L’entéroscopie à double ballonnet : évolution ou révolution

Introduction

Pendant de nombreuses années, l’intestin grêle resta une sorte de « boîte noire» pour l’endoscopiste. L’exploration de l’intestin grêle restait l’apanage des radiologues.

La méthode classique était le transit grêle baryté soit par ingestion orale ou par entéroclyse et dont l’efficacité diagnostique était limitée, surtout dans le cadre de bilan d’hémorragie digestive dite obscure. Le CT-scan abdominal pour la recherche d’une tumeur, la scintigraphie aux globules rouges marqués en cas de saignement digestif indéterminé ou encore la scintigraphie au Technétium pour la détection d’un diverticule de Meckel faisaient – et font toujours – partie des examens diagnostiques couramment utilisés pour explorer l’intestin grêle [1].

La gastroduodénoscopie était limitée à l’exploration de la troisième partie du duodénum alors que la coloscopie permettait l’intubation de l’iléon terminal sur une longueur maximale de 40 cm. Et puis progressivement, l’endoscopie s’intéressa à l’exploration du grêle – organe d’une longueur moyenne de 6 mètres. Plusieurs méthodes furent proposées.

L’entéroscope-sonde à ballonnet (Olympus,Japan) connut sa période d’enthousiasme [2]. Il s’agissait d’un endoscope de petit calibre – mesurant 240 cm – qui était introduit par voie nasale. Il était muni d’un ballonnet à son extrémité qui – une fois gonflé – permettait la propulsion de l’endoscope.

La progression de l’entéroscope-sonde prenait entre 4et 6 heures; la visualisation de la muqueuse grêle se faisait au retrait de l’endoscope. Cette méthode permettait une visualisation de près de 80% de la surface de l’intestin grêle mais souvent de manière fugace. Au cas où une lésion était visualisée au cours du retrait de l’endoscope, il n’était pas possible de repousser l’endoscope. Deplus, cette méthode ne permettait aucun geste thérapeutique. Fastidieuse pour le patient et l’examinateur, cetteméthode d’exploration qui était souvent frustrante, fut abandonnée.

La mise au point d’endoscopes d’une longueur de 240 cm ouvrit l’ère de l’entéroscopie dite «poussée» (Olympus, Japanet Fujinon, Japan) [3]. Bien que non indispensable, la progression de l’entéroscope se fait au sein d’un surtube semi-rigide dont l’extrémité plus souple est positionnée dans le duodénum. Cette méthode permet d’explorer jusqu’à 150 cm au-delà de l’angle de Treitz. Permettant une excellente visualisation de la muqueuse grêle ainsi que des manœuvres thérapeutiques, l’entéroscopie dite poussée ne permet que l’exploration du jéjunum supérieur.

Véritable révolution technologique, la vidéo-capsule présentée par la Société Given-Imaging® en 2000 et acceptée par la FDA en 2001, connut un succès médical et médiatique extraordinaire [4]. La technologie rattrapait la science-fiction. De manière indirecte et heureuse, la mise au point de la vidéo-capsule relança de manière considérable l’intérêt pour les pathologies de l’intestin grêle – qui pendant des années fut le territoire « oublié » du gastro-entérologue-endoscopiste. La vidéo-capsule explore la totalité de l’intestin grêle dans 75% des cas (passage de la valve iléo-caecale), permettant une visualisation d’environ 80% de la surface de l’intestin grêle.

Dès son introduction, la vidéo-capsule fut comparée aux autres techniques existantes – surtout l’entéroscopie poussée – en termes d’efficacité diagnostique et d’impact clinique. La plupart des équipes estiment que l’efficacité diagnostique de la vidéo-capsule est supérieure à celle de l’entéroscopie poussée, du moins dans l’indication la plus importanteque constitue l’hémorragie digestive d’origine indéterminée [5-7].

A côté de ces techniques peu ou pas invasives, l’entéroscopie peropératoire fut considérée par certains comme la méthode de référence dans l’exploration de l’intestin grêle [8]. Que ce soit par laparotomie ou par abord coelioscopique, le chirurgien fait progresser l’endoscope tout au long de l’intestin grêle. L’examen de la paroi de l’intestin grêle se fait simultanément par voie endoscopique et par transillumination, la lumière de l’endoscope permettant au chirurgien de visualiser la paroi intestinale. Cette méthode est néanmoins fastidieuseet grevée d’une morbidité non négligeable. L’entéroscopie peropératoire semble devoir être réservée à des cas sélectionnés.

En 2001,Yamamoto et al. décrivait une méthode nouvelle permettant l’exploration endoscopique de la totalité de l’intestin grêle, sans recours à la voie chirurgicale [9]. Basée sur des manœuvres de progression et de redressement qui seront décrites ultérieurement, la progression de l’endoscope fait appel à un surtube et à l’usage de 2 ballonnets, situés respectivement à l’extrémité de l’endoscope et du surtube.

Depuis 4 ans, la méthode intéresse de plus en plus les endoscopistes et tente de se positionner comme technique de référence dans l’exploration de l’intestin grêle.

Evolution technologique ou révolution dans la prise en charge des pathologies de l’intestin grêle, nous proposons une revue critique de cette nouvelle méthode diagnostique et thérapeutique.

 

Technique

» Matériel

L’entéroscope à double ballonnet (EN-450P5,Fujinon,Inc. Japan) consiste en un vidéo-endoscope de haute résolution ayant un diamètre externe de 8,5 mm et une longueur de travail utile de 200 cm. Il est muni d’un surtube flexible d’une longueur de 145 cm, avec un diamètre externe de 12 mm. Le canal opératoire de l’entéroscope a un diamètre de 2,2 mm. Disponible depuis peu de temps, il existe un entéroscope à double ballonnet dit thérapeutique (Fujinon,EN-450T5), dont le diamètre externe est de 9,4 mm avec un canal opératoire de 2,8 mm.

Un ballonnet souple en latex est attaché à l’extrémité de l’endoscope et un autre, à l’extrémitédistale du sur-tube. Les ballonnets sont gonflés à l’air ou dégonflés via un système de pompe qui contrôle la pression interne dans les ballonnets. Il existe un système de contrôle automatique qui arrête l’insufflation d’air en cas de surpression.

» Méthode

L’entéroscope à double ballonnet peut être utilisépar voie orale (antérograde) ou par voie anale (rétrograde). Pour l’entéroscopie par voie orale, il n’y a pas de préparation particulière hormis le maintien à jeun du patient. Pour l’entéroscopie par voie basse, une préparation du colon – identique à celle d’une coloscopie conventionnelle – est exigée. L’examen peut être réalisé sous sédation ou sous anesthésie générale (propofol) bien que ceci ne paraisse pas indispensable. Ceci est fonction des habitudes et législations en vigueur dans les différents pays. L’entéroscopie à double ballonnet doit être réalisée dans une salle d’endoscopie munie d’une fluoroscopie.

La progression de l’entéroscope au sein de l’intestin grêle se fait par des manœuvres successives et répétées de « poussée » et de « retrait » de l’endoscope et du surturbe. Lorsque l’extrémité du surtube a été poussée dans la partie distale du duodénum, le ballonnet du surtube est gonflé, et ensuite l’endoscope est poussé. L’endoscope ayant progressé, le ballonnet situé distalement à l’extrémité de l’endoscope est à son tour gonflé alors que celui du surtube est dégonflé; le surtube peut alors être glissé le long de l’endoscope. Le ballonnet de l’endoscope étant toujours gonflé, on va gonfler celui du surtube qui se retrouve au contact de l’autre ballonnet. Les 2 ballonnets étant gonflés, une manœuvre de redressement de l’endoscope et – simultanément – du surtube est alors réalisée. L’intestin grêle est en quelque sorte retiré ou rétracté sur lui-même. La manœuvre de redressement terminée, le ballonnet de l’endoscope est dégonflé et l’endoscope est poussé, tout en maintenant le ballonnet du surtube gonflé. Après avoir poussé l’endoscope, son ballonnet est gonflé; le ballonnet du surtube est dégonflé, permettant à nouveau de faire progresser le surtube. La manœuvre est ainsi répétée.

La réalisation de l’entéroscopie à double ballonnet exige la collaboration d’un médecin et d’un assistant (médecin ou infirmière), l’un contrôlant la progression de l’endoscope et l’autre mobilisant le surtube.

La même méthode est utilisée par voie basse mais le cathétérisme de la valve iléocaecale est techniquement plus difficile. Etant donné la durée de l’entéroscopie par voie orale, l’entéroscopie par voie basse n’est en général pas réalisée le même jour. De plus, l’approche par voie bassene s’avère utile que dans 50 % des cas. Cependant,certaines équipes rapportent l’expérience d’une exploration complète de l’intestin grêle, en combinant la voie orale et anale au cours de la même séance [10].

Evaluation de la profondeur d’insertion

Après avoir réalisé plusieurs manœuvres de «poussée» et puis de «redressement», il est difficile d’évaluer la longueur de l’intestin qui a été intubé.

Le contrôle fluoroscopique ne permet pas d’évaluer la longueur de l’intestin grêle examiné. En effet, en cas de progression optimale, les manœuvres de progression et redressement vont donner une image stable de l’endoscope, l’intestin grêle ayant été en quelque sorte «tracté» le long de l’endoscope.

May et coll. ont rapporté une méthode d’entraînement permettant à l’endoscopiste d’évaluer la longueur d’insertion [11]. Ils ont utilisé un modèle d’entraînement décrit sous la dénomination « Erlangen endo-trainer », qui consiste en l’utilisation de viscères de porc dont l’anatomie est proche de celle de l’homme. A chaque manœuvre de progression-redressement, l’endoscopiste devait évaluer la progression entre 10 et 40 cm. En utilisant ce modèle animal, les auteurs ont montré que la déviation moyenne entre l’évaluation et la longueur réellement intubée était inférieure à 10%.

Au début de son expérience, Yamamoto et coll. ont montré qu’il était possible d’examiner la totalité de l’intestin grêle en combinant les voies antérograde et rétrograde [9]. Ce fut confirmé dans l’expérience pilote décrite par May et coll. en 2003 [12]. En fonction de l’expérience, le pourcentage d’entéroscopie totale varie entre 45 et 85% des cas.

Dans l’étude européenne multicentrique (n=100 patients), la profondeur moyenne d’insertion dans l’intestin grêle fut évaluée à 200 ± 70 cm (voie orale ou anale) [13]. Il fut possible d’examiner une moyenne de 220 ± 90cm (0–550 cm) par voie orale et 130 ± 80 cm (0–370 cm) par voie anale.

» Durée d’examen et exposition aux rayons

La durée moyenne de l’entéroscopie antérograde à double ballonnet fut de 75 ± 19 min (de 32 à 150 min) dans la série multicentrique européenne [13].

Le temps moyen d’exposition aux rayons (fluoroscopie) fut de 2,1 ± 2,4min (0 –13,9min), provoquant une irradiation de 155 ± 158 dGy/cm2 en moyenne.

Dans une série de 275 patients, le temps moyen de l’entéroscopie était respectivement de 90 minutes par voie orale et de 110 minutes par voie anale [10].

» Indications et efficacité diagnostique

L’indication principale pour l’exploration endoscopique de l’intestin grêle est l’hémorragie digestive d’origine obscure, c’est-à-dire dont la cause reste indéterminée après la réalisation d’examens classiques que sont l’œsogastroduodénoscopie et la coloscopie [1]. Les autres indications sont la suspicion clinique ou biologique de maladie de Crohn, le bilan de maladie coeliaque, la polypose familiale et la suspicion de tumeur de l’intestin grêle.

Plusieurs études ont comparé l’efficacité diagnostique de l’entéroscopie poussée à celle de la vidéo-capsule chez des patients présentant une hémorragie digestive d’origine obscure [6-7]. Rappelons néanmoins que dans un pourcentage significatif de patients (jusqu’à 25%), l’origine du saignement est finalement attribuée à des lésions du tube digestif supérieur qui ne furent pas visualisées ou considérées comme pathologiques au cours du bilan initial [14]. Par ailleurs, la prise en charge de l’hémorragie digestive obscure doit tenir compte de paramètres propres au type d’hémorragie (avec ou sans extravasation du sang, active, récidivante ou chronique, l’importance de l’anémie, le délai de l’épisode hémorragique par rapport au saignement) et par ailleurs propres au patient (ex : insuffisance rénale, prise de médicaments, etc.). En considérant les études qui ont comparé la vidéo-capsule à l’entéroscopie poussée, on admet que la vidéo-capsule a une efficacité diagnostique de 55 à 74% des cas et l’entéroscopie poussée de 25 à 38% [6-7].

La plupart des séries publiées concernant l’entéroscopie à double ballonnet sont d’ordre observationnel et mentionnent une efficacité diagnostique élevée. Dans l’étude collaborative multicentrique européenne, Ell et al. rapportent que l’entéroscopie à double ballonnet détecta une lésion dans 72% des cas [13]. Les lésions observées furent des angiodysplasies vasculaires (34%), des ulcérations ou érosions (16 %) et des polypes ou tumeurs (16 %). De plus, cet examen eut un impact clinique pour 62% des patients. Il s’agissait soit d’un traitement endoscopique (coagulation à l’Argon, polypectomie, dilatation, extraction de corps étranger) dans 42 % des cas, modification du traitement médical dans 12% des cas et recours à la chirurgie chez 8% des patients.

Dans la série décrite par l’équipe allemande de Wiesbaden et portant sur 248 entéroscopies à double ballonnet, une lésion fut observée chez 109 des 137 patients (80 %) [15]. Parmi ces lésions, on retrouve des angiodysplasies (37%), des érosions ou ulcérations (27%) et des lésions tumorales (25%). Notons qu’une partie des patients rapportés dans cette série ont été introduits dans l’étude collaborative européenne [13]. Les auteurs de cette série ont précisé que le calcul de l’efficacité diagnostique avait inclus la découverte de nouvelles lésions (34%), la confirmation d’un diagnostic établi par d’autres méthodes (30%), la détermination de l’extension d’une pathologie connue (12%) ou encore l’exclusion d’un diagnostic évoqué par d’autres méthodes (10%).

Yamamoto et al. ont récemment publié l’expérience initiale au Japon en décrivant les résultats de 178 entéroscopies à double ballonnet réalisées chez 123 patients [9]. Quatre-vingt six patients (54 %) avaient un saignement digestif d’origine obscure ; une lésion fut détectée dans 76 % des cas. Les lésions identifiées étaient des ulcérations et/ou érosions dans 40 % des cas, des polypes ou tumeurs (20 %) et des malformations artério-veineuses (14%). Les autres indications principales étaient l’évaluation de sténose intestinale (n = 23) ou de tumeurs (n=17). Des résultats similaires ont été récemment décrits dans une autre série de 275 patients [10].

De manière anecdotique, Lee et al. ont décrit la récupération d’une vidéo-capsule bloquée au niveau d’une sténose intestinale à l’aide de l’entéroscope à double ballonnet [16].

A ce jour, 3 d’études ont comparé la vidéo-capsule à l’entéroscopie à double ballonnet. Matsumoto et al. ont récemment rapporté une étude comparative portant sur 13 patients avec une hémorragie digestive obscure et 9 patients connus pour une polypose gastrointestinale [17]. L’entéroscopie à double ballonnet détecta des lésions chez 12 des 22 patients (54,5%). La vidéo-capsule identifia des lésions dans l’aire explorée par le double ballonnet chez 8 patients (36,4%) et dans la surface non explorée dans 11 patients (50 %). L’entéroscopie à double ballonnet fut plus efficace que la capsule pour détecter des polypes. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 méthodes. Cependant, le nombre de patients est nettement trop faible pour pouvoir en tirer des conclusions claires. Nakamura et al. rapportent également une série comparative portant sur 28 patients avec une hémorragie digestive obscure ; la valeur diagnostique fut légèrement mais significativement plus élevée pour la vidéo-capsule que pour l’entéroscopie à double ballonnet [18].

Dans une série de 25 patients, Hadithi et coll. ont décrit une efficacité diagnostique supérieure pour la vidéo-capsule (80%) par rapport à l’entéroscopie à double-ballonnet (60%) [19].

» Efficacité diagnostique en fonction de l’indication

Il est difficile de répondre à cette question. En effet, les quelques séries publiées font état de l’efficacité diagnostique au sein de population hétérogène.

Ainsi, dans une série unicentrique (n =137), les indications étaient : hémorragie digestive chronique ou récidivante (n=90), douleur abdominale (n =11), syndrome de polypose intestinale (n =14), diarrhée/ malabsorption chronique (n= 3), lymphome non-Hodgkinien (n = 3), anémie ferriprive avec recherche de sang dans les selles positive (n= 2), douleurs abdominales chez des patients avec un diagnostic connu de maladie de Crohn (n = 6), occlusion intestinale sur corps étranger (n = 3)et autres (n =5) (15). Les résultats rapportés ne distinguent pas l’indication.

Heine et coll. rapportent 7 cas de jéjunite ulcérée sur 25 patients atteints de maladie coeliaque et le diagnostic de lymphome chez 6 patients [10].

Complications

La technique est considérée comme bien tolérée dans la majorité des cas. May et al. ont rapporté des complications mineures dans une série de 247 entéroscopies [15]. Des douleurs abdominales décrites le jour de l’examen ou le lendemain, en relation avec l’insufflation d’air, ont été observées chez 9% des patients. Un patient développa un pic thermique (39°C) qui fut spontanément résolu sans administration d’antibiotiques. Dans cette série, un patient a eu une crise épileptique alors qu’il était sédaté par Propofol.

Dans une série multicentrique européenne regroupant 147 investigations, un épisode de broncho-inhalation fut observé chez un patient [13]. Des effets secondaires mineurs (douleurs abdominales, gêne dans la gorge, pic thermique ou vomissement) ont été observés chez 12 % des patients. Un érythème et/ou une légère hémorragie intramuqueuse de la paroi de l’intestin grêle ont été observés chez 26% des patients.

De son expérience,Yamamoto et al. décrivirent un cas de perforation multiple de l’intestin grêle chez un patient souffrant d’un lymphome pour lequel il recevait une chimiothérapie au moment de l’entéroscopie [9].

Récemment,Attar et coll. ont décrit un cas d’iléus grêle prolongé consécutif à une entéroscopie à double ballonnet [20]. Deux cas de pancréatite aiguë ont été rapportés et mis en relation avec une augmentation de la pression intraluminale dans le duodénum [21].

Exploration de l’intestin grêle : quel algorithme ?

Grâce à l’ingéniosité de certains médecins et aux progrès technologiques, nous disposons en 2006 de plusieurs méthodes d’investigation de l’intestin grêle.

Endehors des examens radiologiques (transit bartyté, CT entéroclyse, RMIentéroclyse,CT-scan angiographie mésentérique) et de médecine nucléaire (scintigraphie et PET-scan), différentes méthodes endoscopiques sont disponibles : entéroscopie poussée, vidéo-capsule, entéroscopie à double ballonnet, entéroscopie peropératoire (Tableau I).

TABLEAU I

 
Pourcentage de longueur du grêle examiné
Efficacité diagnostique
Possibilité thérapeutique
Complications
Durée d'examen
Coût
Entéroscopie-poussée
20 à 30 %
25 à 40 %
+
(+)
20 – 40 min
+
Vidéo-capsule
Totalité dans 80 %
55 à 70 %
(+) (rétention)
60 min (lecture)
+
Entéroscopie à double ballonnet
70 à 80 %
70 à 75%
+
(+)
60 à 150 min (×2 si rétrograde)
++
Entéroscopie peropératoire
100%
80 à 100%
+
+(+)
2 à 4h
+++

Il est évident que chaque méthode possède des avantages mais aussi des limites. Alors quel algorithme proposer ?

Il n’existe sans doute pas un algorithme unique reconnu universellement. Le choix de l’arbre décisionnel va dépendre de l’indication (la pathologie suspectée), du patient, des techniques disponibles, de l’expertise des équipes et des données de coût-efficacité qui manquent encore, faut-il le souligner.

Si on considère l’indication majeure qui est l’hémorragie digestive dite obscure, la réalisation d’une vidéo-capsule en première ligne paraît défendable compte tenu de sa bonne efficacité diagnostique, de son excellente tolérance et de sa relative innocuité. Néanmoins, l’examen par vidéo-capsule ne permet aucun geste thérapeutique.

La réalisation d’une entéroscopie à double ballonnet pourrait ensuite être proposée soit à des fins thérapeutiques soit en complément diagnostique si la cause de l’hémorragie n’a pas été objectivée.

Une proposition d’algorithme est proposée sur la Figure1; il est proche des stratégies récemment proposées dans la littérature [22, 23].

L’entéroscopie poussée a-t-elle encore sa place? Oui sans doute. Cet examen est facilement réalisable et nettement moins fastidieux que l’entéroscopie à double ballonnet. Compte tenu de sa bonne efficacité diagnostique, mais aussi du pourcentage élevé de lésions « non visualisées » dans le tube digestif supérieur, cet examen pourrait être proposé – après une première gastroduodénoscopie négative – au moins chez les patients ayant eu une extravasation de sang et de surcroît s’ils souffrent d’insuffisance rénale [24-25]. Un algorithme diagnostique doit bien entendu être adapté en fonction des caractéristiques du patient, de l’importance de l’anémie et du caractère récidivant des pertes digestives de sang.

 

RÉFÉRENCES

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3. Schmit A, Gay F, Adler M, Cremer M, Van Gossum A. Diagnostic efficacy of push-enteroscopy and long-term follow-upofpatients with small bowel angiodysplasias. Dig Dis Sci1996; 41: 2348-52.

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