La dysphagie endoscopie normale

Objectifs pédagogiques

– Savoir définir une endoscopie normale;

– Connaître les éléments séméiologiques discriminatifs d’une dysphagie;

– Connaître les explorations digestives nécessaires.

Introduction

La dysphagie est un motif fréquent de consultation engastroentérologie. Elle est considérée, à juste titre, comme un symptômed’alarme imposant le recours à l’endoscopie quelle que soit la présentationclinique. L’endoscopie va permettre le diagnostic de cancer de l’œsophage,d’œsophagite peptique sévère, de sténose peptique, d’achalasie de l’œsophageévoluée.

Il est possible que l’endoscopie ne puisse pas identifier l’origine de la dysphagie pour plusieurs raisons : la cause n’est pas œsophagienne, les anomalies endoscopiques sont minimes ou non reconnues, ou il s’agit d’un trouble moteur œsophagien. La prise en charge diagnostique et thérapeutique des dysphagies d’origine oro-pharyngées ne sera pas détaillée dans ce texte.

La séméiologiedes dysphagies

L’interrogatoire est un élément essentiel de la démarchediagnostique d’une dysphagie inexpliquée. Le caractère sélectif de la dysphagie(prédominance sur les solides) permet d’évoquer en priorité une dysphagie«organique» par rétrécissement de la lumière œsophagienne. Ainsi, une dysphagieaux solides intermittente, survenant essentiellement pour les aliments les plusvolumineux doit faire évoquer une sténose modérée ou un anneau œsophagien quipeuvent passer inaperçus particulièrement si l’endoscopie est réalisée avec unendoscope de petit calibre comme un nasofibroscope ou un endoscope pédiatrique.Inversement une dysphagie non sélective doit faire évoquer en priorité untrouble moteur œsophagien.

Le siège de la dysphagie doit être pris en compte. Ainsi, une dysphagie basse ou rétrosternale est synonyme d’une origine œsophagienne. Inversement, une dysphagie haute peut être en rapport avec une pathologie oro-pharyngée même si d’authentiques pathologies œsophagiennes peuvent être responsables d’une dysphagie cervicale.

Les signes associés sont très importants à faire préciser. Ainsi, l’association d’une dysphagie haute à des régurgitations pharyngo-orales ou pharyngo-nasales, les fausses routes aux liquides, ou des modifications de la voix doivent faire évoquer une dysphagie d’origine oro-pharyngée. Des régurgitations alimentaires ou des douleurs thoraciques d’allure angineuse sont fréquemment associées à des troubles moteurs œsophagiens.

Le contexte pathologique peut également orienter le diagnostic. Ainsi, une dysphagie aux solides, intermittente, «capricieuse» dans un contexte de reflux gastro-œsophagien ancien doit faire suspecter une sténose peptique ou un anneau de Schatzki. Une dysphagie ancienne sans retentissement de l’état général chez un patient jeune avec terrain atopique (en particulier asthmatique) est très évocatrice d’une œsophagite à éosinophiles. Le diagnostic devient quasiment certain si existe la notion d’un ou plusieurs épisodes d’impaction alimentaire. Les autres causes fréquentes d’impaction alimentaire sont représentées par l’achalasie et l’anneau de Schatzki.

L’endoscopieest-elle normale?

Il est difficile de définir la «normalité» d’une endoscopie.Cependant, chez un patient dysphagique, l’endoscopiste doit êtreparticulièrement attentif lors de l’analyse de l’œsophage et rechercherplusieurs signes qui peuvent représenter autant d’éléments d’orientationdiagnostique.

» Le diamètre de l’œsophage

Les sténoses œsophagiennes peuvent passer inaperçues sielles sont modérées et si l’endoscopie est réalisée avec un appareil de petitcalibre. Il faut être particulièrement attentif au calibre de la jonctionœso-gastrique qui peut être franchie sans ressaut alors qu’une sténose peutêtre facilement visible sur un transit baryté de l’œsophage. Cettesituation est particulièrement fréquente dans un contexte de RGO avecantécédent d’œsophagite peptique alors même qu’il n’existe aucune anomaliemuqueuse. Dans cette situation, la dysphagie peut être expliquée par desremaniements fibro-inflammatoires de la paroi œsophagienne. L’anneau deSchatzki, qui survient également souvent dans un contexte de RGO, est parfoistrès peu serré et difficile à voir en endoscopie au niveau de la jonctionœso-gastrique. Dans les 2 cas, une dilatation instrumentale permet le plussouvent de soulager rapidement et durablement les patients, ce qui confirmel’hypothèse diagnostique a posteriori.

» La stase œsophagienne

Lorsqu’une stase œsophagienne est abondante, contenant desrésidus alimentaires, le diagnostic de trouble moteur œsophagien (en règle uneachalasie) est aisé. Toutefois, les signes peuvent être beaucoup plus discrets.Il est anormal de constater une stase même modérée de liquide dans l’œsophage.Ce signe témoigne d’un défaut de clairance œsophagienne et doit faire évoquerimpérativement un trouble moteur œsophagien.

» Les spasmes œsophagiens

La mise en évidence de contractions spastiques de l’œsophagedurant une endoscopie peut faire évoquer un trouble moteur œsophagien. Il en vade même de la sensation de ressaut au franchissement du cardia qui peut parfoiségalement être le siège d’un spasme important. Si dans certains cas, ces constationssont effectivement en rapport avec des troubles moteurs, leur spécificité etsensibilité sont probablement aussi médiocres que celle des images d’un transitbaryté de l’œsophage [1].

» Les anomalies de la muqueuse œsophagienne

Des anomalies parfois subtiles de la muqueuse œsophagiennedoivent être recherchées chez un patient dysphagique «sans raison évidente».Des stries œsophagiennes donnant à l’œsophage un aspect «pseudo-trachéal», dessillons longitudinaux, un aspect en pavage de la muqueuse œsophagienne, desdépôts blanchâtres, sont très évocateurs d’une œsophagite à éosinophiles [2] etdoivent faire pratiquer des biopsies étagées de l’œsophage. Lors des biopsies,des décollements en lambeaux, parfois importants, sont également évocateursd’une œsophagite à éosinophiles mais peuvent également être le témoin d’uneœsophagite disséquante. Des décollements muqueux peuvent être également liés aufrottement de l’endoscope et doivent faire évoquer le diagnostic d’œsophagitedisséquante. Néanmoins, en cas d’œsophagite disséquante primitive, la présenced’une sténose œsophagienne est quasi-constante en cas de dysphagie.

Quels examens complémentaires?

» Les biopsies œsophagiennes

En cas de dysphagie à endoscopie «normale», il estindispensable de réaliser des biopsies œsophagiennes, qu’il y ait des aspectsendoscopiques évocateurs d’œsophagite à éosinophiles ou non. Des études ontmontré qu’il fallait effectuer au moins 5 biopsies étagées sur toute lahauteur œsophagienne ce qui permettait d’avoir une sensibilité de 100% [3]. Ilest également important de préciser à l’anatomo-pathologiste de rechercher uneœsophagite à éosinophiles c’est-à-dire de compter le nombre d’éosinophiles parchamp. Le consensus récemment publié considère que le seuil de 15 éosinophilespar champ (fort grossissement) doit être retenu pour porter le diagnostic [2].La réalisation de biopsies permet également de constater des décollementsmuqueux pouvant enter dans le cadre d’une œsophagite disséquante.

» Le transit barytéde l’œsophage

Cet examen peut permettre de mettre en évidence des anneauxœsophagiens passés inaperçus en endoscopie, comme l’anneau de Schatzki. Il estimportant que des clichés de profil soient réalisés car certains anneaux nesont visibles que sur ces incidences. Le transit baryté peut également révélerune sténose modérée du bas œsophage. L’existence de troubles moteursœsophagiens peut être suspectée sur un transit montrant un aspect d’œsophage en«tire-bouchon» mais la spécificité de ces signes radiologiques est faible, particulièrementchez les sujets âgés. Néanmoins, un certain degré de dilatation œsophagienne,un diverticule de pulsion au niveau du 1/3 inférieur de l’œsophage ou un défautde clairance œsophagienne du produit de contraste peuvent également être dessignes de troubles moteurs œsophagiens.

Le transit baryté permettra également de mieux préciser l’impression de compression extrinsèque de l’œsophage en cas de pathologie médiastinale (tuberculose, adénopathies) ou en cas de dysphagia lusoria qui correspond à l’implantation aberrante de l’artère sous clavière droite qui va donc croiser la ligne médiane et comprimer l’œsophage. Cette anomalie anatomique (prévalence de 0,7%) est souvent asymptomatique (60-70% des cas) mais peut devenir responsable d’une dysphagie surtout après 40 ans. Dans une série récente de 6 patients, l’endoscopie ne révélait aucune anomalie significative dans 3 cas, et une «impression pulsatile» contre l’œsophage dans 3 cas [4]. Le transit baryté permet le diagnostic dans tous les cas, et peut être aidé du scanner [5].

Enfin, il faudra toujours être attentif à la portion cervicale de l’œsophage en recherchant un diverticule de Zenker, cause fréquente de dysphagie haute et souvent associé à une anomalie de relaxation du muscle cricopharyngien. Il faut cependant souligner que l’analyse des dysphagies hautes impose la réalisation d’une vidéo-radiographie de la déglutition (radiocinéma) qui permet une étude fonctionnelle de la coordination pharyngo-laryngée et la mise en évidence d’un éventuel diverticule de l’œsophage cervical [6].

» La manométrie œsophagienne

C’est un examen indispensable dans le contexte d’unedysphagie inexpliquée par l’endoscopie et les biopsies œsophagiennes. Lamanométrie permet l’étude des ondes de contraction œsophagiennes (amplitude,durée et propagation) et du sphincter inférieur de l’œsophage.

L’achalasie est le trouble moteur œsophagien primitif le plus fréquent, associant apéristaltisme œsophagien complet et absence de relaxation du SIO. Le diagnostic est relativement aisé et la prise en charge thérapeutique relativement bien codifiée reposant sur les dilatations pneumatiques de première intention et sur la myotomie chirurgicale en cas d’échec [7]. Dans les formes évoluées, l’endoscopie n’est pas normale, montrant un œsophage très dilaté contenant une stase œsophagienne. Néanmoins, dans les formes débutantes, l’endoscopie peut être strictement normale ou ne montrer que de discrètes anomalies (minime stase liquidienne, ressaut ou spasme cardial).

Les troubles moteurs œsophagiens non achalasiques sont plus difficiles à appréhender. Toute la difficulté est de mettre sur le compte des anomalies manométriques une dysphagie inexpliquée. Les principales anomalies manométriques rencontrées sont les suivantes :

– Œsophage sclérodermique : sclérodermie confirmée selon les critères cliniques usuels et hypotonie des ondes œsophagiennes distales avec ou sans hypotonie du SIO;

– Œsophage casse-noisettes : péristaltisme normal mais ondes œsophagiennes distales d’amplitude moyenne > 180 mmHg;

– Motricité œsophagienne inefficace («ineffective esophageal motility») : plus de 30% d’ondes œsophagiennes distales d’amplitude < 30 mmHg;

– Maladie des spasmes diffus : Plus de 20% d’ondes œsophagiennes distales simultanées;

– Défaut de relaxation du SIO : péristaltisme œsophagien normal mais pression résiduelle du SIO lors des déglutitions > 8 mmHg;

– SIO hypertonique : pression de repos > 45 mmHg et péristaltisme œsophagien normal.

» Autres examens

L’impédancemétrie œsophagienne

L’impédancemétrie œsophagienne couplée à la manométrie apermis de mieux définir la pertinence des anomalies manométriques observées.L’impédance (en ohms) représente l’opposition à un courant entre deuxélectrodes; elle est donc inversement proportionnelle à la conductivité électriquedu matériel dans lequel ce courant circule. Les conductivités de la paroiœsophagienne, de l’air, ou de différents bolus (salive, contenu gastrique) sontdifférentes, de telle sorte que la présence de chacun de ces éléments aucontact d’électrodes placées dans l’œsophage va induire un profil d’impédancedifférent. Ainsi, la présence d’un bolus de faible conductivité comme l’air,induit une augmentation de l’impédance entre les deux électrodes, alors qu’unbolus liquide, de haute conductivité électrique, provoque une chute del’impédance endoluminale [8]. Lors d’une étude coupléemanométrie-impédancemétrie, il est possible d’analyser simultanément lamotricité œsophagienne (amplitude et propagation des ondes de contraction) etla résultante fonctionnelle en terme de transit du bolus dégluti.

Tutuian et al. [9] ont mené une étude chez 350 sujets présentant soit une manométrie normale soit des anomalies telles que celles décrites plus haut. Ils ont montré qu’aucun des patients avec achalasie ou œsophage sclérodermique n’avait un transit normal du bolus œsophagien. Environ 50% des patients avec maladie des spasmes diffus et motricité œsophagienne inefficace avait un transit normal du bolus œsophagien, alors que cette proportion était de 95 à 100% pour les autres catégories de patients. Il semble donc que la pertinence des anomalies manométriques en terme de dysphagie ne concerne que les patients chez qui un ralentissement du transit du bolus œsophagien est constaté. Il faut cependant souligner que sensibilité et spécificité des anomalies détectées en impédancemétrie sont relativement médiocres puisque 50% des patients dysphagiques de cette série avaient un transit œsophagien normal et que 30% des patients non dysphagiques avaient un transit de bolus œsophagien ralenti.

La manométrie haute résolution

La manométrie haute résolution (MHR) permet une étude bienplus précise de la motricité œsophagienne que la manométrie classique. Cesperformances reposent sur l’utilisation de sondes équipées de 36 capteursélectroniques permettant une représentation spatio-temporelle en «pseudo 3D»des valeurs de pression obtenues. Selon les études, pour l’exploration desdysphagies, l’apport diagnostique de la MHR serait de 12 à 20% par rapport à lamanométrie conventionnelle. Ainsi la MHR peut rectifier des diagnostics de«pseudo-relaxation» du SIO liée au raccourcissement œsophagien dans l’achalasievigoureuse, faire la différence entre des spasmes œsophagiens et uneaugmentation importante de la pression intra-bolus lors des déglutitions [10].Reste le problème de la pertinence clinique des anomalies observées qui n’estpas pour l’instant clairement établie.

Conduite à tenir

La conduite à tenir proposée (Fig. 1) tient compte desdifférents éléments cités préalablement.

Chez un patient dysphagique, l’analyse du contexte cliniqueest essentielle et doit bien sûr intervenir avant même la réalisation del’endoscopie. Il faudra savoir évoquer avant l’endoscopie, la possibilité d’unedysphagie oro-pharyngée, d’une œsophagite à éosinophiles (adulte jeune,asthmatique avec épisodes d’impaction alimentaire), d’un RGO ancien pouvant secompliquer de sténose peptique ou d’anneau de Schatzki.

L’endoscopie aura un meilleur rendement diagnostique si l’endoscopiste est attentif à certaines anomalies de calibre (sténose modérée, anneaux), de contenu (stase liquidienne minime) ou de la muqueuse (stries, sillons, dépôts blanchâtres). Des décollements muqueux spontanés, lors du frottement de l’endoscope ou des biopsies devront être notés. Enfin, même en l’absence d’anomalie, des biopsies systématiques doivent être réalisées, au minimum 5 réparties sur toute la hauteur de l’œsophage. En cas de suspicion d’œsophagite à éosinophiles, il peut exister une hyperéosinophilie sur la numération formule sanguine dans 10 à 50% des cas.

Le transit baryté de l’œsophage doit être proposé en deuxième intention pour rechercher des anomalies de calibre (dilatation, sténose), des diaphragmes, une compression extrinsèque, voire un diverticule de Zenker. Des clichés de profil et de l’œsophage cervical (de profil également) devront être obtenus.

La manométrie œsophagienne permet de poser le diagnostic de troubles moteurs œsophagiens, particulièrement l’achalasie et la maladie des spasmes diffus, les autres troubles moteurs œsophagiens n’étant pas assurément responsables de dysphagie. Les places respectives de l’étude couplée manométrie-impédance et de la manométrie haute résolution seront certainement précisées dans les années à venir.

Si le bilan est négatif et que le patient a une dysphagie haute, il faut orienter les investigations vers une origine oro-pharyngée et envisager la réalisation d’une vidéoradiographie de la déglutition.

Cas particuliers

» L’œsophagite à éosinophiles

L’œsophagite à éosinophiles est l’objet d’un regaind’intérêt récent, probablement à la faveur d’une incidence en forteaugmentation, bien que les données soient finalement assez contradictoires [2].Il n‘est pas exclu que nous soyons plus attentifs aujourd’hui à des anomaliesendoscopiques et histologiques que nous rencontrions antérieurement sans yprêter attention. Il s’agit d’une maladie très fréquente chez l’enfant etl’adulte jeune, dont la physiopathologie est assez mal connue mais qui faittrès probablement intervenir des mécanismes immunoallergiques, en particuliervis-à-vis de protéines alimentaires. La triade clinique est trèsévocatrice : adulte jeune, terrain allergique (asthme), épisoded’impaction alimentaire. L’interrogatoire révèle toujours l’existence d’unedysphagie ancienne la plus souvent sans retentissement sur l’état général. Siles aspects endoscopiques précédemment décrits sont très évocateurs, ilspeuvent être discrets ou absents ce qui justifie la réalisation de biopsiesœsophagiennes systématiques (au minimum 5) en cas de dysphagie inexpliquée. Lediagnostic histologique est relativement simple si l’anatomo-pathologiste estorienté par le clinicien, et repose sur la mise en évidence d’unehyperéosinophilie intra-épithéliale (> 15 par champ à fort grossissement).Les principaux diagnostics différentiels sont : le RGO, la gastroentériteà éosinophiles, la maladie de Crohn, le syndrome hyperéosinophilique, lesconnectivites. En pratique, le diagnostic positif est très aisé. Le traitementd’une œsophagite à éosinophiles repose sur les corticoïdes topiques. Ilconsiste à faire avaler au patient des bouffées de corticoïdes habituellementutilisés en inhalation (2 à 4 bouffées de 220gpar jour pendant 4 à 6 semaines). Les symptômes récidivent souvent à l’arrêt dutraitement et peuvent nécessiter un traitement d’entretien dont l’objectif estd’obtenir la rémission clinique plus qu’histologique [2]. En cas de symptômessévères résistants à cette prise en charge, les corticoïdes peuvent êtreadministrés par voie générale. Des dilatations instrumentales peuvent êtreproposées en cas de sténose. L’intérêt du bilan allergologique et l’exclusiondes aliments responsables ont été clairement démontrés chez l’enfant, mais nousne disposons pas de données chez l’adulte.

»

» L’œsophagitedisséquante chronique

L’œsophagite disséquante (ODC) est définie par undécollement superficiel de la muqueuse œsophagienne occasionné par lefrottement de l’endoscope ou lors de biopsies œsophagiennes. Dans notreexpérience, les ODC sont primitives dans 20% des cas mais une sténoseœsophagienne est toujours retrouvée ce qui sort alors du cadre des endoscopies«normales» [11]. Les ODC secondaires surviennent dans un contexte de RGO, demaladie dermatologique (lichen plan, pemphigus vulgaire), d’œsophagite àéosinophiles, de cancer de l’œsophage ou de maladie de Crohn. Il est difficiled’affirmer que la constatation d’une ODC dans un tel contexte explique à elleseule, une dysphagie en l’absence de sténose. Dans notre série de 15 cas d’ODCsecondaires, les formes sans sténoses étaient représentées par les œsophagitesà éosinophiles (n=3), le RGO (n=3) et la maladie de Crohn. Les ODC sans sténosesont caractérisées par le caractère moins sévère de la dysphagie et le recourspeu fréquent aux dilatations. D’une manière générale, il n’existe pas detraitement codifié des ODC.

» Les troubles moteurs œsophagiens

La prise en charge thérapeutique de l’achalasie del’œsophage fait appel en première intention aux dilatations pneumatiques ou àla cardiomyotomie chirurgicale. Le débat reste ouvert entre les tenants dutraitement endoscopique et les équipes préférant d’emblée proposer une prise encharge chirurgicale. Dans notre expérience, les dilatations pneumatiquespermettent une rémission dans 90% des cas, 1/3 des patients rechutant dans les2 ans. La réalisation de dilatations pneumatiques «à la demande» permet demaintenir en rémission la quasi-totalité des patients [7]. La réponse viendrapeut-être des études randomisées actuellement en cours.

La prise en charge des troubles moteurs œsophagiens non achalasiques est peu rapportée dans la littérature. La plupart des études concernent la maladie des spasmes diffus de l’œsophage, sont rarement contrôlées et ont inclus de petits effectifs. La première option consiste à chercher et/ou traiter un éventuel reflux gastro-œsophagien qui peut induire des spasmes œsophagiens [1]. En deuxième intention, un traitement médical faisant appel aux dérivés nitrés ou aux inhibiteurs calciques peut être proposé. En cas d’échec, l’injection de toxine botulique dans le cardia peut représenter une option intéressante. Plusieurs séries ouvertes ont rapporté de bons résultats des dilatations pneumatiques. Dans notre expérience portant sur 21 patients avec divers troubles moteurs non achalasiques (dont 6 maladies des spasmes diffus), les dilatations pneumatiques ont permis d’obtenir une rémission prolongée dans 71% des cas. Il faut noter que l’hypertonie ou les troubles de la relaxation du SIO n’influençait pas la réponse au traitement [12]. Le recours à la cardiomyotomie chirurgicale doit rester exceptionnel, les séries publiées étant très limitées et
portant sur de faibles effectifs très sélectionnés.

Conclusion

La démarche diagnostique devant une dysphagie «inexpliquée»impose un examen endoscopique minutieux, attentif à des anomalies discrètes quiont pu passer inaperçues lors d’un examen précédent ou lors d’un premierpassage de l’endoscope. Les anomalies de calibre, de contenu, ou de la muqueusedoivent retenir l’attention de l’endoscopiste qui devra dans tous les cas,effectuer des biopsies œsophagiennes. Cette attitude est justifiée parl’émergence de pathologies telles que les œsophagites à éosinophiles ou lesœsophagites disséquantes. Le transit baryté de l’œsophage et la manométrieœsophagienne sont des compléments utiles même si la pertinence des anomaliesobservées est parfois difficile à apprécier.

REFERENCES

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