Stratégies et perspectives thérapeutiques du syndrome métabolique

Introduction

Le syndrome métabolique correspond à un ensemble d’anomalies cliniques et métaboliques fréquemment associées chez les personnes dont le risque de diabète et de maladie cardiovasculaire est élevé.

L’abondance et l’évolution des critères et seuils proposés par différents organismes (OMS, International Diabetes Federation – IDF, American Heart Association – AHA…) ont conduit à des imprécisions qui, par la suite, ont gêné la lisibilité des études sur le syndrome et altéré l’assimilation de critères diagnostiques universels [1, 2].

Parmi les différentes définitions proposées, celle de l’Adult Treatment Program III (ATP III) du National Cholesterol Education Program (NCEP) est la mieux validée sur la base de la prédiction du risque de diabète et de complication cardiovasculaire [3]. Ainsi, le syndrome métabolique est retenu lorsque 3 des 5 critères suivants sont présents chez un même individu :
– tour de taille supérieur à 88 cm chez la femme, 102 cm chez l’homme;
– HDL-c < 0.40 g/l chez l’homme, <0.50 g/l chez la femme;
– triglycérides à jeun ≥ 1.50 g/l ;
– pression artérielle ≥ 130/85 mmHg;
– glycémie ≥ 1.10 g/l.

La fréquence du syndrome métabolique varie selon la définition mais augmente nettement avec l’âge plus de 15% des adultes en sont atteints dans notre pays.

Les limites du syndrome métabolique

Sa physiopathologie reste incertaine, même si l’insulinorésistance est omniprésente dans le syndrome et représente un lien potentiel mais dont la responsabilité originelle n’est pas totalement démontrée à ce jour.
Le syndrome métabolique définit sans aucun doute une augmentation du risque cardiovasculaire mais ne résume pas à lui seul l’ensemble des facteurs de risque l’âge, la sédentarité, le tabac et les aspects psychosociaux de stress sont aussi des paramètres importants à analyser dans l’évaluation d’un risque cardiovasculaire (Fig. 2) [4, 5, 6].

L’une des critiques essentielles du syndrome métabolique est de considérer que le risque cardiovasculaire est progressif et dépend de l’intensité des perturbations en cause qui ne peuvent être regardées simplement comme présentes ou absentes selon un seuil défini. Ainsi, le fait d’avoir un syndrome ou pas ne définit pas le niveau exact de risque qui dépend aussi largement de l’intensité de chacune des anomalies qui le composent et qui sont impliquées dans la détermination du niveau de risque cardiovasculaire.

Enfin, il a été reproché au syndrome métabolique de ne pas avoir, à ce jour, de traitement spécifique autre que l’approche thérapeutique de chacun des facteurs de risque qui le composent (traitements de l’obésité abdominale, des dyslipidémies, de l’hypertension artérielle, du niveau glycémique…).

Ces réserves expliquent que le syndrome métabolique n’est pas un indicateur reconnu auprès des agences de santé pour évaluer l’effet thérapeutique d’une médication et accorder l’AMM.

Utilité du syndrome métabolique

Malgré ces critiques, le concept de syndrome métabolique est d’un apport non négligeable, car il a pointé l’attention sur le fait que l’obésité abdominale est très souvent associée à la constellation des multiples autres anomalies qui le composent. En d’autres termes, la découverte d’un facteur de risque en cache souvent plusieurs autres. La présence d’un syndrome métabolique prédit bien le risque de survenue ultérieure d’un diabète. Ainsi, sur 100personnes qui associent une anomalie mineure de la glycémie (≥ 1.10 g/l) et un syndrome métabolique, 60 deviennent diabétiques dans les 8 années qui suivent (Fig. 3 et 4). Bien que les tables de prévision du risque vasculaire (Framingham) soient plus performantes dans la précision individuelle du risque vasculaire, leur complexité gêne leur utilisation dans la pratique médicale quotidienne. De plus, la présence ou non du syndrome métabolique détermine l’utilité d’une prévention secondaire intensive par de fortes doses de statines par rapport à la posologie conventionnelle lorsque le syndrome métabolique est présent, il convient de traiter 28 patients pour éviter un événement cardiovasculaire majeur dans les 5 ans alors qu’il est nécessaire de traiter 167 personnes pour éviter le même événement en l’absence du syndrome métabolique… ce qui remet en question l’intérêt du rapport bénéfices/coût de cet acharnement thérapeutique.

Le syndrome métabolique a donc certains atouts, résumés dans le tableauI.

Le tour de taille hypertriglycéridémique, une simplification pratique du syndrome métabolique !

La simple mise en évidence d’une forte circonférence abdominale (tour de taille supérieur à 102 cm chez l’homme et 88 chez la femme) associée à une hypertriglycéridémie supérieure à 2mmol/l (≥ 1.8 g/l) témoigne de la présence de multiples autres perturbations métaboliques athérogènes augmentation des particules petites et denses de LDL, baisse du HDL-c, anomalie de la tolérance au glucose avec hyperinsulinémie témoin de l’insulinorésistance. 80% des personnes présentant cette «ceinture hypertriglycéridémique» réunissent ces critères de haut risque cardiovasculaire, et méritent une intervention thérapeutique active (Fig. 5). Certaines études ont pu ainsi montrer que la valeur prédictive de tour de taille, dans les deux sexes, était supérieure à celle du syndrome métabolique lui-même (étude DECODE) (Tableau II). Enfin, la constatation chez un patient donné d’une augmentation du tour de taille alerte sur le risque de dégradation des facteurs de risque observés chez lui et sur la nécessité de renforcer les mesures et l’accompagnement thérapeutique.

Obésité abdominale, syndrome métabolique et stéatose hépatique

L’accumulation de graisse hépatique, l’insulinorésistance et les anomalies du métabolisme glucidique (intolérance au glucose et diabète) sont en étroite relation. Les états d’insulinorésistance se caractérisent par une perte de l’efficacité suppressive de l’insuline sur la production hépatique de glucose, alors que la lipogenèse hépatique persiste et se trouve même amplifiée par le transport intra hépatique du glucose indépendant de l’insuline. Cette accumulation de lipides dans le foie détériore en retour le processus d’insulinosensibilité. Ainsi, les états d’insulinorésistance favorisent la stéatose hépatique et vice versa l’accumulation excessive de graisse hépatique accentue l’insulinorésistance contribuant à la pathogénie du syndrome métabolique. Une perte de poids modérée réduit préférentiellement les graisses viscérales et intra hépatiques ainsi que la production hépatique de glucose. La pratique régulière d’un exercice physique amplifie ce résultat. L’avènement tout prochain de médications réduisant le poids, le périmètre abdominal, les triglycérides et anomalies lipidiques athérogènes, tout en favorisant la normalisation glycémique, est bien sûr aussi très attendue dans le domaine de la prévention et du traitement de la stéatose hépatique (Fig. 6).

RÉFÉRENCES

1. Kahn R, Buse J, Ferrannini E, Stern M. The metabolic syndrome time for a critical appraisal joint statement from the American Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care 2005 28 2289-2304.
2. Alberti KG, Zimmet P, Shax J. IDF Epidemiology Task Force Consensus Group. The metabolic syndrome – a new worldwide definition. Lancet 2005 366 1059-1062.
3. Expert panel on detection, evaluation, and treatment of high blood cholesterol in adults. Executive summary of the third report of the national cholesterol education program (NCEP) expert panel on detection, evaluation, and treatment of high blood cholesterol in adults (adult treatment panelIII). JAMA 2001 2486-2497.
4. Ford ES. Risks for all-cause mortality, cardiovascular disease, and diabetes associated with the metabolic syndrome a summary of the evidence. Diabetes Care 2005 28 1769-78.
5. Stern MP, Williams K, Gonzalez-Villalpando C, Hunt KJ, Affner SM. Does the metabolic syndrome improve identification of individuals at risk of type 2 diabetes and/or cardiovascular disease Diabetes Care 2004 27 2676-81.
6. Balkau B, Qiao Q, Tuomilehto J, Borch-Johnsen K, Pyöralä K. Does the metabolic syndrome detect further subjects at high risk of cardiovascular risk score adequate Diabetologia 2005 48 A119.