Échographie du tube digestif

Au début de l’échographie abdominale, de volumineuses tumeurs ou des épaississements anormaux donnaient des aspects en «cible» décrits par certains auteurs comme des images de «pseudo-reins».
La barrière acoustique due aux gaz digestifs a longtemps été considérée comme infranchissable. En fait, l’utilisation de la technique de compression dosée permet non seulement d’éliminer la majeure partie des interpositions gazeuses mais aussi de réduire la distance entre la sonde et la structure digestive à explorer. Depuis une dizaine d’années, les progrès des appareils avec des sondes à haute fréquence, le doppler pulsé pour la recherche d’anomalies de flux mésentérique, l’imagerie harmonique, les sondes multi-fréquence et/ou à large bande, l’amélioration des techniques de focalisation et le traitement numérique de l’image permettent de visualiser non seulement des parois situées profondément jusqu’à 10 cm de profondeur, mais aussi de discerner les différentes couches «histologiques» décrites en premier par l’écho-endoscopie.
Les structures visibles en échographie correspondent aux couches histologiques elles-mêmes et aux interfaces entre les différentes couches.Ainsi, à partir de la lumière digestive, on distingue 5 couches échographiques successives :

  • une première ligne très échogène, généralement fine, qui correspond à l’interface entre la lumière digestive et la muqueuse;
  • une deuxième couche hypoéchogène, d’épaisseur variable mais généralement assez fine correspondant à la partie profonde de la muqueuse y compris la muscularis mucosae;
  • une troisième couche hyperéchogène, centrale, d’épaisseur plus importante correspondant à la sous-muqueuse et à l’interface entre la sous-muqueuse et la musculeuse;
  • une quatrième couche hypoéchogène dont l’épaisseur varie beaucoup en fonction du segment digestif exploré, correspondant à la musculeuse;
  • une cinquième couche hyperéchogène, généralement assez fine, correspondant à la séreuse et à son interface avec la graisse sous-séreuse.

L’estomac

Il peut être exploré du cardia jusqu’au pylore, son exploration est rendue plus aisée par l’ingestion d’eau, qui permet une meilleure étude de la paroi postérieure.

L’adénocarcinome gastrique
Dans sa forme classique, il donne un épaississement pariétal hypoéchogène, mais il peut être échogène et hétérogène.
 
 
Le lymphome gastrique
Il se présente soit sous forme tumorale difficile à différencier d’un adénocarcinome, soit sous forme infiltrante, mais sans diminution de la lumière gastrique. Dans les deux cas, de grosses adénopathies cœliaques sont retrouvées.
 
 
Les ulcères
Ils sont rarement vus à l’échographie sauf en cas de perte de substance importante et se manifestent par une image échogène au sein d’un épaississement hypoéchogène de voisinage.
 
 
Les gastrites
Les gastrites infectieuses ou inflammatoires (gastrite de Ménétrier) se traduisent par un épaississement diffus, échogène à prédominance superficielle, respectant la musculeuse.

Le grêle

L’échographie de l’intestin grêle est réalisée à l’aide d’une sonde 7,5 Mhz haute résolution après examen général de l’abdomen par une sonde 3,5 Mhz. L’étude échographique de l’intestin grêle comprend l’analyse du jéjunum, de l’iléon et de la dernière anse iléale. L’ensemble des anomalies échographiques est interprété en corrélation avec les données cliniques et biologiques.

Les tumeurs du grêle
Elles ne représentent que 6% des tumeurs du tube digestif. Elles peuvent être bénignes ou malignes (58% des cas).

TUMEURS BENIGNES
Souvent de petite taille, il peut s’agir de tumeur conjonctive (léiomyome, lipome), épithéliale (adénome), lymphatique (lymphangiome ou kyste mucineux intestinal).
Le léiomyome et l’adénome sont hypoéchogènes, le lipome hyperéchogène, le lymphangiome, souvent dépressible, transsonore, multikystique.
Toutes ces tumeurs peuvent se révéler par des invaginations avec les images classiques en «cocarde» ou en «sandwich» en coupe longitudinale.
 
    LES TUMEURS MALIGNES DU GRELE
    1. Le lymphome: il représente 30% des tumeurs malignes. Il s’agit le plus souvent d’un lymphome malin non Hodgkinien secondaire:
      – forme pseudo-anévrismale avec un épaississement pariétal hypoéchogène incompressible;
      – forme multinodulaire.
      Les adénopathies souvent volumineuses sont présentes dans 58% des cas.
    2. La tumeur carcinoïde: elle représente 15% des tumeurs malignes du grêle et est localisée dans 90% des cas au niveau de l’iléon ou de l’appendice. Il s’agit le plus souvent d’un nodule, hypoéchogène bien circonscrit, sous-muqueux.
    3. Les métastases: le mélanome est une cause très fréquente de métastases jéjunales, à l’origine d’invaginations. Les autres cancers primitifs métastasant à l’intestin grêle sont les néoplasies pulmonaires, mammaires, utérines et digestives. Toujours hypoéchogènes, il peut s’agird’une grosse masse hypoéchogène pariétale excentrique ulcérée, d’un nodule mural hypoéchogène bien limité ou d’une sténose annulaire hypoéchogène segmentaire.
    4. Le léiomyosarcome: il s’agit d’une tumeur assez rare avec une croissance lente et de découverte tardive. Echographiquement, il s’agit d’une tumeur volumineuse très hétérogène souvent nécrosée, excentrée, irrégulière et vascularisée.
    5. L’adénocarcinome: rare, il s’agit d’une masse hypoéchogène infiltrant toutes les couches de la paroi de façon circonférentielle et sténosante. Images classiques en «pseudo rein».
     
     
    Les iléites infectieuses
    Elles s’accompagnent d’un contexte clinique, associant diarrhée, fièvre, douleurs abdominales et nausées. La localisation préférentielle est au niveau de l’iléon terminal. On observe un épaississement iléo-cæcal qui peut être nodulaire, une augmentation du complexe muqueux/sous-muqueux, la persistance d’un aspect normal de la musculeuse, des adénomégalies pouvant atteindre 2 cm.
     
     
    La maladie de Crohn
    Il existe une atteinte de la dernière anse iléale pure dans 30% des cas et iléo-colique dans 50% des cas. L’aspect échographique est extrêmement polymorphe; dépendant de l’évolution, de l’ancienneté et de la gravité de la maladie.
    – L’épaississement pariétal: il est concentrique, symétrique et régulier avec persistance dans un premier temps de la différenciation pariétale des 3 couches puis atteinte globale (muqueuse, sous-muqueuse, musculaire) dans les formes plus évoluées avec une paroi hypoéchogène dans sa totalité, des ulcérations hyperéchogènes intra pariétales, des travées hypoéchogènes dans la graisse avec un raccordement pariétal, traduisant la présence de fistules borgnes ou communiquant avec un autre organe creux, une graisse très hyperéchogène et incompressible, en rapport avec une sclérolipomatose, un phlegmon ou un abcès.
    – Dans les formes évoluées, la paroi est totalement hypoéchogène, dédifférenciée avec un aspect rigide et sténosantavec dilatation d’amont du grêle.
     
     
    Le grêle radique
    Il s’agit de lésions vasculaires, avec d’abord des ischémies évoluant vers la fibrose. La paroi est épaissie et hypoéchogène. L’épaississement est segmentaire, régulier et symétrique, la graisse est infiltrée, des fistules sont possibles.
     
     
    L’iléite ischémique
    Il s’agit de patients présentant un terrain polyvasculaire ou des troubles du rythme, seule l’iléite ischémique subaiguë présente des anomalies de la paroi du grêle.
    On visualise: une paroi épaissie, hypoéchogène et dédifférenciée. A noter dans l’ischémie aiguë, une nécrose pariétale. Un doppler des vaisseaux cœliaques et mésentériques doit être réalisé.
     
     
    Les vascularites
    En échographie, il existe: un épaississement pariétal, multinodulaire, hypoéchogène sous-muqueux. Cet aspect «bulleux» de la sous-muqueuse est considéré pour certains auteurs, spécifique d’une localisation de vascularite.

    Le colon

    L’ensemble des auteurs s’accorde aujourd’hui pour fixer à 4 mm l’épaisseur de la paroi colique normale.

    La maladie diverticulaire
    Les performances diagnostiques de l’échographie et de la TDM chez les patients présentant une suspicion clinique de diverticulite aiguë, sont identiques.
    Les critères échographiques de diverticulite peuvent être classés en deux groupes :
    • LES CRITERES D’ATTEINTE PARIETALE:
      – épaississement de la paroi colique évalué à 4 mm et englobant un segment d’au moins 5 cm de long;
      – présence d’une ou plusieurs images diverticulaires correspondant à une formation nodulaire échogène entourée d’un liseré hypoéchogène, siégeant au contact de la paroi colique.
    • LES CRITERES PERI-DIGESTIFS:
      – infiltration de la graisse péri-colique sous la forme d’un halo hyperéchogène péri-sigmoïdien,
      – une collection liquidienne et/ou aérique péri-colique correspondant à un abcès.
      Le diagnostic de diverticulite repose sur l’association de critères pariétaux et de critères péri-digestifs. On distingue: la diverticulite simple, la diverticulite avec phlegmon reposant sur la présence d’une masse hypoéchogène mal circonscrite de topographie para-colique siégeant en regard de diverticules perforés, la diverticulite avec abcès péri-colique, correspondant à une collection de taille variable mais surtout limitée par le méso.
     
     
    L’adénocarcinome colique
    Il peut s’agir d’un syndrome de masse localisé («bulky mass»): masse volumineuse souvent supérieure à 5 cm de diamètre, aux contours irréguliers et lobulés avec une lumière excentrée; ou d’un épaississement segmentaire avec un épaississement marqué généralement supérieur à 15 mm, atteignant un court segment colique, inférieur à 10 cm, à raccordement brutal. Cette atteinte est non circonférentielle ou circonférentielle de manière asymétrique avec une perte de la différenciation des différentes couches pariétales.
     
     
    Les colites inflammatoires
    LA MALADIE DE CROHN COLIQUE

    Topographiquement, elle touche tous les segments coliques, les lésions sont discontinues dans 30% des cas, l’atteinte colique isolée n’est présente que dans 20% et prédomine à droite.
    Echographiquement, il existe un épaississement pariétal supérieur à 13 mm, concentrique avec une dédifférenciation des couches en fonction de la sévérité de l’atteinte.
    L’atteinte transmurale se traduit par une ulcération profonde avec une perte focalisée de la différenciation des couches pariétales et un amincissement de la sous-muqueuse.
    L’atteinte péri-digestive donne une hypertrophie échogène de la graisse péri-digestive: sclérolipomatose avec des trajets linéaires hypoéchogènes correspondant à des fistules lorsqu’ils sont mesurés à plus de 5 mm d’épaisseur. Ces fistules peuvent être borgnes ou communiquer avec un autre segment digestif, la peau, les viscères abdominaux,…
    LA RECTOCOLITE HEMORRAGIQUE

    Topographiquement, il existe une atteinte recto sigmoïdienne dans 95% des cas. L’épaississement pariétal est modéré: pas plus de 7 mm en moyenne, prédominant sur la sous-muqueuse, la différenciation est longtemps conservée, l’atteinte transmurale est absente, il n’y a pas de pénétration de la muscularis mucosae.
     
     
    Colite ischémique
    Les segments affectés en priorité correspondent aux jonctions entre la distribution des territoires mésentériques supérieur et inférieur (angle colique gauche) et la zone anastomotique entre le territoire de l’AMI et le territoire hypogastrique (jonction recto-sigmoïdienne). Dans 60% des cas, il s’agit de l’hémicolon gauche, l’angle colique gauche est atteint dans 15% des cas, le colon gauche 25%, le colon sigmoïde 22%, le rectum 5%.
    Il existe deux formes cliniques:
    – la gangrène ischémique colique souvent rapidement fatale;
    – l’ischémie colique transitoire, spontanément résolutive.
    Echographiquement, la longueur moyenne du segment affecté est de 19 cm, l’épaississement est modéré de 8 mm, l’atteinte est circonférencielle avec une perte complète de la différenciation. Au doppler, il n’y a pas de flux couleur et de signal artériel intra-mural.
     
     
    Colites infectieuses
    L’épaississement œdémateux de la paroi prédomine sur le complexe muqueux-sous-muqueux.
    La colite pseudo membraneuse due à clostridium difficile est une atteinte pan-colique avec de l’ascite dans 77% des cas, l’épaississement pariétal est le plus souvent marqué (6 à 28 mm) avec respect relatif de la musculeuse hypoéchogène. Les pseudo-membranes seraient responsables, d’après Rioux, d’une interface échographique supplémentaire hyperéchogène.
    Il est très difficile de reconnaître échographiquement les autres colites bactériennes.

    Pathologie appendiculaire

    L’examen est réalisé en décubitus dorsal puis en latéral gauche. Les coupes transverses repèrent le cæcum, puis la dernière anse iléale et l’appendice. L’appendice normal est compressible, cerné de graisse d’échogénicité normale et a une paroi inférieure à 3 mm d’épaisseur. Le diamètre total de l’appendice ne dépasse pas 6 à 8 mm.
    Le diagnostic d’appendicite est fait lorsque la sonde réveille la douleur, la compressibilité appendiculaire est réduite ou absente et l’épaississement de la paroi supérieur à 3 mm. La graisse péri-appendiculaire peut également être hypoéchogène ou hétérogène, un stercolithe (échogène) est présent dans 13% des cas. Un épaississement hyperéchogène de la graisse évoque un phlegmon, des zones hypoéchogènes péri-appendiculaires, un abcès.
    L’examen systématique de la dernière anse et du caecum doit rechercher une pathologie inflammatoire intestinale pouvant s’accompagner de remaniements appendiculaires (maladie de Crohn).
    Rioux, à partir d’une étude de 170 patients, indique une sensibilité diagnostique de l’échographie pour le diagnostic de l’appendicite de 93%, une spécificité de 94%, une valeur prédictive positive de 86% et une valeur prédictive négative de 98%. Dans la même étude, les ruptures appendiculaires ont été identifiées dans tous les cas.
    Les autres pathologies appendiculaires, qu’ils s’agissent du mucocèle avec dilatation luminale hypoéchogène ou du carcinoïde hypoéchogène sont de découverte fortuite et impose l’appendicectomie.

     

    REFERENCES

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