Syndrome de l’intestin irritable : traitements conventionnels et alternatifs
Objectifs pédagogiques
- Connaître les cibles thérapeutiques potentielles
- Savoir prescrire les traitements à action centrale
- Connaître les traitements alternatifs ayant démontré une efficacité
Abréviations
IRS : inhibiteurs de recapture de la sérotonine, SII : syndrome de l’intestin irritable, SII-D : syndrome de l’intestin irritable à diarrhée prédominante, SII- C : syndrome de l’intestin irritable à constipation prédominante, SII-M : syndrome de l’intestin irritable mixte avec alternance de diarrhée et de constipation, 5-HT : sérotonine
Introduction
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est le syndrome fonctionnel digestif le plus fréquent. Il est défini par des critères cliniques qui ont évolué avec le temps, les derniers en date étant les critères de Rome III (1) (tableau 1). Selon la forme et la consistance des selles, définies par l’échelle de Bristol (2) (figure 1), il est possible d’identifier différents sous-groupes : diarrhée prédominante (SII-D), constipation prédominante (SII-C), mixte avec alternance de diarrhée et de constipation (SII-M) et SII non défini. Alors qu’initialement le SII était considéré comme un trouble de la motricité digestive, les multiples travaux réalisés ces 20 dernières années ont clairement démontré qu’il s’agit d’un syndrome complexe associant à des degrés divers des troubles de la motricité digestive, une hypersensibilité viscérale, un état micro-inflammatoire de la muqueuse digestive voire systémique, une augmentation de la perméabilité digestive, des anomalies dans le contrôle de la douleur viscérale au niveau médullaire, des anomalies dans l’intégration de la douleur viscérale au niveau cortical, des facteurs psychosociaux, une dysbiose de la flore bactérienne colique, une augmentation de la flore digestive…
Toutes ces anomalies peuvent être plus ou moins associées mais elles se manifestent par une symptomatologie identique. Il n’existe donc pas une cible thérapeutique au cours du SII mais plusieurs cibles thérapeutiques potentielles. Mais ni la simple analyse des symptômes ni les examens complémentaires standards ne permettent d’identifier le mécanisme physiopathologique responsable, donc de définir un profil de répondeur à un traitement ciblé.
Les essais thérapeutiques testant des molécules ou des procédures non médicamenteuses doivent répondre à des critères stricts d’évaluation avec en particulier des critères d’inclusion bien spécifiés (critère de Rome avec éventuellement un sous-groupe spécifique), un design randomisé contre placebo avec des groupes parallèles, un nombre de patients suffisant (en général au moins 150 patients par groupe), une durée d’étude comprise entre 4 et 12 semaines avec une période de sélection pour confirmer que le patient est symptomatique, un critère principal d’évaluation (variation d’un critère global d’efficacité ou de la douleur abdominale) et des critères secondaires bien définis avec si possible une évaluation de la qualité de vie et si possible un suivi après traitement pour vérifier si l’effet est temporaire ou se maintient avec le temps (3). Malheureusement, les traitements évalués selon cette méthodologie stricte, définie par les agences de santé à la fin des années 1990, sont peu nombreux. Enfin, comme dans de nombreuses pathologies fonctionnelles, l’effet placebo est important au cours des essais thérapeutiques, en moyenne de 37,5 % (4), rendant difficile l’évaluation de nouvelles molécules au cours du SII.
Objectifs thérapeutiques
Le SII est une pathologie chronique et récurrente alternant des périodes symptomatiques et d’autres d’accalmie. Promettre au patient une guérison complète et définitive grâce à une intervention thérapeutique, quelle qu’elle soit, n’est pas réaliste en l’état actuel des traitements disponibles. En revanche, fixer des objectifs thérapeutiques raisonnables, comme par exemple une diminution de l’intensité de la douleur abdominale de 50 ou 60 %, est une attitude plus pragmatique, surtout si les symptômes sont anciens et installés. La tenue par le patient d’un calendrier symptomatique prospectif peut être utile pour évaluer objectivement l’efficacité d’un traitement.
Éducation thérapeutique
Le niveau de connaissance des patients sur le SII est faible et source de majoration de l’anxiété (5). La mise en place de programme éducatif, sous forme d’ouvrage didactique ou de séances d’enseignement menées par un professionnel de santé, a été proposée pour améliorer la prise en charge des patients. Des résultats préliminaires suggèrent que des séances d’éducation thérapeutique menées par un professionnel sont plus efficaces que les ouvrages (6), elles améliorent les symptômes et la qualité de vie des patients (7). Ces techniques d’éducation thérapeutique, qui voient aussi le jour dans d’autres pathologies chroniques, méritent d’être davantage évaluées et développées. Le recours à des associations de patients peut aussi avoir une certaine utilité. La création récente de la première association française de patients atteints de SII (Association des Patients Souffrant de Syndrome de l’Intestin Irritable : APSSII ; www.apssii.org) permettra de diffuser des informations destinées aux patients, validées par un conseil scientifique.
Conseils diététiques
Les patients atteints de SII signalent souvent une relation chronologique entre la prise alimentaire et l’apparition ou l’aggravation des symptômes. La recherche de régime adapté est une question récurrente souvent au centre de leur préoccupation.
Apport en fibres alimentaires
L’enrichissement en fibres alimentaires est un conseil habituel, mais le bénéfice en est faible, uniquement dans le sous-groupe SII-C (8). Les fibres insolubles, comme le son de blé, peuvent même avoir un effet délétère et aggraver les symptômes de ballonnement abdominal (8). Les fibres solubles ont été peu évaluées de manière satisfaisante, elles pourraient avoir une efficacité sur les symptômes digestifs, quel que soit le sousgroupe (9). À l’inverse, l’élimination des fibres, en diminuant la quantité de substrat fermentescible par la flore colique, pourrait améliorer les symptômes à type de ballonnements (10).
Allergie alimentaire, intolérance alimentaire, régimes d’exclusion
Certains patients atteints de SII décrivent une relation nette, parfois reproductible, entre la prise d’un aliment précis, ou d’une famille d’aliment, et la survenue de symptômes digestifs faisant poser la question d’une allergie ou d’une intolérance alimentaire (11). L’allergie alimentaire vraie, IgE dépendante, est rare chez l’adulte. Dans les rares cas où elle peut être prouvée, un régime d’exclusion est souvent efficace. L’intolérance alimentaire est un terme mal défini. Il existe probablement des réactions immunitaires non IgE dépendantes à certains aliments qui pourraient favoriser l’apparition de symptômes. Une étude anglaise contre placebo a montré que l’exclusion d’aliments, identifiés sur la base d’anticorps de type IgG, entraînait une amélioration des symptômes et que leur réintroduction en provoquait la récidive (12). À ce jour, les tests immunologiques disponibles sur le marché ne sont pas fiables et cette recherche ne doit pas être réalisée en pratique quotidienne.
La prévalence d’une malabsorption en sucre non ou mal absorbés rapidement fermentescibles, regroupés s o u s l’acronyme FODMAP (Fermentable Oligo Di and Monosaccharides And Polyol), est probablement sous-estimée d’autant que ces sucres sont incorporés de plus en plus largement dans les préparations alimentaires industrielles (13). Des résultats préliminaires ont montré qu’une prise prolongée de 50 g/j de FODMAP entraînait une augmentation des symptômes digestifs par rapport à une prise de 10 g/j. Une consultation diététique pourrait être utile pour identifier une consommation excessive de FODMAP, en particulier de fructose, mais à ce jour aucune étude n’a montré qu’un régime d’exclusion est utile dans ce cadre. La pratique quotidienne montre que, sous l’influence de certains médias, de nombreux patients entreprennent des régimes sans gluten alors que les anticorps spécifiques de la maladie coeliaque sont négatifs. Aucune étude ou série de cas n’a été rapportée pour justifier un tel régime qui ne doit pas être préconisé.
Compte tenu de la personnalité obsessionnelle de certains patients, il est important de limiter au maximum les prescriptions diététiques qui peuvent entraîner des régimes drastiques aboutissant parfois à des carences.
Traitements médicamenteux à action périphérique
Les modificateurs du transit
La correction des troubles du transit contribue à améliorer les symptômes digestifs. Les laxatifs osmotiques, notamment les macrogols, doivent être préférés aux laxatifs de lests susceptibles de majorer la sensation de ballonnement (14). Chez les patients ayant un SII-D le lopéramide réduit la fréquence des selles et améliore leur consistance mais augmente parfois la douleur abdominale (15). Chez les patients SII-A, le lopéramide doit être évité. Les mucilages pourraient avoir une certaine efficacité dans cette situation d’autant que les patients ayant un SII-A se rapprochent plus du sous-groupe SII-C que SII-D (16).
Les antispasmodiques
Les antispasmodiques ont, pour la plupart, obtenu une autorisation de mise sur le marché il y a de nombreuses années sur la base d’essais qui ne répondent plus aux critères de qualité actuellement requis par les agences de santé. Leur efficacité a fait l’objet de plusieurs métaanalyses (17-19) qui concluaient que certaines molécules, comme la trimébutine, la mébévérine ou le pinavérium, étaient supérieures au placebo dans le traitement de la douleur abdominale mais ne modifiaient pas les troubles du transit. Une métaanalyse plus récente (15) n’a pas confirmé ces résultats. L’efficacité de ces antispasmodiques mériterait d’être à nouveau étudiée dans le cadre d’études rigoureuses. Ces molécules étant tombées dans le domaine public depuis quelques années, il est totalement improbable qu’elles soient un jour réalisées.
Le phloroglucinol, un antispasmodique d’action rapide, et l’association citrate d’alvérine-siméthicone n’étaient pas inclus dans ces métaanalyses. Le phloroglucinol a été réévalué en 2007 selon une méthodologie adéquate, en prise courte pour traiter les accès douloureux compte tenu du fait que la durée d’une poussée douloureuse est comprise entre 1 et 3 jours chez près de 40 % des patients (20). Dans cette situation, le pholoroglucinol a une efficacité supérieure au placebo (21). L’association citrate d’alvérine et siméthicone a aussi été réévaluée en 2009 selon une méthodologie moderne après 4 semaines de traitement elle entraîne une amélioration de la douleur abdominale et du transit par rapport au placebo (22).
La montmorillonite beidellitique
Cette argile a aussi été réévaluée récemment lors d’un essai contrôlé contre placebo mené chez 524 patients. L’analyse globale ne montrait pas d’efficacité, en revanche l’analyse par sous-groupe retrouvait un effet significatif dans le sous-groupe de patients SII-C (23).
Les traitements agissant sur la flore digestive
Ces dernières années, plusieurs travaux ont montré qu’il existe soit une anomalie qualitative de la flore digestive, une dysbiose, soit une anomalie quantitative de la flore, une pullulation bactérienne. Si la présence d’une dysbiose est une piste de recherche active actuellement, le rôle d’une pullulation bactérienne est beaucoup plus discuté, elle ne serait présente que chez 5 à 10 % des patients (24, 25).
Traitements par antibiotiques
Les antibiotiques peu ou pas absorbés par le tube digestif sont utiles pour traiter la colonisation bactérienne. Plusieurs essais méthodologiquement imparfaits ont été rapportés (26). La rifaximine, un antibiotique à large spectre non absorbé déjà disponible dans de nombreux pays pour le traitement de la diarrhée aiguë des voyageurs, vient d’être évaluée dans 2 études de grandes envergure (essais Target 1 et 2) chez des patients SII non constipés (27). Après 15 jours de traitement (550 mg × 3/j), le pourcentage de répondeur était significativement plus élevé dans le groupe traité que dans le groupe placebo (40,7 % vs. 31,7 %, respectivement) et cet effet se maintenait durant les3mois suivant le traitement. Même si la différence entre les deux groupes est seulement de9 %, c’est la première fois qu’il est montré qu’un traitement antibiotique bref permet de diminuer de manière durable l’intensité des symptômes du SII.
Traitement par probiotiques
L’utilisation des probiotiques au cours du SII repose sur l’hypothèse qu’il existe une dysbiose au cours du SII, hypothèse confirmée récemment. De nombreux probiotiques sont disponibles sur le marché et contiennent soit une seule souche bactérienne, soit l’association de plusieurs souches. Ne nécessitant pas de prescription médicale, plusieurs enquêtes ont montré qu’environ 20 % des patients atteints de SII utilisent ou avaient déjà utilisé des probiotiques soit en auto-prescription, cas le plus fréquent, soit après avis médical. Le mode d’action des probiotiques est mal connu. Ils pourraient agir soit en modifiant l’écosystème digestif soit par la sécrétion de substances ayant des effets régulateurs sur le pH colique, sur l’immunité locale, les acides biliaires ou sur d’autres cibles non encore identifiées (28). Chez l’homme, dans une étude rigoureuse répondant aux standards actuels, il a été montré que la souche Bacteroides infantis 35624 améliorait les symptômes de SII par rapport au placebo mais aussi avait un effet anti-inflammatoire en réduisant les concentrations cytokines circulantes pro-inflammatoires (29). Des études chez l’animal ont également montré que certains probiotiques, comme Bacteroides infantis 35624 ou une souche de lactobacillus acidophilus, avaient un effet antalgique et activaient les récepteurs digestifs aux opioïdes (30, 31). Les résultats des études cliniques au cours du SII sont discordants avec une méthodologie souvent imparfaite. Une métaanalyse (24) a cependant montré que les probiotiques avaient une efficacité supérieure au placebo (RR 0.71 ; IC 95 % : 0,57-0,88) et que le nombre de patients à traiter pour en guérir 1 était de 4 (IC 95 % : 3-12). Bien que critiquable, car comparant des souches différentes n’ayant pas forcément le même mécanisme d’action, cette métaanalyse suggère fortement que les probiotiques sont une option thérapeutique sérieuse au cours du SII ; reste à préciser quelles souches ont une efficacité chez l’homme et leur mécanisme d’action. De nombreux essais thérapeutiques sont en cours.
Anti-inflammatoires
Compte tenu de la présence d’un état micro-inflammatoire au niveau de la muqueuse digestive, il semble logique de tester les molécules ayant une action anti-inflammatoire au cours du SII, comme au cours des maladies inflammatoires intestinales. Une corticothérapie de 4 semaines à la dose de 30 mg/j n’améliore pas les symptômes digestifs chez des patients ayant un SII-postinfectieux (32). Une étude préliminaire chez 20 patients a montré que la mésalazine à la dose de 2,4 g/j diminuait l’intensité de la réaction inflammatoire chez les patients mais n’amélioraient pas les symptômes digestifs (33). Le budésonide, dont l’efficacité a été démontrée au cours des colites microscopiques, n’a jamais été testé au cours du SII.
Traitements médicamenteux à action centrale
La présence d’une hypersensibilité viscérale à la distension est retrouvée chez environ 60 % des patients atteints de SII. Les mécanismes à l’origine de cette anomalie sont complexes, multiples avec à la fois une origine périphérique mais aussi une origine centrale associant à des degrés divers des phénomènes d’hyperexcitabilité médullaire, avec perte de certains mécanismes contrôlant la douleur, et des anomalies dans les centres d’intégration au niveau cortical (34). Certaines molécules agissant directement sur ces cibles sont souvent utilisées. Il faut rappeler que les antalgiques de niveau 1 ou 2 ne sont pas efficaces sur la douleur abdominale du SII. Quant aux antalgiques de niveau 3, il ne faut pas les utiliser compte tenu de la constipation qu’ils induisent, d’une possible dépendance avec le temps et surtout de l’absence de preuve d’efficacité au cours du SII.
Les antidépresseurs
Comme dans de nombreuses pathologies fonctionnelles chroniques, les antidépresseurs sont utiles dans le traitement du SII non seulement par leur éventuelle action sur l’humeur mais aussi parce qu’à faible dose ils ont une action antalgique. Aucun antidépresseur ne dispose de l’AMM dans cette indication.
Les antidépresseurs tricycliques
Deux métaanalyses (35, 36) ont montré que la probabilité d’amélioration de la douleur abdominale au cours du SII était supérieure au placebo avec un risque relatif variant de 2,6 à 4,0 et une probabilité de devenir asymptomatique 2 fois plus élevée sous traitement que sous placebo (35). Cet effet bénéfique ne nécessite pas d’utiliser des doses élevées, comme celles nécessaires pour améliorer les troubles de l’humeur. L’efficacité thérapeutique est progressive, à partir de la seconde semaine de traitement voire parfois après quelques mois (37). Il est indispensable d’expliquer au patient le mode d’action des antidépresseurs, la dose optimale devant être atteinte progressivement sur quelques jours afin de minimiser les effets secondaires et d’augmenter la compliance. En effet, une étude testant l’efficacité de la désipramine chez des patients ayant un SII amontré qu’il existait une amélioration des symptômes sous traitement sans atteindre le seuil de significativité ; l’analyse per-protocole éliminant les patients ayant une désimipraminémie indétectable, reflet d’une mauvaise compliance du patient, montrait alors que la désipramine était significativement supérieure au placebo (38). L’efficacité des antidépresseurs est similaire quel que soit le trouble du transit associé. Un test thérapeutique de 1 à 3 mois est nécessaire avant de conclure à une absence d’efficacité. En cas de succès, la pratique habituelle est de diminuer la dose progressivement après6mois (avis d’expert).
Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine (IRS)
Les IRS représentent une option thérapeutique intéressante compte tenu du rôle de la sérotonine (5-HT) dans la régulation de la motricité et de la sensibilité viscérale. Cependant, les résultats des essais cliniques réalisés avec cette classe sont moins convaincants qu’avec les tricycliques avec dans tous les cas une amélioration des troubles de l’humeur mais une efficacité moindre sur les symptômes douloureux et des résultats divergents selon les études avec la fluoxétine, la paroxétine ou le citalopram (39-44).
Les antiépileptiques
Les antiépileptiques, par leur action au niveau médullaire, sont souvent utilisés au cours des syndromes douloureux chroniques et des douleurs neuropathiques. La prégabaline inhibe la libération neuronale de neurotransmetteurs excitateurs. Un essai contrôlé bien mené, même si les effectifs étaient faibles, a montré que la prégabaline à la dose de 600 mg/j avait une efficacité supérieure au placebo et permettait de corriger l’hypersensibilité viscérale à la distension (45). La tolérance au traitement étant parfois médiocre, il est important d’augmenter progressivement les doses.
La mélatonine
25 à 50 % des patients ayant un SII signalent des troubles du sommeil. La mélatonine permet de réguler le sommeil mais a aussi un effet régulateur sur la motricité et la sensibilité du tube digestif. Deux essais contre placebo ont montré que la mélatonine à la dose de 3 mg au coucher entraînait une amélioration des symptômes (46, 47).
L’octréotide
L’octréotide a un effet antalgique viscéral et cet effet a été confirmé dans un essai mené chez 46 patients ; mais à l’issue des 8 semaines de traitement, l’utilisation d’une forme retard n’a pas montré d’efficacité supérieure au placebo (48).
Les traitements qui n’arriveront jamais sur le marché !
Au début des années 2000, le tégaserod, un agoniste partiel des récepteurs 5-HT4, a été développé dans le cadre du SII-C ; l’alosétron et le cilansétron, des antagonistes des récepteurs 5-HT3, ont été développés dans le traitement du SII-D. Ces molécules ont montré une efficacité supérieure au placebo (49) et ont obtenu des autorisations de mise sur le marché dans certains pays, à l’exception des pays membres de l’Union européenne. La survenue d’effets secondaires potentiellement graves rapportés après la commercialisation, parfois responsables de décès, a fait que ces traitements ont été retirés du marché ou ont eu des restrictions très strictes de prescription, comme pour l’alosétron aux États-Unis.
Les traitements qui arriveront peut-être sur le marché
Malgré ces déboires récents, la recherche industrielle dans le domaine du SII reste importante compte tenu du nombre de patients susceptibles d’être traités (50). De nombreuses molécules sont en cours de développement. Le linaclotide, développé dans le cadre du SII-C, le prucalopride et la lubiprostone développés initialement dans la constipation pourraient apparaître prochainement. Cependant, la complexité de la physiopathologie du SII est telle qu’il est peu probable qu’une molécule pourra s’imposer comme étant le traitement de référence du SII.
Les traitements alternatifs
Par définition, les traitements alternatifs correspondent à des pratiques médicales ne faisant pas partie de la médecine conventionnelle. Dans la jungle des traitements proposés, il est important d’éliminer les méthodes proches du charlatanisme comme l’hydrothérapie du colon, l’auriculothérapie ou l’aromathérapie, de celles qui pourraient avoir un véritable effet bénéfique au cours du SII. Dans une revue publiée en 2000, parmi les 5 000 essais analysés, quelle que soit la pathologie considérée, 258 essais, soit à peine 5 %, répondaient aux standards des essais randomisés (51). Cependant, 34 % des patients atteints de SII reconnaissent avoir recours à des traitements alternatifs (52). Compte tenu de l’importance de l’effet placebo au cours du SII, seule une analyse rigoureuse permet de recommander le recours à certains traitements dits alternatifs.
Hypnose
La première étude randomisée testant l’efficacité de l’hypnose au cours du SII date de 1984 (53) sur la base du rationnel, assez flou, qu’il existe des facteurs psychosociaux au cours du SII. Quoi qu’il en soit, cette étude de l’équipe de Manchester a montré que l’hypnose améliorait tous les symptômes (douleurs, ballonnements) chez des patients atteints de SII. Pendant longtemps, seul ce groupe s’est intéressé à l’hypnose et plusieurs études ouvertes ont montré que l’efficacité se maintenait à long terme (81 % d’amélioration à 5 ans chez les répondeurs initiaux) entraînant une amélioration de la qualité de vie, une diminution du recours au soin, que les résultats étaient meilleurs chez les sujets de moins de 50 ans, que l’hypnose améliorait les symptômes extradigestifs et qu’elle permettait de corriger l’hypersensibilité viscérale à la distension (54-56). Les mécanismes d’action de l’hypnose au cours du SII ne sont pas connus. Chez le sujet sain des études par IRM fonctionnelle ont montré que l’hypnose modifie les seuils d’activation des zones cérébrales impliquées dans le contrôle de la douleur somatique (57). Après une longue période de scepticisme, d’autres études ont confirmé ces résultats (58-60) et l’hypnose est maintenant reconnue comme une option thérapeutique valide au cours du SII, notamment chez les sujets jeunes. Il est possible que l’hypnose sera plus efficace chez les patients dont les symptômes sont augmentés ou déclenchés par le stress mais ceci n’a jamais été confirmé. Plusieurs formations académiques à l’hypnose ont vu le jour ces dernières années ; la prise en charge du SII et des pathologies fonctionnelles digestives y est spécifiquement abordée. Dans la mesure du possible, il est souhaitable de recourir à des praticiens (médecin, infirmière, psychologue) ayant suivi une de ces formations.
Ostéopathie
Les techniques d’ostéopathie varient selon les pays, il est donc a priori difficile de comparer les rares études disponibles entre elles. Un essai randomisé allemand a montré une efficacité de l’ostéopathie supérieure à une prise en charge standard (68 % vs 17 %) (61). Deux essais randomisés français comparant une ostéopathie vraie à une ostéopathie placebo seront rapportés durant les JFHOD 2011 ; ils confirment que cette technique est efficace (voir livre des résumés des JFOD 2011 pour références). Les modes d’action ne sont pas connus. Compte tenu des différentes écoles d’ostéopathie, il est important de préciser quelles sont les techniques ayant une efficacité avant de proposer cette approche thérapeutique aux patients.
Autres méthodes
Parmi toutes les méthodes alternatives, l’acupuncture est sans doute celle qui se prête le mieux aux essais randomisés mais malheureusement la majorité des études sont de faible qualité (62). Une étude n’a pas montré d’efficacité de l’acupuncture thérapeutique par rapport à une acupuncture placebo (63). Une étude randomisée a testé l’efficacité de la phytothérapie (hypericum perforatum, une plante efficace au cours de la dépression minime) chez des patients atteints de SII (64). L’amélioration dans le groupe placebo était significativement supérieure à celle notée dans le groupe traité par hypericum perforatum ! Certaines études font état d’une efficacité des « herbes chinoises » au cours du SII ; leur composition étant totalement inconnue, il n’est pas recommandé d’y recourir. Quant aux cures thermales ou à l’homéopathie, aucune étude randomisée n’a montré une quelconque efficacité sur les symptômes digestifs au cours du SII.
Conclusion
Les traitements efficaces au cours du SII sont multiples et ont des cibles différentes. La simple analyse des symptômes ne permet pas d’identifier le ou les mécanismes physiopathologiques impliqués chez un patient donné. Une attitude pragmatique basée sur une ébauche d’éducation thérapeutique, la correction des troubles du transit et la prescription d’un traitement à visée périphérique, en privilégiant ceux ayant montré une action lors d’études rigoureuses, doit être retenue en première intention. En cas d’échec patent d’une ou plusieurs de ces molécules, avec évaluation prospective des symptômes, les antidépresseurs tricycliques à faible dose peuvent être considérés comme le traitement de seconde intention. L’hypnose, à la condition de recourir à un praticien ayant reçu une formation spécifique, ou les antiépileptiques, en se méfiant des effets secondaires, peuvent être utilisés en troisième intention. En cas de multiples échecs thérapeutiques, le diagnostic de SII doit être remis en question et l’hypothèse d’une douleur abdominale non digestive (douleur pariétale, douleur projetée) doit être évoquée. Il est probable que de nouvelles molécules apparaîtront un jour sur le marché à la condition de démontrer une efficacité nettement supérieure au placebo et d’avoir un profil de tolérance sans faille ; il est peu probable que cette ou ces molécules seront efficaces chez tous les patients ayant un SII.
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Les 5 points forts
- Beaucoup d’essais thérapeutiques sont critiquables, Seuls les essais randomisés bien menés, selon les standards actuels, permettent de conclure à l’efficacité d’un traitement au cours du SII.
- Parmi, les antispasmodiques disponibles, peu ont clairement démontré une efficacité sur la douleur abdominale.
- Certains probiotiques sont globalement efficaces au cours du SII.
- Les antidépresseurs tricycliques à faible dose doivent être privilégiés par rapport aux inhibiteurs de recapture de la sérotonine.
- Parmi les traitements dits alternatifs, seule l’hypnose a clairement montré une action bénéfique sur les symptômes.
FMC HGE : Organisme certifié Qualiopi pour la catégorie ACTIONS DE FORMATION
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