Ballonnement abdominal quoi de neuf ?
Introduction
Le ballonnement abdominal est un des symptômes fonctionnels digestifs les plus fréquents. En 1998, une enquête SOFRES menée chez 4817 sujets âgés de plus de 15 ans et représentatifs de la population générale française révélait que 59% d’entre eux se déclaraient régulièrement gênés par les émissions de gaz et que 47% se plaignaient d’un ballonnement abdominal [1]. Des enquêtes épidémiologiques anglo-saxonnes à grande échelle ont démontré que la prévalence du ballonnement était voisine de 15% avec un symptôme qualifié de modéré à sévère dans près de 3/4 des cas [2]. Le clinicien est le plus souvent désarmé face à ce symptôme fréquent car les thérapeutiques classiques, représentées essentiellement par les absorbants des gaz, sont d’une efficacité au mieux modeste et souvent transitoire. Heureusement, des progrès notables sont survenus récemment dans la compréhension de la physiopathologie du ballonnement abdominal sous l’impulsion de deux équipes : celle de Barcelone qui a mis au point une technique de perfusion intestinale d’un mélange gazeux lui permettant d’analyser le transit des gaz intestinaux [3], celle de Manchester qui a développé un pléthysmographe pour l’enregistrement, même dans des conditions ambulatoires, des variations du périmètre abdominal au cours du nycthémère [4]. Leurs travaux ont permis de montrer que différents facteurs peuvent être à l’origine de la sensation subjective de ballonnement abdominal, ouvrant ainsi de nouvelles pistes thérapeutiques.
Définition du ballonnement
Le terme ballonnement n’est pas utilisé par tous les malades pour désigner la même situation. L’interrogatoire est donc une phase très importante de l’approche clinique pour bien identifier la nature de la plainte du malade. Pour certains patients, ballonnement correspond à la gêne représentée par l’émission trop fréquente de gaz par l’anus, possible traduction d’une forme mineure d’incontinence. Pour d’autres, le terme traduit l’inconfort lié aux bruits hydro-aériques perceptibles d’un abdomen gargouillant ou la plénitude épigastrique qui les gêne en période post-prandiale. Les sujets en surpoids se plaignent souvent d’un ballonnement. Une étude prospective a montré que les sujets accusant une prise de poids récente signalaient plus souvent que des sujets témoins une sensation de ballonnement alors que l’âge et l’indice de masse corporelle n’étaient pas différents entre les deux groupes [5]. En cas de surpoids, ballonnement traduit principalement la gêne due à l’élévation de la pression intra-abdominale secondaire au développement de l’adiposité abdominale [5]. Toutes ces situations doivent être distinguées du ballonnement abdominal vrai qui correspond à la sensation subjective, plus ou moins diffuse, d’une distension abdominale, associée ou non à une distension objective. Si au moins 25% des malades souffrant d’un ballonnement ont un abdomen plat à l’examen clinique [6], les autres patients décrivent une réelle distension abdominale, confirmée par des tests objectifs [7, 8]. Cette distension augmente souvent progressivement au cours de la journée [7, 8].
Ce texte se limitera au ballonnement fonctionnel, excluant les problèmes posés par une distension abdominale secondaire à une affection organique telle qu’une infection intestinale aiguë, une malabsorption (maladie coeliaque notamment), un obstacle chronique intestinal, une ischémie intestinale chronique, une ascite au stade initial de sa constitution [6]. Les ballonnements aigus correspondent également à un autre contexte et ne seront pas abordés. Dans les cas bénins, ce type de ballonnement aigu est secondaire à l’ingestion d’une quantité trop importante d’aliments très fermentescibles et est rapidement résolutif. Le ballonnement abdominal brutal du syndrome d’O’Gilvie s’observe dans des situations d’agression (infection, réanimation, période post-opératoire).
Origine de la sensation de ballonnement abdominal
Des progrès récents marquants permettent aujourd’hui une meilleure compréhension de la physiopathologie du symptôme. Quatre facteurs ont été clairement identifiés dans la genèse de cette sensation : a) un dysfonctionnement des muscles de la sangle abdominale; b) une perturbation du transit des gaz dans l’intestin; c) une hypersensibilité viscérale qui rend le sujet anormalement sensible aux mouvements intestinaux de gaz d’un volume normal; d) plus rarement, une production intestinale excessive de gaz. Ces anomalies ont été décrites aussi bien chez les patients qui souffrent quasi exclusivement d’un ballonnement abdominal (ballonnement fonctionnel) que chez des malades pour qui le ballonnement est un symptôme associé à une douleur abdominale chronique et à des troubles du transit, notamment une constipation [8] (syndrome de l’intestin irritable [SII]). Plusieurs de ces différents facteurs sont souvent retrouvés chez un même patient.
» Dysfonctionnement des muscles de la sangle abdominale
Une hypothèse ancienne était que les patients ballonnés souffraient d’un hypotonie des muscles composant la sangle abdominale [9], favorisant une protrusion abdominale elle-même accentuée par une hyperlordose se majorant progressivement au cours de la journée [9]. Cette théorie a été exclue par plusieurs travaux concordants qui ont démontré que, dans des conditions basales, l’activité électromyographique des différents muscles de la sangle abdominale des sujets ballonnés n’était pas différente de celle des sujets témoins, aussi bien en position debout qu’en position couchée [10, 11]. Cependant, des travaux basés sur la perfusion intestinale d’un mélange gazeux ont révélé l’existence d’un dysfonctionnement de la sangle abdominale chez les ballonnés. L’abdomen est une cavité fermée alors que le volume du contenu intra-abdominal varie, notamment lors de la prise alimentaire et lors de l’évacuation de la vessie ou du recto-sigmoïde. Dans des conditions normales, le périmètre abdominal varie peu car la musculature abdominale antérieure et le diaphragme s’adaptent à de telles variations. Chez le volontaire sain, l’infusion d’un litre d’un mélange gazeux dans le colon déclenche une contraction des muscles abdominaux et une relaxation du diaphragme. Cette coordination abdomino-phrénique, conséquence d’un réflexe viscéro-somatique, assure la répartition harmonieuse du gaz infusé évitant une sensation de distension [11]. Chez certains patients ballonnés, ce réflexe est perturbé : la perfusion gazeuse colique déclenche une relaxation inappropriée des muscles de la sangle abdominale (notamment du grand oblique) favorisant la protrusion antérieure de l’abdomen. Parallèlement, la relaxation insuffisante du diaphragme favorise une sensation d’hyperpression abdominale [12]. Ces anomalies de ce réflexe viscéro-somatique pourraient être particulièrement observées chez les patients qui décrivent un ballonnement abdominal brutal immédiatement au décours de la prise alimentaire [6].
» Perturbation du transit des gaz intestinaux
Cette anomalie a été mise en évidence par les travaux successifs de l’équipe de Barcelone basés sur l’étude des conséquences d’une perfusion à différents niveaux de l’intestin et à un débit de 12 mL. min-1 d’un mélange gazeux contenant de l’azote, de l’oxygène et du gaz carbonique en proportions comparables à celles calculées dans le sang veineux. Chez des sujets sains, une telle perfusion intestinale s’accompagne d’une augmentation du volume de gaz émis par l’anus, d’autant plus importante que le volume perfusé est grand. Inversement, une majorité de patients souffrant d’un ballonnement fonctionnel ou d’un SII retiennent une importante proportion du volume infusé du fait d’une altération du transit intestinal des gaz. Cette rétention gazeuse déclenche une sensation de ballonnement souvent à partir d’un volume retenu de 400 mL et devient d’autant plus intense que le volume retenu est important [3]. La séquestration des gaz s’accompagne de variations limitées du périmètre abdominal, de l’ordre de 1 à 2 cm. Point important, le site et les mécanismes de rétention influencent l’intensité de la sensation de ballonnement : la sensation la plus intense est déclenchée par une rétention jéjunale [13, 14]. D’un point de vue mécanique, la rétention gazeuse peut théoriquement être secondaire soit à un défaut de propulsion, soit à une résistance accrue à l’écoulement [15]. Des études pharmacologiques ont montré qu’un défaut de propulsion (induit par une injection de glucagon) déclenchait une distension abdominale souvent peu symptomatique alors qu’une résistance accrue à l’écoulement provoquée par une évacuation rectale des gaz volontairement contrariée, aboutissait à un inconfort abdominal plus net [15]. L’intensité du symptôme paraît donc dépendre avant tout d’un défaut de coordination de la motricité au niveau du grêle, amenant la constitution de petites poches gazeuses successives le long du grêle. Ces poches de rétention gazeuse amplifient le symptôme par un phénomène de sommation des influx nociceptifs [6]. Les variations du tonus intestinal jouent également certainement un rôle puisque la propulsion des gaz est assurée, au moins partiellement, par une contraction tonique de la paroi intestinale qui réduit la capacitance digestive [16]. Le mécanisme de cette rétention gazeuse est encore incomplètement compris. Elle est au moins partiellement secondaire à la perturbation des réflexes viscéro-viscéraux qui coordonnent l’activité motrice le long du tube digestif [17]. Des facteurs luminaux interviennent également : la rétention est favorisée par l’infusion préalable de lipides [18] ou l’ingestion quotidienne de 30g de psyllium [19]. Enfin, le transit digestif global joue un rôle puisque lors des tests de perfusion, les malades souffrant d’un SII avec constipation retiennent davantage de gaz que les patients décrivant un SII avec diarrhée [3, 20].
» Hypersensibilité viscérale
Le fait que la sensation de ballonnement soit inconstamment associée à des variations objectives du périmètre abdominal suggère que l’hypersensibilité viscérale qui existe au cours des troubles fonctionnels intestinaux [21, 22], jouerait un rôle dans la sensation de ballonnement, amenant les patients à percevoir de façon désagréable un volume normal de gaz abdominaux. Cette hypothèse s’appliquerait particulièrement aux ballonnés à abdomen plat. L’équipe de Manchester a apporté des arguments pour cette hypothèse : le seuil d’inconfort à la distension est plus bas dans ce sous groupe de malades que chez les ballonnés avec distension objective [23]. D’autre part, les ballonnés à abdomen plat s’observent davantage chez des patients souffrant d’un SII avec diarrhée qu’avec constipation. Or, la prévalence de l’hypersensibilité viscérale est plus importante chez les diarrhéiques que chez les constipés. L’hypersensibilité expliquerait aussi pourquoi chez les femmes, notamment celles qui souffrent d’un SII, le ballonnement est plus net lors de la période menstruelle, période au cours de laquelle la sensibilité rectale est plus grande qu’aux autres moments du cycle du fait de la libération de prostaglandines [23].
» Production excessive de gaz
Cet aspect physiopathologique est le plus discuté. Chez le sujet normal, le tube digestif contient environ 200 mL de gaz [6]. Les études analysant le volume des gaz chez les malades ballonnés, avec des techniques différentes, ont abouti à des résultats discordants, la majorité des travaux démontrant que le volume de gaz est habituellement normal [23, 24]. D’autre part, aucune corrélation n’a pu être mise en évidence entre intensité du ballonnement et volume des gaz intestinaux. Enfin, les techniques de perfusion de l’équipe de Barcelone ont bien mis en lumière qu’une rétention intestinale de plus d’un litre de mélange gazeux aboutit à une augmentation du périmètre abdominal au maximum de 2m alors que chez les ballonnés les variations du périmètre abdominal au cours du nycthémère sont voisines de 10 à 12 cm.
Cependant, les résultats de certains travaux suggèrent qu’une production anormale de gaz pourrait exister dans un sous groupe de malades [25-27]. Un travail anglais a ainsi montré que chez les malades qui souffrent d’un SII, l’intensité des processus fermentaires peut être excessive. Sous régime standard, la production d’hydrogène et de méthane était plus élevée chez les malades que chez les témoins. Lors d’un régime d’exclusion suivi scrupuleusement, les productions gazeuses ont nettement diminué chez les malades avec une diminution parallèle de l’intensité des symptômes, notamment du ballonnement. Lors du test de provocation par le lactulose, les productions gazeuses chez les malades étaient plus faibles lors de la période d’exclusion que sous régime normal [27].
En dehors de l’intolérance au lactose, l’excès de gaz pourrait découler d’une malabsorption de sucres comme le fructose et le sorbitol [28]. Diarrhée, inconfort abdominal chronique avec sensation de ballonnement sont en effet les signes classiques de malabsorption du fructose et/ou du sorbitol. Or, l’alimentation occidentale évolue. Il y a 10 à 20 ans, la source principale des hydrates de carbone qui représentent 40 à 50% de l’apport calorique quotidien était l’amidon. Les dernières décennies ont été marquées par une diminution régulière de la part de l’amidon dans les hydrates de carbones alimentaires. En Europe et aux Etats-Unis, plus de 50% des sucres simples alimentaires proviennent d’additifs sucrés incorporés dans la pâtisserie industrielle, les plats cuisinés et les jus de fruits. Le fructose y tient une bonne place en raison de ces qualités édulcorantes et est incorporé largement dans les gâteaux, les bonbons, les jus de fruits. La quantité de sorbitol dans l’alimentation augmente également car il entre dans la composition des bonbons, des chewing-gums mais également des produits dits «diététiques sans sucre» qui sont consommés de plus en plus largement. Il est possible que la malabsorption du fructose et du sorbitol soit sous estimée. Dans une population de patients souffrant de symptômes fonctionnels digestifs (dont le ballonnement), Rummessen et Gudmard-Hoyer ont montré qu’une malabsorption du fructose diagnostiquée par test respiratoire s’observait chez un sujet sur deux pour une dose de fructose de 25 g et chez un sujet sur trois pour une dose inférieure à 15g, certains sujets n’absorbant pas du tout le fructose [29]. Une malabsorption de sorbitol s’observait parallèlement pour une dose de sorbitol inférieure à 5g et l’administration combinée de fructose + sorbitol aggravait les symptômes fonctionnels digestifs [29]. Hyams de son côté a montré chez des sujets sains qu’une malabsorption de sorbitol peut apparaître dès une charge de 5g et que cette malabsorption devient symptomatique (ballonnement, émission accrue de gaz) dès 10g [30]. Mais toutes les études ne sont pas concordantes. Ainsi Nelis et coll. ont montré que la fréquence de la malabsorption du fructose et du sorbitol était plus grande chez des contrôles que chez des malades décrivant un SII et qu’aucune relation n’existait entre l’existence d’une malabsorption, son importance et la survenue de symptômes [31]. L’intérêt de la recherche d’une malabsorption du fructose et du sorbitol a été remis à l’ordre du jour par un essai réalisé spécifiquement chez des patients souffrant d’un ballonnement fonctionnel : 72% des 36 patients avaient une malabsorption de ces sucres. L’exclusion de ces sucres de l’alimentation a conduit à une amélioration significative (malades asymptomatiques dans 50% des cas) dans 80% des cas [32].
La production excessive de gaz pourrait être liée également à des modifications de la flore intestinale. Au cours du SII, par rapport à une population témoin, la flore colique se caractérise par une surreprésentation de certaines espèces non dominantes et une réduction des bifidobactéries au sein de la flore dominante [33]. La flore colique est par ailleurs beaucoup plus instable à terme que dans une population témoin [34]. Ces modifications de la flore colique paraissent susceptibles d’influencer les processus de fermentation. D’autre part, quelques équipes rapportent qu’un sous-groupe de malades décrivant un SII souffre d’une pullulation bactérienne pouvant favoriser un ballonnement via une production accrue de gaz au niveau de l’intestin grêle [35].
Aspects thérapeutiques
Les progrès récents réalisés dans la compréhension du ballonnement abdominal ne se sont pas soldés jusqu’alors par des avancées thérapeutiques réellement significatives. A titre d’exemple, aucune prise en charge n’existe actuellement pour corriger un dysfonctionnement des muscles antérieurs de la sangle abdominale. D’autre part, face à un malade donné, il n’existe pas de tests simples de routine permettant d’appréhender la physiopathologie du symptôme. L’approche thérapeutique demeure donc empirique.
Trois approches sont proposées actuellement : des conseils diététiques, un traitement pharmacologique et, dans certaines équipes, une prise en charge non médicamenteuse.
Sur le plan diététique, recommander aux malades d’éviter les aliments les plus fermentescibles (Tableaux I et II) est un conseil habituel. La démonstration d’une malabsorption du fructose et/ou de sorbitol rend logique la prescription d’un régime d’exclusion. La prescription de fibres, notamment le son, doit être limitée en raison du rôle délétère potentiel des fibres sur le transit des gaz [36].
TABLEAU I
CLASSEMENT DE DIFFÉRENTS ALIMENTS EN FONCTION DE LEUR CAPACITÉ À PROVOQUER LA PRODUCTION DE GAZ (d’après F. Azpiroz [6])
Capacité Élevée | Capacité intermédiaire | Capacité faible |
■ Haricot blanc ■ Chou de Bruxelles ■ Oignon ■ Céleri ■ Carotte ■ Raisin sec ■ Pruneau ■ Banane ■ Abricot ■ Germe de Blé |
■ Pomme de terre ■ Aubergine ■ Agrumes ■ Pommes ■ Pâtisseries ■ Pain |
■ Viande ■ Volaille ■ Poisson ■ OEuf ■ Laitue ■ Tomate ■ Avocat ■ Brocoli ■ Asperge ■ Chou-fleur ■ Cerise ■ Raisin ■ Riz ■ Maïs ■ Pop-corn ■ Noisettes ■ Chocolat |
TABLEAU II
LISTE D’ALIMENTS À FAIBLE ET FORTE TENEUR EN FRUCTOSE ET EN SORBITOL
■ Pomme, poire, prune, pruneau, raisin, figue, datte. ■ Fruits en boîte. ■ Jus de pomme, de raisin, de poire. ■ Cidre de pomme. ■ Confiture diététique ou sucrée au jus de fruits. ■ Miel. ■ Sirop de maïs, sirop d’agave. ■ Boissons gazeuses. ■ Gommes à mâcher sans sucre. |
» Quels médicaments proposer aux malades?
Les absorbants des gaz, essentiellement à base de charbon, ont une efficacité médiocre [37]. La siméthicone a par contre fait la preuve d’une certaine efficacité [38]. Les bases physiopathologiques rendent logique d’essayer d’agir sur le transit des gaz par des prokinétiques, sur la sensibilité viscérale et sur une éventuelle pullulation bactérienne. Les prokinétiques peuvent être actifs. La néostigmine (mais seulement lors d’une administration de 0.5 mg par voie intraveineuse) a obtenu de meilleurs résultats que le placebo dans un essai contrôlé [39]. Mais les prokinétiques usuels (dompéridone, métoclopramide, érythromycine) n’ont pas été testés dans cette indication. Lors de différents essais thérapeutiques effectués dans le SII avec constipation, le tégaserod (agoniste des récepteurs 5HT4 de la sérotonine) a amélioré de façon significative le ballonnement avec une amélioration se poursuivant même après 3 mois de traitement [40]. Il est difficile de savoir si cet effet symptomatique du tégaserod est lié à ses propriétés prokinétiques ou à son effet sur la sensibilité viscérale. Les antidépresseurs, notamment tricycliques, actifs à faible dose sur la sensibilité viscérale, méritent d’être testés.
» Comment agir sur la flore?
La place d’un traitement antibiotique dans la prise en charge est une question actuelle : un antibiotique comme le métronidazole (400 mg, 3 fois par jour) a été efficace sur la ballonnement en réduisant de façon très significative le volume d’hydrogène et de méthane [33]. La rifaximine, antibiotique peu absorbable, non encore disponible en France, a également obtenu des résultats intéressants.
L’une des pistes pharmacologiques les plus prometteuses est celle des probiotiques [41]. Les probiotiques se définissent comme des organismes bactériens vivants exerçant des effets bénéfiques sur l’individu qui les ingèrent. Leur mode d’action est incomplètement appréhendé : normalisation de la composition de la flore? effet immunomodulateur? effet anti-inflammatoire? effet sur la sensibilité viscérale? Mais plusieurs essais récents méthodologiquement solides ont mis en évidence, au cours du SII, que cette approche thérapeutique, basée principalement sur l’administration de différentes souches de Lactobacilles ou de Bifidobactéries, obtenait des résultats symptomatiques indiscutables sur le ballonnement abdominal [42, 43].
Les approches non médicamenteuses ont été de deux types. L’équipe de Manchester a montré que l’hypnose pouvait être bénéfique pour les malades, peut être en améliorant le vécu du symptôme [23]. Leurs résultats demandent à être confirmés. L’équipe de Barcelone a démontré qu’en cas de rétention gazeuse dans le grêle, un exercice physique modéré (pédalage sur un vélo d’intérieur pendant 75 minutes avec des périodes d’effort de 5 minutes entrecoupées de périodes de repos de 3 minutes) diminuait par deux le volume des gaz retenus [44].
Conclusions
La physiopathologie du ballonnement abdominal est mieux comprise. Il s’agit à l’évidence d’une situation multifactorielle avec des anomalies probablement variables d’un consultant à un autre et une association de dysfonctionnements chez un même malade. Le symptôme trouve son origine principalement dans des dysfonctionnements de l’intestin grêle. Les progrès thérapeutiques sont encore limités mais le démembrement de la physiopathologie doit conduire à la réalisation d’essais thérapeutiques dans des sous-groupes de patients mieux caractérisés. Les probiotiques paraissent une des options thérapeutiques les plus séduisantes.
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