Mucosectomie colorectale

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les bonnes indications et les contre-indications

Introduction

La mucosectomie endoscopique est devenue le traitement radical et curateur de référence des tumeurs superficielles du tube digestif : tumeurs bénignes planes ou sessiles ; lésions précancéreuses et cancers superficiels comportant un risque ganglionnaire nul ou très faible au niveau du colon et du rectum quelles que soient la situation ou la taille de la lésion. La mucosectomie permet la résection de la muqueuse, de la muscularis mucosae avec une partie, voire la totalité de la sous-muqueuse. Elle permet une analyse histologique de toute la lésion à l’opposé des méthodes de destruction par laser ou par électrocoagulation au plasma d’Argon, mais aussi d’envisager un traitement complémentaire si nécessaire par chirurgie chez les patients opérables ou par radio chimiothérapie chez les patients inopérables. L’aspect endoscopique permet de prédire le caractère résécable ou non et l’analyse histologique précise permet de définir la limite exacte des lésions curables par endoscopies et des lésions nécessitant un traitement complémentaire.

Évaluation endoscopique prémucosectomie

L’évaluation doit permettre de prédire le risque d’atteinte pariétale profonde. Elle permet de poser ou de récuser l’indication de la mucosectomie. Elle repose sur l’aspect endoscopique, écho-endoscopique, l’injection sousmuqueuse et la situation.

L’aspect endoscopique

La taille et la classification endoscopique japonaise permettent de déterminer de façon assez précise, le risque d’envahissement sous-muqueux pour les cancers. Ce risque est quasi-nul pour les tumeurs de moins d’un centimètre, faible pour celles entre 1 et 2 cm. La classification morphologique japonaise distingue les formes polypoïdes (type I), planes (type II) et ulcérées (type III). Les formes planes peuvent être élevées (IIa), planes (IIb) ou déprimées (IIc). Les meilleures indications de la mucosectomie sont représentées par les formes I, IIa et IIb qui s’accompagnent d’un risque d’envahissement sous muqueux inférieur à 10 %.

L’écho-endoscopie

L’écho-endoscopie conventionnelle de 7,5 et 12 MHz permet de différencier les stades T1 des T2 avec une précision diagnostique de 90 %. Les mini sondes de 30 MHz permettent de différencier les stades T1 des T2 dans près de 100% des cas. Elles permettent de différencier les stades T1m des T1sm dans 90% des cas, en sachant qu’il existe un problème de surestimation lié aux phénomènes inflammatoires et fibrotiques péri-tumoraux. En raison de cette surestimation, des lésions classées T1sm par écho-endoscopie ne doivent être récusées pour un traitement par mucosectomie à visée curative. La précision diagnostique des mini sondes concernant les tumeurs intramuqueuses est de l’ordre de 95 %.

L’injection sous muqueuse

L’absence de soulèvement lors de l’injection fait suspecter un envahissement de la musculeuse. Il s’agit d’une contre-indication de la mucosectomie.

La situation

Les lésions villeuses touchant l’orifice appendiculaire peuvent être des contre-indications et justifier une résection chirurgicale si la lésion va dans l’orifice appendiculaire. Les lésions envahissant la valvule de Bauhin, ne sont pas une contre-indication dans la mesure où la résection peut-être complète car il n’y a pas de risque sur une valvule qui est un gros muscle ; le seul risque est de méconnaître une dissémination dans la valvule. Cela nécessite un contrôle régulier jusqu’à ce que l’on soit sûr que l’ensemble des tissus est réséqué. Les nappes villeuses du rectum sont des indications de traitement endoscopique plutôt que de traitement chirurgical. En effet, la qualité des endoscopes permet parfaitement de vérifier la limite de ces lésions et de ne laisser aucun tissu adénomateux, au contraire des résections chirurgicales qui sont faites souvent à l’aide d’une localisation au doigt avec une visualisation par l’orifice anal médiocre. Les nappes villeuses du rectum ne devraient plus être opérées. Des lésions étendues au niveau du colon droit peuvent être une limite à la résection voire des lésions multiples qui peuvent justifier un traitement radical chirurgical. Il faut être extrêmement prudent sur les lésions déjà réséquées où le risque de perforation est très élevé malgré une impression de sécurité lors d’une surélévation après injection dans la paroi, il est possible d’injecter le muscle, de le surélever et couper le muscle. Il faut donc éviter de prendre en un seul fragment ce type de lésion. La résection à l’aide d’un endoscope à double canal opérateur est plus prudente malgré les possibilités de fermeture de perforation qui rend ce geste difficile mais possible.

Indications et limites

Pour les lésions bénignes, les limites sont essentiellement d’ordre technique, liées aux difficultés de résection de lésions très larges, nécessitant une résection en fragments multiples. Le risque de dégénérescence de ces lésions n’est pas une limite ni leur localisation ; des lésions très larges peuvent être exemptes de toute dégénérescence et à l’inverse, des lésions de petites tailles peuvent être irrésécables car dégénérées et infiltrant la musculeuse. Pour les cancers, les indications sont conditionnées par le risque d’extension lymphatique variable en fonction de l’organe, de la taille et de la lésion et surtout de la profondeur de l’extension tumorale. Selon la classification japonaise, les lésions T1 correspondant à la partie résécable par mucosectomie peuvent être divisées en 6 sous-sections suivant le niveau de l’envahissement.

  • T1m1 correspond à une infiltration limitée à l’épithélium. Il s’agit d’un cancer in situ, sans franchissement de la membrane basale avec un risque ganglionnaire nul.
  • T1m2 correspond à une infiltration du chorion sans franchissement de la musculaire muqueuse avec un risque ganglionnaire nul.
  • T1m3 correspond à un envahissement de la musculaire muqueuse, à savoir, la frontière carcinologique (risque ganglionnaire voisin de 0 %)
  • T1sm1 correspond à un envahissement superficiel de la sousmuqueuse. Il s’agit d’un cancer invasif. Le risque d’envahissement ganglionnaire est de 0 à 1 % sur le colon de 0 à 4,5 % sur le rectum en cas d’envahissement vasculaire.
  • T1sm2 correspond à un envahissement de la partie moyenne de la sous-muqueuse.
  • T1 sm3 correspond à un envahissement profond de la sous-muqueuse. Le risque d’envahissement ganglionnaire est de 6 à 25%pour les lésions T1sm2 et T1sm3.
  • T2 correspond à un envahissement de la musculeuse. Il s’agit d’un cancer avancé ne pouvant pas relever techniquement de la mucosectomie. En effet, la mucosectomie risque d’emporter la musculeuse et d’entraîner une perforation.

En résumé, les patients porteurs de lésions T1m1, T1m2 ou T1m3 peuvent être considérés comme guéris par la mucosectomie. Les lésions T1, sm1, sm2, sm3 peuvent nécessiter un traitement chirurgical complémentaire ou une radio chimiothérapie, en fonction du risque opératoire parfois très élevé.

Que faire après l’exérèse d’un cancer du colon ?

Quels sont les critères endoscopiques indiscutables d’un traitement curatif d’un adénome transformé ?

  • Les polypes sessiles qui ont été enlevés en un temps ;
  • La base d’implantation bien repérée ;
  • L’examen sur les coupes sagittales et médianes passant par le pédicule et la base d’implantation ;
  • Le carcinome intra-muqueux T1m1 et T1m2 avec exérèse complète. Dans ces cas, le traitement endoscopique est suffisant.

Quels sont les critères permettant de conclure à un traitement endoscopique suffisant lorsque la sous-muqueuse est légèrement infiltrée ?

  • Exérèse et examen histologique complet ;
  • Cancer bien ou moyennement différenciés ;
  • L’absence d’embole lymphatique ou veineux ;
  • Marge de résection supérieure à 1 mm;
  • Invasion de la sous-muqueuse inférieure à 1 000 microns.

S’il y a un seul facteur manquant associé à un carcinome invasif, la colectomie segmentaire à visée carcinologique est nécessaire. Il faut bien sûr confronter les risques opératoires et les risques évolutifs de l’adénome transformé et discuter de cette décision en réunion pluridisciplinaire de cancérologie digestive (RCP) comprenant les gastro-entérologues, les anatomopathologistes, les chirurgiens, les radiologues de même que les cancérologues. Si les marges sont envahies, si la lésion est indifférenciée et s’il existe une invasion vasculaire, les risques sont très élevés, de maladie résiduelle, de récidive locale, de métastases ganglionnaires, de métastases hématogènes ainsi que de mortalité. Dans le cas où aucun de ses critères n’est inclus, les risques sont faibles. Dans la même série, 58 % des patients présentaient un risque faible, ils ont été opérés dans 21 % des cas, il y avait un cancer résiduel dans 1,2 % des cas, 0 récidive, 0,8 % de métastases ganglionnaires, 0,3%de métastases hépatogènes, et 0,7% de décès. Dans 42 % des cas, les patients étaient à haut risque. Ils ont bénéficié à 71 % d’une chirurgie, il y avait un cancer résiduel dans 21,4 % des cas, une récidive dans 9,2 % des cas, des métastases ganglionnaires dans 11,1 % des cas, des métastases hématogènes dans 7,1 % des cas et un décès est survenu dans 7,2% des cas. En conclusion, l’approche conservatrice des polypes de faible risque est valide. La chirurgie expose à un risque faible les patients ayant un polype de haut risque. La faible différenciation pourrait pousser à d’autres attitudes, en particulier, chimio et radiothérapie. Dans le groupe à haut risque, souvent l’endoscopie suffit. Beaucoup de malades sont opérés alors qu’ils pourraient ne pas l’être.

Conclusion

L’attitude actuelle de ne pas opérer les malades ne présentant pas de facteurs de risques histologiques repose sur des séries souvent anciennes, rétrospectives portant sur un faible nombre de malades. Cette attitude semble cependant valide et n’expose pas ou exceptionnellement ces malades à un risque d’évolution défavorable de la maladie cancéreuse lorsqu’ils sont traités par mucosectomie avec des indications posées et une analyse histologique précise. Ces malades ont cependant un cancer. Ils doivent être informés et la décision thérapeutique doit être prise en RCP.