[Atelier 3] Responsabilité médicale, information et consentement éclairé, assurances, réponses téléphoniques

Information et consentement éclairé

Le code de Déontologie (article 35 du NCD) fait obligation au médecin d’informer son patient préalablement à tout acte médical afin d’obtenir son consentement éclairé. L’article 16-3 du code Civil précise :  » Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir « .

Preuve de l’information

Inversion de la charge de la preuve :
Alors que le patient devait prouver que le médecin n’avait pas rempli son obligation d’information, ce qui était souvent difficile, voire impossible dans de nombreux cas, un arrêt de la cour de Cassation du 25 février 1997 a inversé la charge de la preuve. Désormais, il appartient au médecin de prouver qu’il a bien informé son patient des risques de son intervention et qu’il a ainsi obtenu son consentement éclairé.

Preuve par tous moyens :

La jurisprudence exerçant un effet rétroactif et la pratique médicale antérieure n’étant pas, sauf cas particulier, en matière de chirurgie esthétique notamment, d’établir des documents à délivrer aux patients antérieurement à une intervention, il devenait très difficile pour les médecins mis en cause sur le fondement du défaut d’information de prouver qu’ils avaient effectivement rempli leur obligation. Un nouvel arrêt de la Cour de Cassation du 14 octobre 1997 a précisé que la preuve pouvait être faite par  » tous moyens « , excluant de ce fait le caractère obligatoire d’un document écrit.

L’écrit : L’information doit être personnalisée ; son but essentiel est de recueillir le consentement éclairé du patient, elle ne saurait se limiter à un écrit dont on peut du reste craindre qu’il ne constitue la preuve que toute l’information n’a pas été donnée, puisque celle-ci doit porter sur les risques graves, même s’ils sont exceptionnels (cf. rapport de l’ANAES accessible sur le site web de l’agence). S’inscrivant dans le colloque singulier qui s’établit entre le médecin et son patient, l’information doit avant tout être orale, s’effectuer dans une parfaite clarté et s’accompagner de toutes les explications souhaitables.

Dans ces conditions, l’écrit n’a pour rôle que de récapituler les éléments déjà exposés au patient afin de lui permettre de réfléchir à sa décision et de reconsidérer son consentement le cas échéant.

C’est dans cet esprit que doit être comprise la notion de délai entre la délivrance de l’information et la réalisation de l’acte médical.

Le témoignage : Le témoignage d’une personne ayant eu connaissance des faits, en particulier du préposé du médecin (plus souvent par attestation selon les règles du Nouveau code de procédure Civile que par audition par le juge) peut être utile, bien que discutable du fait du lien de dépendance, on ne peut cependant demander l’impossible et rejeter les moyens de preuve par témoignage que peut produire le médecin mis en cause, alors qu’en vertu du caractère rétroactif de la jurisprudence, il est tenu de prouver qu’il a informé son patient pour des faits qui se sont déroulés antérieurement au 25 février 1997, à une époque où il n’était tenu de garder aucune preuve.

La présomption : La qualité du dossier médical présente là tout son intérêt en tant que preuve objective. La notion d’une ou plusieurs consultations antérieures à l’acte médical litigieux, le délai qui s’est déroulé entre la consultation et l’acte lui-même, les échanges de courrier entre le médecin mis en cause et son correspondant, la teneur des notes médicales consignées dans le dossier : données de l’interrogatoire, de l’examen clinique, etc… permettent d’analyser la qualité de la pratique du médecin mis en cause et d’en conclure à une présomption raisonnable d’information.

» Contenu de l’information

Le médecin est tenu d’obtenir le consentement éclairé de son patient. Il convient donc que l’information porte sur tous les aspects de l’acte médical : indication, réalisation et surveillance postopératoire.

Selon l’article 35 du Code de déontologie médicale, le médecin doit à son patient « une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

Alors qu’habituellement le contenu de l’information à délivrer au patient était essentiellement fonction de la fréquence du risque, l’idée dominante étant qu’il ne fallait pas donner une information susceptible de décourager le patient d’accepter un acte médical utile à son état, dans un arrêt du 7 octobre 1998, la Cour de Cassation a surtout pris en compte sa gravité, considérant que tout risque grave de complication même exceptionnel devait être mentionné au patient.

Le médecin doit donc délivrer à son patient une information appropriée sur l’indication de l’examen ou du soin afin de le sensibiliser sur son intérêt, ce qui suppose une information sur son état actuel, son évolution prévisible, les conséquences thérapeutiques et les risques de l’acte médical projeté. Cette information doit être délivrée en termes appropriés et adaptée à la réceptivité du patient qui ne doit pas être inutilement inquiété ni au contraire faussement rassuré.

Sachant toute la difficulté que représente l’information du malade, lequel ne retient bien souvent qu’une très faible partie de ce qui lui a été dit, voire ne retient rien du tout ou retient au contraire un souvenir totalement erroné, et qu’en matière de responsabilité médicale, lorsque l’argument du défaut d’information est évoqué, le malade déclare formellement n’avoir pas été informé, on conçoit la complexité du problème, l’objectif du médecin n’étant pas de constituer des preuves à décharge en cas de complication mais de soigner son patient.

» Circonstances particulières

Dans le cas d’un examen ou d’un soin programmé par le médecin, il est relativement aisé de répondre aux obligations nouvelles concernant l’information.

Dans les autres cas, la situation se présente différemment :

– Cas d’urgence :
Il n’est le plus souvent pas possible pour le médecin de respecter les conditions décrites plus haut. Dans ces conditions, l’urgence prime et il ne pourrait être reproché au médecin de ne pas avoir recherché le consentement éclairé d’un patient dont l’état requérait un soin urgent. Un arrêt récent de la Cour de Cassation a du reste considéré que le patient ne pouvait reprocher un défaut d’information dès lors que de toute manière son état ne lui aurait pas permis de refuser l’intervention.

– Soins réalisés le jour de la consultation :
Dans bon nombre de cas, le patient est adressé au médecin pour réaliser un examen dont l’indication a été posée par le médecin traitant. Cette situation peut s’observer dans de nombreuses spécialités, notamment en radiologie et en endoscopie.

Les endoscopies à visée diagnostique, prescrites pour des manifestations cliniques aiguës en vue de prescrire le plus rapidement possible un traitement approprié ne peuvent être aisément différées et la frontière est difficile à distinguer entre les véritables urgences pour lesquelles la question est clairement tranchée (cf. supra et ces semi-urgences pour lesquelles il n’y a pas de solution clairement définie.

De telles situations constituent des cas d’espèce pour lesquels l’appréciation  » in concreto  » des faits telle qu’analysée précédemment prend tout son sens.

Il n’empêche cependant que même dans ces circonstances, le respect du devoir d’information s’impose, tant au médecin prescripteur qu’à celui qui réalise la prescription et en l’absence de consultation préalable, il sera bien difficile pour le gastro-entérologue de prouver qu’il a effectivement correctement informé son malade et qu’il a obtenu son consentement éclairé.

Les assurances

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’assurance en responsabilité civile professionnelle n’est pas obligatoire pour les médecins. Il convient cependant de reconnaître qu’il serait particulièrement imprudent pour les médecins de ne pas s’assurer, puisque dans un tel cas, ils doivent répondre de leur responsabilité sur leur propre patrimoine.

Le nouveau Projet de Loi sur le Financement de la Sécurité Sociale du gouvernement prévoyait du reste de rendre cette assurance obligatoire.

» Le contrat d’assurance

Le médecin qui s’assure a tout intérêt à choisir une Société d’Assurance connaissant bien les questions de responsabilité médicale qui sont assez spécifiques et ne se traitent pas comme n’importe quel sinistre. Il existe des sociétés spécialisées qui ne sont toutefois pas les seules et un certain nombre de grandes Sociétés Généralistes ainsi que des Sociétés de Courtage assurent également ce type de responsabilité.

Certaines compagnies d’assurances spécialisées adoptent des positions extrémistes, faisant obligation à leurs adhérents de recueillir le consentement de leurs patients par écrit. Cette obligation doit être refusée car elle est particulièrement dangereuse pour le gastro-entérologue. Dès l’instant, en effet, où il a accepté cette obligation, elle peut lui être opposée par l’assureur en tant que cause d’exonération de la garantie.

Indépendamment du sérieux de la Société et de sa réputation, le critère de choix dépend également du contrat proposé qui doit prendre en compte de manière très précise les conditions d’exercice du médecin souscripteur, en particulier en hépato-gastro-entérologie, domaine dans lequel tous les spécialistes ne font pas toujours les mêmes explorations.

Le médecin doit donc étudier son contrat de manière très approfondie et ne pas hésiter à faire établir un avenant indiquant tous les éléments qui lui paraissent essentiels pour définir parfaitement ses conditions d’exercice.

Il doit également veiller à ce que soit clairement précisé qu’il ne faut pas confondre les déclarations de sinistre avec les mises en cause, car un certain nombre de Sociétés comptabilisent les sinistres, qu’il y ait ou non mise en cause du médecin et résilient le contrat de leur adhérent au bout de trois déclarations.

» En cas de sinistre

• Position du médecin vis-à-vis de son patient :

Le médecin doit avant tout communiquer avec son patient et avec sa famille. Il doit préciser ce qui s’est passé sans tenter d’esquiver les réponses aux questions qui lui sont posées. Il ne doit pas pour autant reconnaître une quelconque responsabilité dont l’analyse relève d’une étude médicale attentive de la situation.

Le fait d’avoir préalablement informé le patient des risques de complications préalablement à l’examen facilite d’autant plus le dialogue que les explications antérieures auront été bien comprises.

Beaucoup d’affaires de responsabilité médicale naissent d’un manque de communication, le patient ayant alors l’impression que le médecin lui cache quelque chose et en concluant tout naturellement qu’il se sent donc fautif.

• Position du médecin vis-à-vis de son assureur :

– Déclaration du sinistre : Le médecin doit réellement s’impliquer dans la gestion de son dossier ; il ne doit pas s’engager vis à vis de son patient au nom de son assureur afin de laisser ce dernier agir au mieux de ses intérêts ; en revanche, il ne doit pas hésiter à informer son assureur, même s’il ne fait pas l’objet d’une mise cause, en tenant compte des réserves exposées plus haut.

– Instruction médicale du dossier : Le médecin doit s’enquérir de la manière dont sera envisagée la gestion médicale de son dossier, sachant naturellement que l’assureur se réserve le droit de gérer l’affaire comme bon lui semble au plan juridique.

Ainsi, un assureur considérant que son assuré est susceptible d’être condamné par un tribunal, préférera-t-il dans certains cas, transiger à l’amiable plutôt que se laisser assigner ; étant le payeur, il est normal qu’il se réserve le droit de gérer l’affaire comme il l’entend.
Le médecin doit par ailleurs se faire communiquer le nom de l’avocat qui sera chargé de le défendre, ainsi que celui du médecin qui sera chargé de l’assister.
Il a tout intérêt à rencontrer ces professionnels le plus rapidement possible pour étudier soigneusement son affaire, de sorte que son dossier soit parfaitement instruit et que sa défense puisse être soigneusement organisée.

• Présence du médecin à l’expertise judiciaire :

Pour le cas où l’affaire vient au Tribunal, qu’elle relève de la juridiction pénale ou civile, le médecin mis en cause doit impérativement être présent aux opérations d’expertise judiciaire afin de pouvoir répondre à toutes les questions de l’expert et faire le cas échéant toutes les observations qui lui paraissent souhaitables dans l’intérêt de la vérité.
Conformément au dicton, les absents ont toujours tort et pour le médecin qui n’aurait pas assisté à l’expertise portant sur une affaire le concernant, il lui serait bien difficile de contester a posteriori des déclarations faites par un patient de mauvaise foi.

Réponses téléphoniques

Le téléphone est un moyen de communication très commode dont il convient toutefois de mesurer l’incidence en matière de responsabilité.

Chaque médecin sait qu’à partir du moment où il répond au téléphone, il engage vis à vis de son interlocuteur une responsabilité dont il doit mesurer l’importance :

– Défaut d’assistance :
Le médecin sollicité par téléphone pour se déplacer afin d’examiner une personne est tenu de le faire, sauf à risquer de voir sa responsabilité engagée pour non assistance à personne en danger pour le cas où une complication surviendrait. Il est donc très important de mesurer la dimension médico-légale de l’appel téléphonique et d’y apporter une réponse adaptée. Ainsi, à moins de pouvoir répondre lui-même sans difficulté à tout appel, il est certainement préférable pour le médecin de faire en sorte que la réponse à l’appel téléphonique qui lui est adressé soit toujours appropriée à la situation.

– Permanence des soins : Le Code de Déontologie rappelle aux médecins qu’il sont tenus d’assurer la permanence des soins, d’où l’intérêt de mettre en place un système de garde et d’astreinte approprié permettant de répondre à ces exigences, tout en tenant compte des réalités de l’exercice, sachant qu’il peut arriver au médecin sollicité d’être indisponible pour des raisons diverses. C’est ainsi que deux moyens peuvent être utilement utilisés :

– La mise en place d’un répondeur téléphonique au moment de la fermeture quotidienne du cabinet répercutant les appels sur un numéro permettant d’assurer la permanence requise est souhaitable (numéro d’appel du médecin, numéro du service de garde en clinique ou à l’hôpital).

– La délivrance au décours de l’examen réalisé par le médecin d’un document précisant le numéro téléphonique où il peut être joint à tout moment ou bien, à défaut, celui de l’établissement où le patient peut se rendre 24 h sur 24 en cas d’urgence ou de complication quelconque, à charge pour ce dernier de prévenir le médecin appelé, son remplaçant ou le médecin de garde.

– Consultation téléphonique :
Le médecin qui répond au téléphone et délivre un conseil à un patient doit avoir conscience qu’il engage sa responsabilité et veiller à ce que ses réponses soient appropriées à ce mode de communication. Il ne doit pas hésiter, en particulier à inviter le patient à venir le consulter au moindre doute, d’autant qu’il ne dispose pas dans de telles conditions de tous les éléments nécessaires pour mesurer avec précision dans quelle mesure ses conseils sont compris.