effraction de la musculeuse avec ou sans effusion de liquide ou d’air au sein des tissus adjacents, ou par la visualisation directe d’un défect de la paroi colorectale (1). Lors d’une coloscopie, on distingue 3 cas de figures :

  • la perforation lors d’une procédure diagnostique liée à l’endoscope lui-même directement (extrémité ou boucle), ou indirectement par barotraumatisme (insufflation).
  • la perforation lors d’une procédure thérapeutique (résection muqueuse le plus souvent, dilatation colique), complication le plus souvent traitable immédiatement et endoscopiquement.
  • la perforation retardée survenant dans les 24-72 h suivant le geste, par nécrose transmurale lors de l’utilisation d’un outil thermique.

Caractéristiques de la perforation lors d’une procédure diagnostique

Il s’agit d’une complication rare mais grave, de l’ordre de 0,06 % dans une étude sur un programme de coloscopie de dépistage, avec une mortalité évaluée à 1,27 sur 10 000 examens (2). Les segments coliques les plus à risque sont le sigmoïde et le cæcum. Une étude rétrospective anglaise montre que les perforations induites par la contrainte de l’endoscope nécessitent le plus souvent une prise en charge chirurgicale et sont associées à une plus grande morbidité que les perforations per geste thérapeutiques (3). Dans une étude récente, un taux de mortalité de 5,9 % est rapporté dans ce contexte, avec un pronostic qui dépend de la précocité du diagnostic (4).

Les facteurs de risques connus de perforation iatrogénique lors d’une coloscopie sont : le patient âgé, les comorbidités élevées, le sexe féminin, une MICI associée à une corticothérapie, le manque d’expérience de l’opérateur, le patient multi opéré au niveau abdominal, la distension colique sur sténose, la diverticulose.

Caractéristiques de la perforation per-geste de résection

Le taux de complication augmente significativement lors des coloscopies thérapeutiques (5). Il est évalué à environ 1,4 % lors d’une résection par mucosectomie, et augmente avec la taille des lésions réséquées : il est de 2,2 % dans l’étude française RESECT-COLON pour des lésions bénignes de plus de 25 mm (6). Après dissection, le taux de perforation est aux alentours de 5 % dans les études asiatiques et européennes (7). Certains facteurs de risques liés à la lésion sont bien décrits comme la localisation au colon droit, taille supérieure à 30 mm, la présence d’une fibrose sous-muqueuse, l’aspect macroscopique de LST non granulaire. Le score SMSA (Size, Morpholgy, Site, Access), (figure 2) permet de classer les lésions coliques en 4 groupes à risque croissant (8). L’expérience de l’endoscopiste est également un facteur significatif de perforation.

La classification de Sydney doit être utilisée pour décrire les perforations post-résection (9) (figure 1), et établir une stratification de la prise en charge. Le signe de la cible (Stade 3 de la classification de Burgess) doit être attentivement recherché.

Type Description
0 Défect sous-muqueux, musculeuse non visible
1 Musculeuse visible mais intacte
2 Perte focale du plan sous-muqueux avec possible atteinte superficielle de la musculeuse ou fibrose rendant l’interprétation difficile
3 Atteinte de la musculeuse (signe de la cible)
4 Perforation sans contamination fécale
5 Perforation avec contamination fécale

Figure 1 : Classification de Sidney des perforations après résection muqueuse recto-coliques selon Burgess et al

Variable Valeur Points
Taille <1 1
1-1,9 3
2-2,9 5
3-3,9 7
>4 9
Morphologie Pédiculé 1
Sessile 2
Plan 3
Site Colon gauche 1
Colon droit 2
Accès Facile 1
Difficile 4

SMSA score : grade 1 (4-5), grade 2 (6-9), grade 3 (10-12), grade 4 (>12)

Figure 2 : Score SMSA selon Sidhu et al

Prise en charge médicale et surveillance

La Société Européenne d’Endoscopie Digestive (ESGE) a mis à jour la prise en charge des perforations iatrogéniques en 2020 (10). La mise en place d’un protocole de prise en charge spécifique à la perforation dans chaque établissement est préconisée. La description précise de la localisation, de la taille, de la gestion endoscopique de la perforation doit être rapportée dans le compte-rendu. L’insufflation au CO2 est primordiale pour éviter la distension abdominale, suivie si besoin d’une exsufflation à l’aiguille du pneumopéritoine selon la tolérance hémodynamique. Une antibiothérapie systémique est prescrite le plus souvent pour une durée de 3 à 5 jours, ainsi qu’une mise au repos du tube digestif. Une hospitalisation est souvent recommandée dans les suites d’une perforation, mais une gestion en ambulatoire est possible en cas de patient asymptomatique, après une fermeture endoscopique satisfaisante.

En cas d’hospitalisation, la prise en charge doit être multidisciplinaire, conjointement avec l’équipe chirurgicale, après information du patient. En cas de traitement conservateur, une réévaluation quotidienne est nécessaire, clinique et biologique. Un scanner doit être réalisé au moindre doute, et permet de faire la différence entre une évolution péjorative de la perforation et un syndrome post résection muqueuse (absence d’épanchement intra péritonéal). Le traitement conservateur permet le plus souvent d’éviter une chirurgie.

Prise en charge endoscopique

Après reconnaissance de la perforation, elle repose sur la fermeture endoscopique du défect musculaire, à partir du stade 3 de la classification de Sydney. Les clips TTS sont classiquement les plus utilisés, pour les perforations jusqu’à 10-15 mm, en rapprochant les berges progressivement (en « fermeture éclair »), avec un succès technique et clinique élevé aux alentours de 90 %. Pour les perforations plus larges, les macro-clips OTS (Over The Scope) peuvent être utilisés, leur utilisation est limitée par la progression dans la lumière colique, parfois difficile. L’utilisation d’une Endoloop couplée aux clips TTS est également décrite par certaines équipes pour les perforations larges> à 25 mm. Enfin, les techniques de suture endoscopique sont maintenant en développement dans cette indication avec un taux de succès significatif, même pour les larges perforations.

En cas de perforation après dilatation d’une sténose colique, une prothèse métallique complètement couverte peut être utilisée.

Prise en charge chirurgicale

La chirurgie reste nécessaire dans plusieurs situations : impossibilité technique de fermeture endoscopique, échec du traitement conservateur avec dégradation clinique du patient, perforation retardée, perforation avec échec de résection. Le scanner abdomino-pelvien avec injection, réalisé en urgence permet de localiser le site de perforation et guide le geste chirurgical. Une cœlioscopie exploratrice est le plus souvent réalisée, suivie soit d’une suture simple de la perforation et drainage au contact, soit d’une résection colique avec ou sans stomie, selon la viabilité de la paroi colique. En cas de chirurgie, selon les séries, le taux de mortalité varie entre 7 et 25 %, avec une morbidité entre 20 et 40 %, un taux de stomie aux alentours de 30 %.

Conclusion

La perforation colique au cours d’une coloscopie diagnostique est un événement rare mais grave, dont la prise en charge est médico-chirurgicale. En cas d’échec de fermeture endoscopique, une prise en charge chirurgicale doit souvent être envisagée rapidement.

La perforation colique lors d’une résection muqueuse est plus fréquente. Son traitement est dans la majorité des cas exclusivement endoscopique, et fait appel, outre à l’utilisation systématique du CO2, à la fermeture par clips et/ou macroclips, à l’antibiothérapie et l’exsufflation si besoin du pneumopéritoine mais avec une surveillance rapprochée dans le cadre d’un protocole médico-chirurgical partagé.

Dans ce contexte, les gastroentérologues réalisant des coloscopies doivent être formés à la fermeture endoscopique par clips et macroclips dans le but d’éviter une chirurgie.

Références

  1. Cotton PB, Eisen GM, Aabakken L, et al. A lexicon for endoscopic adverse events: report of an ASGE workshop. Gastrointest Endosc. 2010 Mar;71(3):446-54
  2. Benazzato L, Zorzi M, Antonelli G, and Veneto Screening Endoscopists Working Group. Colonoscopy-related adverse events and mortality in an Italian organized colorectal cancer screening program. Endoscopy. 2021 May;53(5):501-508. doi: 10.1055/a-1228-9225
  3. Derbyshire E, Hungin P, Nickerson C, Rutter MD. Colonoscopic perforations in the English National Health Service Bowel Cancer Screening Programme. Endoscopy. 2018 Sep;50(9):861-870
  4. Steinbrück I, Pohl J, Grothaus J, et al. Characteristics and endoscopic treatment of interventional and non-interventional iatrogenic colorectal perforations in centers with high endoscopic expertise: a retrospective multicenter study. Surg Endosc. 2023 Jun;37(6):4370-4380
  5. Kothari ST, Huang RJ, Shaukat A, et al. ASGE review of adverse events in colonoscopy. Gastrointest Endosc. 2019 Dec;90(6):863-876.e33.
  6. Fujiya M, Tanaka K, Dokoshi T, et al. Efficacy and adverse events of EMR and endoscopic submucosal dissection for the treatment of colon neoplasms: a meta-analysis of studies comparing EMR and endoscopic submucosal dissection. Gastrointest Endosc. 2015 Mar;81(3):583-95. doi: 10.1016/j.gie.2014.07.034. Epub 2015 Jan 13. PMID: 25592748.
  7. Shahini E, Passera R, Lo Secco G, Arezzo A. A systematic review and meta-analysis of endoscopic mucosal resection vs endoscopic submucosal dissection for colorectal sessile/non-polypoid lesions. Minim Invasive Ther Allied Technol. 2022 Aug;31(6):835-847. doi: 10.1080/13645706.2022.2032759. Epub 2022 Feb 3. PMID: 35112654.
  8. Sidhu M, Tate DJ, Desomer L, et al. A, Raftopoulos S, Singh R, Williams SJ, Zanati S, Burgess N, Bourke MJ. The size, morphology, site, and access score predicts critical outcomes of endoscopic mucosal resection in the colon. Endoscopy. 2018 Jul;50(7):684-692
  9. Burgess NG, Bassan MS, McLeod D, et al. Deep mural injury and perforation after colonic endoscopic mucosal resection: a new classification and analysis of risk factors. Gut. 2017 Oct;66(10):1779-1789
  10. Paspatis GA, Arvanitakis M, Dumonceau JM, et al. Diagnosis and management of iatrogenic endoscopic perforations: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Position Statement – Update 2020. Endoscopy. 2020 Sep;52(9):792-810